VII. Discussion
L'analyse qualitative du TOPL-2 nous a permis d'étudier
les différents biais culturels présents dans l'adaptation du test
en français. Cela a révélédes problèmes
liés à la formulation des consignes, au graphisme des items,
ainsi qu'à la cotation. Nous présentons ci-dessous un
récapitulatif des items concernés.
- Item 6 (le retard de Clara) : la
consigne est à reformuler à l'évaluation de la
capacité pragmatique car lors de la passation des tests, aucun des
enfants n'a pu expliquer que la mère de Clara a utilisé l'humour
ou le sarcasme pour reprocher à Clara d'être en retard. Il serait
éventuellement préférable de détailler d'avantage
la consigne, en reprenant les propos de l'enfant (si bien sûr celui-ci a
répondu juste) pour lui montrer qu'il existe une différence entre
ce que la mère veut dire, et ce qu'elle dit réellement. Par
exemple, à la place de demander « Pourquoi l'a-t-elle dit de
cette façon ? » on pourrait dire « Elle lui dit
merci d'être à l'heure, pourtant elle n'était pas à
l'heure, alors pourquoi l'a-t-elle dit de cette
façon ? ».
- Item 7 (le magasin) : l'illustration
du grille-pain s'est révélé être difficilement
identifiable pour les enfants. Il conviendrait de le modifier par un objet
connu de tous tel qu'un micro-onde.
- Item 8 (les amis) :
aucun des enfants n'a reçu la note de 1 point à la
première question, et nous pensons que la cotation est ici trop
sévère pour les plus jeunes.
- Item 9 (Matthieu parle à son
professeur) : des mots sont à changer de place dans la consigne
pour éviter que l'enfant fasse de mauvaises interprétations (car
beaucoup d'enfants ont fait un lien entre le fait que Matthieu parle d'un
contrôle de mathématiques au professeur, prenant cela pour de la
triche). La solution serait de changer la consigne de la manière
suivante : « Matthieu est en train de raconter à son
professeur, une histoire de plage et de voilier. Au milieu de son histoire, il
commence soudain à parler du contrôle de mathématiques.
Puis il se met à parler de ses nouvelles baskets, et tout à coup
il parle du nouveau skateboard de Yann ».
- Item 11 (le match de football) :
à cet item, les enfants doivent exprimer ce que dit Benjamin aux autres
enfants, or il est arrivé plusieurs fois que les enfants fassent parler
les autres enfants plutôt que Benjamin. Il serait peut-être plus
clair de séparer les deux questions de la consigne, en
reprécisant qui doit agir, comme : « Que voit
Benjamin ? » et lorsque l'enfant a répondu :
« Qu'est-ce que Benjamin leur dit ? ».
- Item 12 (les gâteaux) : la
consigne s'est révélée peu claire pour une partie des
enfants. Nous pensons qu'il serait préférable de reformuler les
questions en résumant la situation car sinon, les enfants ne
prennent pas en compte la globalité de la situation, comme :
« Karine a été impolie avec Matthieu. Que lui dit-elle
pour arranger les choses entre eux et obtenir un
gâteau ? ».
- Item 13 et 14 (la conversation interrompue
et le jeu) : nous avons ici eu des difficultés à coter les
réponses des enfants car il y a une certaine ambigüité dans
les cotations (la barrière entre 0 et 1 point est difficile a
définir).
- Item 18 et 21 (parapluie/tente et carte
routière/recette de cuisine) : le mot
« semblable » est utilisé dans la consigne, or la
quasi-totalité des enfants interrogés ne connaissaient pas sa
définition. Il est donc nécessaire de le changer par
« ressemble » ou « pareil que ».
- Item 25 : quelques enfants ont
demandé la signification du mot « voilier » ;
il serait peut-être plus simple de le remplacer par « bateau
à voile ».
Les autres items n'ont pas posé de problèmes de
compréhension particuliers.
La passation du test sur ces enfants de CE1 ont mis en
évidence que les capacités métapragmatiques ne sont pas
totalement acquises entre l'âge de 7 et 9 ans, car il est très
rare que ceux-ci répondent correctement à l'évaluation des
ces capacités. Bernicot expliquait que les connaissances
métapragmatiques se développent à partir de 5 ans. Elle a
réalisé une classification des activités
métapragmatiques (1999). Les deux derniers niveaux sont la
capacité à prédire les conséquences de ces
énoncés (comme juger hors contexte si un
énoncé est adapté à un locuteur donné ou
à une situation donnée) ainsi que la capacité à
engager une réflexion sur la production d'un énoncé. Or,
ce sont ces capacités qui sont souvent sollicitées dans les
évaluations des capacités pragmatiques du TOPL-2. On peut donc
supposer que les connaissances métapragmatiques se développent
petit à petit à partir de 5 ans, et ce, jusqu'à un
âge indéterminé.
Les items 18 et 21 sont des analogies verbales. Peu d'enfants
ont réussi à trouver le lien abstrait entre un parapluie et une
tente à l'item 18 et une carte routière et une recette de cuisine
à l'item 21. Dans la littérature, les opinions divergent quant
à l'acquisition des analogies. Goswami et Brown (1989, 1990) pensent que
dès 3 ans, les enfants sont capables de faire des analogies, et Gelman
& Markman (1987) ont également montré que les enfants de 3
ans et de 4 ans pouvaient raisonner par analogie. Piaget tend à penser
qu'elle apparait vers l'âge de 11-12 ans, hypothèse qui se
rapproche le plusde nos résultats.
Dans les items 20, 23 et 26, on peut se demander si la
compréhension des expressions idiomatiques fait réellement partie
du développement pragmatique, ou si elle fait uniquement l'objet d'un
apprentissage. On peut supposer que les enfants qui ont répondu juste
à ces proverbes les ont déjà entendus dans leur entourage,
ou dans un livre par exemple. L'acquisition de cette connaissance ne serait pas
innée mais acquise grâce à l'environnement. Le
résultat à ces items ne reflète donc pas le niveau de
développement pragmatique de l'enfant.
Un des enfants a pris certaines questions d'évaluation
au sens littéral. A la question « Comment sais-tu que ce
qu'ils disent va marcher ? », il a répondu « Avec
ses pieds, avec ses jambes », et à la question
« Comment peut-il faire pour mieux raconter des
histoires ? », il a répondu « Avec sa
bouche ». Nous avons appris par la suite que cet élève
a un suivi pour ses problèmes de développement du langage.
Trois enfants ont eu des difficultés à
répondre à l'ensemble des items : deux d'entres eux sont des
enfants arrivés et scolarisés en France depuis seulement 2 ans
(leur manque de vocabulaire les a donc empêché de pouvoir
répondre correctement), et un des enfants est atteint de
galactosémie. C'est une maladie causée par une anomalie du
métabolisme des glucides, pouvant entrainer un retard de
développement mental avec des troubles de la parole.
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