E. Expressions idiomatiques
Bernicot (2000) explique que l'origine de la
compréhension des expressions idiomatiques se trouve dans le
contexte.Ackerman (1982) a étudié le rôle du contexte de
production de l'énoncé et le rôle du caractère
conventionnel de l'expression idiomatique chez des enfants de 6 à 10
ans. Il a ainsi montré que le contexte joue un rôle important dans
la compréhension des expressions idiomatiques entre 6 et 10 ans. A
partir de 10 ans, ils peuvent baser leur interprétation sur les
caractéristiques linguistiques de l'énoncé. Le contexte
joue donc un rôle très important jusqu'à ce que l'enfant
soit familiarisé avec les expressions.
Gibbs (1997) a distingué deux types d'expressions
idiomatiques selon leur degré de stéréotypie :
celles dites « à degré de stéréotypie
fort », comme par exemple l'expression « avoir un chat dans
la gorge ». Elles ne peuvent pas être modifiées
syntaxiquement sans perdre leur potentiel illocutoire. Les secondes sont celles
à degré de stéréotypie plus faible, pouvant
être éventuellement modifiées sans perdre leur potentiel
illocutoire, comme par exemplel'expression « briser la glace ». Il
les distingue notamment par leur transparence, à savoir qu'il existe des
expressions dites « opaques », pour lesquelles la
signification littérale n'a aucun rapport avec la signification
idiomatique (exemple : « vendre la mèche »), et des
expressions idiomatiques transparentes pour lesquelles la signification
littérale entretient des relations avec la signification idiomatique
(exemple : « marcher sur des oeufs »).
Ackerman (1982) a réalisé une étude selon
les différents types d'expressions idiomatiques (selon le degré
de stéréotypie et la transparence). Cela aurait montré que
lorsqu'il y a la présence d'un contexte, les enfants de 5 à 9 ans
comprennent plus facilementles expressions idiomatiques à degré
de stéréotypie fort. La stéréotypie n'aurait par
contre que très peu d'effet chez les enfants les plus âgés.
Les expressions idiomatiques transparentes restent mieux comprises que les
expressions opaques à tout âge.
F. Analogies verbales
Milena Vezneva (2001) explique que l'analogie est un type
particulier de raisonnement inductif. Elle permet la
généralisation d'une situation pour pouvoir l'assimiler à
une nouvelle situation, qui est proche de la précédente (par
exemple : le nid est à l'oiseau ce que la niche est au chien). La
capacité à faire des analogies dépendrait de la
capacité de l'enfant à identifier la relation entre deux
items.
Les opinions divergent quant à l'acquisition de
l'analogie. Pour Piaget (1977), elle n'apparait que vers l'âge de 11-12
ans. Goswami et Brown (1989, 1990) pensent que dès 3 ans, les enfants
sont capables de faire des analogies lorsqu'ils possèdent les
connaissances nécessaires sur les relations impliquées dans
l'analogie. Gelman & Markman (1987) ont également montré que
les enfants de 3 ans et de 4 ans pouvaient raisonner par analogie.
1) Pathologies
Les populations étudiées pour détecter
des troubles pragmatiques sont nombreuses et variées. Ces études
peuvent être portées sur des sujets atteints de lésions
cérébrales avec des troubles non-aphasiques, notamment lors de
trauma-crâniens. Elles permettent aussi d'évaluer les troubles
pragmatiques chez des enfants souffrant de nombreux troubles de
développement comme d'une dysphasie d'autisme, d'hyperactivité,
du syndrome de Williams, d'une dystrophie musculaire de Duchenne ou encore du
spina-bifida. Elles peuvent également s'appliquer à
l'étude des troubles psychiatriques avec l'analyse du discours des
patients psychotiques, en prenant en compte les caractéristiques du
discours des patients schizophrènes, paranoïaques et
démentiels.
Dardier (2004) nous dit que « Selon Trognon
(1992), le courant pragmatique se fixe pour objectif de définir de
façon précise la nature du déficit associé à
la pathologie considérée » (p. 102). Les thèmes
d'études sont ainsi variés et passent, par exemple, par l'analyse
de la production du langage ou de la compréhension des actes du
langage.
Mc Tear et Conti-Ramsden (1992) répertorient
différents troubles pragmatiques :
- Les troubles de la production (difficulté du maintien
des thèmes du discours),
- Les troubles de la compréhension (au niveau de la
cohérence du discours ou de la compréhension des actes indirects
comme la demande, l'ironie ou le sarcasme),
- Les difficultés de décentration (non-prise en
compte des connaissances d'autrui et/ou de ses intentions).
L'approche comparative est souvent utilisée en
développement, notamment dans le domaine du handicap. Le choix de la
population de comparaison y apporte toute son importance. Il est possible de
comparer une population d'étude à des sujets tout-venants ou
à des sujets souffrant d'autres pathologies afin de déceler de
manière précise la spécificité des
difficultés pragmatiques observées.
Nadel (1994) différencie trois types d'approches
comparatives pour définir le développement en prenant en compte
à la fois du développement normal et pathologique.
- La première approche s'effectue par des études
transversales de groupes de sujets selon leur âge mental. Il s'agit
d'observer les similitudes et/ou les différences entre des populations
au développement normal ou pathologique. Nadel estime qu'une
continuité existe entre ces deux développements.
- La deuxième approche s'effectue par des études
longitudinales au sein d'un même groupe de patients pour en observer les
différences interindividuelles. Cela permet notamment d'approfondir les
connaissances des troubles liés à la pathologie
étudiée et d'en observer l'évolution.
- La troisième approche s'effectue grâce à
la technique de l'appariement double qui consiste à comparer la
population étudiée avec une population normale, ainsi qu'avec des
populations atteintes d'autres handicaps. Il s'agit d'observer l'influence d'un
trouble d'une pathologie sur la population normale ou sur une autre pathologie,
selon les domaines qui sont préservés et ceux qui sont
altérés.
Nous allons étudier l'exemple de l'impact de l'autisme
sur les compétences pragmatiques. Il est tout d'abord important de
rappeler que tous les autistes n'ont pas de retard mental (cela concerne
environ 75% d'entre eux). Les troubles de langage chez les enfants autistes
varient : certains ont des retards très importants, allant parfois
jusqu'à l'absence totale de langage, tandis que d'autres ont des
capacités langagières préservées. Baron-Cohen
(1988) et Rapin & Dunn (2003) précisent qu'il existe de nombreux
troubles pragmatiques chez les personnes autistes.
Dans Pragmatiques et pathologies, Dardier
présente une recherche faite par Adams,C., Green J., Gilchrist, A., et
Cox, A. en 2002. La recherche a été menée chez des enfants
Asperger de onze à dix-neuf ans ; ils sont comparés à
des enfants avec des troubles du comportement. Deux types de conversations sont
étudiées chez ces enfants pour pouvoir détecter des
troubles conversationnels. Dans la première conversation, l'enfant doit
être capable de représenter des émotions qu'il ressent dans
différentes situations sociales et dans la seconde, il doit simplement
raconter un évènement.
Ici, la détection de troubles pragmatiques passe par
l'évaluation de la qualité des réponses. Les chercheurs
ont défini qu'une réponse sera considérée comme
adéquate si elle répond correctement à la requête du
locuteur et comme inadéquate si elle n'est pas optimale, en raison d'un
problème linguistique, d'un trouble de la compréhension ou d'un
manque de connaissances générales. Un problème pragmatique
se repère notamment lorsque dans sa réponse, le sujet ne prend
pas en compte le contexte social ou communicatif, ou quand il ignore une partie
de la demande de l'expérimentateur. Les résultats de cette
recherche ont montré que dans les deux types de conversations, les
enfants atteints d'autisme font plus face à des problèmes
pragmatiques dans leurs réponses que les enfants avec des troubles du
comportement. Les troubles pragmatiques seraient d'autant plus accentués
dans la conversation où des émotions sont présentes. Les
auteurs l'expliquent par le fait que les personnes Asperger auraient des
difficultés dans la compréhension des émotions. La
recherche a notamment montré que les réponses de l'enfant autiste
à l'expérimentateur peuvent être mal adaptées au
contexte. De plus, il existe souvent un manque d'intérêt pour la
conversation, et des difficultés à comprendre les demandes
indirectes.
D'après Dardier (2004), l'étude des patients
cérébrolésés ouvre une voie supplémentaire
dans la compréhension du fonctionnement du langage et du processus de la
compréhension des demandes. En effet, les patients
cérébrolésés, et en particulier lors de
lésions droites ou frontales, n'examinent pas tous les
éléments de l'énoncé pour le comprendre et n'en
saisissent pas toute la complexité.
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