III.3. Le diagnostic politique
Pour faire un diagnostic cohérent sur le
problème des abords de la basilique St-Augustin, il est
nécessaire d'analyser le rôle et les réalisations des
acteurs responsables de leurs protections et de la protection du patrimoine
bâti, en général, ainsi que leurs réflexions et
compréhension du problème et ses impacts. Pour arriver à
cet objectif, il était nécessaire de faire des interviews avec
ces acteurs, pour renforcer nos observations et constats.
Par rapport à nos observations et constats, les acteurs
responsables de l'application de la politique patrimoniale et urbaine de
l'Algérie sur le terrain, sont à l'abri, sans aucun
contrôle, entretien et sans aucune veille sur la protection de ses
espaces protégés par la loi, du fait qu'on trouve, dans notre cas
d'étude, des bâtiments de très grande hauteur, même
à R+5, qui bloquent complètement la visibilité de la
basilique du coté de l'entrée de la ville au rond point Sidi
Brahim, qui est un espace de circulation très important accueillant un
très grand flux, par rapport aux déplacements locaux ou pour les
visiteurs d'Annaba. Cet édifice a eu son permis, délivré
par la direction de l'urbanisme, avec un avis favorable, sans la consultation
de la direction de la culture, pour raison que cet édifice n'est pas sur
les abords de 200 mètre, même s'il porte atteinte aux
critères de visibilité et de covisibilité. Cela est une
preuve de la standardisation du périmètre des abords à 200
mètre sans prendre en considération la possibilité de
l'étendre en conformité avec la perspective monumentale que
présente la basilique. Autre exemple de négligence et de
méconnaissance, est l'état de délaissement des biens
culturels classés, tel le site archéologique d'Hippone qui
souffre de plusieurs problèmes. L'installation industrielle et des
maisons précaires semblent être une action normale dans un site
qui accueille l'histoire de la ville ainsi qu'il représente un paysage
exceptionnel. Cela est
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
en opposition aux prescriptions du PDAU et POS, qui
deviennent, de plus en plus, des documents théoriques classés
dans les tiroirs, en s'éloignant de leur nature réglementaire.
Pour vérifier ces constats et pour renforcer notre
diagnostic, on a pu faire des interviews avec les acteurs les plus importants
au niveau de la wilaya d'Annaba. La première interview a eu lieu, la
direction de la culture avec Mr Samir Houmria, un archéologue et le chef
de bureau des sites et monuments, le 03 Juin 2013 (enregistrée par un
Samsung WaveII modèle S8530). L'interview se basait sur deux volets, le
premier sur le rôle de la direction dans la protection du patrimoine
bâti de la wilaya d'Annaba, et l'autre sur la considération et la
reconnaissance de l'importance des valeurs des abords de ce patrimoine
bâti. Après un accueil chaleureux et une discussion très
riche en informations, on a pu retirer que la direction attend
l'arrêté de classement de la vieille ville d'Annaba comme un
secteur sauvegardé, et l'établissement d'un plan de sauvegarde et
de mise en valeur du site archéologique d'Hippone et ses abords, ce sont
deux réalisations suite à la proposition de la direction de
culture. On a, donc, commencé l'interview avec de très bonnes
nouvelles.
Sur les dossiers de proposition de classement ou
d'inscription, Mr Houmria nous a confirmé l'implication d'un bureau
d'étude pour la réalisation du diagnostic architectural et pour
donner une meilleure description architecturale du monument. Selon la loi 98-04
le contenu de ce dossier doit avoir une indication sur le rayon des abords, et
sur la superficie protégée, chose maintenue et appliquée
par le service des sites et monuments historiques de la direction. Cependant,
le rayon des abords est, automatiquement, proposé à 200
mètre sans aucune étude élaborée pour
déterminer le rayon convenable à la spécificité du
monument. Pour la sauvegarde des monuments et leurs abords, on a posé la
question sur le contrôle, le suivi et l'entretien de ces biens culturels,
Mr Houmria nous a confirmé que son service veille sur les monuments et
sites historiques d'Annaba et qu'il fasse des rapports de contrôle,
cependant lors de mentionner le site d'Hippone, il semblait avoir des doutes
avec ses propres propos, car il n'existe aucun rapport sur le site d'Hippone et
ses abords, en disant qu'il ne s'agit pas d'un bien sous leur protection mais
de celle de l'Office national de Gestion et d'exploitation des Biens Culturels
protégés OGEBC et que la situation du site va être
réglée avec l'élaboration du plan de sauvegarde et de mise
en valeur.
En insistant sur les abords de la basilique St-Augustin, on a
posé la question sur la relation entre la direction de culture avec la
direction de l'urbanisme, où il nous a expliqué que la direction
d'urbanisme demande leur avis sur les permis de construire se situant
«à proximité»
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La basilique St-Augustin et ses abords à Annaba, une
problématique de lieu et de CHAPITRE
paysage SIXIEME
d'un monument ou un site historique classé ou inscrit.
Le service des sites et monuments se base, uniquement, sur le critère de
visibilité indiqué dans la loi, et leur avis sera lié
à l'hauteur de la construction proposée sans indication ou
réserves sur son architecture, qui puisse porter atteinte sur le
caractère historique de cette zone distinguée. En posant la
question sur l'immeuble de R+5 qui bloque la visibilité de la basilique
et du site d'Hippone du coté du rond point Sidi Brahim, Mr Houmria nous
a dit qu'il s'agit d'un édifice hors la zone des abords et notre avis ne
peut être que favorable, surtout, quand le service ne savent rien sur les
prescriptions du POS, malgré qu'il est à leur disposition. Dans
ce cas, où le rayon standardisé des abords semble être
insuffisant pour ce monument particulier, pourquoi s'abstenir à proposer
une étendue plus large ? De sa part, Mr Houmria nous a expliqué
qu'après le classement, le service peut proposer un rayon plus large,
mais après ce classement, les abords resteront oubliés. Cela
explique l'état des abords du patrimoine bâti d'Annaba et le rayon
uniforme quelque soit la nature du monument et son emplacement. A la fin de
l'interview, Mr Houmria expliquait qu'il est optimiste pour l'avenir du site de
la Tabacoop et qu'il supporte notre proposition concernant les abords de la
basilique St-Augustin, en indiquant l'importance de l'implication de la
société, dans ce genre de propositions, qui reste absente.
La deuxième interview, était avec Mr Faouzi
Mesran, architecte et chef du service de l'urbanisme, à la direction
d'urbanisme et de la construction (DUC) de la wilaya d'Annaba, le 03 Juin 2013
(enregistrée par un Samsung Wavell modèle S8530). Sur les
mêmes volets de la première interview, Mr Mesran nous a
expliqué que la législation urbaine protège les monuments
et sites historiques comme la loi 90-29 le réclame. Il nous a
indiqué que la DUC assure une protection réglementaire du
patrimoine bâti de la wilaya d'Annaba, selon son implication dans les
élaborations des PDAU et des POS, avec la consultation de la direction
de la culture, d'où leur avis est déterminant. Sur le POS de la
Tabacoop, réalisé en 2010, le chef de service d'urbanisme nous a
expliqué que son service avait insisté sur le Bureau
d'étude qu'il faut respecter l'aspect culturel et paysager du site, avec
des implantations de musées, des ateliers d'artisanat, d'une
bibliothèque, ainsi que des équipements de loisir tel le
cinéma, des parcours de détente et de promenade. Il nous a
confirmé que les abords de 200 mètre de la basilique sont une
zone non ædificandi, à ne pas toucher, pour ce qu'elle
représente comme représentation paysagère de
l'identité territoriale d'Annaba. Le problème, c'est qu'il nous
disait, sur l'utilité du POS, que «les prescriptions du POS ne
sont pas des droits » qui veut dire que le POS ne rempli pas sa tache
réglementaire, surtout que ces
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
propositions demeureront sans réalisations, ce qui
ouvre la porte pour d'autres exploitations du site, qu'elles ne soient ni
compatibles avec le caractère du site, ni avec les prescriptions du
POS.
Sur les abords, Mr Mesran nous explique que le critère
de visibilité est le déterminant pour l'acceptation d'un permis
de construire à proximité d'un monument classé ou inscrit.
Sur l'état des abords de la basilique, et le site de la Tabacoop, il est
convaincu que le rayon de 200 mètre semble insuffisant pour la
protection de la spécificité de ce monument. Il a même
montré un certain regret sur l'édifice de R+5 au Nord du site et
sur le lotissement au Sud et il dénonce les nouvelles implantations qui
ne soient pas conformes avec les propositions du POS et le caractère du
site, telles les deux stations à essence sur le terrain
considéré paysager, où il s'exprime en disant, que
malheureusement, on doit appliquer la loi à la lettre. La tache de la
direction d'urbanisme semble très limitée, face aux
dépassements continus sur les sites et espaces protégés de
la ville. A la fin de l'interview, il nous a exprimé ses voeux sur le
développement et l'efficacité des POS, où il pense que
l'expérience de l'Algérie en matière de POS et PDAU est
encore limitée, en songeant d'un meilleur avenir pour la ville
algérienne, en général, et la protection du patrimoine
bâti et ses abords, en particulier.
Les acteurs semblent avoir une conscience patrimoniale
développée, mais leurs travaux expriment le manque de
précision des textes et réglementations sur le secteur de la
protection du patrimoine bâti, et surtout sur la protection de ses
abords. La volonté existe mais les mains sont attachées à
une réglementation insuffisante et qui demeure inappliquée. On
peut dire, quand même, et d'après ce diagnostic, que les acteurs
responsables de la protection des abords du patrimoine, au niveau de la wilaya
d'Annaba, présentent une méconnaissance complète des
valeurs des abords du patrimoine bâti, où le seul
intérêt retenu est bien le critère visuel, sans aucune
considération de leur participation dans la mise en scène des
valeurs historiques et paysagères d'un monument, telle la basilique
St-Augustin. Cette méconnaissance est la cause principale,
accompagnée par l'absence de l'engagement de la société
dans son paysage patrimonial, de la dégradation des abords du patrimoine
bâti. Cela est une véritable menace sur le patrimoine bâti
de la ville, du fait qu'il influe négativement sur la reconnaissance des
valeurs du monuments, où les lieux de mémoire ne seront plus
vécus ou même considérés, et les paysages
identitaires seront perturbés et perdront leur aspect mémoriel.
C'est dans ces conditions là que les non-lieux se produisent, où
les sociétés se trouvent sans aucun repère identitaire
pour leur territoire.
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La basilique St-Augustin et ses abords à Annaba, une
problématique de lieu et de CHAPITRE
paysage SIXIEME
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