Annaba est, et sera, à jamais marquée par le
rayonnement religieux, culturel et humanitaire du docteur de l'Eglise africaine
; Saint Augustin. Il reste encore ancré dans la mémoire
collective de la société d'Annaba, grâce à un
monument commémoratif construit par la communauté
chrétienne à la période de la colonisation
française de l'Algérie. Le monument est une basilique sur
l'hauteur du promontoire de la cité antique d'Hippone, où Saint
Augustin vécut et officia. Cette majestueuse colline, accueillant la
basilique St-Augustin, surplombe le site archéologique d'Hippone, la
vaste plaine du Nord et l'admirable baie littorale d'Annaba en avant plan de la
ligne montagneuse de l'Edough. Cet emplacement est hautement significatif ; sur
le plan historique et mémoriel et sur le plan paysager, où la
basilique est au centre des composants paysagers de la ville.
Depuis l'antiquité punique, la colline eut une
signification cultuelle, elle accueillit le temple païen jusqu'à la
fin de l'ère antique. A l'édification de la basilique, la colline
devenait un lieu de pèlerinage. Monseigneur Dupuch, premier Evêque
d'Alger, fit ériger, un petit autel de marbre blanc surmonté
d'une statue de Saint Augustin, coulée dans le bronze des canons
La basilique St-Augustin et ses abords à Annaba, une
problématique de lieu et de
paysage
CHAPITRE SIXIEME
151
![](Pour-une-reconnaissance-politique-et-sociale-des-valeurs-des-abords-du-patrimoine-bti-en-Algerie36.png)
Fig.27. Ancienne vue de la basilique. Source: internet.
aujourd'hui Annaba, avec un projet grandiose : ressusciter
Hippone qui alors gisait sous les débris des âges et des
civilisations, lui restituer le blason de gloire qu'elle avait dans
l'antiquité et jeter les fondations d'un grand complexe, comprenant une
basilique, une bibliothèque, un monastère et une maison
d'accueil. Ce complexe devait s'étendre tout au long de la colline
d'Hippone. Ce projet n'a jamais vu le jour faute de financement. Toutefois, Mgr
Dupuch avait réussi à obtenir
de Pavie, au Nord de l'Italie, l'avant bras de Saint
Augustin, que l'on peut voir dans la
Basilique. Ce fut le Cardinal Lavigerie qui mit en chantier
la construction de la Basilique. Le
30 octobre 1881151, dans l'après-midi, Mgr
Combes, consacré dans la matinée Evêque du
diocèse de Constantine et d'Hippone, bénit la
première pierre de la basilique. L'abbé Pougnet,
du diocèse d'Avignon, fut l'architecte de ce
chef-d'oeuvre. Celui-ci avait prévu une église
bien intégrée dans l'histoire et dans le milieu
naturel et culturel d'Hippone et de ses environs.
Encore une fois, à cause du financement restreint,
l'architecte avait fait beaucoup de
modification sur le chantier de la construction, telles
qu'elles sont expliquées dans un rapport
de l'Abbé Redon mentionné dans le livre «
l'architecture religieuse au XIXe siècle » (Foucart
et Harmon, 2006) comme suit : «On a supprimé,
et c'était le désespoir de l'architecte, les
galeries de la nef et du choeur, qui devaient être
semblables à celles de la cathédrale de
15° FOUCART Bruno et HARMON Françoise (dir.),
«l'architecture religieuse au XIXe siècle », Paris,
Presses
de l'Université Paris-Sorbonne, 2006, P64. 151 Ibid.
152
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
Carthage. On a supprimé toute l'ornementation
très orientale, que l'architecte avait tracée, sur les ogives de
la nef et plus particulièrement dans la coupole... On regrette aussi les
modifications qu'on a été forcé de faire, toujours par
manque d'argent, à différentes parties de la façade. Ainsi
on a supprimé une série de clochetons et on les a
remplacés par des pilastres coniques très lourds. A la place des
écussons de Mgr Gazaniol et le Mgr Combes, qui y ont été
mis après coup, M Pougnet avait indiqué un très joli motif
de décoration arabe qui devait être taillé dans la pierre
et orner les pilastres. »152
On ne peut pas ne pas admirer la grande synthèse et la
symbiose que l'architecte a réussi en combinant les styles mauresque,
byzantin et romain dans le cadre de l'orientalisme architectural de l'Eglise,
dont la cathédrale de Carthage fut l'inspiratrice, surtout qu'il s'agit
de la période de la seconde politique culturelle de la colonisation
française (politique indigène). L'architecte voulait ainsi
représenter Saint Augustin comme un homme de dialogue, au carrefour des
différentes civilisations. La basilique St-Augustin accueille à
son côté sud, une maison pour personnes âgées, tenue
par les Petites Soeurs des Pauvres. La Basilique fut consacrée le 29
mars 1899153 Depuis lors, elle sert au culte chrétien. En
1933, l'Evêque de Constantine et d'Hippone confiait la garde de la
Basilique à l'Ordre de Saint Augustin (Les Augustins),
représenté par la Province augustinienne de Malte. Tout en
conservant sa vocation cultuelle, la Basilique Saint Augustin veut être
aujourd'hui un lieu de rencontre et de dialogue entre les différentes
religions, cultures et civilisations. Elle demeure aussi une
représentation paysagère de l'identité locale et
nationale.
La valeur d'âge de la basilique, ne revient pas
seulement à la date de sa construction, mais à la vie et à
la prospérité de Saint Augustin. Son historique, son emplacement
et son architecture récitent le passage de différentes
civilisations et témoignent leur ancrage dans la mémoire
collective et dans le paysage urbain d'Annaba.