Dans le cadre de la décadence du paysage urbain
d'Annaba, le patrimoine bâti de la ville et ses abords sont en un
état très déplorable, malgré leur importance
historique, mémorielle, paysagère et identitaire. Cette
détérioration de la signification du paysage urbain annabi, ainsi
que l'état désolant de ses composants patrimoniaux et historiques
transforment une ville de 25 siècles d'histoire en un non-lieu produit
à l'ombre de la disparition des lieux de mémoire, que constituent
le patrimoine bâti et ses abords. L'un des monuments historiques les plus
importants de la ville d'Annaba est la basilique St-Augustin, ou comme
appelée par la population locale Lella Bouna (cf Index), qui
représente une image très séduisante et significative dans
la mosaïque historique et paysagère de la ville. C'est un
édifice d'une architecture particulière sur une colline
surplombant la cité antique d'Hippone, où St-Augustin officia et
écrivit ses oeuvres les plus importantes pour de longues
années.
La particularité de ce monument ne réside pas,
uniquement, en sa forme et signification architecturale, car elle est en
très forte relation historique, mémorielle et paysagère
avec sa colline et, aussi, avec tout le site, y compris le site
archéologique d'Hippone. Le choix de ce monument s'explique avec la
conformité de cet exemple au problème posé, le
problème des abords du patrimoine bâti. Cette conformité
est aujourd'hui apparente après le programme de restauration de la
basilique, sans aucune prise en compte d'un programme pour la protection de ses
abords. En restaurant la basilique, son cadre architectural est maintenu et
valorisé à l'opposé de son cadre mémorielle,
où le contexte historique de cette oeuvre commémorative demeure
ambigu pour la majorité de la population et à l'opposé,
aussi, de son contexte paysager, où ses abords restent l'accueil des
installations industrielles, des hangars et des logements illicites, en
ignorant leurs valeurs perceptive, mémorielle et paysagère et
sans aucune considération de la protection juridique de ces lieux et
sans aucune sensibilisation de la société. Les pages à
suivre consisteront à l'analyse de la situation de rupture entre le
monument et ses abords et de l'impact de la détérioration de ces
derniers sur la lecture historique et les valeurs du monument et à
répondre à la question clé de la recherche.
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
Aurelius Augustinus, né en 354 J.0 à
Thagaste141, Souk Ahras aujourd'hui, dans une famille de pures
racines Numides latinisées, d'une mère chrétienne
nommée Monique et d'un père, Patricius, fidèle à la
croyance de ces ancêtres. Ce fut une famille assurant une vie modeste
pour ces trois enfants : Augustin l'aîné, Navigius son
frère et une fille que les documents historiques ne mentionnent pas le
nom. Dans un milieu, relativement, humble, Augustin fut un enfant particulier
par son intelligence et son esprit brillant, il finit ses études
primaires sans aucune contrainte et continua ses études secondaires dans
les écoles
146
(M'daourouch). Vu les moyens financiers restreints de ses
parents, le futur Saint dut interrompre ses études, mais c'est
grâce à un homme généreux de Thagaste qu'Augustin
put continuer ses études supérieures à Carthage.
Il choisit la rhétorique comme domaine,
considérée de son temps le niveau supérieur de la culture
antique. Carthage à cette période, fut la métropole de
l'Afrique romaine, une grande ville de diversité culturelle et
civilisationnelles, mais aussi d'une ambiance et d'un mode de vie
étrangers au jeune homme de la petite cité de Thagaste. Pendant
son séjour à Carthage, Augustin évolua et s'adapta
à ce mode de vie, où il rencontre une jeune carthaginoise, qui
sera sa compagne de plus de quinze ans et la mère de son fils
Adéodat (Dieudonné).
A travers ses lectures, il découvrit la philosophie de
Cicéron dans l'ouvrage « Hortensius » ainsi que sa maitrise
profonde de la langue latine. En quête de vérité, de
sagesse et tenté par les honneurs, Augustin décida de quitter
l'Afrique pour s'expatrier en Italie. Après quelques temps à
Rome, ses amis lui procurèrent une meilleure situation comme orateur
à la cour impériale de Milan. Refusant une foi aveugle, il
consacra tous ces moyens intellectuels et
141 DJEDAIET Mahmoud, « Saint Augustin » : fils
de Thagaste et de Numidie, Annaba, L'Imprimerie Seybouse, 2008,
P16.
142 ibid. P69.
147
La basilique St-Augustin et ses abords à Annaba, une
problématique de lieu et de CHAPITRE
paysage SIXIEME
spirituels à la recherche de la vérité.
Auparavant, Augustin était chrétien, comme sa mère, mais
sans conviction. C'est à Milan qui découvrit l'amour du Dieu
à travers sa recherche spirituelle de la vérité. Il nota
dans ses Confessions : «Que j'ai tardé à t'aimer,
ô beauté éternelle... ». Désireux d'entrer
dans l'Eglise Catholique avec un projet de vie monastique, Augustin consacra
tous son temps à sensibiliser ses proches amis, également
versés dans les sciences philosophiques, à se joindre à
lui pour mener une vie communautaire consacrée à la recherche de
la vérité et de la beauté spirituelle. Ces dans cette vie
qu'Augustin plaça, désormais, son idéa1143
Enfin baptisé à Milan, à pâque en
387144, Augustin nota : «Nous reçûmes le
baptême, et nos soucis concernant notre vie passée s'enfuirent
loin de nous ». Après ce baptême, le fils de Thagaste
décida de retourner à sa ville natale. Dans la voie de retour,
à Ostie le port de Rome, sa mère Monique décéda,
après une longue vie consacrée à la conversion de son fils
sous l'appui de Saint Ambroise, l'Evêque de Milan. Revenu à sa
ville natale, le fils de Thagaste vendit les propriétés de ses
parents, et organisa une communauté monastique, dans laquelle il pensa
pouvoir passer le reste de sa vie. Cependant, cette période fut
très courtes, trois145 ans de 388 à 391.
Selon son biographe et ami, Posssidius Evêque de Calama
(Guelma), en Janvier 391, lors d'une visite à Hippone, Augustin fut
saisi par la communauté chrétienne de la ville et
présenté à Valérius, l'Evêque du lieu.
Celui-ci, âgé et parlant mal le latin et encore pire le punique,
eut demandé à ses fidèles de choisir qui pourra le
seconder dans sa tâche pastorale. Ce fut ainsi qu'Augustin fut élu
prêtre sous Valérius pour cinq ans jusqu'à sa mort,
où Saint Augustin lui succède. Le fils de Thagaste devint Saint
Augustin d'Hippone, à cette ville le saint demeura dévoué
au service de sa communauté d'Hippone, même s'il multiplia les
voyages, prédications, conciles, négociations, missions et en
établissant une énorme correspondance avec tous ceux qui
l'interpellèrent à travers tout le bassin
méditerranéen. Il fut le premier à relier et à
promouvoir la prospérité culturelle et cultuelle d'Hippone dans
la région méditerranéenne. Malgré ses multiples
missions hors Hippone, Saint Augustin eut un très grand rôle dans
la réconciliation entre les donatistes et les chrétiens
d'Hippone. A l'intérieur de sa basilique Basilica Major ou basilique de
la paix, le saint eut enseigné la population
143 DEHMANI Said, Op. Cit. P35.
144 DJEDAIET Mahmoud, Op. Cit. P176.
145 DELESTRE Xavier, Op. Cit. P25.
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LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
d'Hippone la religion, mais plus encore la façon de
vivre en paix, en amour et en prospérité. Pour quarante ans de
servitude à l'Eglise d'Afrique et à Hippone et sa population,
Saint Augustin rendit l'âme à l'âge de 76 ans, le 28 Aout
430 dans Hippone assiégée par les Vandales dans sa basilique de
la paix. Son corps fut inhumé à Hippone, dans la basilique de la
paix146, dont les vestiges archéologiques d'Hippone en
témoignent. En l'an 500, sa dépouille fut enlevée de son
pays, « chose non prescrite dans son testament
»147, et emportée en Sardaigne avec ses
précieux ouvrages. En 718, sa dépouille fut
transférée en Lombardie, où il repose actuellement dans la
basilique San Pietro In Cielo d'Oro de Pavie. «Son sarcophage de
marbre, orné de 95 statues et de 50 bas-reliefs, chef-d'oeuvre de la
sculpture lombarde du quatorzième siècle, attire à Pavie
l'hommage fervent de visiteurs du monde entier à ce Numide, grand tribun
de la chrétienté »148. St-Augustin nous a
légué un héritage universel, des écrits de
dimensions considérables, sujet de débats et de recherche pour
les générations futures. A travers ses «confessions
», il nous a raconté sa vie, sa jeunesse, ses remords, ses
désirs, les événements, l'environnement, le bien, le mal,
la joie, la mort, la morale, la sagesse et l'amour. Dans «la
cité de Dieu », il s'oppose à la vie terrestre en
songeant la grandeur de la cité céleste. Il marque le
christianisme et l'histoire religieuse, philosophique et théologique par
de nombreux ouvrages, traitant et analysant divers sujets inspirés de
l'actualité de son temps se révèlent encore actuelles de
nos jours, qui témoignèrent ses idées et ses idéals
sur la vie humaine en général.
Jusqu'aujourd'hui, la date du 28 Aout demeure une date de
célébration et fête solennelle de St-Augustin, à la
basilique portant son nom sur la colline surplombant la cité d'Hippone.
St-Augustin est la fierté de l'antique Numide, digne fils de
l'Algérie.