IV. Les abords du patrimoine bâti dans la
politique urbaine
La politique urbaine est « ... une politique
publique visant à agir sur les dysfonctionnements urbains
(fragmentations, ghettoïsation), les formes d'exclusion sociale et de
marginalisation de territoires sensibles. Elle est une réponse politique
à des situations explosives mettant en opposition des populations en
difficulté localement circonscrites à la puissance publique ou
à des populations dites favorisées
»119. Donc, il s'agit de la politique
gérant toute action urbaine.
Pour une meilleure compréhension de la politique
urbaine algérienne, dans son contexte globale et générale,
on propose de présenter son évolution. On peut distinguer
trois120 phases historiques de l'évolution de la politique
urbaine en Algérie : la phase de l'expérimentation et la
reconstruction du pays, la phase de prise en charge juridique de l'urbanisme et
la phase de déconcentration des acteurs de la politique urbaine.
119 HAFIANE Abderrahim, «éléments de lecteur
d'une politique de la ville en Algérie », in. BADUEL Pierre Robert
(dir.), la nouvelle scène urbaine Maghreb, France, USA, Paris,
KARTHALA, 2011, P235.
120 Ibid. P236.
113
La protection des abords du patrimoine bâti dans la
politique patrimoniale CHAPITRE algérienne et
leur place dans les actions d'urbanisme QUATRIEME
· Une gestion expérimentale des
espaces urbains de la part d'un seul et unique acteur de la politique urbaine :
1969-1990: cette phase était marquée par la
volonté de reconstruire le pays en créant des structures et
d'institutions pour gérer l'urbanisme en Algérie. Le rayon des
« études urbaines » ne touchait pas tout le territoire
national, car il s'agissait d'une expérimentation en matière de
la gestion urbaine. A partir de 1969, l'état a créé des
institutions chargées de l'urbanisme comme l'ETAU (l'Etablissement
Technique d'Architecture et d'Urbanisme) suivi par la CADAT (la Caisse
Algérienne D'Aménagement du Territoire), qui seront ensuite
déchargées de la gestion urbaine et de la production des PUD
(Plan d'Urbanisme Directeur), pour des raisons de manque de professionnels
spécialisés en urbanisme, de faiblesse de ressources
financières et des difficultés d'aboutir des études
urbaines proprement dites. Pour ces raisons, l'Algérie fait un recours
à l'expérience étrangère (Bulgarie,
Tchécoslovaquie, la France, le Brésil et le Canada).
L'expérience étrangère était encadrée en
premier temps par la CADAT, ensuite par le CNERU (Centre National des Etudes et
des Recherches appliquées en Urbanisme). En résumé, cette
phase était caractérisée par la volonté
d'institutionnaliser l'urbanisme et aussi garantir une formation de base pour
les cadres responsables. L'étude, la décision et la
réalisation étaient prises par un acteur central,
l'état.
· Arsenal législatif et
réglementaire et des nouveaux instruments d'urbanisme :
1990-2006: la période des années 1990,
était la période d'une production législative et
réglementaire sans précédente. Par rapport au secteur
d'urbanisme, on peut citer deux lois principales qui ont complètement
marqué un grand changement de la politique urbaine en Algérie :
la loi 90/25 du 18 Novembre 1990 portant orientation foncière et la loi
90/29 du ler Décembre 1990 relative à
l'aménagement et l'urbanisme. La loi 90/25 a libéré le
secteur foncier, permettant la création d'un marché foncier. Elle
a aussi classifié le territoire par vocation : terre agricole,
culturelle, scientifique, urbaine, touristique, naturelle, historique et
patrimoniale. La loi 90/29 est une loi-cadre dans le secteur de l'urbanisme
avec son introduction de deux instruments d'urbanisme : le PDAU (Plan Directeur
d'Aménagement et d'Urbanisme, décret 91-177 du 28 Mai 1991)
concernant une ou plusieurs communes et le POS (Plan d'Occupation des Sols,
décret 91-178 du 28 Mai 1991) concernant une partie de commune, un
secteur urbain ou un quartier. Ces deux instruments réglementent les
actions d'urbanisme à l'échelle locale de chaque commune.
Cette
114
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
déconcentration, même partielle du fait que le
pouvoir central contrôle quand même le coté financier, a
mené à la libération de la décision dans le secteur
d'urbanisme. L'autre aspect de la libération, caractérisant cette
période, est bien marqué par l'ouverture à l'initiative
privée dans la production du cadre bâti et des aménagements
urbains, avec l'émergence de promoteurs immobiliers et la
création des bureaux d'études urbaines privés, sans
oublier l'importance apportée sur l'urbanisme dans le secteur de
l'enseignement supérieur, avec l'ouverture des départements et
des institutions d'architecture et d'urbanisme dans un bon nombre de villes et
l'ouverture des post-graduations portant l'amélioration de la formations
en urbanisme, surtout dans les années 2000.
· Vers une déconcentration de
l'urbanisme en Algérie : à partir de 2006 :
principalement, avec la loi 06/06 du 20 Février 2006
portant loi d'orientation de la ville, l'état marque sa volonté
à la déconcentration du secteur de l'urbanisme. La
déconcentration est débutée par l'intérêt du
ministère de l'aménagement du territoire, du tourisme et de
l'environnement et du ministère de l'urbanisme et de l'habitat sur les
quatre villes les plus grandes (Alger, Oran, Constantine et Annaba), visant
l'établissement d'une nouvelle démarche de planification urbaine,
en élaborant, pour chaque ville, un Schéma de Cohérence
Urbaine (SCU) et pour tracer les perspective d'évolution des grandes
villes à caractère métropolitains par l'élaboration
d'un Schéma Directeur d'Aménagement des Aires
Métropolitaines (SDAAM). Cela a pu façonner une nouvelle
réflexion de la politique urbaine en Algérie, une
réflexion de planification et de projection pour le futur de la ville
algérienne.
Cette évolution nous a permis à mieux
comprendre, en général, la politique urbaine algérienne en
matière d'intentions et de moyens. Le problème le plus pesant
dans cette politique est l'urbanisation illicite et démesurée
dans les périphéries des grandes villes, suite à la grande
demande en logements, qui semble être la première priorité
de la politique urbaine en Algérie, ces dernières années.
Depuis l'indépendance, l'urbanisme en Algérie est
caractérisé par l'urgence due à la reconstruction du pays,
tout en répondant aux besoins de la population en matière de
logements, d'équipements et de services. 50%121 de
l'urbanisation en Algérie est faite par une croissance informelle, qui
présente la difficulté et le défi pour la gestion urbaine.
Les exigences législatives et réglementaires de la politique
urbaine algérienne
121 HAFIANE Abderrahim, «Les projets d'urbanisme
récents en Algérie », Alger, in. 43rd ISOCARP Congress,
2007.
115
La protection des abords du patrimoine bâti dans la
politique patrimoniale CHAPITRE algérienne et
leur place dans les actions d'urbanisme QUATRIEME
se trouvent impuissante face à ce problème
sérieux menaçant la qualité de l'environnement bâti
et la protection des abords du patrimoine bâti.
IV.1. Le patrimoine bâti dans la politique urbaine
algérienne
Le patrimoine bâti marque sa présence
matérielle sur le territoire, les monuments et sites historiques
constituent les points de repère historiques et mémoriels dans
les tissus urbains. Il participe, aussi, à la production d'un
caractère spécifique au paysage urbain, c'est pourquoi le premier
article de la loi 90/29 expliquant ses objectifs pour «...
édicter les règles générales visant à
organiser la production du sol urbanisable, la formation et la transformation
du bâti dans le cadre d'une gestion économe des sols, de
l'équilibre entre la fonction d'habitat, d'agriculture et d'industrie
ainsi que de préservation de l'environnement, des milieux
naturels, des paysages et du patrimoine culturel et historique sur
base du respect des principes et objectifs de la politique nationale ».
Le patrimoine bâti doit, donc, figurer dans la liste des missions et
des objectifs de la gestion et la planification urbaine au sein de la politique
urbaine algérienne. La planification urbaine,
déconcentrée, en Algérie se fait, essentiellement, par
deux documents ou instruments :
· PDAU: Plan Directeur
d'AménaMement et d'Urbanisme : c'est un instrument de
planification spatiale et de gestion urbaine, qui fixe les orientations
fondamentales de l'aménagement du territoire, concernant une ou
plusieurs communes. Il détermine la vocation générale des
sols, tout en définissant les objectifs d'aménagement
fixés par les autorités locales.
· POS : Plan d'Occupation des Sols
: un instrument qui détermine, en détail, les
droits d'usage des sols et des constructions dans le respect des dispositions
du PDAU. Il détermine les règles et les conditions de
l'occupation des parcelles. C'est, donc, un instrument qui gère la
qualité de l'environnement bâti et il doit délimiter et
préciser les espaces publics, verts, le tracé viaire, les
servitudes, les terres agricoles et les monuments et sites historiques à
localiser et à protéger, ainsi qu'à leur abords.
Ces deux documents constituent le cadre dans lequel les
services techniques de l'APC (Assemblée Populaire Communale) et la
subdivision de la DUC (Direction de l'Urbanisme et de la Construction), pour
chaque commune, étudient et élaborent des avis, favorables ou
défavorables, sur les demandes des actes d'urbanisme : permis de
construire, de lotir, de démolir, certificat d'urbanisme et certificat
de conformité. En 2008, d'autres actes étaient
116
LA BASILIQUE ST-AUGUSTIN ET SES ABORDS A ANNABA
Pour une reconnaissance politique et sociale des valeurs des
abords du patrimoine bâti en Algérie
ajoutés, dans le cadre de la loi 08/15 du 20 Juillet
2008 fixant les règles de mise en conformité des constructions et
leur achèvement, qui soient le permis d'achèvement, permis
d'achèvement à titre de régularisation, permis de
construire à titre de régularisation et le certificat de
conformité dans le cadre de la régularisation. Tous ces permis et
certificats sont délivrés en respectant les objectifs du PDAU et
les règles du POS.
Comme on a vu, la loi 90/29 porte un intérêt
à la protection du patrimoine bâti comme un objectif, lors de la
planification et la gestion de la production des sols urbanisables. La
même loi insiste sur le respect de la politique patrimoniale (ART. 4, 46,
47...) et sur la conservation du caractère des sites. La politique
urbaine algérienne respecte et protège le patrimoine bâti
dans sa législation et avec ses instruments. Cette considération
demeure insuffisante, car « ... l'aspect vague, voire " naïf ",
par rapport au sujet ne peut que nous inciter à nous demander à
quoi pourrait donc servir ces recommandations du moment qu'il est presque
impossible de les appliquer ? A titre d'exemple comment mettre en valeur un
site tel que la Casbah d'Alger lors de la conception d'un immeuble de bureau ou
la projection d'un lotissement dans la vallée du Mzab ? »122.
Cela explique la complexité de la mise en place de ces recommandations.
Cette complexité, peut être, le résultat de l'absence d'une
interaction entre les deux lois-cadres de la politique patrimoniale et de la
politique urbaine. Dans la loi 98/04 l'article 23, qui stipule l'obligation de
l'accord des services du ministère de la culture, lors de
l'élaboration d'un permis de construire, d'un permis modificatif ou un
permis de lotir dans la proximité d'un monument ou un site historique ou
dans son rayon des abords. On ne trouve aucune précision ou
modalité concernant cette recommandation dans la loi 90/29, au contraire
on trouve que des «vagues » indications sur la
nécessité de la protection du patrimoine bâti. Aussi dans
l'élaboration des POS, une consultation de toutes les directions de tous
les secteurs, est obligatoire, où on trouve des représentants de
la culture, de l'urbanisme, de l'environnement, de l'hydraulique, des
forêts,... etc., mais qu'elle ne dépasse pas le seuil de
formalité, du fait qu'on trouve dans quelques POS des terrains
destinés au lotissement ou aux activités nuisibles au patrimoine
bâti, approuvés et même consultés à la
présence d'un représentants de la direction de la culture.
Le patrimoine bâti dans la politique urbaine
algérienne, ne dépasse pas le seuil de
généralité sans aucune mise en application reconnaissant
cette essence comme élément
122 DEKOUMI DJAMEL, op. Cit. P174.
117
La protection des abords du patrimoine bâti dans la
politique patrimoniale CHAPITRE algérienne et
leur place dans les actions d'urbanisme QUATRIEME
historique, mémoriel et paysager, qui produit le
caractère du tissu urbain. Cela nous conduit à la
problématique des abords du patrimoine bâti dans le cadre de
l'urbanisme.
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