I.2. CADRE THEORIQUE : USAGE ET APPROPRIATION
SOCIALE DES TIC
Pour saisir l'objet de notre étude, nous nous
inscrivons dans la perspective de la théorie des usages et appropriation
sociale des TIC. D'aucuns pensent que l'usage est un phénomène
complexe qui se traduit par une série de médiations complexes
entre les dispositifs techniques et les acteurs humains. Aussi, la notion
d'usage est un construit théorique et empirique.
Les usages de l'Internet font partie d'un ensemble plus vaste
que constituent les usages des TIC, dont l'Internet serait le point de
convergence et le modèle. Selon Francis JAUREGUIBERRY, dans la
sociologie des usages des TIC, il existe deux approches méthodologiques.
La première se propose : « d'évaluer, au-delà de
l'aspect statistique de la diffusion, les effets des TIC sur l'organisation et
le changement social. Il s'agit de voir comment la technique influe sur le
socioculturel, l'économique et éventuellement la politique.
Le second « part du principe que ce ne sont pas les techniques
qui conditionnent les modes de vie, mais bien l'inverse. Organisations et
croyances sociales, règles et cultures d'accueil déterminent
l'acceptation, la transformation ou le rejet des nouvelles technologies.
26
Il se dégage d'abord que c'est la technique qui
modèle le changement social, ensuite, c'est la reproduction des formes
sociales qui conditionne le développement technologique. Jacques
PERRIAULT abonde dans le même sens quand il affirme : «
26 F. JAUREGUIBERRY, Les branchés du
portable, PUF, Paris, 2003, p. 27.
25
qu'il n'y a ni déterminisme technologique
intrinsèque, ni reproduction sociale totale, mais toujours un travail
d'appropriation et de production » 27.
Il s'ensuit que, l'usage quotidien d'un média engendre
chez les utilisateurs une appropriation de ce dernier. Ainsi Jouët affirme
que « l'usager n'est plus un simple consommateur passif de produits et
services qui lui sont offerts, même s'il garde bien évidemment sa
qualité d'agent économique ; il devient un acteur. L'usage social
des moyens de communication (médias de masses, nouvelles technologies)
repose toujours sur une forme d'appropriation, l'usager construisant ses usages
selon ses sources d'intérêts, mais la polyvalence des TIC se
prête davantage à des applications multiformes (ludiques,
professionnelles, fonctionnelles)28.
Le Dictionnaire Petit Robert défini l'appropriation
comme un acte de s'approprier quelque chose29. `'S'approprier'' de
quelque chose consiste à s'engager à l'apprivoiser, à la
faire sienne. Dans cette perspective, l'appropriation d'un objet reste
liée à la connaissance qu'on a de cet objet, ce qui implique par
conséquent l'idée d'adaptation, de possession dans une
démarche d'une technique nouvelle à acquérir.
L'appropriation implique l'idée de la
propriété ou de l'appartenance. Autrement dit, s'approprier une
chose, c'est l'adapter à soi et la destiner à un usage
particulier. Serge PROULX aborde la notion d'appropriation à deux
niveaux : collectif et individuel. Dans la démarche collective,
l'appropriation est l'intégration d'une connaissance dans un
schéma préexistant et déjà organisé.
L'appropriation renvoie à la fois aux dimensions cognitives,
comportementales et à la mise en oeuvre. Pour que cette appropriation
soit effective, une certaine maîtrise technique s'avère
nécessaire pour être mise au service des objectifs des
utilisateurs.
27 J. PERRIAULT, La logique de l'usage,
Flammarion, Paris, 1989, p.45
28 J .JOUET, « Retour critique sur la
sociologie des usages », in Réseaux, Vol. 18 n°100
(2000), pp. 487-521.
29 P. ROBERT, Le Petit Robert : dictionnaire
alphabétique et analogique de la langue française. -
Nouvelle édition revue, corrigée et mise à jour pour
1989.- Paris, Ed. Les Dictionnaires Roberts, 1988, p.90.
26
La démarche individuelle de l'appropriation est quant
à elle centrée sur l'acquisition individuelle de la connaissance
et de la compétence particulière ou personnelle.
En effet, Serge PROULX définit quatre conditions pour
l'appropriation d'une technique : a) maîtrise technique et cognitive de
l'artefact ; b) intégration significative de l'objet technique dans la
pratique quotidienne de l'usager ; c) l'usage répété de
cette technologie ouvre vers des possibilités de création
(actions qui génèrent de la nouveauté dans la pratique
sociale) ; d) finalement, à un niveau plus proprement collectif,
l'appropriation sociale suppose que les usagers soient adéquatement
représentés dans l'établissement de politiques publiques
et en même temps pris en compte dans les processus d'innovation
(production industrielle et distribution commerciale)30.
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