3.5. Hypothèse d'intervention
Je sélectionne les hypothèses
d'interprétation 5 et 6 pour en dégager des pistes de
solution. Pour être pertinente, mon intervention devra consister à
(r)établir et maintenir une relation de confiance avec François
:
1° Par l'exercice de plus d'empathie*
vis-à-vis de ses besoins explicites et implicites ; 2° En
m'exprimant en « je » lorsque je suis en zone d'inacceptation ;
3° En induisant les transactions* suivantes
:
Moi
|
François
|
Pnf? + Pnr?
|
Enfant libre
|
Enfant libre
|
Enfant libre
|
Adulte
|
Adulte
|
3.6. La mise à l'épreuve de
l'hypothèse
Cette entreprise va se dérouler en deux temps
:
1° J'entrerai dans un véritable dialogue avec
François qui me semble dans de bonne prédispositions
relationnelles, puisque c'est lui-même qui viendra me solliciter
;
2° J'organiserai une sortie VTT dont le parcours et
la destination semble l'intéresser et à laquelle il participera
avec une grande motivation.
1)
53
Par un après-midi ensoleillé d'avril, une
éducatrice et moi-même encadrons un groupe de six enfants du Foyer
sur une plaine de jeux communale. Pendant ce temps, François et d'autres
jeunes du Foyer, accompagnés par une autre éducatrice, sont
à la piscine communale qui se situe juste à côté du
terrain de jeu.
Lorsque le groupe dans lequel se trouve François
revient de sa séance nautique pour nous rejoindre à la plaine, ce
dernier vient vers moi pour me demander poliment si je veux bien l'accompagner
pour aller au « terrain de sport ». L'endroit auquel il fait allusion
est en fait un espace de plein air aménagé au moyen d'appareils
de fitness - conçus pour résister aux intempéries -
destinés aussi bien à l'usage par des sujets « valides
» qu'aux personnes en situation de handicap. Là il me demande de
lui montrer concrètement comment utiliser chaque machine. Je
m'exécute et il semble manifester beaucoup d'attention car il regarde
fixement chacun de mes faits et gestes, tandis que je lui explique
soigneusement mes mouvements. Il prend mon relais, après chacune de mes
explications, en testant les spécificités de chaque
dispositif.
Ensuite, je lui demande s'il apprécie les
séances de piscine et ce qui le motive précisément pour
s'y rendre. Il me répond qu'il aime bien y aller parce qu'il est capable
de faire beaucoup plus de choses dans l'eau que les autres enfants du Foyer qui
y vont en même temps que lui. A ma demande, il me décrit une
à une ses performances nautiques.
Enfin, il me confie qu'il aimerait revenir un autre jour avec
moi sur ce terrain de sport. Dans un premier temps, je lui explique que ce ne
sera pas possible pour moi37 étant donné que, en tant
que stagiaire, je ne suis pas autorisé à utiliser le
véhicule de transport du service parce que je ne suis pas assuré
à cet effet. En conséquence il me déclare que je peux bien
utiliser ma propre voiture. Je l'informe encore que je ne suis pas
assuré pour utiliser mon véhicule personnel à des fins
professionnelles. Il semble déçu car il détourne
aussitôt son regard de moi et s'éloigne pour s'asseoir sur un
autre appareil. Puis, réflexion faite, j'interpelle François pour
lui demander s'il n'était pas partant pour revenir un jour ici à
vélo, par le RAVeL38, en partant de l'institution. Il semble
manifester beaucoup d'enthousiasme à cette idée : «
Ouais !... Cool !... ». Je lui dis que je retiens ce projet en sa
faveur en lui promettant de le réaliser dès que le temps le
permettra, mais qu'il y aura certainement d'autres enfants du Foyer qui seront
avec nous. Il m'affirme explicitement que ça ne le dérange
pas.
2) Début mai, les prévisions
météo indiquent un temps au beau fixe pour quelques jours. Avec
l'aval du chef-éducateur, j'en profite pour programmer deux sorties VTT
qui se dérouleront chacune lors d'un jour férié inclus
dans la période de ces bonnes prévisions. Pour chaque
cyclo-randonnée, je compte trois enfants adhérant au projet. Bien
qu'il ne soit pas possible d'aller jusqu'au terrain de jeux du mois dernier (un
tronçon du chemin nous obligerait à emprunter une route nationale
trop dangereuse à cause de sa sinuosité et son trafic),
François garde sa motivation car la nouvelle destination ainsi que le
programme du circuit l'intéressent également.
François participe à la seconde virée
avec Michelle et moi-même, la troisième cycliste potentielle
s'étant désisté. Le garçon semble avoir pris en
considération les recommandations de sécurité que j'avais
faites au groupe avant le départ, car il les applique toutes. Chaque
fois qu'il décide de prendre une initiative personnelle faisant une
entorse à mes consignes de route, il m'en demande expressément la
permission. Comme tout se passe bien, je n'hésite pas à lui
octroyer une marge de manoeuvre susceptible de lui faire expérimenter
liberté et responsabilité personnelle. Chemin faisant, je
réponds à ses nombreuses questions touchant à
l'environnement comme la faune et la flore. Je suis ravi qu'il
s'intéresse à ces éléments de la nature et le lui
exprime.
Lorsque nous arrivons dans la commune de destination, je
propose à mes compagnons de route de nous arrêter sur la plaine de
jeux de notre point d'arrivée où je les guide, au gré de
leurs sollicitations, dans l'exploration d'un portique métallique
censé solliciter toutes leurs
37 Le Foyer est à plus ou moins 15
kilomètres de la plaine de jeux.
38 Réseau
Autonome de Voies Lentes de
Wallonie réservé aux piétons, cyclistes, personnes
à mobilité réduite, patineurs et cavaliers. Ces voies
longent généralement les rivières.
54
dextérités physiques. Ensuite un autre
dispositif ludique à axe rotatif central et flanqué de deux
sièges semble les attirer de façon plus exclusive car ils y
retournent souvent. Un moment, je décide de les faire tourner sur ce
module en les poussant répétitivement. La vitesse
favorisée par cette poussée répétitive semble les
amuser car, dans le tournoiement interrompu, ils rient aux éclats et en
redemandent de façon inconditionnelle.
Après avoir pris le goûter de seize heures sur
l'aire de jeux, nous nous déplaçons vers un second endroit de
divertissement. Il s'agit d'un terrain vague dont les monticules de terre
successifs, irréguliers les uns par rapport aux autres en taille et
volume, sont coiffés d'une piste cyclable formant un circuit. J'ai
désigné cet endroit tant convoité, auquel les enfants
n'avaient pas attribué de nom, par « piste de cross ». Je
participe à leurs multiples passages sur cette piste en exprimant, comme
eux, ma joie d'expérimenter ce manège.
Nous rentrons finalement tous les trois au Foyer
comblés par notre escapade. François est tellement satisfait
qu'il me demande d'organiser une réunion où chacun pourrait
exprimer son ressenti par rapport à la sortie vécue ensemble. Je
suis OK pour ce débriefing. Michelle ne souhaite pas y prendre part, je
ne l'y oblige donc pas. François et moi échangeons mutuellement
ce que nous avons le plus apprécié au cours de notre aventure. Je
n'oublie pas de le remercier pour sa contribution au déroulement positif
de notre activité partagée.
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