Cours pour éducateurs en fonction Rue des
Fortications, 25 4030 LIEGE (Grivegnée) Matricule :
6.188.223
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places1.png)
Régime virtuel équilibré
pour jeunes placés
Comment, en tant qu'éducateur de SAAE,
construire une relation éducative
porteuse
pour prévenir les usages problématiques des
interfaces numériques ?
1
Epreuve intégrée présentée par
Olivier SINTEFF en vue de l'obtention du titre de
Bachelier en éducation spécialisée en
accompagnement psycho-éducatif Septembre
2013
2
Remerciements
En premier lieu, j'adresse mes remerciements à mon
superviseur, Anne-Laurence Dussart, pour son guidage toujours bienveillant.
Ma gratitude va ensuite aux collègues éducateurs et
stagiaires, ainsi qu'aux référents de stage rencontrés
pendant mon cursus, pour tout ce que chacun m'a concédé de
savoir-faire et savoir-être.
Merci aussi à tous les enseignants qui ont
été chargés de m'accompagner dans ma pratique
professionnelle, durant ce parcours, pour ce qu'ils m'ont apporté de
leurs connaissances et expériences.
Enfin, merci particulièrement à toi, Marie, pour ta
présence indulgente et encourageante à mes côtés
pendant mes longues heures de réflexion et de rédaction.
3
Table des matières
Avant-propos .5
I.- INTRODUCTION ..8
II.- LE CADRE DE MA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
11
1. Présentation du service 12
2. Autorités mandantes et missions du service
12
3. Aux fondements... 13
4. Le projet pédagogique du SAAE 13
4.1. Les finalités 13
4.2. Les objectifs 14
4.3. Les moyens 14
4.3.1. Les moyens financiers 4.3.2. Les moyens humains 4.3.3.
Les moyens logistiques 4.3.4. Les moyens méthodologiques
5. Mon mandat au sein de l'institution 15
6. Mon positionnement par rapport au projet
pédagogique 16
7. Une vision créative du service : le blason
17
III.- APPROCHES METHODOLOGIQUES ET CONCEPTUELLES
..18
1. Analyse du fonctionnement organisationnel
..19
1.1. La division du travail . 19
1.1.1. La division verticale du travail 1.1.2. La division
horizontale du travail
1.2. Les rôles des acteurs de l'institution 19
2. Approches conceptuelles du rapport aux mondes
virtuels 20
2.1. Bienfaits et préjudices des mondes virtuels 21
2.2. Cyberdépendance versus usage problématique
..23
2.3. Méthodologie de prévention .. 25
2.3.1. Avec les 8-12 ans
2.3.2. Avec les plus de 12 ans
3. Autres approches théoriques et outils
psycho-éducatifs 26
3.1. Du comportementalisme 26
3.2. De la psychologie génétique .. 27
3.3. De la psychologie sociale .. 27
3.4. De la sociologie . 27
3.5. De la psychopathologie . 27
3.6. De la communication interpersonnelle .. 28
IV.- SITUATIONS EDUCATIVES ET ANALYSES REFLEXIVES
31
1. Première situation éducative : avec
François et Damien 32
1.1. Présentation des personnes 32
1.2. Le contexte de la situation . 32
1.2.1. Les acteurs en présence 1.2.2. Le contexte
1.3. Les faits observables ..32
1.4. Mon ressenti 33
4
1.5. Mes interprétations a priori ... 33
1.6. Des informations complémentaires utiles à la
compréhension de la situation ..34
1.7. Questionnement ouvert et hypothèses de
compréhension .35
1.7.1. Mon questionnement
1.7.2. Mes hypothèses de compréhension
1.8. Une piste à exploiter .. 35
1.9. La mise à l'épreuve de l'hypothèse
d'intervention ..35
1.10. Evaluation de l'impact de mon action ..36
2. Deuxième situation : la co-construction d'une
charte d'utilisation des
ordinateurs .37
2.1. Le contexte de la situation de départ ..37
2.1.1. Les acteurs en présence 2.1.2. Le
contexte
2.2. Les faits observables ..38
2.3. Mon ressenti et mes attitudes .42
2.4. Mes interprétations a priori 42
2.5. Des informations complémentaires utiles à la
compréhension de la situation 43
2.6. Questionnement ouvert et hypothèses de
compréhension .43
2.6.1. Mon questionnement
2.6.2. Mes hypothèses de compréhension
2.7. Comment intervenir prochainement ? 44
2.8. Mise en application des pistes envisagées et
ratification de la charte ...45
2.9. Evaluation de l'impact de mon action ...45
3. Troisième situation : avec François
46
3.1. Acteurs, contextualisation et faits ..46
3.1.1. Première séquence de la situation 3.1.2.
Deuxième séquence de la situation
3.2. Mon ressenti en situation et mon interprétation a
priori des faits .49
3.2.1. Par rapport à la première
séquence présentée 3.2.2. Par rapport à la seconde
séquence présentée
3.3. Des informations complémentaires 50
3.4. Ouverture du champ des possibles .50
3.4.1. Mon questionnement
3.4.2. Mes hypothèses de compréhension
3.5. Hypothèse d'intervention 52
3.6. Mise à l'épreuve de l'hypothèse . 52
3.7. Evaluation de l'impact de mon action 53
V.- MA VISION DU METIER 55
1. Dans la fonction d'accompagnement et
d'éducation .56
2. Dans la fonction de reliance . 57
3. Dans la fonction d'interface . 58
4. Dans la fonction d'acteur social 58
5. Dans la fonction politique 59
VI- CONCLUSION 60
BIBLIOGRAPHIE 63
ANNEXES ..65
5
AVANT-PROPOS
Mon choix de poursuivre une formation qualifiante en
éducation spécialisée prolonge mon aspiration à me
mettre au service d'autrui et de l'intérêt général
depuis ma tendre enfance.
Mes valeurs personnelles reposant sur l'attention à
l'Autre1 trouvent leurs racines dans le terreau du
système socioculturel de mon village d'origine et de mon identité
familiale.
Dans ma douzième année, m'inspirant du
modèle paternel, je m'engage comme cadet au sein du corps des
sapeurs-pompiers. Là, j'entraîne à ma suite huit de mes
pairs.
Nous rejoindrons nos aînés dans notre
seizième année pour devenir sapeurs-pompiers volontaires «
actifs ». Beaucoup de mes heures de loisir, essentiellement le week-end,
mêlent dès lors formation théorique et exercices pratiques.
Tout un programme qui me prépare à optimaliser le secours aux
personnes et la protection des biens.
Au cours de ma dix-neuvième année,
sollicité par un concitoyen, j'ai accepté de m'investir dans un
projet visant à donner un nouveau souffle au club de tennis local
menacé de dissolution. Le travail que nous y effectuerons sera
entièrement bénévole.
Dès que nous obtenons le feu vert de
l'administration communale, nous nous retroussons les manches pour la
création d'une école de tennis qui accueillera une population de
jeunes âgés entre quatre et quatorze ans.
En 1996, effectuant mon service militaire en gendarmerie,
j'accroche davantage avec le côté préventif et social du
métier2 qu'avec la répression des
infractions.
Au début de l'année 1998, je suis
embauché comme aide-éducateur3 pour
travailler dans l'enseignement fondamental. Intervenant auprès d'enfants
de trois à dix ans, je collabore à l'élaboration des
projets pédagogiques annuels en dehors de mes attributions
formelles4.
Marqué positivement par mon vécu
d'aide-éducateur, notamment en raison de mon approche d'enfants
présentant des lacunes scolaires dues à différents
troubles (dyslexie, perturbations de l'attention, ...) je décide
d'entamer un parcours universitaire en psychologie. Mon objectif, en filigrane,
est de devenir psychologue scolaire. Ainsi, en octobre 1999, je m'inscris en
première année du DEUG5 « Psychologie
».
Pour financer mes études et moyens minimaux de
subsistance, je dois effectuer une activité salariée
parallèlement à mes études universitaires. Cependant, au
bout de quatre mois, je n'arrive plus à concilier études de plein
exercice et travail.
En octobre 2000, pris dans le dilemme de devoir choisir
entre me consacrer entièrement aux études ou m'engager pleinement
dans la vie active, je tranche finalement par ma décision d'aller
travailler pour subvenir à mes besoins alimentaires. Je trouve un emploi
comme ouvrier sur le site de montage-assemblage d'une célèbre
voiture citadine biplace. Je vais y rester près de trois ans. L'aspect
réflexif et analytique étant peu requis sur une ligne de montage,
le côté répétitif à la Charlie Chaplin
m'ennuie sérieusement.
1Si je choisis d'écrire autre avec un «
A » majuscule, c'est pour mieux l'emprunter à Bruno Bettelheim qui
l'emploie sous cette forme dans l'une ou l'autre de ses publications pour
insister sur la dimension de sujet relative à la personne.
2Prévention routière, prévention
dans les écoles, accueil du public à la brigade territoriale,
...
3En juin 1997, en France, les fameux emplois-jeunes
sont créés au sein de l'Education Nationale, sous le gouvernement
Jospin. L'idée de la création d'aides-éducateurs part
à la fois d'une volonté politique et d'un constat : la
volonté de réduire le chômage juvénile par les
moyens de l'Etat et le constat de l'existence de besoins pédagogiques
non satisfaits dans les écoles.
4Participer à l'accueil et à la
surveillance des enfants lors de leur arrivée à l'école le
matin ; sous l'autorité des enseignants : participer à
l'animation et l'encadrement pédagogique (soutien scolaire aux
élèves en difficulté - activités sportives,
culturelles ou artistiques - étude du soir - « classes »
à thème en extra muros et excursions - ateliers d'informatique) ;
participer à la surveillance des enfants durant les
récréations et lors de leur sortie de l'école en fin de
journée ; assurer la fonctionnalité et l'animation des
bibliothèques scolaires.
5Diplôme d'études universitaires
générales.
6
En mars 2004, je change d'orientation professionnelle pour
un contrat de remplacement d'éducateur en MECS6. Mon
intervention, au sein d'une équipe pluridisciplinaire, consiste en
l'accompagnement éducatif de jeunes adolescentes - âgées
entre 16 et 20 ans - résidant en semi-autonomie. Cette première
véritable expérience dans l'Aide Sociale à
l'Enfance7 (ASE) et la Protection Judiciaire de la
Jeunesse8 (PJJ) me donne l'opportunité
d'acquérir des compétences complémentaires du
métier d'éducateur : participer à la
réflexivité des réunions d'équipe, rédiger
des rapports d'évolution, participer à l'élaboration et la
mise à jour régulière des projets éducatifs
individualisés (PEI), ... Obtenant une marque de reconnaissance
professionnelle de mon chef de service, mon désir de rester dans le
secteur d'activité se renforce encore.
Ainsi motivé, je décide de faire du
bénévolat au sein d'une association de postcure des conduites de
dépendance. Ce lieu devient progressivement pour moi une
véritable école de vie. Ses principes de vie en
collectivité sont assez singuliers de certaines logiques d'action
pédagogique définies et mises en oeuvre par
Makarenko9.
En septembre 2008, j'entre au C.P.S.E. . Le système
de l'enseignement de promotion sociale me permet de signer un contrat d'un an
en « article 60 », via un CPAS, pour travailler comme
éducateur en SAAE.
Ensuite, sans travail à partir de décembre
2009, je passe au statut de stagiaire pour remplir entièrement les
conditions de formation et approfondir ma pratique professionnelle.
J'effectuerai la plupart de mes stages en action éducative avec
hébergement dans le secteur de l'Aide à la Jeunesse.
Non encore fatigué de découvrir d'autres
facettes du métier, je signe un contrat de remplacement en novembre 2011
avec une institution de milieu psychiatrique, tout en poursuivant ma
formation.
Comme stagiaire à partir d'octobre 2012 et de
retour dans l'Aide à la Jeunesse, je consacre une partie de mes
prestations à des actions éducatives destinées à
réduire l'usage des interfaces numériques. C'est cette
dernière expérience qui fait l'objet du présent travail de
fin d'études.
6Maison d'enfants à caractère social
équivalant au service d'accueil et d'aide éducative (SAAE)
belge.
7Equivalant français du Service d'Aide
à la Jeunesse (SAJ).
8Equivalent français du Service de
Protection Judiciaire (SPJ).
9Anton Semjonowitsch Makarenko (1888-1939),
pédagogue russe, est connu pour une pédagogie reposant sur
l'intérêt de la collectivité. Chaque membre de la
communauté a un rôle spécifique, indispensable à la
pérennité de celle-ci. Et, en même temps, chaque membre
contribue à toutes les tâches par roulement. Le type de travail
est la plupart du temps manuel. Lorsqu'une « colonie » est
créée, il faut d'abord construire ses infrastructures et
élaborer ses moyens techniques et opérationnels en vue du
développement et de la subsistance de la collectivité par et pour
elle-même. Toutes les prises de décision se font de manière
démocratique en assemblée périodique réunissant
tous les résidents de la colonie. Si la colonie est pérenne, elle
peut devenir une vraie zone de production et de distribution
économique.
« Eduquer, c'est apprendre à un enfant
à devenir libre dans sa pensée et citoyen dans ses comportements.
»
Christian Lalière
7
« Dans la vie il n'y a pas de solutions ; il y a
des forces en marche :
il faut les créer et les solutions suivent.
»
Antoine de Saint-Exupéry
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places2.png)
I.- INTRODUCTION
8
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places3.png)
9
Ce qui jusqu'à la première moitié du
XXème siècle est encore la place communale, où les amis de
Georges se rencontrent et s'échangent des paroles - à travers
l'air pur - « sur les bancs publics, bancs publics, ... », est devenu
en l'espace d'un petit demi-siècle une agora à dimension
planétaire où les interactions interpersonnelles se font via les
pixels numérisés et l'écriture digitale.
Avec l'évolution fulgurante des technologies de
l'information et de la communication (T.I.C.), nous voilà aujourd'hui
projetés dans une réalité digne de la série
télévisée Star Trek de la fin des années
septante. La prise d'assaut par les écrans de notre quotidien
privé, comme public, est encouragée par les médias de
masse largement imprégnés de l'idéologie
néolibérale. L'opium actuel du peuple, c'est la transcendance
matérialisée du dieu Internet. Depuis les années nonante,
les moyens de communiquer via le Réseau se sont
démultipliés : courriels, forums, blogs, téléphones
cellulaires, tablettes numériques, jeux en ligne multi-joueurs et autres
réseaux sociaux... virtuels.
La toile d'araignée géante a fini par agglutiner
dans ses filets beaucoup d'entre nous, dont de nombreux jeunes. Internet et les
jeux informatisés deviennent la seconde - pour ne pas dire la
première - famille au sein des foyers occidentaux. Ce coffre à
trésor, recelant de réponses à tous styles de questions,
peut parfois se révéler comme une véritable boîte de
Pandore. S'il en est souvent ainsi pour les adolescents vivant sous le toit de
leurs parents, comment n'en serait-il pas autant - voire davantage - pour les
jeunes placés en institution, mis à distance ou parfois
totalement privés de relations affectives de sang ?
J'ai souvent été fortement interpellé,
dans ma pratique professionnelle - successivement au sein de plusieurs
S.A.A.E.10 - face à une manifestation particulière
d'angoisse, de frustration, d'impatience ou encore de forte colère,
émanant de jeunes bénéficiaires, par rapport à des
besoins insatiables de consommer du virtuel.
D'aucuns demandaient avec insistance, par exemple, s'ils
pouvaient « aller sur l'ordi », alors qu'ils n'avaient
même pas fini d'avaler leur quatre-heures lors de leur retour de
l'école. J'aimerais aussi évoquer la conduite de ce
bénéficiaire de douze ans, à qui j'avais demandé
d'éteindre l'ordinateur - sur lequel il était «
scotché » depuis une heure - parce qu'il était le moment
pour lui d'aller se coucher. En réponse à ma demande, ce dernier
avait d'un seul mouvement de bras tapé le casque d'écoute contre
l'écran du moniteur et s'était acharné de ses deux poings
fermés sur le clavier. Ce qui me pose encore question, c'est d'observer
parfois certains adolescents enfermés dans une espèce de bulle
hermétique, qu'il est difficile de franchir, quand les écouteurs
de leur baladeur numérique sont enfoncés dans leurs oreilles,
tandis qu'ils font convulsivement aller leur pouce sur le clavier de leur GSM.
Enfin, je suis déconcerté lorsque j'apprends par une
collègue qu'elle a découvert que l'une de nos résidentes,
quatorze ans, dévoile sa vie intime sur un
Skyblog11.
Des situations relevant du rapport qu'entretiennent les jeunes
quotidiennement avec ces technologies sont nombreuses. Toujours est-il que les
cas, que je viens d'évoquer, sont suffisamment révélateurs
pour illustrer leur besoin d'habiter prioritairement des espaces virtuels,
comme si ces univers parallèles se résumaient à
l'essentiel de leur épanouissement personnel.
Loin de moi l'idée de vouloir stigmatiser les jeunes
placés en institution (d'ailleurs je suis contre les étiquettes)
en qualifiant leur comportement compulsif, à l'égard des TIC,
d'abandonnique. Néanmoins, le manque ou l'absence de lien à leur
famille ne constitueraient-ils pas la racine d'une quête existentielle se
caractérisant par une relation passionnée avec les machines ?
Dans ce sens, je m'inquiète le plus de savoir ce qu'il adviendra de leur
rapport au Web lorsqu'ils vivront en autonomie, émancipés d'un
cadre éducatif. Ou quand, au mieux, ils réintégreront leur
milieu d'origine généralement plutôt «
sous-équipé » pour cadrer correctement ce type de loisir.
Une fois sortis du cadre contenant et « spécialisé » du
milieu institutionnel, « nos » jeunes n'auront-ils pas tendance
à se réfugier de façon vorace dans les doux bras du
Réseau pour mettre du baume sur certaines blessures à peine
cicatrisées, si pas suintantes, de leur histoire personnelle ?
10Service d'accueil et d'aide éducative
mandaté par l'Aide à la Jeunesse pour des placements
institutionnels.
11Skyrock.com
est un site Web de réseau qui met gratuitement à disposition
de ses membres enregistrés un espace web personnalisé. Il est
notamment possible d'y créer son blog. Le Larousse
définit le blog ou blogue comme un « site
Web sur lequel un internaute tient une chronique personnelle ou
consacrée à un sujet particulier ». Synonyme :
weblog.
10
Ainsi, la question centrale qui me taraude l'esprit est la
suivante : comment, en tant qu'éducateur de SAAE, construire une
relation éducative porteuse pour prévenir les usages
problématiques des interfaces numériques ?
D'autres questions découlent de cette première
interrogation. En voici les principales :
· Comment la plupart des éducateurs de Foyer se
positionnent-ils par rapport à la question des médias
numériques ?
· Que puis-je apporter moi-même pour faire
évoluer la prise en considération de l'impact de ces technologies
au sein d'une institution ?
· Comment promouvoir chez les adolescents plus
d'équilibre entre le temps passé devant les interfaces et les
autres activités du quotidien ?
Pour trouver des réponses à mes interrogations,
j'ai fait l'inventaire des services traitant et
faisant la prévention de la dépendance des
jeunes aux TIC, en Wallonie. C'est ainsi que j'ai fini par rencontrer un
assistant social de l'asbl liégeoise Nadja, en décembre
2009. Après m'avoir donné son point de vue sur la question de la
cyberdépendance, il m'oriente vers le centre de documentation de
l'association. J'y recueille alors des noms comme Tisseron, Stora, Nayebi,
Gustin... Autant d'auteurs qui ont traité de façon approfondie la
problématique me rapprochant de leurs points de vue. En eux, j'ai
trouvé des manières originales et diversifiées de
concevoir et traiter cette problématique.
Il m'a également semblé intéressant de
participer, en avril 2013, à une soirée d'information Webetic
- Nos enfants sur le Net en toute sécurité12.
Mon travail s'érige en quatre axes principaux.
Dans un premier chapitre, je présente le cadre
professionnel dans lequel j'ai effectué les interventions
relatées dans ce TFE, à l'occasion d'un stage de huit mois.
Le deuxième chapitre est subdivisé en trois
volets, principalement conceptuels. Dans le premier volet, un peu plus
méthodologique, j'analyse le fonctionnement de l'équipe
éducative qui m'a offerte une place en son sein. Une deuxième
subdivision rendra compte des différents outils de réflexion et
d'action que m'ont inspirés les auteurs cités plus haut. Une
troisième et dernière sous-partie définit des concepts et
moyens - extraits des cours que j'ai suivis durant ma formation - dont le
contenu m'a également servi à cerner des problématiques et
trouver des solutions exposées dans un chapitre subséquent.
Enfin, dans le dernier chapitre, je décris ma vision
du métier à travers les cinq fonctions principales de la
profession d'éducateur spécialisé, en illustrant parfois
mes propos avec des exemples concrets de ma pratique.
NB : Pour des raisons
purement déontologiques et éthiques, les prénoms qui
suivront dans les prochaines pages sont totalement fictifs.
Certains concepts utilisés sont
écrits en gras, suivis de «*''.
Ces notions sont expliquées en III.- 3. Les
mots en gras et en italiques, suivis du même
«*'Ç sont plus intelligibles en III.- 2.1.
et III.- 2.2.
12Webetic est un concept de Child
Focus consistant en une séance d'information destinée aux
parents. Cette séance est animée ponctuellement par Les
Espaces Publics Numériques de Wallonie, au sein de chaque commune,
pour livrer aux adultes des astuces leur permettant de favoriser la navigation
de leurs progénitures en toute sécurité sur Internet (voir
Annexe 4, page 70).
II.- LE CADRE DE MA PRATIQUE
PROFESSIONNELLE
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places4.png)
11
1. Présentation du service
Sise au centre d'une petite entité rurale et paisible,
l'institution constituée en association sans but lucratif accueille des
enfants et des adolescents placés dans le cadre de l'Aide
à la Jeunesse. Ces jeunes sont issus de milieux dont les
habiletés parentales ou sociales sont fortement compromises (manque de
structuration de l'éducation, maltraitance physique ou psychologique,
attitudes sexuelles déviantes, ...) ; le jeune, l'enfant peut arriver au
foyer soit directement de son milieu d'origine, soit après avoir
séjourné en pouponnière.
L'établissement est agréé SAAE
- par la Direction Générale de l'Aide à la
Jeunesse, en application du décret du 4 mars 1991
relatif à l'aide à la jeunesse et de la loi du 8
avril 1965 relative à la protection de la jeunesse -
pour l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement éducatif
d'un groupe vertical mixte d'une moyenne annuelle de
16,5 situations concernant des jeunes de 0 à 18
ans (dérogation possible jusqu'à 20 ans).
Le service est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Pendant la durée de mon stage, il prend en charge
quotidiennement 17 situations dont les âges varient de 5 à 16 ans,
soit 11 filles et 6 garçons.
2. Autorités mandantes et missions du
service
· Le Conseiller du Service d'Aide à la
Jeunesse (SAJ), ou son délégué, peut proposer le
placement d'un jeune en SAAE lorsque l'intégrité physique ou
psychique de ce dernier est gravement compromise, mais qu'il existe un accord
entre le jeune, sa famille et le SAJ pour une aide « extérieure
».
· Le Directeur du Service de Protection
Judiciaire (SPJ), ou son adjoint, est susceptible de mettre
concrètement en oeuvre une mesure de placement en institution,
imposée par le tribunal, lorsqu'aucune solution pour faire cesser une
situation de danger d'un jeune n'a pu faire l'objet d'un accord entre le SAJ et
les intéressés.
· Le Juge de la Jeunesse peut
décider d'imposer un placement en établissement
spécialisé lorsqu'il doit prendre une mesure d'urgence face
à une mise en danger directe d'un enfant ou lorsqu'il doit trancher en
cas de désaccord familial par rapport à des mesures d'aide
proposées par le SAJ.
Ces trois autorités peuvent mandater le Foyer selon
quatre missions définies par l'article 2 de
l'Arrêté du 15 mars 1999 relatif aux SAAE, afin :
« 1° d'organiser l'accueil collectif et
l'éducation de jeunes qui nécessitent d'une aide en
dehors de leur milieu familial de vie ,
·
2° d'assurer la supervision ainsi que
l'encadrement pédagogique et social de jeunes qui vivent en
logement autonome ,
·
3° de mettre en oeuvre des programmes d'aide en
vue de la réinsertion dans leur milieu de vie
,
·
4° d'apporter une aide aux jeunes et aux
familles en difficultés par des actions socio-éducatives dans le
milieu familial de vie, à titre exceptionnel et seulement
lorsque, au sein d'une fratrie, un ou plusieurs membres sont pris en charge par
le service en dehors de leur milieu de vie et que les autres sont maintenus
dans celui-ci. »
En ce qui concerne le Foyer, quinze situations actuelles sont
mandatées pour les champs d'action éducative prescrits en
1° et deux situations sont concernées par le 3°
(Code M). A noter que six jeunes sont en placement SAJ ; les autres sont
confiés à l'établissement par le SPJ.
12
3. Aux fondements...
13
Début des années 30, des personnes issues d'un
mouvement laïc décident de fonder une association d'aide à
l'enfance défavorisée. C'est ainsi que naît l'asbl
originelle.
Développant des principes de liberté,
d'égalité et de solidarité, elle ouvre une
colonie permanente pour enfants dits « débiles physiques ».
Suivant les normes de l'OEuvre Nationale de l'Enfance, la vie quotidienne et
toutes les activités - depuis l'hébergement jusqu'à
l'enseignement en passant par les loisirs et les contacts familiaux - s'y
organisent en vase clos.
Milieu des années 70, l'asbl fait le choix de changer
d'orientation en s'ouvrant vers l'extérieur, selon l'adhésion
à l'idée en vogue de laisser aux institutions
d'hébergement la possibilité de travailler avec leurs
pensionnaires et leur famille tout en permettant aux premiers d'avoir une vie
extra-muros. Ainsi, le Home demande et obtient l'agrément de l'Office de
Protection de la Jeunesse, dépendant à l'époque du
Ministère de la Justice. Dans ce nouveau contexte, l'institution
accueille des jeunes relevant de la loi de 1965. Ces derniers
sont intégrés dans les écoles des environs et font leur
choix de loisir à l'extérieur. Les visites des parents dans
l'établissement sont supprimées et certains enfants rendent
visites à leur parent dans le milieu d'origine.
Sous l'impulsion d'un chef-éducateur, le Home
développe en son sein une section se spécialisant dans le travail
de réinsertion sociale et familiale.
En 1980, la Protection de la Jeunesse est
transférée du fédéral vers la Communauté
française. En même temps, une volonté politique de
développement de petites infrastructures
d'hébergement cherche à marquer la fin des « usines
à gosses ». L'asbl s'inscrit dans cette mutation. Son vaste
bâtiment est alors désaffecté au profit de deux projets
:
· Une nouvelle maison d'hébergement
présentant une capacité de 18 lits au départ ;
· La création d'un service
d'A.M.O.13 découlant du travail de
réinsertion familiale déjà pratiqué avec une
trentaine de jeunes.
Le nouveau Foyer ouvrira ses portes avec l'objectif
primordial d'une réinsertion rapide de l'enfant dans son milieu
familial.
Une réforme de 1999 réduit la
capacité de prise en charge du Foyer, en tant que SAAE, à une
moyenne annuelle de 16,5 situations.
4. Le projet pédagogique du SAAE14
4.1. Les finalités
· L'épanouissement individuel et
social du jeune ;
· Le rétablissement ou maintien d'un lien
de qualité entre le jeune et les membres de sa famille
d'origine, le cas échéant ;
· L'instauration d'un lien de qualité
entre le jeune et sa famille de substitution ;
· L'insertion scolaire et
socioprofessionnelle du jeune ;
· La réintégration du milieu
d'origine ;
· L'autonomisation psychosociale et
matérielle du jeune se préparant à vivre ou vivant en
logement autonome.
13Aide en milieu ouvert.
14 Informations extraites du document
institutionnel composé de 12 pages et intitulé « PROJET
PEDAGOGIQUE - FOYER ». Je
n'ai pas pu recueillir l'année
d'élaboration du PG, ni de façon formelle, ni de manière
informelle. Selon sa typographie et son contenu, j'estime qu'il a
été rédigé dans les années nonante et a
depuis fait l'objet de peu voir d'aucune révision.
14
4.2. Les objectifs
· Assurer les moyens minimaux de subsistance
du jeune ;
· Aider le jeune et son milieu d'origine et/ou de
référence à résoudre les difficultés
existentielles, relationnelles, comportementales et matérielles
;
· Favoriser le développement des aptitudes
personnelles du jeune ;
· Procurer au jeune les moyens de s'intégrer
socialement ;
· Prévenir l'esseulement futur d'un
jeune orphelin ;
· Promouvoir des conditions satisfaisantes de
réintégration familiale, le cas
échéant ;
· Promouvoir l'insertion socioprofessionnelle
d'un jeune suivi en logement autonome ;
4.3. Les moyens15
4.3.1. Les moyens financiers Le service est
financé par :
· la Fédération
Wallonie-Bruxelles à partir de subventions fixes et
variables ;
· des dons privés (versements
financiers et dons en nature) ;
· les recettes financières d'actions
ponctuelles assurées par le service lui-même
(participation à certaines brocantes locales, repas caritatifs,
...).
4.3.2. Les moyens humains
§ Au sein de l'établissement
- Le sommet hiérarchique : 1
directeur éducateur spécialisé «
classe 1 » (temps plein), 2 chefs-éducateurs
« classe 1 » (une femme et un homme ; chacun à
mi-temps) ;
- Une équipe pluridisciplinaire : 1
psychologue (mi-temps), 9 éducateurs
spécialisés « classe 1 » (4 hommes et 5 femmes
; 6 temps pleins et 3 mi-temps), 2 stagiaires éducateurs
(3ème niveau du bachelier) et 1 stagiaire assistante
sociale (1ère année) ;
- Le support technique : 1 comptable
(mi-temps), 2 techniciennes de surface (soit un temps
plein et un mi-temps), 1 ouvrier d'entretien (mi-temps) ;
NB : Les techniciennes de surface
préparent également le souper de façon quotidienne ;
§ Dans le réseau de partenariat
- Des intervenants de l'extérieur en intra-muros
: 1 logopède (3 heures/semaine), 1
psychomotricienne (3 heures/semaine) et 1
diététicienne (ponctuellement, à la
demande) ;
- Des collaborateurs extra muros : les
familles des jeunes, des médecins
généralistes, des psychologues
psychothérapeutes, les enseignants
(écoles maternelles et primaires ; écoles secondaires ;
enseignement spécial), 1 centre de réadaptation
fonctionnelle, des centres
psycho-médico-sociaux, les mouvements de
jeunesse, 1 Maison des Jeunes, le Conseil
communal des enfants, le CJLg (camps de
vacances estivales) et le service de protutelle.
4.3.3. Les moyens logistiques
· 1 structure d'hébergement : 12
chambres individuelles et 1 chambre à 4 lits ; 1 chambre pour
l'éducateur de nuit ; 2 cuisines équipées ; 2 salles
à manger (dont l'une sert en partie de salle de jeux) ; 1 salon (ou
local TV) ; 2 locaux sanitaires équipés de douches ; 1 local
sanitaire équipé d'une baignoire ; des locaux
équipés de WC et séparés entre filles et
garçons ;
· 1 local d'étude + 1
bibliothèque ;
· 3 bureaux + 1 local de
réunion ;
15 Eléments d'information issus de sources
formelles et informelles du contexte institutionnel.
·
15
1 cour extérieure + 1 pelouse
spacieuse ;
· 2 garages + 1 véhicule de
transport à 9 places.
4.3.4. Les moyens méthodologiques
· Utilisation du système de l'éducateur
référent et co-référent ;
· Observation du comportement du jeune,
dans l'institution, vis-à-vis des pairs et des adultes et lors de ses
retours de séjour en famille ;
· Travail de structuration du comportement
;
· Utilisation de la grille de thérapie brève
(approche systémique de Palo-
Alto) ;
· Insertion scolaire de tous +
encadrement et contrôle des devoirs scolaires ;
· Choix par le jeune d'une activité
sportive, culturelle ou artistique ;
· Accentuation et suivi des contacts
extérieurs du jeune ;
· Mobilisation de la fratrie et/ou de la famille
élargie pour le maintien des liens naturels existants
et la collaboration éducative lorsqu'un jeune
n'a plus ni père ni mère ;
· Recherche d'une famille de parrainage
à la demande d'un jeune orphelin qui n'a plus la
possibilité d'avoir des liens familiaux naturels, même
élargis ;
· Régularisation des entretiens formels
et informels avec le jeune, sa famille d'origine ou de substitution
et/ou l'autorité mandante ;
· Conditionnement de la mise en autonomie
d'un jeune :
· Evaluation formelle et informelle
régulière des situations par :
- des échanges quotidiens au sein de l'équipe
éducative ;
- la pré-révision des projets pédagogiques
individuels (PEI) en réunion
d'équipe ;
- la redéfinition approfondie périodique du PEI
(référent - psychologue -
chef éducateur/trice) ;
- les rapports d'évolution et les bilans avec les
autorités mandantes.
· Instauration de deux conseils pédagogiques
annuels ;
· Evaluation annuelle du projet
pédagogique lors de la rédaction du rapport
d'activité ;
· Réalisation du bilan des objectifs
fixés lors de la clôture d'un dossier ;
· Formation continuée des
éducateurs.
5. Mon mandat au sein de l'institution
A titre d'éducateur-stagiaire, je
suis chargé d'effectuer diverses tâches, sous
l'autorité du personnel éducatif présent durant
mes prestations. Je preste une moyenne de 20 heures par semaine
(week-end compris). Je suis mandaté pour les tâches
suivantes :
· Construire une relation authentique
avec les bénéficiaires du service et
répondre de manière adéquate à leurs besoins et
attentes explicites et implicites ;
· Intervenir auprès des
bénéficiaires de manière psychopédagogique
- en adéquation avec la philosophie et les valeurs de
l'institution et le code de déontologie de l'Aide à la Jeunesse -
au moyen des supports du quotidien : lever, préparation au départ
à l'école, accompagnement des devoirs scolaires et des repas,
toilettes, partage de moments collectifs devant les ordinateurs et à
l'occasion de jeux, moments de dialogue en individuel, accompagnement du
coucher (lecture d'une histoire), ... ;
· M'intégrer dans une équipe
pluridisciplinaire par :
- une collaboration professionnelle avec ses membres ;
- des interventions constructives lors de la réunion
d'équipe hebdomadaire ;
·
16
Animer des activités de plein air dans un
cadre de vert et sécure : promenades pédestres (ou
en luge l'hiver), cyclo-randonnées (VTT), plaine de jeux, ... ;
· Répondre au téléphone
et orienter les personnes ou transmettre des informations (dans
la limite de mon mandat) ou prendre des messages destinés aux autres
membres du personnel ;
· Concevoir et réaliser un projet
autour d'une utilisation saine des technologies de l'information et de la
communication (TV, Internet, console de jeux vidéo, GSM,
IPhone, ...).
6. Mon positionnement par rapport au projet
pédagogique
L'assurance des moyens minimaux de subsistance
est, à mon sens, une mission pleinement remplie,
étant donné que tous les besoins physiologiques des usagers sont
satisfaits (un repas chaud tous les jours ; état salubre des
vêtements et locaux ; hygiène corporelle assurée).
L'insertion scolaire de chaque
jeune est parfaitement menée à bien par leur fréquentation
régulière de l'école.
Le développement des aptitudes personnelles
est soutenu de manière parcellaire, selon mes observations
:
· Seuls les enfants fréquentant l'enseignement
primaire et spécial sont aidés et stimulés dans leurs
devoirs. En effet, ceux-ci sont obligés d'être présent dans
le local d'étude, au minimum de 16h30 à 17h15, durant les
périodes scolaires. Là, l'un des éducateurs de service,
souvent assisté d'un stagiaire, garantit l'encadrement et le
contrôle des devoirs.
· Les jeunes scolarisés en secondaire, quant
à eux, ne sont pas tenus à une contrainte de présence.
J'ai rarement vu un adolescent du secondaire venir demander de l'aide à
un éducateur. Et pour cause : ceux-ci, après le souper :
- sont tenus d'effectuer certaines « corvées
» personnelles et n'ont alors plus beaucoup de temps à consacrer
à leurs devoirs ;
- communiquent avec des amis ou des proches via un
réseau social virtuel ou sont « scotchés » à
leur console vidéo, ou encore plongés dans leurs séries
télévisées quotidiennes
NB : J'estime que la consommation quotidienne des
écrans constitue une entorse au plein épanouissement d'un enfant
ou d'un adolescent. C'est pourquoi, dès que la météo est
favorable, je propose aux bénéficiaires des activités
d'extérieur.
Leur autonomisation est promue dans
la mesure où chacun doit prendre son tour de vaisselle et qu'il est
laissé à chacun la libre possibilité de participer
à la finalisation de la préparation du souper. Les adolescents
ont en plus la charge de ranger leurs vêtements.
Les moyens de s'intégrer socialement
sont procurés à chacun par :
· la fréquentation régulière d'au
moins une connaissance amicale ;
· une voire deux activités de loisirs par
semaine, bien que le jeune ne l'ait pas forcément choisi librement
(contradiction avec un item des moyens méthodologiques), mais il a
l'opportunité d'y fréquenter d'autres jeunes et d'autres adultes
(mouvements de jeunesse ; ateliers de hip-hop et break-danse d'une Maison des
Jeunes locale ; piscine le mercredi ; etc).
Une jeune orpheline de 6 ans, ne connaissant plus aucun
membre de sa famille en vie, a obtenu à sa demande des contacts avec
une famille de parrainage. Il en a été
de même pour une fille de 7 ans dont les parents ont été
déchus de leur autorité.
Le maintien des liens naturels existants et la
collaboration éducative ont été
assurés pour deux filles (13 et 17 ans) d'une même fratrie - dont
la mère est décédée récemment et le
père antérieurement - par la mobilisation du reste de
la fratrie (3 soeurs majeures insérées socialement
et jouissant de conditions de vie raisonnables) ;
Les éducateurs s'entretiennent, quelques minutes, avec
les parents qui viennent exploiter leur droit de visite quelques heures par
semaine à l'intérieur ou au sein du Foyer (défini au cas
par cas), pour mesurer la qualité du rétablissement
ou du maintien du lien parent-enfant.
La formation continuée des
éducateurs est devenue obligatoire. A cet effet, les
éducateurs se rendent ponctuellement dans un centre de formation,
plusieurs fois l'an, pour des périodes organisées autour d'une
thématique pédagogique particulière.
Au sujet de la promotion des conditions
satisfaisantes pour une réintégration familiale,
j'ai pu recueillir comme information auprès d'un membre de
l'équipe que l'utilisation de la grille de thérapie
brève est quasiment tombée en
désuétude suite au renouvellement de plus de la moitié de
l'équipe éducative consécutivement à la
démission massive d'anciens éducateurs de l'institution. Je
considère personnellement que ce moyen méthodologique, pour
l'avoir exploité moi-même dans le cadre professionnel, est un
outil riche qui donne des résultats tangibles.
L'évaluation formelle et informelle
régulière des situations sont correctement mises
à exécution à l'aide des différents moyens
évoqués.
7. Une vision créative du service : le
blason16
Durant notre cursus de formation (Van Hoye, 2012/2013), il
nous a été demandé d'illustrer notre cadre de travail sous
la forme d'un blason avec pour consignes :
- de donner libre cours à notre imagination en y
représentant l'institution par un dessin ; - d'y ajouter une devise
représentative en entête.
Comme j'ai trouvé cette approche intéressante,
dans la mesure où elle offre une perception synthétique du milieu
professionnel par la créativité, j'ai décidé de
l'inclure dans cette étape de présentation.
17
16 Voir dessin et interprétation du blason en
Annexe 1, page 66.
18
III.- APPROCHES METHODOLOGIQUES
ET CONCEPTUELLES
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places5.png)
19
1. Analyse du fonctionnement organisationnel
1.1. La division du travail17
1.1.1. La division verticale du travail
Cette division est forte dans l'institution
étant donné que les tâches conceptuelles et formelles
(méthodologies, organisation de la semaine et des prestations, ...) sont
majoritairement assurées par les chef-éducateurs avant
d'être soumises à l'approbation du directeur. Le reste du
personnel a davantage un rôle informel dans cette conceptualisation, se
contentant d'appliquer les décisions de la ligne hiérarchique.
1.1.2. La division horizontale du travail La division
horizontale du travail est :
· faible quand il s'agit des
tâches du quotidien : elles sont assurées de façon
polyvalente par les éducateurs ;
· forte en ce que chaque intervenant
éducatif assure la gestion d'un domaine spécifique
(vêtements, vélos, pharmacie, produits cosmétiques,
fournitures scolaires, diététique, informatique, etc).
1.2. Les rôles des acteurs de l'institution
Ils sont essentiellement identifiables pendant les
réunions d'équipe. Pour mon analyse, je ferai
référence à l'un ou l'autre des huit rôles de R.-M.
Belbin : chairman, shaper, plant, ressource investigator,
implementer, team worker, finsiher (Bodart, 2012/2013), ainsi
qu'à des notions de dynamique de groupe (Content : 2008/2009) et
à certaines approches de l'analyse organisationnelle (Bodart,
2010/2011).
C'est la chef-éducatrice qui tient la position de
leadership (personne la plus influente du groupe) pendant les
réunions où le headship (directeur) est rarement
présent.
Lorsque le directeur assiste aux réunions, il a plus
tendance à y participer dans une fonction de facilitation
des prises de décision. Il apporte en effet beaucoup
d'éclairages pour débloquer des situations en se
référant à la législation de secteur, à des
apports extérieurs (en cela est un ressource
investigator = rôle d'exploration de solutions
importées) ou encore à ses multiples expériences de
carrière dans le secteur.
La chef-éducatrice occupe par ailleurs, la
fonction d'animatrice. En l'exerçant, elle recourt
volontiers à l'influence normative et tranche les
débats en justifiant ses idées et objectifs. Elle est
un shaper. La personne qui prend ce rôle
indique la direction à prendre pour atteindre des résultats
tangibles rapidement. Elle peut néanmoins se comporter en
chairman (rôle de coordination) quand il s'agit de
déterminer les priorités, d'établir des lignes directrices
d'une action, d'affecter aux éducateurs des tâches pour lesquels
ils conviennent mieux et de veiller aux frontières existant entre ces
tâches spécifiques.
La fonction de régulation est
garantie par le chef-éducateur. Il intervient moins dans le débat
que son homologue, mais va plutôt observer le respect du timing et du
caractère équitable de la production des
intervenants. C'est aussi un implementer (rôle
de traduction des décisions prises en objectifs opérationnels) :
il est résistant aux spéculations et raisonnements qui n'ont pas
de portée immédiate sur le débat en cours. De plus, il
défend une approche ordonnée, pratique et réaliste des
problèmes ; il est capable de rappeler à un membre de
l'équipe une décision ou une responsabilité
assignée.
17 Bodart, 2009/2010.
20
Le psychologue a la plupart du temps une influence
évaluative dans les interactions collectives de réunion.
Ainsi, ce dernier se révèle en farouche
monitor/évaluator (rôle d'analyse et
d'évaluation) qui entre facilement en compétition avec les chefs
lorsqu'il prend en compte toutes les facettes d'un problème. En outre,
comme il possède une grande culture générale et une bonne
connaissance de la législation, il peut parfois proposer des pistes et
modèles instituant (à l'encontre des
éléments institués défendus par
les conservateurs).
L'éducatrice la plus ancienne de l'équipe (15
ans de service) va influencer, tantôt de manière informative,
tantôt de manière facilitatrice, le groupe. Elle excelle dans un
rôle de plant (rôle d'invention) du fait
qu'elle est souvent la première à faire preuve
d'ingéniosité dans la résolution pragmatique d'un
problème pratique. Je partage souvent une communauté de valeurs
et d'idées avec elle. Dans son costume de team
worker (rôle de soutien), cette éducatrice offre
facilement sa compréhension aux autres. Elle met chaque fois tout en
oeuvre pour apaiser des conflits en recourant à l'humour. Sa sympathie
et son authenticité lui confèrent un certain charisme
auprès d'autres membres de l'équipe, tel que moi-même
également (c'est avec elle que j'ai le plus d'affinités).
Pour finir, dans la structure informelle
(Bodart, 2010/2011), je distingue 3 sous-groupes d'alliance
au sein de l'équipe pluridisciplinaire. Dans les
alliés du pouvoir institué : les
chefs-éducateurs, 3 éducateurs de l'ancienne équipe, ainsi
qu'un éducateur plus récent de l'équipe. Les
alliés du pouvoir instituant : le psychologue,
l'éducatrice la plus ancienne et moi-même. Reste les
alliés plus neutre qui prennent rarement une position
ouvertement mais s'expriment davantage lorsqu'ils sont invités à
décrire l'état d'évolution d'une situation qui leur est
référée. Il s'agit des 4 éducateurs ayant le moins
d'ancienneté.
NB : J'estime que certaines
décisions prises en réunion mériteraient d'être
mieux appliquées sur le terrain. Voici un exemple éloquent, d'une
décision quelque peu négligée, dans l'utilisation des
ordinateurs par les jeunes. Il avait été conclu
collégialement que chaque enfant devait quitter son PC au bout d'une
demi-heure d'utilisation, les mercredis et vendredis. J'ai pourtant
observé que certains ne quittaient toujours pas l'écran au bout
de deux heures et que des enfants s'y trouvaient tous les jours de la semaine.
En conséquence, j'ai exprimé aux usagers mon avis au sujet de la
nocivité d'une utilisation aussi longue, d'autant plus que
l'informatique a tendance à devenir le loisir quasi-exclusif. J'ai aussi
interpellé les éducateurs en ce sens. Mais n'étant pas
relayé par une majorité de collègues auprès des
jeunes, en renforcement positif*, comment mon intervention
aurait-elle pu déboucher sur le résultat que j'escomptais ?
2. Approches conceptuelles et méthodologiques
du rapport aux mondes virtuels
Le mot « virtuel » vient du latin virtualis
tirant sont radical de virtus signifiant « force ».
Autrement dit, dans une première acception : « qui n'est qu'en
puissance ; potentiel, possible »18. Ainsi,
selon le philosophe Gilles Deleuze, le virtuel devient pleinement réel
par un processus d'actualisation (Deleuze, 1968, éd 1993 : 272-273).
D'ailleurs Aristote distinguait déjà l'acte en puissance de
l'acte actualisé par dunaton, l'équivalent grec de
virtualis, en tant que force qui détermine le mouvement du
réel. A partir de cette définition, Serge Tisseron19
souligne que les adolescents, dans leurs préoccupations essentielles,
« tentent d'échapper provisoirement à l'angoisse du
virtuel comme devenir en s'investissant à
corps perdu dans le
virtuel-déjà là que constituent
les jeux vidéo et Internet, car ils peuvent y engager un
simulacre de corps réduit à une
apparence » (Tisseron, Missonier & Stora, 2006 : 95-96). Me
voilà donc parvenu à la seconde
18Premier sens donné par Le Petit
Larousse.
19Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste et
directeur de recherche à l'université Paris-X de Nanterre, est
auteur de nombreux ouvrages concernant le rapport humain au virtuel.
21
définition de « virtuel »,
c'est-à-dire la simulation d'un environnement réel par des images
tridimensionnelles et sons de synthèse.
Avec l'évolution frénétique des T.I.C.,
les « réalités virtuelles » prennent de plus en plus de
place dans le quotidien via les écrans numériques
interconnectés par le biais du sacro-saint Internet : un village
à dimension planétaire.
Les individus se comportent avec leur téléphone
cellulaire comme les tous petits avec leur doudou. Le téléphone a
un côté rassurant : il permet de se relier immédiatement
à un proche, comme l'objet transitionnel* rappelle
à un bébé le parent absent. « Plus le corps de
ceux avec lesquels nous interagissons s'efface et plus nous sommes
tentés de lui substituer celui des machines. Le toucher, par exemple,
nous manque tellement que nous caressons volontiers nos
téléphones» (Tisseron, 2008 : 24-25).
2.1. Bienfaits et préjudices des mondes
virtuels
Les plus friands, mais aussi les plus chevronnés, en
matière de technologies numériques : nos teens. Par les
maîtres programmés des jeux vidéo, ils s'approprient les
repères et conseils qu'ils ne vont plus spontanément chercher
chez leurs tuteurs de la « vraie vie » (Tisseron, 2008 : 90-92). De
même, les rites de passage socioculturels ou
socio-cultuels - comme la communion solennelle, la fête des conscrits ou
le bizutage universitaire - sont aujourd'hui remplacés, en partie, par
le passage obligé dans les mondes virtuels (ibidem, p93). Faute de quoi
garçons et filles risquent de se sentir en marge de la « tribu
».
Malheureusement les adultes sont généralement
peu préparés à les accompagner de façon porteuse
dans ces univers en raison de la fracture
numérique20. Généralement, ils ont
tendance à culpabiliser l'enfant en justifiant de la
stérilité du temps passé sur l'ordinateur, au
détriment d'une bonne partie de celui qu'il aurait encore à
consacrer à sa réussite scolaire. Les éducateurs auraient
pourtant intérêt à se familiariser eux-mêmes avec ces
pratiques divertissantes. En effet, ils pourraient alors non seulement
réaliser que le jeune y acquiert des compétences
transférables dans la réalité, mais aussi contrôler
sans oppression l'activité de leur protégé en la
partageant quelques fois avec lui (ibidem, pp94-96). Ainsi, le monde virtuel
constitue un espace de médiation (Rouzel, 2004 :
197-207) [cf. les médiations éducatives page 56].
Certains spécialistes défendent les vertus des
jeux vidéo, face à ceux qui reprochent à ce type de
distractions d'encourager des comportements violents chez leurs jeunes et
d'être stériles pour leur créativité. Le point de
vue que défendent les experts favorables aux activités ludiques
sur l'ordinateur est le suivant. L'agressivité en soi n'est pas une
manifestation pathologique, mais « une pulsion de vie,
nécessaire au développement de l'enfant et à l'affirmation
de soi » et, en cela, n'est pas à associer à un manque
de self-control (Stora21, 2007 : 39). Cette pulsion de vie peut
avoir des effets de libération et en même temps s'avère
utile pour franchir des obstacles ou atteindre un but. Les jeux vidéo
stimuleraient donc les facultés de stratégie de l'enfant. Il est
aussi prouvé scientifiquement qu'ils stimuleraient certaines
compétences cognitives, ainsi que l'intelligence déductive
(ibidem p58).
D'autre part, nous sommes aujourd'hui dans une ère
sociétale surinvestie par l'idéal du moi et moins moralisatrice.
Certains jeunes marquent leurs corps (tatouages, piercings), d'autres font une
crise d'adolescence en donnant à leur « moi tyrannique
» un exutoire par les jeux en réseau. Ils leur permettent se
frotter aux règles, aux limites et prendre des risques - sans encourir
des dégâts physiques - pour mieux mesurer leur puissance à
un âge où ils se cherchent particulièrement (ibidem, pp
43-44). Dans les jeux dits M.M.O.R.P.G.22,
affrontant - à partir d'un
20 Elle concerne les inégalités d'usage
et d'accès aux T.I.C., parfois dues à un écart
intergénérationnel.
21Michaël Stora travaille comme psychologue
clinicien pour enfants et adolescents au Centre Médico-Psychologique de
Pantin (France, 93) où il a créé un atelier « jeu
vidéo ». Il réfléchit depuis plusieurs années
sur l'impact des jeux vidéo sur les enfants souffrant de troubles
psychiques mais aussi sur le lien interactif de l'homme à l'ordinateur
et de ses conséquences sur les processus mentaux.
22Acronyme anglais de Massively Multiplayer
Online Role Playing Games signifiant « Jeux de rôle en ligne
massivement multi-joueurs ». Accessible à tout moment par un
joueur, en l'absence de ce dernier, l'univers d'un M.M.O.R.P.G. continue
à évoluer avec
22
avatar23 - un monde inconnu
où il doit prendre des décisions importantes, le jeune joueur
occupe un espace qu'il conquiert progressivement. Il s'y démarque
également de ses parents par une contre-culture obligée et propre
au processus de l'adolescence.
Enfin, les jeux vidéo auraient des vertus
thérapeutiques dans le sens où ils seraient susceptibles
d'opérer un travail de réparation narcissique (ibidem, pp58-64).
Néanmoins, cette activité réparatrice ne peut se faire que
si le jeune a été marqué de manière favorable dans
ses premières relations humaines. Dans ce cas il pourra aisément
soulager, dans les espaces dits virtuels, des souffrances passagères
parce qu'il aura très tôt intégré des figures
parentales plutôt bonnes et sécurisantes (Tisseron, 2008 :
140-141). La machine peut en effet offrir à un sujet donné une
relation semblable à celle qui apaise le nourrisson dans un attachement
primaire (dyade primitive). On parle alors d'un état de «
dyade numérique » (Tisseron, 2009 :
31).
Les cyber-consommateurs, qui ont vécu
précocement des expériences traumatiques majeures
d'abandon ou de séparation*, vont à leur insu
réveiller leurs blessures en explorant les univers numériques.
Espérant alors apaiser leurs meurtrissures, ils vont plutôt les
amplifier chaque fois davantage. Par conséquent, « plus
l'angoisse de ce déplaisir est vive, plus le remède du virtuel
risque de devenir un poison » (ibidem, p141). C'est l'entrée
dans une spirale de dépendance. Cette dérive peut être
réversible, mais à condition de rencontrer un tuteur de
résilience*.
Il est des professionnels qui sont plus ou moins acerbes
à l'égard des interfaces numériques, en raison justement
des dérives fâcheuses auxquelles elles peuvent conduire. Ces
militants soulignent à quel point notre environnement quotidien
non-humain est saturé d'images et de sons en tous genres. Nous vivons
dans un univers où tout va très vite, où le mouvement est
permanent et où le progrès technologique accompagne le
bébé dès sa vie intra-utérine. Soumis dès
notre plus jeune âge au « pouvoir hypnotique des pixels
», notre sensorialité est continuellement
affectée par l'excitation nerveuse au détriment de
l'activité intellectuelle et émotionnelle (Gustin24,
2006 : 33-34).
L'image est un support essentiel rendant possible la
pensée. Mais l'enfant doit pouvoir s'en abstraire pour que sa relation
aux écrans puisse inspirer un récit à partir de
représentations intérieures. Les jeunes générations
sont en effet de moins en moins enclines à la représentation
symbolique jadis favorisée par le conte ou le récit qui
participait en même temps à une structuration lexicale et
grammaticale de l'enfant, ainsi qu'à la formation de son
répertoire culturel (ibidem, pp35-36). Il est prescrit également
de permettre à l'enfant de faire l'expérience de la solitude et
du silence pour que ses représentations puissent se former de
façon à nourrir sa créativité (ibidem, p50).
J'en reviens au sujet de la nécessaire abstraction des
pixels pour s'introduire dans une dimension de la réalité
où peu émerger cette créativité personnelle. On
peut associer ce postulat au concept de sidération.
Selon les psychanalystes, la sidération est un processus psychique dans
lequel un sujet, happé par le regard qu'il porte sur un objet,
disparaît dans sa propre jouissance narcissique à travers la vue
de cet objet ; ce « qu'il voit, et la manière dont il voit ne
font plus qu'un, dans une espèce d'unité qui interdit toute forme
de mise à distance » (Meirieu, 2004). La personne est donc
hors relation au monde, ce mécanisme l'empêchant d'avoir la
moindre distance réflexive. En revanche, entrer en sidération
peut être utile à la construction identitaire d'un individu,
à condition toutefois de pouvoir en sortir, comme dans les rites
initiatiques (avec entrée et sortie) de type traditionnel. Avec les
images audio-visuelles d'Internet, le risque pour ceux qui y trouvent un refuge
anxiolytique ou antidépresseur est ne plus vouloir en sortir. Ils sont
alors pris dans la spirale de la cyberdépendance.
les autres joueurs présents. D'où
l'intérêt de se connecter en même temps que ceux avec qui on
a l'habitude d'interagir.
23Dans la croyance hindoue, l'avatara est
un dieu qui descend sur terre pour prendre la forme d'une vie humaine
(Hautefeuille & Véléa 2010 : 39). Selon cette signification,
le joueur peut de même s'incarner dans un jeu sous une apparence toute
faite ou qu'il choisit.
24Pascale Gustin, psychologue clinicienne et
psychanalyste, partage sa vie professionnelle entre le Service de Santé
Mentale Le Chien Vert à Bruxelles, sa pratique libérale
et les milieux hospitaliers où elle exerce depuis plus de 15 ans en
pédiatrie, maternité, procréation médicalement
assistée et au sein d'unités intensives néonatales et de
grossesses à risque.
23
2.2. Cyberdépendance versus usage
problématique
Le terme « cyberdépendance » est apparu vers
le milieu des années nonante, au sens de « toxicomanie
sans drogue » : expression déjà
proposée par Otto Fenichel en 1949 (Minotte25, 2010 : 17).
Elles s'inscrivent dans le registre des dépendances comportementales.
L'addiction à Internet est apparue la première fois, en 1996,
dans les propos de Kimberly Young (psychologue) lors de la réunion
annuelle de l'Association Américaine de Psychologie (APA) qui se
déroulait à Toronto.
« Désignant à l'origine, toute
dépendance à l'ordinateur, ou plus largement à l'univers
informatique, ce terme est aujourd'hui utilisé principalement pour
désigner une dépendance qui s'instaure chez une personne faisant
un usage distordu des moyens de communication offerts par Internet. Cette
personne est dans la recherche constante de connexion au réseau
informatique afin d'y établir une communication, d'y trouver une
information, du sexe ou du jeu virtuel. Elle éprouve une
anxiété désorganisatrice si elle ne peut se connecter, et
sa vie personnelle et sociale s'organise autour de la connexion. A l'image
d'une toxicodépendance, le cyberdépendant manifeste un
phénomène de manque et peut recourir au mensonge pour
réduire l'importance de son addiction. » (Nayebi, 2007 :
14-15).
L'adolescence ainsi que la période d'études
sont réputées propices à l'apparition de la
cyberdépendance. Les mondes virtuels, du fait de la
malléabilité qu'ils proposent, peuvent servir à une mise
à distance des modèles parentaux et à échapper
à une réalité sociale mouvante qui ne propose plus des
repères fiables et sécures (Nayebi, 2007 : 25). Le risque de
dépendance est plus important pour les adolescents introvertis, qui ont
généralement une faible estime et une mauvaise image
d'eux-mêmes. Ceux-ci peuvent contourner leur questionnement identitaire
par la connexion à la Toile pour se mettre dans la peau d'un avatar fort
et vaillant s'il est un garçon ; quand il s'agit d'une fille, elle peut
jouir d'une meilleure réputation ou avoir davantage d'amies par le blog,
le forum ou le chat qu'à l'école (Nayebi, 2007 : 35).
Les parents ou éducateurs qui négligent la
surveillance d'un jeune devant l'écran informatique lui font prendre
beaucoup de risques. A cause de son manque de maturité, ce dernier ne
mesure pas les conséquences de ces risques. Nous savons tous qu'Internet
est truffé de contenus innombrables à caractère
indésirable. Il faut bien reconnaître aussi que les consoles et
« ordis » arrangent parfois les responsables de jeunes, surtout quand
ces médias servent de tendres nounous. Les adultes pensent alors -
à tort - que leurs protégés sont à l'abri des
dangers parce qu'ils ne « traînent pas » n'importe où en
dehors du giron domestique. En effet, à côté du risque pour
l'enfant de tomber dans l'une ou l'autre forme de dépendance par une
durée immodérée passée devant la machine, il y a
aussi d'autres menaces permanentes qui pèsent sur lui en ligne, en
dehors d'un regard adulte prévenant. Dans les blogs que les jeunes se
créent - y divulguant des informations personnelles voire intimes - ou
sur les forums juvéniles en ligne sur lesquels ils discutent,
rôdent possiblement des prédateurs mal intentionnés -
certains sous couverts d'une identité faussement juvénile. A
savoir que « près de 70 % des services de dialogue ne sont pas
modérés, ce qui n'empêche pas les adolescents de
fréquenter assidûment les "chats", les forums, les blogs,
n'hésitant pas à se confier à des interlocuteurs
cachés derrière un pseudo » (Nayebi, 2007 : 36).
Le cybersexe se répand le plus fréquemment par
les spams26 et autres SMS. Même un jeu en ligne, un
salon de chat (prononcé « tchatte ») ou un site de
films peut contenir des liens hypertexte à caractère
érotique ou pornographique. L'individu qui commence à s'y livrer
très tôt, finissant par en éprouver une appétence
sans limites, risquera vite plus tard de se détacher de son partenaire
sur le plan affectif et sentimental.
25Pascal Minotte est psychologue,
psychothérapeute et chercheur à l'Institut Wallon pour la
Santé Mentale. Il a réalisé, suite à une demande de
la Région wallonne, une recherche sur les usages problématiques
d'Internet et des jeux vidéo.
26Lorsqu'un internaute - par simple
curiosité, voire accidentellement - clique sur un cyber-lien
publicitaire apparaissant sur la page où il se trouve, il va
généralement devoir introduire son e-mail dans une barre de
fenêtre pour accéder au contenu de la nouvelle page. Cette
identification électronique est alors fichée chez le «
prestataire de service » qui pourra s'en servir pour relancer le
listé via des messages publicitaires « personnalisés »,
les spams, déposés dans la boîte e-mail de ce
dernier. Un fichier de consommateurs peut être partagé avec
d'autres cyber-marchands, même d'un autre secteur de
l'e-business. C'est ce qui explique qu'à un moment une
boîte à lettres électronique peut être truffée
de spams en tout genre, l'internaute étant fiché un peu partout
avec ses principaux styles de consommation.
24
Toujours est-il qu'un jeune, même bien cadré par
ses tuteurs légaux, peut échapper à la vigilance de ces
derniers en fréquentant un cyber-café pendant ses heures de
fourche.
Par ailleurs, force est de constater le foisonnement des
expressions et termes relatifs aux fragilités humaines depuis une
vingtaine d'années. Lorsqu'un néologisme médical se
répand dans l'opinion, notamment par les médias, nous
l'intégrons progressivement pour finir par ne plus que percevoir
certaines conduites via le prisme de l'étiquette lexicale : «
Mon enfant est-il cyberdépendant ? Ou alors, a-t-il un haut
potentiel ? », « Pouvons-nous accueillir un
hyperkinétique dans cette classe ? », etc. Ainsi, «
il est essentiel pour les professionnels de la santé mentale de faire
preuve de sobriété et de prudence dans l'étiquetage, mais
aussi d'avoir à l'esprit que celui-ci construit autant qu'il
décrit une situation. La façon dont nous allons nommer les
problématiques de santé mentale [doit], avant de satisfaire nos
désirs de maîtrise et de classement, servir le bien être de
tout un chacun. » (ibidem, pp18-20).
Il s'agit de ne pas associer systématiquement «
cyberdépendance » à tout ce qui nous pose question en
matière de cyberconsommation des jeunes. La cyberdépendance
recèle en effet d'un éventail d'aspects diversifiés qui
vont jusqu'aux jeux de hasard et d'argent. Par prudence, « nous serons
plus efficients en termes de promotion du bien-être en parlant simplement
d' "usages problématiques" ». Et, dans ces
usages, il y a notamment le surinvestissement pour les jeux vidéo, dont
ceux on line27. Cet engagement excessif, pour lequel de
nombreux parents et éducateurs s'inquiètent, pourrait être
qualifié de « passion obsessive » selon l'expression de Robert
J. Vallerand (ibidem, pp 20-27).
Les adolescents jouent en moyenne une à deux heures par
jour. Cette moyenne n'est pas problématique. Par contre, il y aurait
vraiment lieu de s'inquiéter à partir de quatre heures
consécutives de jeu vidéo (ibidem, p28). A ce propos, une
étude statistique menée pour la Fédération
Wallonie-Bruxelles, sur un échantillon représentatif des 12-20
ans, révèle que 12,9 % des interrogés s'adonnent à
des jeux vidéo (sur console ou ordinateur) pendant au moins quatre
heures par jour, contre 12,5 % en 2008 et 7,3 % en 2002 (Favresse & al,
2013 : 84). Bien qu'elle est loin de se généraliser, force est de
constater que la tendance est en nette progression depuis une dizaine
d'années.
L'usage problématique des jeux interactifs concerne
davantage les garçons que les filles. Ces dernières ont tendances
à préférer les IRC28 où
elles peuvent « clavarder » (contraction de « clavier » et
« bavarder »29) en toute liberté et anonymat, mais
risquent toutefois de s'y perdre tout autant que les garçons le font
dans les jeux vidéo (Minotte, 2010 : 29).
Comme je l'ai désormais quelques fois
évoqué, un usage problématique des écrans
numériques peut s'expliquer par une fracture dans l'histoire de
certaines personnes. Mais cette cause ne doit pas s'envisager isolément
d'autres. L'interactivité dans la structure des MMORPG, par exemple, est
programmée pour l'établissement d'un lien fort entre joueurs
d'une même « guilde »30. Cette relation solide
serait de même nature que celle existant dans une coopération de
confiance « réelle » (ibidem, p31).
Toujours est-il que, au regard de l'état lieu dont je
viens de rendre compte, il est clair que les éducateurs ne doivent pas
négliger - pour prévenir toute dérive - d'entretenir un
dialogue aussi régulier que possible avec les jeunes dont la
responsabilité leur incombe, même à propos d'un domaine
dont certains aspects pourraient échapper à leurs maîtrise
et connaissance.
27Anglicisme signifiant « en ligne »,
c'est-à-dire connecté à Internet.
28L'Internet Relay Chat est un protocole qui
permet de dialoguer en temps réel avec d'autres utilisateurs en se
connectant grâce à un
logiciel (appelé un « client ») à
serveur IRC lui-même relié avec d'autres serveurs IRC. Toutes les
personnes ainsi connectées peuvent
discuter sur des forums publics ou privés en respectant
toutefois des règles d'utilisation.
Sources :
http://www.commentcamarche.net/contents/1155-irc.
29Néologisme que j'ai rencontré
à l'occasion d'une soirée d'information Webetic.
30Une guilde est un ensemble de joueurs formant une
équipe de « collaborateurs ». L'un des membres en est le
chef.
25
2.3. Méthodologie de prévention
L'éducateur averti sait que se placer sur un mode
alarmiste et moralisateur, face à un mésusage potentiel, est
d'emblée stérile. Voici donc quelques conduites à tenir
afin de transmettre aux jeunes un usage sain de l'informatique (Nayebi, 2007 :
40-41 et 65).
2.3.1. Avec les 8-12 ans
Les 8-12 ans se familiarisent avec les jeux en ligne,
commencent à maîtriser les messages électroniques et
regarder des films en streaming31 et
téléchargent leurs musiques favorites sur leur baladeur
numérique. Après l'âge de 10 ans certains essayent
déjà d'accéder à la cyber-sexualité et, en
raison de la crédulité liée à leur
immaturité, ils peuvent facilement tomber dans les filets pervers des
prédateurs de la cybercriminalité par l'intermédiaire des
blogs - toutefois dédiés à cette tranche d'âge - qui
connaissent une formidable expansion depuis 2005 environ.
Ainsi, la prévention vis-à-vis des contenus
« toxiques » peut se faire à partir de 11 ans. Il est donc
nécessaire :
· d'expliquer à l'enfant de cet âge qu'il
risque de recevoir ces types de contenus, sous forme de spam, même s'il
ne les convoite pas ;
· de lui recommander de se contenter du stricte minimum
de données personnelles pour remplir un formulaire d'inscription sur un
site et d'éviter d'envoyer des cartes électroniques à ses
amis (pour se protéger du harcèlement publicitaire de
l'e-business) ;
· d'aviser le jeune qu'il doive prévenir ses
éducateurs en cas de réception, sur sa boîte aux lettres
électronique ou son GSM, d'un message non attendu ;
· de clarifier que tout rendez-vous pris par Internet
est dangereux, sauf évidemment entre mineurs et à condition que
les responsables légaux de chaque enfant aient établi ensemble au
moins un contact pour se mettre d'accord sur le cadre de la rencontre.
· d'énumérer à son enfant les
conduites à tenir en ligne (préserver son intimité ; ne
pas publier ses photos ou vidéo n'importe où ; ne pas se
déshabiller devant la webcam ; même pour « rigoler » ;
ne pas déjà se lier d'amitié au bout de quelques
échanges de mails ; etc.) ;
· de lui expliquer que le seul fait de jouer souvent
avec quelqu'un en ligne, qu'on ne connaît pas dans la vraie vie, ne
légitime pas une proximité ou amitié authentique avec la
personne qui se « cache » derrière un avatar.
La sécurité et la santé de la
fréquentation des univers numériques se construisent encore avec
les jeunes de cette classe d'âge par le biais d'autres règles et
méthodes :
· Lors de l'achat d'un jeu, consulter sa classification
PEGI32 pour vérifier si son contenu s'approprie à
l'âge du jeune ;
· Ne pas passer plus de 2 heures 30 par jour devant
l'ensemble des écrans à pixels (TV + ordinateur + console
vidéo) ;
· Trouver un équilibre, dans les activités
extra-scolaires, en complétant le temps passé devant les
écrans par au moins 4 heures d'activité physiques, à
répartir de préférence entre deux jours de la semaine ;
· Si l'enfant respecte ce contrat, l'autoriser à
passer plus de temps sur l'ordinateur et/ou sa console le week-end, sans
toutefois dépasser 5 heures par jour ;
· Poser les conditions de gestion de la consommation du
GSM, en disant par exemple qu'il a droit à une carte de rechargement
prépayée de 10 ou 15 € par mois.
2.3.1. Avec les plus de 12 ans
Ils se spécialisent dans l'exploration des sites
Internet en « surfant ». Ils s'emballent pour les jeux vidéo
« des grands ». Ils téléchargent sans discernement des
contenus
31Transmission de données audio et
vidéo par des cyber-marchands en flux continu, dès qu'un
téléchargement - au moyen d'un logiciel de lecture comme
Windows Media Player ou Adobe Flash Player - est sollicité
par un internaute sur le site de ce marchand. 32« Pan European Game
Information » = système européen d'information sur les jeux
(voir Annexe 2, page 67).
26
audiovisuels susceptibles de les fasciner ; certains ont
tendance à rechercher des photos à caractère sexuel ou de
courtes séquences vidéo du même type. Ils utilisent de
façon quasi-quotidienne les sites de chat et autres blogs. En
matière préventive, il s'agit de :
· les sensibiliser à leur responsabilité
devant les lois régissant la vie privée, le partage des fichiers,
les droits d'auteur, le droit à l'image (qui protège davantage
les particuliers que les artistes médiatisés) ;
· les autoriser à publier un blog, mais à
condition de se laisser accompagner par l'adulte dans la thématique et
la construction du blog au départ ;
· leur donner des conseils éthiques comme ne pas
répandre des rumeurs sur leur blog ou autres sites Internet ;
· consulter régulièrement leur blog pour
s'assurer qu'ils ne soient pas la cible de harcèlements, de
prédations pédophiliques ou d'intimidations ;
· s'assurer que les chats et forums de discussion,
qu'ils fréquentent, soient bien soumis à
modération33 .
3. Autres approches théoriques et outils
psycho-éducatifs
Les définitions ci-dessous, réparties par
champs disciplinaires, sont relatives à des matières que j'ai
rencontrées tout au long de mon cursus de formation. J'en utiliserai les
concepts, plus loin, dans l'analyse de situations tirées de ma pratique
professionnelle.
3.1.Du comportementalisme
Le conditionnement pavlovien (Seron, Lambert
& Van der Linden, 1977 : 21-26)
Il obéit au principe selon lequel tout stimulus du
milieu sur un individu, induit chez ce dernier une réponse
comportementale (ou comportement), selon le schéma
SE--I--RC34. Plus une personne va être stimulée
répétitivement dans le sens d'obtenir un certain comportement ou
une certaine attitude, plus la réponse comportementale ou attitudinale
escomptée risque d'apparaître.
Le renforcement (ibidem, pp27-30)
Selon le principe évoqué
précédemment, il y a un accroissement de la probabilité
d'apparition d'un comportement suivant la présentation d'un stimulus
particulier. On parle alors de renforcement positif.
Ainsi, un nouveau comportement peut être obtenu progressivement, de la
part de quelqu'un, par le renforcement de comportements successifs ayant des
caractéristiques similaires avec le comportement attendu.
En revanche un stimulus, ayant un caractère aversif
pour un individu donné, va amener celui-ci à manifester une
réaction visant à se soustraire à la situation
désagréable. On parle encore de renforcement
négatif. La réaction du sujet peut alors
être, entre autres, un comportement dit d'échappement.
Le comportement le plus approprié
(Montreuil & Margerotte, 1994 : 131)
Si certains comportements d'un enfant peuvent-être
perçus par l'éducateur comme « inappropriés »
(agressivité verbale ou physique, absence de réaction ...), il
n'en est pas de même pour le premier. En effet, ce dernier ne sachant pas
communiquer selon une manière que nous estimons « adaptée
», il va avoir tendance à exprimer un besoin insatisfait selon ses
« moyens du bord ».
33Un modérateur est un internaute dont le
rôle est d'animer et essentiellement de surveiller un forum de discussion
pour bannir les users (utilisateurs du même forum) diffusant des
insultes ou propos diffamatoires. Il est également charger de bannir les
incitations à la violence, la haine, le racisme ou la pornographie
(surtout sur les sites réservés aux plus jeunes) et tout ce qui
est hors la loi en général. Il doit toutefois se montrer
impartial dans les débats en tempérant son opinion personnelle,
afin qu'elle n'entache pas son jugement.
34SE = stimulus externe ; I = individu ; RC =
réponse comportementale.
27
3.2.De la psychologie génétique (Fonck,
2008/2009)
L'objet transitionnel est l'objet
utilisé par un enfant, à partir de l'âge de 4 mois, pour
atténuer une angoisse de séparation momentanée d'avec sa
mère, la figure d'attachement. Selon Donald Winnicott (années
50), cet objet va permettre au bébé de réunir sa
réalité intérieure et la réalité
extérieure. Cette réalité intérieure est
constituée de ce qu'il perçoit du monde extérieur
modifié par ses propres fantasmes.
L'imago
C'est le concept selon lequel une figure affective adulte
peut se substituer à celle d'une mère ou d'un père. Il
s'agit d'un imago maternel lorsque cette figure est une femme. On parle d'imago
paternel pour un homme.
3.3.De la psychologie sociale
L'estime de soi (Josquin, 2009/2010)
C'est l'auto-évaluation de soi, mais aussi la
valorisation de soi reposant sur la comparaison aux autres en utilisant des
critères qui nous sont a priori favorables, ou encore la pensée
d'être au-dessus de la moyenne des membres des membres d'un groupe
d'appartenance.
L'identité sociale (ibidem)
C'est la partie du concept de soi d'un individu
résultant de la conscience de celui-ci d'appartenir à un groupe
humain donné, « ainsi que la signification émotionnelle
qu'il attache à cette appartenance ».
L'autorité éducative
Pour toute autorité ajustée, il «
s'agit toujours d'être suffisamment proche pour ne jamais être
indifférent, et suffisamment distant pour ne pas être
indifférencié. Tout l'art de l'autorité réside dans
cet art du positionnement » (Petitclerc, 2012 : 27). Et «
autorité » est à prendre ici sous son sens
étymologique latin augere signifiant à la fois «
auteur » et « croître ». L'autorité ainsi
définie, toute relation qui se veut d'autorité «est une
relation qui permet à l'enfant, à l'adolescent qui grandit de
devenir auteur de sa propre vie » (ibidem, p13).
3.4.De la sociologie
L'habitus (Heze, 2011/2012)
Notion chère au sociologue français Pierre
Bourdieu, l'habitus est une disposition à agir, penser et croire
incorporée, par « contagion » socio-affective, à la
dimension psychologique d'un individu. L'habitus ainsi acquis va influencer
inconsciemment nos choix, paroles ou opinions selon un système de
valeurs. Les habitus sont un facteur important de résistance au
changement et donc à la remise en question de soi.
3.5.De la psychopathologie
L'atteinte à la constitution du sentiment de
puissance personnelle
C'est l'atteinte à l'intégrité psychique
d'une personne due à une expérience d'insécurité
extrême. Ce traumatisme n'ayant pas été «
digéré » dans la dynamique psychique de
l'intéressé, celui-ci risque de rester fixé à un
stade de son développement psycho-affectif (Greffe, 2012/2013).
Une personne possède un sentiment de puissance
personnel quand elle se sent capable d'exercer un certain pouvoir sur l'ordre
des choses, donc se positionner en tant que sujet.
28
L'actualisation des peurs archaïques est
un processus mental qui consiste, dans une dynamique de rivalité
relationnelle, en la projection d'angoisses - liés à un
traumatisme psychique - de manière transférentielle dans le
présent (ibidem).
L'expérience d'abandon affectif
(ibidem)
Vécu traumatique lié au manque d'investissement
affectif d'un enfant par une figure parentale, bien que le parent ne l'ait pas
abandonné effectivement. Ce traumatisme peut susciter une faille
narcissique qui s'accompagne d'une angoisse de perte d'Objet.
La résilience (Cyrulnik, 1999)
En physique, la résilience est « l'aptitude
d'un corps à résister à un choc ». En
psychologie humaine, elle est la « capacité à
réussir, à vivre et à se développer positivement de
manière socialement acceptable en dépit du stress ou d'une
adversité qui comportent normalement le risque grave d'une issue
négative » (ibidem, p10). Cette adversité peut
être un traumatisme lié à une expérience de danger
(comme la maltraitance parentale) ou d'insécurité majeure (comme
la négligence parentale). Mais ce drame existentiel peut être
surmonté à partir de la rencontre de « tuteurs de
résilience » dans sa trajectoire de vie offrant au résilient
la possibilité de mettre en mots une situation traumatique, en vue d'une
prise de distance par rapport aux émotions liées à cette
dernière. Un tuteur de résilience peut aussi être un
pointeur de ressources chez l'Autre pour l'aider à rester fixer sur des
objectifs de vie à atteindre.
L'inscription dans la constructibilité
psychocorporelle est la possibilité pour un sujet de rester
inscrit dans un processus évolutif de construction identitaire et de
structuration de sa personnalité (Greffe, 2010/2011).
La contagion est un phénomène
de suggestion émotionnelle d'un enfant par une figure parentale (ibidem,
2012/2013).
3.6.De la communication interpersonnelle
Les messages dans la communication (Pasleau,
2008/2009)
En tant qu'éducateur, il est important d'être
particulièrement vigilent à la congruence des canaux de la
communication interpersonnelle, c'est-à-dire à la symphonie
(cohérence) des messages envoyés sur ces différents canaux
(le canal verbal relatif à la langue parlée + les canaux non
verbaux relatifs aux cinq sens), afin de ne pas induire d'ambivalence dans le
décodage du message global par
l'interlocuteur-bénéficiaire.
La congruence (ibidem) est, selon Carl
Rogers, « tout ce que je ressens intérieurement est aussi ce
que j'exprime. Je suis alors `congruent', c'est-à-dire je suis le
même intérieurement et extérieurement, je suis
cohérent ». Il s'agit au minimum d'éviter d'exprimer
quelque chose que l'on ne ressent pas. La non-congruence produit un
double message qui induit de la confusion chez
autrui.
La communication para-verbale (ibidem),
relative aux caractéristiques de la voix (ton, intonation, rythme, ...)
et aux périodes de latence entre les mots prononcés, est une
composante de l'expression non-verbale.
L'escalade symétrique (ibidem)
Dans une relation symétrique (en miroir), les
partenaires maximalisent les ressemblances - verbales comme non verbales - de
telle sorte qu'ils soient en écho dans leur fonctionnement entre eux.
L'inconvénient principal de la symétrie relationnelle est de
provoquer l'escalade symétrique ; il y a une compétition entre
les partenaires qui jouent au même jeu : ou prendre une position de plus
en plus haute ou se placer en position de plus en plus basse. Cela se traduit
par de la rivalité.
29
Zone d'acceptation versus zone d'inacceptation
(T. Gordon in De Halleux, 2008/09)
Zone
d'acceptation (disponibilité)
|
L'autre vit une difficulté
|
J'écoute
|
|
J'écoute ou m'exprime
|
Zone d'inacceptation
(indisponibilité)
|
Je vis une difficulté
|
Je m'exprime en « je »
|
|
Dans la zone du milieu (en vert), l'autre et moi
sommes réciproquement disponibles. Nous pouvons donc nous exprimer et
nous écouter mutuellement. Ainsi nous sommes amenés à
progresser ensemble.
Dans la zone du haut (en bleu), l'autre vit une
difficulté, il a donc besoin de l'exprimer. Mon outil de communication
par rapport à lui sera l'écoute, pour ne pas dire l'écoute
active que j'ai définie un peu plus loin.
Dans la zone du bas (en orange), comme c'est moi qui
vis une difficulté, je l'exprimerai en mon nom personnel. Ainsi, pour
faire au mieux, je vais me servir de l'expression en « je », comme
outil de communication, afin de ne pas faire porter la responsabilité de
mon problème à l'autre.
L'empathie (Rogers, 1976 : 238)
Dans une relation dite d'aide, la compréhension
empathique est la capacité de l'éducateur de « percevoir
le monde subjectif [d'un sujet-bénéficiaire] «comme si»
on était cette personne, sans toutefois jamais perdre de vue [...] qu'il
s'agit des expériences et perceptions de l'autre. Si cette
dernière condition est absente ou cesse de jouer, il ne s'agira plus
d'empathie, mais d'identification ». Cette compréhension est
censée s'exercer dans un cadre d'écoute active
: l'accompagnant reformule ce qu'il perçoit des attitudes
de l'accompagné, pour vérifier si ses interprétations
correspondent à la réalité intérieure de ce
dernier. (Ex. Je crois comprendre que tu préfères jouer
à la DS que faire une balade dehors. Tu as mon autorisation de rester au
Foyer alors).
Les jeux relationnels (De Halleux,
2008/2009)
En analyse transactionnelle, les jeux de relation sont des
situations de conflit où l'un des ou les deux partenaires est
dévalorisé, selon le triangle (dramatique ou de Karpman) suivant
:
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places6.png)
30
Le persécuteur prend une
position rigide, dans laquelle il culpabilise l'autre, déniant sa
responsabilité ;
Le sauveur a tendance à
maintenir l'autre, qu'il considère comme incapable, en position de
dépendance en faisant « à la place de » ;
La victime a tendance à se
complaire dans les difficultés, envoyant des messages indirect à
l'autre afin d'être pris en charge par lui.
Les Etats du moi et les transactions
(ibidem)
Suivant les moments, nous sommes susceptibles de fonctionner
selon trois modes par rapport aux personnes avec qui nous sommes en relation.
L'analyse transactionnelle, toujours, désigne ces modes par
états du moi. Il s'agit de l'état de
:
- Parent = la zone de normes et valeurs (Il faut
que, Tu dois, C'est très bien quand,
Là je ne suis pas d'accord parce que...) ;
- Adulte = la zone rationnelle de prise de recul par
rapport aux évènements intérieurs et d'analyse des
éléments extérieurs ;
- Enfant = la zone affective du ressenti, du besoin,
de l'attente, du désir, ...
Les états de Parent et d'Enfant présentent
à leur tour plusieurs aspects :
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places7.png)
Les transactions sont des
allers-retours, dans la communication interpersonnelle, entre ses propres
états du moi et ceux de l'autre. Exemple de transactions :
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places8.png)
31
IV.- SITUATIONS EDUCATIVES
ET ANALYSES REFLEXIVES
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places9.png)
32
1. Première situation éducative : avec
François et Damien
1.1. Présentation des personnes
François (11 ans)
· Placement : François est placé
en pouponnière dans sa première année, en même temps
que son frère, suite au signalement du grand-père maternel. Il
est placé au Foyer à 3 ans.
· Explication des raisons de placement : les
enfants sont en danger suite à négligence et maltraitance
parentale. A ce tableau s'ajoutent de la violence entre les parents.
· Fratrie : un frère de 12 ans et une
soeur de 7 ans (placés ailleurs actuellement).
· Maintien du lien familial : le garçon
a des visites régulières du grand-père maternel ; le
père n'exploite plus son droit de visite mensuel.
· Scolarité : enseignement primaire
classique (5ème année bis).
Damien (15 ans)
· Placement au Foyer à 6 ans, en même
temps que sa soeur d'un an plus jeune.
· Explication des raisons de placement : la
mère est seule (père incarcéré) et présente
d'importantes limites sur le plan intellectuel. A l'occasion d'une « garde
» chez un voisin, les enfants avalent de la méthadone. Cette
ingestion donne suite à leur hospitalisation qui entraînera
d'abord un placement familial (chez un frère de la mère) avant le
placement institutionnel ;
· Fratrie : 2 soeurs (9 et 14 ans)
placées au Foyer ;
· Maintien du lien familial : retours familiaux
réguliers les week-ends et jours fériés ;
· Scolarité : enseignement professionnel
(hôtellerie, 1ère année bis).
1.2. Le contexte de la situation
1.2.1. Les acteurs en présence
· François
· Damien
· Deux adolescentes du groupe vertical mixte
(présentes silencieusement)
· Moi-même
33
1.2.2. Le contexte
La situation se déroule un jour férié,
en semaine, après le souper. Je me retrouve avec les jeunes
restés dans la salle à manger pour utiliser les ordinateurs
à des fins de ludiques. François et deux jeunes filles sont assis
chacun devant un ordinateur pour des distractions différentes.
L'éducateur responsable, avec qui je partage la prestation, prend en
charge les plus petits du groupe pour leur donner le bain dans une autre partie
de la maison. Je suis assis derrière les jeunes internautes (face
orientée vers les ordinateurs) pour observer leurs interactions avec la
machine. De temps en temps, d'autres enfants traversent la cuisine.
1.3. Les faits observables
Je me lève et m'avance pour m'asseoir à droite de
François, devant un ordinateur resté
libre. Je reste silencieux et inactif, mais mon visage est
tourné vers François qui ne quitte pas l'écran
des yeux tout en pianotant de façon
répétitive sur certaines touches du clavier informatique.
MOI (regard dirigé vers F) : «
F..., ça te dérange si je te regarde jouer ? »
FRANCOIS (d'une voix chantante clairement
intelligible, tout en restant les yeux fixés sur l'écran
et continuant à faire aller ses doigts sur le clavier) :
« Non...on. »
Nous restons silencieux, côte à côte, dans
nos postures respectives. Au bout d'environ cinq minutes,
je cherche une nouvelle fois à établir la
communication avec le garçon.
MOI : « F..., est-ce que je peux te
poser une question ? »
FRANCOIS (idem que précédemment
dans son non-verbal et son para-verbal) : « Oui...i. »
MOI : « C'est quoi le nom de ce jeu ?
»
FRANCOIS (gestes et postures inchangées
face à l'ordi) : « Dungeon Rampage35.
»
MOI : « Donjon... Comment ?...
»
FRANCOIS : « Rampage ! »
MOI : « Ah ! Donjon et remparts ?...
»
François ne répond rien et continue de rester
manifestement imperturbable dans son interaction
virtuelle. Je découvrirai le nom exact du jeu par la
suite, chez moi, en allant le vérifier sur Internet.
En attendant, je reste moi-même silencieux quelques
instants, mais néanmoins observateur de la
façon habile dont F... continue à diriger son
avatar dans un décor médiéval. Les images graphiques
défilent à vive allure. Je relance la
conversation.
MOI : « Tu joues souvent à ce
jeu ? »
FRANCOIS : « Ben... Oui, quelques
fois... »
MOI : « Tu joues aussi à
d'autres jeux sur Internet ? »
FRANCOIS : « Oui...i. »
MOI : « Auxquels ? »
FRANCOIS : « Ben... V a... Euh...
Social empire, Social world... Dragon city... Avengers,... »
Silence de quelques instants. Puis, je continue.
MOI : « Je vois que tu te
débrouilles bien... Tu es au quantième niveau, là ?
»
FRANCOIS : « Chuis dans le
cinquantième monde... Regarde, y a Damien qui est là aussi !
»
MOI : « Ah, c'est un jeu en ligne
à plusieurs !... Mais, dis-moi, Damien c'est un copain de ta
classe ? »
FRANCOIS : « Non, c'est Damien du
Foyer ! »
MOI : « Mais il n'est pas là
aujourd'hui !... »
FRANCOIS : « Ben non, je sais... Il
joue chez lui ! »
MOI : « Ah, je comprends. C'est vrai
qu'il est en retour famille aujourd'hui ! »
FRANCOIS : « Oui. »
Un autre silence. Je continue d'observer sa façon de
jouer avant de reprendre mon questionnement.
MOI : « C'est quoi ta mission ?
»
35 Dungeon Rampage est un jeu vidéo
gratuit en ligne. Il s'agit d'un jeu multi joueurs en temps réel, de
type arcade.
34
FRANCOIS : « Je dois tuer les
méchants et je dois ramasser les pièces et les trésors...
Et, tu vois, quand je prends ça (F... m'explique tout en
s'exécutant), ça me donne de l'énergie. »
Le garçon met sa partie en suspension (mode «
pause ») et change de fenêtre informatique pour me présenter,
avec une explication détaillée et tout en les faisant
défiler une à une, les fonctions accessoires du jeu.
1.4. Mon ressenti
· Je suis étonné de constater avec quelle
adresse et automatisme François fait progresser son avatar sur
l'écran, tout en répondant à mes questions et en me
fournissant différentes explications de façon
simultanée.
· Lorsque François me présente les
fonctions accessoires du jeu, je parviens à en saisir le principe. Mais
ses manipulations sont pour moi si rapides que je ne réussis pas
à mémoriser le contenu total de ce qu'il m'explique. Je me sens
alors comme un dinosaure « au pays du Net » (Gustin, 2006),
dans l'écart générationnel qui me sépare des
protagonistes.
1.5. Mes interprétation a priori
· François est très expérimenté
en matière de jeu vidéo.
· Il apprécierait que je m'intéresse
à son jeu : il m'en donne toute une série d'explications
malgré son « absorption interactive ».
1.6. Des informations complémentaires utiles
à la compréhension de la situation
François
· Les contacts maternels ont été suspendus
depuis 2007 car la mère néfaste à son fils en raison de
manifestations d'agressivité et de grossièreté à
l'égard de celui-ci pendant les visites au Foyer (information recueillie
dans le dossier du bénéficiaire).
· Il n'a plus de contact de visu avec son père
depuis début 2011 (idem pour le recueil des informations). Seuls
quelques contacts téléphoniques maintiennent le lien affectif
avec le père, mais sont d'une extrême rareté (information
obtenue de la part de l'éducatrice référente).
· Ses parents sont séparés depuis
plusieurs années (source de l'information : dossier du
bénéficiaire) ;
· Son frère aîné ayant
été écarté du Foyer depuis plus d'un an,
François ne le voit qu'à l'occasion des visites du
grand-père qui prend en charge ses petits-fils ensemble, à
l'extérieur, durant une demi-journée par mois (source de
l'information : l'éducatrice référente). Quand il m'est
arrivé de l'interroger au sujet du partage des jeux vidéo avec
son frère à cette occasion, il reconnaît en parler et y
jouer avec lui.
· Début octobre 2012, une éducatrice
trouvant François en train de jouer à sa console DS,
dans son lit en pleine nuit, lui promet une punition si cela venait à se
reproduire (source : journalier de l'équipe éducative).
· En plus des moments de jeu passés sur
l'ordinateur, il passe la plupart de son temps libre à jouer avec sa
console. Durant ses parties de console, il est quasiment imperméable
à la discussion. Par contre, il est plus facilement abordable devant
l'ordinateur (constats établis par moi-même).
· Il lui faut parfois plus d'un an pour établir
une relation de confiance avec l'adulte (information recueillie auprès
de l'ensemble des éducateurs).
Damien
· Son père, réincarcéré en
2008, est actuellement en liberté surveillée ; il vit à
nouveau avec la mère (informations recueillies auprès de
l'éducatrice référente).
·
35
Le jeune homme a des résultats scolaires
médiocres dans toutes les matières théoriques (à
l'examen du bulletin scolaire du bénéficiaire) et ne
s'intéresse plus à la formation professionnelle pour laquelle il
était très motivé au départ par aspiration
personnelle (information recueillie auprès de sa
référente).
· Damien chercherait à s'identifier au
père, qui a interrompu son cursus scolaire très tôt pour
vivre de l'argent « facile » et se divertit entre autres par les jeux
vidéo (idem pour la source de l'information).
· Lorsque Damien est chez ses parents, il communique
chaque fois avec Flavien via Facebook et des jeux vidéo en
réseau (constat établi par moi-même).
· Il semblerait qu'en retour famille il passe tout son
temps devant l'ordinateur et ne fait aucune autre activité en dehors
d'accompagner sa mère pour aller faire les courses ou en consultation
chez le médecin (information recueillie auprès de
l'éducatrice référente).
· Le père de Damien est absent à la maison
la journée : il est souvent au café. Il l'est donc aussi
affectivement et éducativement vis-à-vis de ses enfants (idem
pour la source de l'information).
En ce qui me concerne
En dehors des activités ludiques et des promenades ou
du conditionnement du coucher (lecture de contes, de récits, ...), j'ai
avec l'ensemble des résidents un rapport éducatif plutôt
asymétrique.
1.7. Questionnement ouvert et hypothèses de
compréhension
1.6.1. Mon questionnement
· François et Damien ont-ils
généralement l'occasion de faire part aux éducateurs de ce
qu'ils vivent dans leurs distractions virtuelles ? Quel pourrait être
l'impact d'une relation éducative moins « conventionnelle »
que j'entretiendrais avec François et Damien ?
· Le contenu de la relation qu'ils entretiennent les
deux garçons entre eux via le cyber-espace est-il du même type
dans le « réel » ?
· Quel besoin implicite cherchent-ils à
satisfaire par le jeu vidéo en général ? Par les
MMORPG* plus particulièrement ? Dans quelle
mesure l'ensemble de leurs besoins et attentes sont-ils satisfaits dans le
quotidien, en dehors du virtuel ?
· Dans quelle mesure leur rapport au réel
est-il/n'est-il pas tronqué par m'influence des mondes virtuels qu'ils
fréquentent ?
1.6.2. Mes hypothèses de
compréhension
1) S'il peut arriver à François de parler avec
son frère de jeux vidéo pendant ces occasions, je doute fort
qu'il puisse le faire de la même façon avec son grand-père
en raison de la fracture numérique*. Quand
à Damien, je suppose qu'il en parle souvent avec son père qui en
fait également son activité de loisir.
2) Comme François peut avoir tendance à jouer
avec sa console de façon cachée, il y aurait un besoin affectif
et relationnel insatisfait chez lui. Il chercherait à combler un manque
ou d'affection, qu'il n'a peut-être jamais eu de ses géniteurs,
par la dyade numérique*. Idem pour Damien qui
en fait sa principale activité au domicile parental.
3) François aurait besoin d'être plus rejoint
par l'adulte là où il n'est peut-être pas capable de mettre
des mots sur une souffrance morale autrement que par son évasion
virtuelle. C'est pourquoi, en dehors de la lecture que je lui fais parfois au
moment du coucher, il serait peut-être bon que je lui consacre d'autres
temps où je me mets plus à son niveau dans la relation.
4) L'écartement du frère de François
aurait occasionné à ce dernier une expérience d'abandon
supplémentaire (s'additionnant à celles qu'il subit par l'absence
de relation à
36
ses parents). François tenterait de combler cette
absence de relation de proximité avec son frère par la
communication virtuelle avec un autre aîné : Damien.
5) Il en serait de même pour Damien :
celui-ci construirait des liens de proximité quasi-exclusifs dans le
virtuel lorsqu'il est en week-end chez ses parents. En effet, il communique peu
avec une mère limitée intellectuellement, si ce n'est pour
exercer de l'ascendance sur elle. De plus, son père est absent
affectivement (cf. Expérience d'abandon affectif *).
1.1.1.1.6) Damien serait dans une
espèce d'indifférenciation par rapport à son père,
par contagion* ou identification (décrochage scolaire
précoce, goût pour les jeux vidéo, ...)
1.8. Une piste à exploiter
Je choisis l'hypothèse de compréhension
3 pour en faire une piste d'intervention. Il serait en effet bon que
je puisse - en tant qu'imago* paternel- partager des moments
de jeux vidéo qui constitueraient en même temps un
espace de médiation
éducative*, avec les protagonistes. L'objectif
est, à partir de la confiance que je peux construire avec eux à
travers cet espace dans un premier temps, de mettre ensuite en place d'autres
activités - le moment voulu - dans la « vraie vie », pour leur
permettre de se déconnecter un peu du « pouvoir
hypnotique des pixels* ».
1.9. La mise à l'épreuve de
l'hypothèse d'intervention
Un dimanche en soirée, Damien et François se
retrouvent côte à côte plongés dans
l'écran d'un ordinateur. Ils jouent en réseau
à Dungeon Rampage. Me tenant auprès d'eux, j'observe
leurs interactions tout en passant un balai dans la pièce.
Les autres jeunes sont occupés à d'autres
activités dans la maison : certains « petits »
jouent dans la salle de jeu, trois autres font la vaisselle
dans la cuisine, d'autres encore sont « scotchés
» devant l'écran de télévision du salon. Une fois
ma
tâche ménagère achevée, je propose aux
deux joueurs de les rejoindre dans leur activité. L'occasion
se prête bien puisque deux ordinateurs sont restés
libres.
MOI : « Les gars, ça ne vous
dérange pas si je joue avec vous ? »
DAMIEN : « Non, non, viens, y pas
d'souci !... »
MOI : « Et toi, François, qu'en
penses-tu ?... »
FRANCOIS : « De quoi ? »
MOI : « Es-tu d'accord pour que je
vienne jouer avec vous à Dungeon Rampage ? »
FRANCOIS : « Ben... Oui... Pourquoi pas
? »
Je m'installe à côté des garçons pour
occuper le troisième ordinateur. Une fois la machine
complètement activée, je reprends mon
questionnement.
MOI : « Est-ce qu'il est possible de
vous rejoindre au niveau où vous êtes arrivés ?
»
DAMIEN : « Ouais, pas de souci !
»
MOI : « Le problème, c'est que
je ne sais pas comment faire pour y arriver. Qui peut m'aider ? »
DAMIEN : « Viens, je vais te faire
ça. »
Damien passe par différentes options à
sélectionner dans le programme du jeu pour me configurer
mon avatar. De cette façon, je peux me tenir par
projection virtuelle aux côtés des garçons afin de
progresser en même temps qu'eux dans la partie. J'en
remercie mon assistant. Par ailleurs, je réalise
rapidement que je n'ai pas la même dextérité
que mes partenaires de jeu pour me maintenir côte à
côte avec eux.
MOI : « Oufti, c'est trop rapide pour
moi !... Vous faites comment les gars ?... »
DAMIEN : « C'est normal : nous on a
l'habitude ! »
MOI : « Oui, mais quand même...
»
FRANCOIS : « Tracasse : nous on
s'occupe des méchants. Tu n'as qu'à nous suivre. »
DAMIEN : « Oui, on te laisse les
trésors et de l'énergie. T'as juste besoin de les ramasser en
même temps que tu nous suis. »
MOI : « Ok, merci... Sympa les gars !
»
Bien que mon devoir reste minime dans notre équipe
chevaleresque, j'ai toujours du mal à maintenir mon avatar près
de ceux de mes coéquipiers chevronnés.
Au bout de quinze minutes de jeux, fatigués par
l'effort de concentration que je dois fournir, je quitte la partie en
félicitant néanmoins mes partenaires pour leur habileté.
Mon sentiment de faire partie d'une génération de dinosaure, dans
le maillage du réticulum virtuel, s'en trouve renforcé. Les
garçons, quant à eux, ne quitteront les écrans qu'une
heure plus tard, après que l'éducateur présent et
moi-même n'ayons cessé de leur rappeler l'urgence pour eux de
quitter les ordinateurs.
1.10. Evaluation de l'impact de mon action
Damien et François viennent a priori plus
volontiers vers moi depuis notre partage ludique. Je pense qu'ils me
considèrent un peu comme l'un des leurs parce que je me suis
mêlé à leur univers. D'autre part, ils ont probablement
dû se sentir valorisés à partir du moment où je les
ai félicités pour leurs performances et leur adresse.
Ensuite, comme j'ai eu confiance dans leur aide, qui
consistait à me faire entrer pleinement dans la partie, j'ai
peut-être réciproquement rendu possible leur confiance envers moi.
Cette confiance mutuelle est, selon moi, la condition sine qua non de
la construction d'une relation authentique fondatrice d'un terrain
pédagogique.
Cependant, pour éduquer « efficacement » de
jeunes bénéficiaires à un régime virtuel
équilibré, sans que cela passe pour un quelconque « copinage
» dans ma façon d'exercer mon empathie* à
leur égard, je dois veiller à conserver une juste distance
relationnelle nécessaire à toute relation
d'autorité éducative* qui se veut comme
telle.
2. Deuxième situation éducative :
co-construction d'une charte d'utilisation des ordinateurs
2.1. Le contexte de la situation de départ
2.1.1. Les acteurs en présence
· 10 bénéficiaires
âgés entre 11 et 16 ans ;
· Thierry (éducateur) ;
· Moi-même.
2.1.2. Le contexte
Il s'agit de prévenir collectivement, au sein du
Foyer, l'usage abusif ou détourné des ordinateurs investis par
les jeunes dont l'accès y est autorisé (à partir de 11
ans). Dans ce cadre, les quatre machines destinées aux
bénéficiaires avaient déjà été
déplacées d'un local situé dans les combles de la maison
vers la salle à manger principale, pour
l'aménagement suivant :
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places11.png)
38
L'objectif de ce déménagement était de
pouvoir garder, au moyen d'une pièce centrale de la maison, un regard
plus vigilant sur la manière dont les bénéficiaires se
servent du matériel informatique et dont ils surfent sur le Net. «
Centrale » est ici à entendre au sens de très
régulièrement fréquentée par tous les acteurs de
l'institution.
Malgré cette excellente initiative d'équipe,
j'ai pu constater qu'il existait, concernant les règles d'utilisation,
quasiment autant de versions qu'il y a de jeunes en droit d'utiliser les
ordinateurs. Il me semble que cela est probablement dû au
caractère purement informel de ces règles. C'est pourquoi j'ai
estimé qu'il fallait leur conférer un cadre officiel, qui soit
univoque et équitable pour tous : adultes comme jeunes. De là me
vint l'idée d'une charte. Ce document formel contiendrait à la
fois des propositions apportées par les usagers eux-mêmes et le
point de vue de l'équipe éducative. La raison de faire intervenir
les intéressés en la matière est celle de promouvoir leur
responsabilisation, ainsi que leur autocontrôle. Il y aurait par
conséquent des règles négociables, mais aussi des normes
« imposées » et inaliénables (surtout lorsqu'il s'agit
de la sécurité et des moeurs des bénéficiaires).
Ces règles font parties aussi des mesures de
prévention* des mésusages des T.I.C.
Aussitôt réfléchi, je soumets mon projet
à la chef-éducatrice qui trouve ce dernier très judicieux
parce que fondamental. J'obtiens le feu vert pour sa mise en chantier. Il
m'incombera d'élaborer les grandes lignes de cette charte
organisée en articles et de la soumettre à l'approbation des
éducateurs, tout en tenant compte des différentes propositions
des jeunes concernés.
Dans cet d'esprit, j'ai l'intention de réunir les
jeunes autour d'une table. La réunion mensuelle des enfants se
prêterait bien à cela. Ainsi, je leur ai donné la parole un
mardi soir, en deuxième partie de la réunion, qui leur est
coutumièrement consacrée, pour exprimer leurs idées.
Pour l'occasion nous sommes assis autour de tables, dans le
local où se retrouvent ordinairement les membres de l'équipe
éducative pour leur réunion hebdomadaire. Après que
Thierry ait animé la première partie de la réunion,
j'interviens à mon tour pour le motif dont les participants ont une
vague idée.
2.2. Les faits observables
MOI (m'adressant à tous) : «
Est-ce que vous savez pourquoi j'ai demandé à vous voir
pendant
cette réunion ? »
KIMMY (14 ans) : « C'est parce qu'il y
a un problème avec les ordinateurs ! »
MOI : « Oui... C'est un peu vrai... En
fait, il y a un problème avec leur utilisation plutôt.
Qu'est-ce
qu'on peut faire pour arriver à se mettre d'accord
ensemble sur l'utilisation de quelque chose, à
votre avis ? »
Caroline (15 ans) lève la main.
MOI : « Oui, Caroline ? »
CAROLINE : « Ben, on peut faire des
règles. »
MOI : « OK, à quoi servent les
règles ?... Quelqu'un d'autre s'il vous plaît ?...
Je m'aperçois que Benjamin et François, assis
côte à côte, parlent entre eux en riant. Certains de
leurs voisins rient ou sourient également. Pour faire
cessez ce que j'interprète comme une
distraction, je décide d'interpellé les deux
garçons.
MOI : « Par exemple Benjamin ou
François qui semblent avoir beaucoup de choses à nous dire.
»
BENJAMIN (11 ans) : « On s'en fout de
ton truc sur les ordis. »
39
THIERRY (s'adressant à Benjamin) :
« Oh, un autre genre s'il te plaît !... Et comme tu commences
à faire le biesse, j'aimerais justement que tu répondes à
la question d'Olivier. »
BENJAMIN (marmonnant) : « Non, j'm'en
fous !... »
THIERRY : « Dans ce cas, je ne veux
plus t'entendre parler, à moins qu'Olivier te le demande. Sinon, tu sors
!... Et c'est un avertissement qui compte pour les autres aussi.»
Benjamin baisse la tête.
MOI : « Alors, je
répète ma question .
· pour quelle raison est-il à
votre avis parfois important de faire des règles ?... On écoute
François, peut-être ?... »
François (11ans), sourire aux lèvres, confie
quelque chose d'inaudible pour moi à son voisin, Benjamin, qui manifeste
le même type de mimique faciale.
MOI : « François ?
»
FRANÇOIS : « Oui, Olivier ?
»
En contact regard avec François, je hausse les
sourcils et écarte les mains devant moi pour lui signifier que j'attends
qu'il s'exprime.
FRANÇOIS : « Ben, on fait des
règles pour dire ce qu'on peut faire et ce qu'on peut pas faire.
» MOI (en regardant François dans les yeux) :
« Ben, voilà qui est intéressant et bien vu !... Merci
François ! »
François m'adresse un léger sourire.
MOI (en balayant l'assemblée du
regard) : « Comme le dis François, des règles ou un
règlement c'est un texte qui précise ce qui est autorisé,
interdit, parfois toléré, spécialement lorsque des
personnes vivent ou travaillent ensemble au même endroit... Comme vous le
savez, les jeux que vous faites ensemble ont tous leurs règles qui
disent ce qui est permis ou interdit. Qui peut me dire ce qu'il y a comme
règlement pour bien vivre ensemble dans cette maison ? »
DAMIEN (15 ans) : « Ben, on n'a pas de
règles dans la maison. »
KIMMY (14 ans, soeur de Damien) : «
Ben si, t'es biesse toi ! On a eu des feuilles avec des règles quand
on est arrivé au Foyer ! »
MOI : « Tout à fait Kimmy !
Et ce document s'appelle un règlement d'ordre intérieur, qu'on
abrège par R - O - I. »
LILY (14 ans) : « Ah ouais, c'est le
truc que ton éduc référent et P...
(chef-éducatrice) te donnent quand t'arrive la première
fois avec ta mère ! »
MOI : « Oui, Lily. Et certains
enfants viennent à l'entretien d'accueil avec leurs deux parents
parfois. »
Une bonne moitié des jeunes présents me
regardent fixement pendant que je parle, d'autres font des apartés.
MOI : « Voilà, maintenant
j'aimerais bien que vous m'écoutiez tous attentivement .
· ce
que je vais expliquer est très important pour la suite. »
THIERRY (s'adressant à Damien qui
vient de commencer à parler à plus haute voix : «
Damien, il me semble que tu n'aies pas bien compris la consigne...
»
DAMIEN : « Si, mais ça me casse
les couilles son truc là. Et de toute façon ça ne sert
à rien. » THIERRY : « Toi tu
considères que ça ne sert à rien. Mais apparemment
ça intéresse d'autres qui participent ou font au moins semblant
de s'intéresser en se taisant. »
DAMIEN : « Moi,
j'préfère me casser parce que ça me saoule !
»
THIERRY : « Alors, vas-y
.
· tu te lèves, tu sors et que je n'ai plus de remarques
à te faire le restant de la soirée ! »
DAMIEN (dans un sourire « pincé
») : « Non, j'rigole ! »
THIERRY : « Mais moi j'rigole pas, mon
coco. Donc, tu sors et sans faire ton kéké, s'il te plaît,
sinon ça va mal aller pour toi. De toute façon j'avais
prévenu et je continuerai de sévir, s'il le faut.»
Damien se lève en gardant un sourire aux lèvres et quitte le
local en fermant doucement la porte derrière lui.
MOI : « Voilà .
· je
continue. Ce soir, nous voulons tenir compte de votre avis à tous pour
la création d'un règlement un peu particulier. Il s'agit d'une
charte. Quelqu'un sais ce que c'est une charte ? » J'attends quelques
secondes de grand silence et des lèvres qui se crispent dans mon
auditoire.
40
MOI : « Personne ?... (balayage
de regard, en guise d'interrogation de ma part, des visages qui me
font face et restent figés) Bien. Alors ça
mérite une petite explication supplémentaire. »
En adaptant mon langage, je leur explique qu'une charte est
un texte officiel composé de compromis
normatifs, pour un fonctionnement spécifique, entre
des personnes ou des parties. Le contenu est
ratifié par les signatures individuelles des
contributeurs pour authentifier les accords communs.
J'illustre ma définition en l'appliquant au contexte
de la réglementation de l'usage des ordinateurs au
Foyer. Ensuite, je m'attache à les convaincre de
l'importance de leur contribution, non seulement
pour eux-mêmes, mais aussi parce que cette charte sera
au service de leurs successeurs.
Tout au long de mon explication, j'essaye de donner de la
consistance à mes propos par une
gestuelle bien marquée et en prononçant les
mots-clés avec plus d'intensité.
Pour finir, je les invite à s'exprimer oralement sur
les normes d'utilisation auxquelles ils pensent. Je
leur laisse quelques instants de réflexion avant
d'inviter Caroline, ma voisine de gauche, à prendre
la parole la première.
CAROLINE : « Je dois dire les trucs
qu'on peut pas faire ? »
MOI : « Oui, ce qu'on peut pas
faire, ce qui est permis aussi ou encore ce qu'il y a moyen de
négocier. »
CAROLINE : « Ah, OK !... Alors...
On peut pas aller sur les sites pornos... »
MOI (en regardant Caroline avant de balayer
de mes yeux l'auditoire un peu dissipé) : « Ah, parce
qu'il y en a qui vont sur des sites pornographiques ?
»
CAROLINE : « Oui, y a Damien...
»
MOI (interrompant Caroline) : «
Stop ! Je ne voulais pas de noms. De toute façon, je m'en
doute
que c'est généralement des garçons,
mais bon... Pas de racuspotage, s'il vous plaît !... Ensuite ?
»
CAROLINE : « Ne pas manger à
l'ordi. »
MOI : « Oui, très bien,
Caroline : on ne peut pas manger ou boire au-dessus, devant ou à
côté des
ordis... Autre chose, Caroline ?... »
CAROLINE : « Oui... On ne doit pas
toucher l'écran. »
MOI : « Très bien...
(je prends note) C'est vrai que les dames d'ouvrage se plaignent
souvent de
beaucoup de traces de doigts sur les écrans...
Autre chose, Caroline ? »
CAROLINE : « Ben voilà,
c'est tout. »
MOI : « Merci Caroline ! Ce que tu
nous proposes est intéressant. On va passer maintenant à
Fiona, puis à Lily et ainsi de suite dans le
même sens (avec mon index, je dessine une ligne devant
moi pour montrer le sens du tour de table)... Fiona, nous
t'écoutons ! »
FIONA (16 ans - la tête reposant sur
l'avant-bras gauche et le point de la main collé contre sa
joue) : « J'ai rien à dire. »
MOI : « T'es bien sûr, Fiona
? »
FIONA : « Oui. »
MOI : « Je te conseille d'en
profiter maintenant que tu as la possibilité de t'exprimer sur le sujet.
»
FIONA : « Oui oui, pas souci. Mais,
non merci Olivier. De toute façon, la plupart du temps, je fais
que de l'ordi chez Pierre, alors... »
MOI : « OK, tu es libre. Je n'ai
pas le droit de t'obliger à t'exprimer là-dessus. C'est ton
choix
après tout. »
FIONA (intonation mélodieuse) :
« Ben tu vois bien que tu finis par comprendre, Olivier !
»
MOI : « Merci Fiona. Suivante !
»
Je hoche la tête en direction de Lily pour
désigner son tour de parole.
LILY : « Ben ché pas.
»
MOI : « Allez, t'as bien une petite
idée !... N'importe : la première chose qui passe par la
tête, là,
de suite. »
LILY : « Ben ché pas moi :
on peut pas boire sur l'ordi ? »
MOI : « OK, boire, manger :
ça on l'a déjà dit... Autre chose ? »
LILY (souriant) : « Non c'est tout,
ahein ! »
MOI : « OK, merci Lily. Christelle
?... »
41
CHRISTELLE : « Ben, on ne doit pas
tout le temps aller sur Facebook ou Youtube, mais on doit aussi aller sur le
site de T... P... ? »
MOI : « Tout à fait...
»
Je leur rappelle que le Foyer a un contrat avec l'ASBL qui a
fourni gracieusement les ordinateurs et s'occupe de leur maintenance et
administration au même titre. En échange les utilisateurs sont
tenus d'aller le plus souvent possible sur le site Internet de la même
ASBL, afin de s'inscrire à des activités que cette
dernière propose périodiquement (camps, jeux-concours pour gagner
des places, etc). Il y a aussi quelques jeux vidéo adaptés
à leurs différents âges.
BENJAMIN : « Ouais mais quand on y va,
y a jamais de place ou alors c'est des camps de nuls. » MOI
: « Oui, Benjamin, nous savons bien que les camps
intéressants sont vite complets. D'où l'importance de consulter
leurs propositions le plus souvent possible. En plus, y a parfois des
désistements. »
BENJAMIN : « Ouais, mais c'est nul
quand même. »
CAROLINE : « Benjamin, chui
peut-être pas toujours d'accord avec toi, mais là t'as bien raison
.
· y a toujours de la place dans les trucs débiles.
»
THIERRY : « Oui mais, oh les
gars-là ! Je vous signale que certains ont déjà
été au ski avec eux et qu'apparemment vous aviez trouvé
ça génial ! »
FIONA : « Thierry, tu peux nous
faire avaler ce que tu veux, en dehors de quelques exceptions, c'est quand
même la plupart du temps débile ! »
MOI : « Bon !... On ne va pas
s'éterniser là-dessus, car d'autres doivent encore parler. En
plus je te rappelle, Fiona, que tu n'avais rien à dire. Et, subitement,
comme par enchantement, t'as plein d'idées qui te viennent...
Fiona me regarde fixement, avec la tête inclinée
sur le côté.
MOI : « Merci à Christelle de
nous avoir rappelé notre obligation envers T... P... . Johanna ?
» Johanna, 16 ans, secoue sa tête de gauche à droite et
de droite à gauche.
MOI : « T'es sûr que tu ne veux
rien dire ? »
JOHANNA : « Non. »
MOI : « Quand tu dis "non" tu veux
dire que tu veux dire quelque chose ou que tu n'as rien à dire ?
»
JOHANNA (regardant par en-dessous de ses
lunettes en secouant encore la tête de la même façon que
précédemment) : « J'ai rien à dire.
»
MOI (en soupirant) : « Bien, merci
Johanna... On passe maintenant à l'autre côté en
commençant par le fond... Kimmy ?... »
KIMMY : « On doit utiliser un casque
si on écoute de la musique sur Youtube. »
MOI : « Pour le casque, il faut
bien reconnaître que tu es la seule à en avoir un. Et je trouve
ça bien respectueux vis-à-vis des autres de l'utiliser. Mais
comme il n'y en a plus près des ordis parce que certains les ont
cassés, il faudrait en racheter pour chaque ordi. En attendant, il
faudra toujours passer les musiques à tour de rôle. Ensuite ?
»
KIMMY : « On doit pas mettre le son
trop fort à cause des autres. »
MOI : « Oui .
· si
quelqu'un est dérangé par le son trop fort, il peut demander
à ce qu'on le baisse. Sinon, en dehors de ce qu'on doit faire ou ne peut
pas faire, est-ce que tu vois une permission ?... Par exemple, quand on rentre
de l'école, qu'est-ce qu'on peut faire sur les ordinateurs après
le goûter ? »
KIMMY : « On peut faire des devoirs.
»
MOI : « Très bien ! C'est la
réponse que j'attendais ! Vous pouvez faire des recherches sur Internet
pour certains devoirs d'école... Maintenant, j'aimerai qu'on passe aux
suivants, en restant dans le sens du roulement. François, vas-y !
»
FRANÇOIS : « Ben, on peut jouer
à des jeux sur Internet. »
MOI : « Et c'est ce que vous faites le
plus pendant votre temps libre, après le souper le mercredi et le
vendredi ; autant que vous voulez le week-end avec l'autorisation de
l'éducateur qui travaille MOI : « Et
Benjamin maintenant ? »
BENJAMIN : « On peut aller sur
Facebook ou télécharger des musiques. »
42
MOI : « Télécharger des
musiques ou films est normalement punissable par la loi, vous devez le savoir :
c'est considéré comme du piratage. Maintenant, je sais que la
plupart des gens le font. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il
soit permis de le faire. Tu as encore parlé de Facebook. Quelqu'un peut
nous dire à partir de quel âge on peut aller sur Facebook ?
»
CAROLINE : « Facebook, c'est que
à partir de 13 ans ! »
MOI : « Exact, Caroline, même
si j'en vois quelques-uns y aller à partir de 11 ans, sans vouloir les
citer... Benjamin, tu avais fini de nous faire tes propositions ?
»
BENJAMIN : « Non, j'avais pas fini.
»
MOI : « Alors vas-y tu as
normalement toujours la parole, excuse-moi de t'avoir interrompu. »
BENJAMIN : « On ne doit pas bouger l'ordi. On ne doit
pas s'exciter sur le clavier ou écrire dessus... (il
réfléchit) On ne doit pas débrancher les prises parce
que ça fait buguer les ordis. » MOI : «
Merci Benjamin !... Ben voilà, c'est bien intéressant tout ce
que vous avez tous dit ce soir pour la charte... Je vais être
honnête avec vous en vous disant que ce que vous avez dit correspond
presque entièrement à ce que j'avais déjà
imaginé, dans un premier temps, en réfléchissant aux
principaux points de cette charte... »
Sourire sur les lèvres de la majorité des jeunes
présents.
FIONA : « Ben tu nous prends pour des
barakis ou qwé ? »
MOI : « Pas du tout Fiona, et je sais
que vous avez tous beaucoup de qualités. Ce qu'y a, c'est que je
n'imaginais pas par avance que vous pensiez exactement aux mêmes
idées que moi... Voilà, OK ? Je vous remercie tous pour votre
attention, votre patience et votre participation... »
Ma conclusion est aussitôt coupée par le bruit
des jeunes qui se lèvent et semblent déjà viser la sortie
du local. Je hausse le ton pour faire surpasser le brouhaha qui est en train de
s'amplifier. Je leur crie que l'équipe tiendra compte de leurs
propositions, mais que nous ajouterons aussi des choses non-négociables
parce qu'elles sont super importantes pour leur sécurité et leur
santé.
2.3. Mon ressenti et mes attitudes
· Cela me convient que Thierry assure le recadrage des
comportements susceptibles de ralentir le déroulement harmonieux du
débat et, de cette façon, chacun de nous deux peut se cantonner
dans un rôle bien déterminer ;
· Je ne suis pas étonné des
réactions de Benjamin ;
· Je suis exaspéré par le comportement de
Damien.
· Je n'interviens pas par rapport à l'attitude
négative de Damien, pour ne pas interférer dans les interventions
de Thierry ;
· Je suis un peu décontenancé face
à la décision radicale et rapide de Thierry de mettre Damien
à la porte, mais je n'ose pas contrecarrer la résolution du
premier par cohérence éducative ;
· La dénonciation de Caroline, de surcroît
en situation de groupe, m'insupporte ;
· Je suis un déçu par le refus de
participation de Fiona, parce que je la sais dotée de ressources pour
s'exprimer oralement et en public ;
· J'ai tendance à employer parfois un ton un peu
ironique pour exprimer ma perception du désintérêt qui
flotte dans l'atmosphère de la réunion ;
· Je suis authentique quand je dis que je n'imaginais
pas que les idées énoncées correspondraient autant
à la plupart de celle que j'avais déjà
élaborées.
· Je suis en empathie* avec Johanna
;
· Je suis vraiment soulagé de voir qu'au moins
deux jeunes (Caroline et Kimmy) font l'effort de s'impliquer ;
· Je suis agacé d'entendre Fiona faire une
remarque à Thierry, alors qu'elle n'avait rien à dire lorsque
c'était son tour de parler ;
· Je me sens rabaissé par l'intonation
mélodieuse de Fiona ;
· Je suis agréablement surpris, vers la fin de la
réunion, du sérieux des suggestions de François et
Benjamin qui sont d'ordinaire des leaders négatifs en situation de
groupe ;
43
2.4. Mes interprétations a priori
· Benjamin méprise le sujet de la discussion ;
· François soutien Benjamin dans un premier temps
;
· Le léger sourire que François m'adresse
me prête à penser qu'il se sent valorisé lorsque je lui
fais des compliments ;
· Les bénéficiaires ne
s'intéressent pas aux documents formels qui régissent leur
quotidien ;
· La préoccupation de Damien par d'autres centres
d'intérêt rend sa collaboration à la charte futile pour lui
;
· Christelle est touchée dans son amour propre
lorsque je la recadre par rapport à sa tentative de colportage ;
· Fiona se montre rebelle et utilise un ton moqueur ;
· Johanna déteste parler en public ;
· Lily, n'ayant pas envie de réfléchir, se
contente de répéter ce qui a déjà été
évoqué pour ne pas avoir l'air stupide en restant sans
réponse ;
· Caroline et Kimmy sont les plus motivées par la
thématique à l'ordre du jour ;
· François et Benjamin sont plus motivés
en fin de la réunion.
2.5.Des informations complémentaires utiles
à la compréhension de la situation
· J'ai eu plusieurs conflits non-réglés
avec Benjamin durant les mois qui précèdent la réunion.
Ordinairement, il me provoque ouvertement, en situation de groupe, chaque fois
que je le recadre par rapport à un comportement que j'estime non
approprié vis-à-vis d'un pair. Dans le quotidien, chaque fois que
j'invite le garçon au dialogue, pour régler nos
différents, il a un comportement de fuite ou d'évitement.
· Benjamin est privé de contact avec sa
mère depuis plusieurs semaines : le droit de visite de cette
dernière est momentanément suspendu par décision de
l'autorité mandante, parce qu'elle avait plusieurs fois
outrepassé les limites qui lui incombaient dans l'exploitation de ce
droit.
· Damien, qui est un passionné de
M.M.O.R.P.G.* (rappel), transgresse largement la
règle affichée qui limite le temps d'ordinateur à deux
soirées par semaine en période scolaire, soit 30 minutes par
utilisateur lors des jours d'autorisation. En week-end familial, il passe la
majore partie du temps sur Internet (rappel). Temps qu'il prolonge parfois
jusqu'à deux voire trois heures du matin (information obtenue de
lui-même).
· Trois fois par semaine, Fiona ne rentre pas au Foyer
de suite après sa journée d'école car elle est
autorisée à se rendre chez son petit ami, où elle passe
aussi ses week-ends. Elle est proche de sa mise en autonomie à
l'occasion de laquelle elle ira probablement vivre chez les parents de son
petit ami, dans un premier temps.
· Johanna présente une déficience mentale
modérée.
2.6. Questionnement ouvert et hypothèses de
compréhension
2.6.1. Mon questionnement
· Quelles causes amènent certains jeunes à
se montrer moins enthousiastes, voire hostiles ou rebelles ? Qu'est-ce qui dans
mon attitude globale les conduit à se comporter ainsi ? Dans quelle
mesure les moins motivés n'apprécient-ils pas que je veuille les
impliquer dans des décisions qui les concernent directement ?
· Certains de mes propos ou attitudes manquent-ils de
congruence ? Que peut susciter chez les jeunes le ton un tant soit peu ironique
que j'emprunte par moments ?
·
44
Dans les débuts de mon intervention, comment Benjamin
et François perçoivent-ils ma façon de les interpeller ?
Est-ce adéquat de ma part de solliciter Benjamin aussi directement, en
considération des difficultés relationnelles que j'ai avec lui ?
Suis-je suffisamment en empathie* avec François lorsque
je l'incite à s'exprimer, après l'intervention de Thierry ?
Comment aurai-je pu permettre aux deux garçons de se sentir davantage
concernés ?
· La formulation de ma question, en ce qui concerne la
consultation des sites pornographiques, n'induit-elle pas déjà
finalement le type de réponse que je réfute ensuite ? Comment,
dans ce cas, Caroline perçoit-elle la remarque que je lui fais
consécutivement à sa réponse à cette question ?
· Que signifie pour les usagers l'existence d'une
réglementation formelle de l'utilisation des ordinateurs ?
· Quel impact a, sur les plus distraits, le renforcement
de ma communication para-verbale*, pendant mon explication de
ce qu'est une charte ?
· Est-ce que je rencontre une motivation réelle
lorsque j'encourage Lily à
s'exprimer ?
2.6.2. Mes hypothèses de
compréhension
1) Certains jeunes sont plus réticents à
l'application d'une charte parce qu'ils estimeraient qu'elle rajouterait
d'autres contraintes et limites au cadre normatif qui leur incombe
déjà ;
2) Je ne les ai pas suffisamment
conditionnés* au déroulement d'une phase
extraordinaire de réunion ;
3) Le sujet abordé devrait faire l'objet exclusif
d'une réunion « à part » afin que les jeunes ne soient
pas ennuyés par l'élasticité de la séance ;
4) Les réactions négatives (cf. Le
renforcement négatif*) correspondraient à une forme de
provocation pour exprimer un désintérêt total par rapport
à ce que leur propose :
· La réaction vive de Benjamin vis-à-vis
de moi serait le comportement le plus approprié* qui
lui permette d'exprimer ses conflits non résolus avec moi ;
· Benjamin, qui a besoin de compensé
affectivement l'absence de contact avec sa mère, ne pourrait plus
communiquer aussi longuement via les réseaux sociaux ou les jeux
multi-joueurs en ligne.
· Damien serait doublement contrarié : il existe
une limitation formelle d'utilisation fixée à 30 minutes, qu'il a
déjà du mal à observer en temps normal, et en plus on veut
y rajouter d'autres règles formels qui représentent par
conséquent des contraintes supplémentaires ;
· Fiona, qui est plus souvent chez son copain (qui
habite avec ses parents) qu'au Foyer et logiquement proche d'une fin de
placement, se sentirait moins impliquée dans la vie communautaire et par
conséquent moins concernée par les règles qui la
régissent.
5) L'emploi d'une certaine ironie de ma part serait
contre-productif pour placer François et Benjamin dans des conditions
favorables à ce qu'ils soient preneur de ce que je leur propose ;
6) Fiona aurait recours à un ton moqueur pour
réagir en miroir par rapport à l'ironie qu'elle pourrait
percevoir chez moi ;
7) Pratiquer l'écoute active* par
rapport au ressenti de François, au lieu de lui « forcer la main
» pour parler, l'aiderait à se sentir plus concerné par le
sujet du débat en cours ;
8) La réalisation de la charte ne rencontrant
majoritairement pas l'intérêt général, le
renforcement de ma communication para-verbale* n'aurait aucun
effet d'augmentation de la réceptivité des jeunes à la
définition que je leur propose d'une charte ;
9) Caroline peut percevoir comme inéquitable le
reproche que je lui fais suite à sa tentative de dénonciation,
parce que j'envoie des messages contradictoires* entre une
question que je pose et la façon dont je réagis à la
réponse qu'elle me donne ;
10) Le double message* (cf. La
congruence*) que j'envoie aux jeunes, d'une part en disant à
Fiona qu'elle est libre de s'exprimer ou pas et d'autre part en restreignant
cette
45
liberté à d'autres par recours à
l'incitation ou la suggestion, défavoriserait de plus en plus leur
participation active ;
11) En validant les réponses de quelques-uns, je
donnerai le sentiment au groupe qu'il existe des « bonnes » et des
« mauvaises » réponses. Ainsi, certains aurait des
réticences à s'exprimer par peur de se tromper ;
12) L'annonce de certaines informations importantes du cadre
de la réunion à la fin de celle-ci pourrait donner l'impression
aux jeunes d'une déloyauté de ma part, car ceux-ci pourrait se
sentir trompés dans la connaissance des règles du « jeu dans
lequel on joue » tandis que les « dés sont jetés »
depuis longtemps.
2.7. Comment intervenir prochainement ?
· Par rapport à un aspect purement
organisationnel, je choisis les hypothèses de
compréhension 2 et 4 pour en faire une action éducative.
Désormais, chaque fois que j'organiserai une réunion, je
veillerai à rappeler avant aux jeunes le plus fréquemment
possible (quitte à afficher une convocation aux valves qui leurs sont
destinées) le moment et l'endroit de son déroulement. Ils seront
alors moins pris au dépourvu et pourront mieux organiser leurs
activités de temps libre. Par ailleurs, je veillerai à ne pas
l'inclure dans l'une de leur réunion ordinaire dont le contenu est
généralement déjà suffisamment dense.
· Au regard de la dimension relationnelle et
pédagogique, il me semble que les hypothèses 8 et 9
se prêtent bien à une piste d'intervention que je dois
mettre en oeuvre : la congruence entre ce que je ressens et ce que j'exprime
est une caractéristique centrale de toute relation qui se veut d'aide et
d'écoute.
2.8. Mise en application des deux premières pistes
envisagées et ratification de la charte
Une fois que j'ai rédigé le document, j'en
glisse une copie dans le cahier de communication pour le soumettre à
examen et avis de tous les membres de l'équipe éducative. Cette
démarche me permettra de réaliser quelques améliorations,
en tenant compte d'éventuelles remarques émises.
Ensuite, je profite d'une réunion du mardi matin,
où tous les membres de l'équipe sont présents, pour leur
faire signer la charte finalisée36. Cette dernière est
ratifiée à l'unanimité. De là, j'obtiens un accord
hiérarchique pour organiser une autre réunion d'enfants, qui
servira à clôturer ma démarche par leurs signatures et
à accueillir leurs éventuelles contestations ou suggestions. Je
fixe la réunion un lundi à 19h00 (en dehors du créneau
traditionnel donc). En attendant, j'affiche la convocation des concernés
aux valves d'information qui leur sont destinées. Chaque fois que je
suis attablé avec eux pour le souper, je n'hésite pas à
leur rappeler le moment que j'ai fixé et auxquels ils sont
conviés.
Je me réunis avec sept intéressés, le
lundi suivant à l'heure programmée, pendant une période de
congés scolaires. Kimmy, Damien et Fiona, en « retour famille
», sont absents.
Suite à ma lecture du texte, à l'occasion de
laquelle mon auditoire est un peu dissipé par quelques « pitreries
» de Benjamin et François, je propose un tour de table pour relever
d'éventuelles revendications par rapport à la finalisation de la
charte. Benjamin - qui restera le seul à vouloir s'exprimer - affirme
qu'il aimerait que les éducateurs demandent aux administrateurs des
ordinateurs de surveiller les discussions en ligne sur leur site, car des
jeunes d'autres institutions leur enverraient des insultes via ce média.
Le garçon me rappelle également qu'ils n'ont toujours pas de
casques audio pour les ordinateurs et me demande quand ceux-ci arriveront.
J'approuve ses remarques pertinentes et lui promets de transmettre à qui
de droit.
36 Voir Annexe 3, pages 69-70.
46
En guise de clôture, j'invite chacun des présents
à signer. Tout le monde s'y exécute. Les trois absents signeront
le document dès qu'ils seront revenus de leur séjour familial.
2.9. Evaluation de l'impact de mon action
Je trouve que le rappel fréquent du moment de la
réunion, dédoublé par un affichage, a porté ses
fruits. Je pense aussi que le caractère « bon-enfant » et le
meilleur déroulement de cette réunion sont à attribuer
à sa durée nettement plus courte par rapport à la
première.
En dehors des moments d'effervescence collective
déclenchés par les pitreries de Benjamin et François, les
jeunes bénéficiaires se sont montrés bien
réceptifs. De plus, j'ai été agréablement surpris
du bien-fondé de l'implication de Benjamin.
Reste à observer dans quelle mesure la charte aura
l'influence espérée en terme d'utilisation saine des machines.
NB : La charte ratifiée par
les deux parties (l'équipe éducative et les 10 jeunes
concernés) sera affichée, comme prévu, au-dessus des
ordinateurs des jeunes, dans la salle à manger principale.
Idéalement, il faudrait faire mention de son existence dans le ROI et/ou
dans le projet pédagogique de l'institution. Il s'agira d'en renouveler
les signatures chaque fois qu'un autre jeune sera en âge d'accéder
aux ordinateurs.
3. Troisième situation éducative : avec
François
Etant donné que j'ai dressé le portrait de
François précédemment (voir page 33), j'estime qu'il n'est
plus nécessaire de le faire ici.
3.1. Les acteurs, la contextualisation et les faits
3.1.1. Première séquence de la
situation
a) Les acteurs en présence
· François
· 1 fille de 9 ans du groupe vertical mixte
(dans la pièce à côté)
· Moi-même
b) Le contexte et les faits observables
L'événement a lieu un mercredi d'hiver, en
début d'après-midi, après le déjeuner. La neige
étant tombée de façon abondante la veille, elle a
laissé un tapis blanc bien ferme et durable au sol. Je décide de
saisir cette belle opportunité pour organiser une petite sortie à
luge avec trois volontaires. J'obtiens l'adhésion enthousiaste de
Michelle. Cherchant ensuite d'autres amateurs de glisse, je m'arrête au
salon où je trouve François très appliqué à
jouer avec sa console DS. Le garçon est enfoncé dans
l'angle d'un canapé (celui-ci est lui-même inséré
dans un angle de la pièce de telle façon à ce que le
visage du bénéficiaire soit visible de profil quand j'entre dans
la pièce) et ses genoux - où sont appuyés ses mains
pianotantes - sont ramenés vers sa poitrine. Pendant que je suis ensuite
installé à côté de lui pour l'aborder verbalement,
d'autres jeunes passent et repassent par le salon sans nous interrompre.
MOI (avec délicatesse) : « Tu
joues à quoi, François ? »
FRANÇOIS (brièvement, sans lever
les yeux vers moi) : « Pokémon... »
MOI : « Et tu es qui dans le jeu ?
Pikachu ? »
FRANÇOIS : « Non, chui dresseur
de Pokémon. »
MOI : « C'est quoi ta mission ?
»
FRANÇOIS : « Je dois attraper
des pokémons pour les mettre dans mon équipe. »
MOI : « Aha ! L'équipe a-t-elle
aussi une mission ? »
FRANÇOIS : « Oui !...
»
47
MOI : « Laquelle ? »
FRANÇOIS : « Se battre pour
gagner des autres pokémons. »
MOI : « Tu me semble bien
concentré dans ta partie, mais tu ne voudrais pas venir avec
Michelle
et moi pour une balade en luge sur le ravel ? »
FRANÇOIS : « Non...
»
MOI : « Je pense que ce serait
vachement chouette. Je ferai comme la semaine dernière avec
Bryan et Michelle : vous êtes assis sur la luge et,
moi, je vous tire avec une corde attachée autour
de ma taille. On s'éclatera bien, qu'en penses-tu ?
»
FRANÇOIS : « Je n'ai pas envie.
»
MOI : « Ça ne
t'intéresse pas de jouer à l'extérieur, alors que nous
avons de la chance de pouvoir
profiter d'une neige qui ne fond pas ? »
FRANÇOIS (les yeux toujours rivés
sur sa machine) : « Non... »
MOI : « En plus c'est beau de voir la
nature et les arbres recouverts de blanc »
François reste muet et continue de faire aller ses doigts
sur les touches de sa console. La posture de
son corps n'a pas changé depuis que je suis arrivé
dans le salon.
MOI : « Pourquoi ne veux-tu pas
profiter d'une belle occasion de sortir pour t'éclater autrement
que de rester le nez dans ta console ? »
FRANÇOIS (connectant son regard sur le
mien) : « Parce que je suis aguik. »
MOI : « Tu veux dire "addict" ?
»
FRANÇOIS (son regard semble à
nouveau absorbé par l'écran numérique, et de rajouter
mélodieusement puis brièvement) : «
Non... Aguik ! »
MOI : « Et c'est quoi "aguik" ?
»
FRANÇOIS : « Ben aguik... Tu
vois... C'est aguik ! »
MOI : « Mais addict à quoi ?
»
FRANÇOIS : « Ben aguik aux
jeux. »
MOI : « Pour moi, tu n'es pas addict
aux jeux vidéo. Mais je n'ai pas le temps de rester pour en
discuter avec toi maintenant car Michelle m'attend pour
aller luger. J'aimerais en rediscuter avec
toi à un autre moment, ça te va ?
»
FRANÇOIS (débit de voix
mélodieux) : « Ça va... »
Je quitte la pièce afin de m'apprêter pour
rejoindre Michelle, qui m'attend dans la pièce à
côté.
3.1.2. Seconde séquence de la situation
a) Les acteurs en présence
· François
· 1 fille de 8 ans (elle se tient
seulement à proximité, sans intervenir)
· Moi-même
b) Le contexte et les faits observables
Les interactions présentées se déroulent
une semaine après la première séquence
présentée. Nous sommes en fin d'après-midi d'une
journée d'école, après l'achèvement des devoirs
scolaires et avant le souper. François est une fois de plus
installé dans le canapé dans la position que j'ai décrite
auparavant, mais sans sa console de jeux vidéo. Toutefois, deux autres
jeunes sont assis près de lui pour partager la
télévision.
MOI : « François, tu te
souviens de l'autre jour : quand j'avais dit que je voulais te reparler ?
» FRANÇOIS (mélodieusement) : «
Ben oui... »
MOI : « Tu vois, je n' t'ai pas
oublié ! »
J'adresse un clin d'oeil à François qui, tout
en restant silencieux, garde son regard fixé sur le mien sans autre
mimique faciale.
MOI : « Tu viens ?... Je
préfère t'en parler dans ta chambre car j'estime que ça ne
regarde pas les autres. »
FRANÇOIS (voix altérée
par un ton plaintif) : « Non pas maintenant, s'il vous plaît :
j'ai envie de regarder la fin... »
48
MOI : « D'accord, ça va, pas de
souci. De toute façon nous n'allons pas tarder de passer à table.
Alors c'est mieux aussi qu'on se voie après le souper. C'est bon pour
toi comme ça ? »
FRANÇOIS : « OK... Ça
va... »
Après le souper je viens donc une seconde fois à
la rencontre de François au salon, tandis qu'il me
semble à nouveau en osmose audiovisuelle avec la
télévision. Je reste debout à l'extrémité
du
canapé d'où je l'aborde.
MOI : « Bon... François, tu
viens ? »
François, sans mot dire, se lève d'un seul bon
pour me suivre de suite.
Une fois que nous sommes entrés dans la chambre,
François s'installe sur sa couche et contre l'angle
mural dans lequel un coin de la tête de son lit
s'insère. Il saisit l'une de ses multiples peluches qu'il
plaque aussitôt contre lui, avant de rester
complètement immobile. Je m'assieds spontanément sur le
bord de son lit, à environ cinquante centimètres
de lui. Il me fixe de ses yeux dirigés du bas vers le
haut.
MOI : « Voilà... (soupir)
Alors, ça va ? »
FRANÇOIS : « Ça va !...
»
MOI : « Ne t'inquiète pas
François : je n'ai pas voulu te parler à part pour te faire des
reproches. »
FRANÇOIS (avec de la mélodie dans
la voix) : « Je sais... »
MOI : « Pourquoi penses-tu que je
voulais te voir alors ? »
FRANÇOIS : « Parce que je
t'avais dit que je suis aguik ?... »
MOI : « Bingo !... Et c'est quoi
''aguik'' pour toi ? »
FRANÇOIS : « Ben aguiiik... Tu
vois... C'est aguik ! »
MOI : « Tu dis ''aguik'' pour
''addict'', soit parce que tu es gêné d'en parler avec moi, soit
alors
pour me provoquer peut-être ?... »
Pas de réaction verbale de la part du garçon qui
me fixe de ses yeux.
MOI : « Qu'est-ce que ça veut
dire pour toi ''être addict'' ? »
FRANÇOIS : « Ben... Euh...
C'est aguik, c'est tout !... »
MOI : « Tu vois, François, je
crois que c'est déjà un mot un peu compliqué et qu'on
n'utilise pas
forcément tous les jours. Je vais te dire, moi, ce
que ça veut dire pour moi : ça veut dire être
dépendant ou être accroc à quelque chose
dont on ne peut pas se passer, parce que c'est plus fort
que nous. Comme ça, on peut être accroc au
chocolat, aux chiques et même - pourquoi pas - à sa
console de jeux vidéo ou aux jeux à plusieurs
sur Internet ou que sais-je encore ?... Maintenant, si
déjà tu connais le mot, je pense que tu l'as
entendu quelque part ou que quelqu'un t'as dit que tu
l'étais en te voyant jouer très souvent
à la DS pendant ton temps libre. Sinon, comment est-ce que tu
m'aurais sorti ce mot pendant que tu jouais à la DS
?... C'est que tu as bien gardé ce mot, là, dans
ta petite tête (j'appuie
l'extrémité de mon index sur son front) et que tu sais par
rapport à quoi il
s'utilise, non ? Je me trompe ? »
Silence pendant que le bénéficiaire me regarde
fixement avec un léger rictus à peine perceptible.
MOI : « C'est forcément
quelqu'un du Foyer qui t'as dit ça, parce que c'est au Foyer que tu
laisses
ta console. A moins que ce ne soit ton grand-père ?
»
FRANÇOIS : « Non...
»
MOI : « Dans ce cas c'est quelqu'un du
Foyer, autrement c'est pas possible ! »
FRANÇOIS : « Oui...
»
MOI : « Un éducateur ?
»
FRANÇOIS : « Non...
»
MOI : « Une éducatrice ?
»
FRANÇOIS : « Non...
»
MOI : « Bon !... C'est
forcément un enfant alors. »
FRANÇOIS (dans un rictus plus
prononcé que précédemment) : « Oui...
»
MOI (me frottant le menton entre l'index et le
pouce) : « Aha ! T'aime bien jouer aux devinettes
toi ? »
François me répond par un sourire avant de
déconnecter son regard du mien en baissant les yeux.
MOI (dans un sourire et interrogeant
brièvement) : « C'est qui ? »
49
FRANÇOIS : « Caroline.
»
MOI : « Eh ben, moi, je trouve que
c'est méchant de la part de Caroline de te dire ça : c'est comme
si elle t'avait marqué sur le front : ''Je suis addict'', à
l'indélébile !... Moi, je peux constater que tu ne l'es pas, bien
que tu as tendance à abuser parfois avec la console, en restant dans un
coin sans
parler à personne, pendant que d'autres jouent ou
discutent ensemble dans le Foyer. Addict tu ne l'es pas et je vais t'expliquer
pourquoi... En fait, parce que tu vas à l'école et que tu fais
d'autres
activités comme les scouts, la piscine, le break ou
encore le Conseil communal des enfants, et tout ça sans ta console, mec
!... Est-ce que tu ne fais rien d'autre que penser aux jeux vidéo
pendant que tu participes à l'une ou l'autre des activités que je
viens de citer ? »
FRANÇOIS (débit de voix
mélodieux) : « Ben... Non... »
MOI : « Ben voilà !... Dans
ce cas tu n'es pas addict des jeux vidéo ou de ta DS. Si tu
l'étais vraiment, tu y penserais sans arrêt. »
Sourire pincé de François.
MOI : « Bon maintenant, si un jour
tu penses tout le temps à ta console et que cette pensée
t'empêche de faire les choses convenablement dans une autre
activité, alors là il faudra déjà plus
s'inquiéter de l'addiction. Tu comprends ? »
FRANÇOIS : « Ben oui...
»
MOI : « Moi ce que je peux te
conseiller c'est d'avoir le plus d'activités possible et de te faire le
plus d'amis possible dans la vraie vie, justement pour ne pas en arriver
à cette addiction. Une addiction, c'est comme une prison qui peut nous
couper des autres... En tout cas merci d'avoir accepté de discuter avec
moi ce soir (sourire et clin d'oeil à François de ma part)
. »
FRANÇOIS : « De rien...
»
MOI : « Non, je te rassure, François, tu n'es
pas aguik (sourire et clin d'oeil adressé de ma part à
l'enfant). Mais évite de le devenir en essayant de tenir compte de
ce que je viens de te dire. » François sourit
également.
MOI : « Allez, à plus. Et va
vite te laver maintenant. »
Je quitte la chambre pour aller vaquer à d'autres
tâches qui m'incombent.
3.2. Mon ressenti en situation et mon
interprétation a priori des faits
3.2.1. Par rapport à la première
séquence présentée
a) Mes émotions et attitudes
· J'utilise comme stratégie d' « accroche
» de François mon intérêt pour son jeu,
espérant qu'il s'intéresse ainsi à son tour à ce
que je lui propose ;
· Lorsque François exprime sa réticence
à changer d'activité, j'essaie de lui faire passer comme message
qu'il serait bien plus passionnant de passer un bon moment de joie dans la
neige que de rester « captif » d'un monde virtuel ;
· J'apprécie vraiment le côté
féerique de la nature enneigée et j'essaye de communiquer cette
enthousiasme au garçon ;
· En essayant de mesurer ce qui pourrait rencontrer son
intérêt dans une activité saisonnière de plein air,
j'entre en négociation avec lui ;
· Lorsqu'il maintient sa position à ne pas
accepter ma proposition, je suis assez déçu ;
· Je suis un peu interloqué par sa prononciation
du mot « addict », étant donné que je ne connais pas
chez lui l'existence de difficultés de prononciation.
b) Mon interprétation
· L'enfant résiste à ma proposition de
changer d'activité parce qu'il préfère rester
plongé dans un monde virtuel pour anesthésier une angoisse
existentielle ou une frustration passagère ;
·
50
Il est bref dans ses réponses parce qu'il
n'apprécie pas que je me sois immiscé dans sa « bulle
virtuelle ».
3.2.2. Par rapport à la seconde séquence
présentée
a) Mes émotions et attitudes
· Je propose à François un entretien
à l'écart de ses pairs parce que j'estime que la présence
de ceux-ci en tant que « spectateurs » pourraient influencer ses
propos ;
· Je lui propose que l'entretien se déroule dans
sa chambre pour qu'il puisse se sentir plus en sécurité et
être plus authentique sur son « territoire » ;
· J'accepte de postposer le moment de mon entretien avec
François pour deux raisons :
- lui permettre de satisfaire son besoin de regarder son
programme télévisé jusqu'à la fin ;
- le moment du souper se faisant proche, je n'aurais pas pu
mener mon dialogue avec lui jusqu'au bout avant.
· En l'interrogeant pour savoir s'il a une idée
du motif de ma sollicitation, je suppose qu'il a déjà un
pressentiment de la raison.
· Je veux lui spécifié que je ne suis pas
dupe : j'ai bien compris qu'il prononce « aguik » pour me parler de
son attrait infatigable pour les jeux vidéo.
· Je suis fâché d'apprendre que quelqu'un
ait pu lui coller une étiquette ;
· Pour lever toute stigmatisation éventuelle,
j'argumente la raison pour laquelle je pense qu'il n'est pas
dépendant.
· J'espère qu'il tiendra compte de mes quelques
recommandations préventives.
b) Mon interprétation
· François a envie de regarder son programme
télévisé jusqu'au bout parce qu'il est absorbé par
l'histoire de la série qu'il regarde ;
· Une fois dans la chambre, il ramène sa peluche
pour créer une barrière de protection entre lui est moi ;
· Il veut éviter de me dire pourquoi il dit
« aguik » afin éviter des pourparlers : il a mieux à
faire ;
· Il « me regarde fixement avec un léger
rictus » parce qu'il est gêné par mon geste tactile sur
son front ;
· « François me répond par un
sourire avant de déconnecter son regard du mien » parce qu'il
se sent « démasqué » dans le fait que je dise un peu
vrai.
3.3. Des informations complémentaires
· François ne se laisse pas facilement
interpeller pour une autre activité de loisir improvisée,
même pour son tour de vaisselle officiel, lorsqu'il est absorbé
par un écran : DS, ordinateur, télévision
(constat établi par moi-même), mais semble davantage ouvert au
dialogue depuis deux semaines (fait que je partage avec mes collègues
à l'occasion d'une réunion d'équipe) ;
· François a été placé pour
maltraitance parentale (rappel).
3.4. Ouverture du champ des possibles
3.4.1. Mon questionnement
·
51
A l'examen de la première
séquence
- François ne serait-il pas gêné de
devenir « un objet de curiosité » quand je lui pose toute une
série de question par rapport au fonctionnement de son jeu ?
- A-t-il pour objectif d'atteindre un certain niveau dans son
jeu et se résigne-t-il par conséquent pour faire une quelconque
autre activité ? Ou est-ce plutôt son discernement de ma
stratégie d'approche qui l'ait mis en position de résistance ?
- Préférerait-il que ce soit un autre
éducateur qui organise et anime la sortie que je lui propose ?
Penserait-il mieux s'amuser avec autre éducateur pendant un tel moment
récréatif ?
- L'ai-je pris au dépourvu ? Dois-je par
conséquent lui proposer une activité, à réaliser
avec lui, plusieurs jours à l'avance ?
- Sachant lui-même que Michelle participe à la
balade, voudrait-il l'éviter et pour quelle raison ?
- Se sent-il jugé lorsque je lui demande pourquoi il ne
veut pas se divertir dans la neige plutôt que de « rester le nez
dans » sa console ?
- Quelle(s) activité(s) à vivre ensemble de la
réalité non-virtuelle pourrait être source de plaisir
à la fois pour lui et moi ?
- Quel est le sens pour lui de dire « aguik » au
lieu d'« addict » ?
- Que suscite en lui le fait que je n'apporte pas de
précision quant « à un autre moment »
où « j'aimerais en rediscuter avec » lui ?
§ A l'examen de la seconde
séquence
- A-t-il vraiment envie de regarder son programme
télévisé jusqu'au bout ou utilise-t-il un prétexte
par crainte de se retrouver nez à nez avec moi, hors de la vue des
témoins de la maison ? A quoi cette éventuelle crainte est-elle
liée ?
- Ne suis-je pas finalement en train de me mettre en
difficulté professionnellement en invitant le garçon à
bavarder en l'absence de témoins, qui plus est dans un lieu
d'intimité ? Voit-il comme intrusif le fait que je m'asseye sur le bord
de son lit sans lui en demander la permission ?
- S'obstine-t-il à maintenir la prononciation hors
norme en espérant me faire sortir de mes gongs un moment, par simple
amusement ?
- Caroline l'a-t-elle vraiment taxé d'addict ou
François invente-t-il cela pour faire cesser mon interrogatoire
obstiné qui l'exaspère ? Quand bien même Caroline ne l'ait
pas fait, quelle portée mes propos vis-à-vis d'elle auront-ils
?
- Est-ce un souci pour François qu'on puisse le
désigner sous cette
appellation ?
3.4.2. Mes hypothèses de
compréhension
1) Il se divertirait davantage par le jeu vidéo que
par une quelconque autre activité (première séquence) ;
2) Sa console est le comportement/moyen qu'il a trouvé
- ici et maintenant - comme étant le mieux adapté pour sublimer
stress, frustration ou angoisse ;
3) Il ne veut pas « décrocher » de sa
console car il se serait fixé d'atteindre une performance à tout
prix, pour développer son « image de marque » auprès de
ses pairs. Cette forme de reconnaissance par autrui favoriserait en même
temps l'augmentation de son estime de soi* ;
4) Il préférerait que la sortie se face avec un
ou plusieurs autres de ses pairs, plutôt qu'avec Michelle avec qui il
aurait moins voire aucune affinité (cf. L'identité
sociale*) ;
5) Chacun de nous est en zone
d'inacceptation* par rapport à l'autre : moi en communiquant
des « messages* solution » et des messages
dévalorisants ; le bénéficiaire par des messages
d'évitement.
6) Mon mode de fonctionnement relationnel, dominé par
les états du moi* de Parents nourricier et
normatif négatifs*, ne viendrait pas rencontrer François
dans ses désirs et
attentes. Par conséquent, il se comporte le plus
souvent selon un l'état du moi d'Enfant rebelle ou
soumis*.
7) « Aguik » ferait partie de ses
habitus* correspondant à un groupe ou sous-groupe de
pairs auquel il appartient ;
8) Le garçon persisterait à employer une
prononciation déformée du mot « addict » pour
créer entre nous un jeu relationnel susceptible de
favoriser l'escalade symétrique*. Cette escalade
l'amuserait ou serait une stratégie de diversion par rapport à ma
sollicitation dont l'objet ne l'inspire pas vraiment ;
9) Lorsque je ne conviens pas avec lui des moment et endroit
précis pour « en rediscuter », François
pourrait ressentir une espèce d'ambivalence flottante ou rester avec une
information qu'il peut oublier dans le temps.
10) Le garçon aurait des réactions
d'auto-protection (déclination de venir s'entretenir une première
fois, placage d'une peluche contre lui, regards bas ou fuyants, léger
rictus, etc) là où il se sentirait menacé dans son
intégrité psychocorporelle, par l'actualisation de peurs
archaïques* possiblement liés aux maltraitances de sa
petite enfance ;
11) Lorsque je suis en position de jugement de valeur,
François ne serait pas rejoint dans ses besoins de
sécurité et d'estime et l'empêche par conséquent de
s'épanouir pleinement.
52
3.5. Hypothèse d'intervention
Je sélectionne les hypothèses
d'interprétation 5 et 6 pour en dégager des pistes de
solution. Pour être pertinente, mon intervention devra consister à
(r)établir et maintenir une relation de confiance avec François
:
1° Par l'exercice de plus d'empathie*
vis-à-vis de ses besoins explicites et implicites ; 2° En
m'exprimant en « je » lorsque je suis en zone d'inacceptation ;
3° En induisant les transactions* suivantes
:
Moi
|
François
|
Pnf? + Pnr?
|
Enfant libre
|
Enfant libre
|
Enfant libre
|
Adulte
|
Adulte
|
3.6. La mise à l'épreuve de
l'hypothèse
Cette entreprise va se dérouler en deux temps
:
1° J'entrerai dans un véritable dialogue avec
François qui me semble dans de bonne prédispositions
relationnelles, puisque c'est lui-même qui viendra me solliciter
;
2° J'organiserai une sortie VTT dont le parcours et
la destination semble l'intéresser et à laquelle il participera
avec une grande motivation.
1)
53
Par un après-midi ensoleillé d'avril, une
éducatrice et moi-même encadrons un groupe de six enfants du Foyer
sur une plaine de jeux communale. Pendant ce temps, François et d'autres
jeunes du Foyer, accompagnés par une autre éducatrice, sont
à la piscine communale qui se situe juste à côté du
terrain de jeu.
Lorsque le groupe dans lequel se trouve François
revient de sa séance nautique pour nous rejoindre à la plaine, ce
dernier vient vers moi pour me demander poliment si je veux bien l'accompagner
pour aller au « terrain de sport ». L'endroit auquel il fait allusion
est en fait un espace de plein air aménagé au moyen d'appareils
de fitness - conçus pour résister aux intempéries -
destinés aussi bien à l'usage par des sujets « valides
» qu'aux personnes en situation de handicap. Là il me demande de
lui montrer concrètement comment utiliser chaque machine. Je
m'exécute et il semble manifester beaucoup d'attention car il regarde
fixement chacun de mes faits et gestes, tandis que je lui explique
soigneusement mes mouvements. Il prend mon relais, après chacune de mes
explications, en testant les spécificités de chaque
dispositif.
Ensuite, je lui demande s'il apprécie les
séances de piscine et ce qui le motive précisément pour
s'y rendre. Il me répond qu'il aime bien y aller parce qu'il est capable
de faire beaucoup plus de choses dans l'eau que les autres enfants du Foyer qui
y vont en même temps que lui. A ma demande, il me décrit une
à une ses performances nautiques.
Enfin, il me confie qu'il aimerait revenir un autre jour avec
moi sur ce terrain de sport. Dans un premier temps, je lui explique que ce ne
sera pas possible pour moi37 étant donné que, en tant
que stagiaire, je ne suis pas autorisé à utiliser le
véhicule de transport du service parce que je ne suis pas assuré
à cet effet. En conséquence il me déclare que je peux bien
utiliser ma propre voiture. Je l'informe encore que je ne suis pas
assuré pour utiliser mon véhicule personnel à des fins
professionnelles. Il semble déçu car il détourne
aussitôt son regard de moi et s'éloigne pour s'asseoir sur un
autre appareil. Puis, réflexion faite, j'interpelle François pour
lui demander s'il n'était pas partant pour revenir un jour ici à
vélo, par le RAVeL38, en partant de l'institution. Il semble
manifester beaucoup d'enthousiasme à cette idée : «
Ouais !... Cool !... ». Je lui dis que je retiens ce projet en sa
faveur en lui promettant de le réaliser dès que le temps le
permettra, mais qu'il y aura certainement d'autres enfants du Foyer qui seront
avec nous. Il m'affirme explicitement que ça ne le dérange
pas.
2) Début mai, les prévisions
météo indiquent un temps au beau fixe pour quelques jours. Avec
l'aval du chef-éducateur, j'en profite pour programmer deux sorties VTT
qui se dérouleront chacune lors d'un jour férié inclus
dans la période de ces bonnes prévisions. Pour chaque
cyclo-randonnée, je compte trois enfants adhérant au projet. Bien
qu'il ne soit pas possible d'aller jusqu'au terrain de jeux du mois dernier (un
tronçon du chemin nous obligerait à emprunter une route nationale
trop dangereuse à cause de sa sinuosité et son trafic),
François garde sa motivation car la nouvelle destination ainsi que le
programme du circuit l'intéressent également.
François participe à la seconde virée
avec Michelle et moi-même, la troisième cycliste potentielle
s'étant désisté. Le garçon semble avoir pris en
considération les recommandations de sécurité que j'avais
faites au groupe avant le départ, car il les applique toutes. Chaque
fois qu'il décide de prendre une initiative personnelle faisant une
entorse à mes consignes de route, il m'en demande expressément la
permission. Comme tout se passe bien, je n'hésite pas à lui
octroyer une marge de manoeuvre susceptible de lui faire expérimenter
liberté et responsabilité personnelle. Chemin faisant, je
réponds à ses nombreuses questions touchant à
l'environnement comme la faune et la flore. Je suis ravi qu'il
s'intéresse à ces éléments de la nature et le lui
exprime.
Lorsque nous arrivons dans la commune de destination, je
propose à mes compagnons de route de nous arrêter sur la plaine de
jeux de notre point d'arrivée où je les guide, au gré de
leurs sollicitations, dans l'exploration d'un portique métallique
censé solliciter toutes leurs
37 Le Foyer est à plus ou moins 15
kilomètres de la plaine de jeux.
38 Réseau
Autonome de Voies Lentes de
Wallonie réservé aux piétons, cyclistes, personnes
à mobilité réduite, patineurs et cavaliers. Ces voies
longent généralement les rivières.
54
dextérités physiques. Ensuite un autre
dispositif ludique à axe rotatif central et flanqué de deux
sièges semble les attirer de façon plus exclusive car ils y
retournent souvent. Un moment, je décide de les faire tourner sur ce
module en les poussant répétitivement. La vitesse
favorisée par cette poussée répétitive semble les
amuser car, dans le tournoiement interrompu, ils rient aux éclats et en
redemandent de façon inconditionnelle.
Après avoir pris le goûter de seize heures sur
l'aire de jeux, nous nous déplaçons vers un second endroit de
divertissement. Il s'agit d'un terrain vague dont les monticules de terre
successifs, irréguliers les uns par rapport aux autres en taille et
volume, sont coiffés d'une piste cyclable formant un circuit. J'ai
désigné cet endroit tant convoité, auquel les enfants
n'avaient pas attribué de nom, par « piste de cross ». Je
participe à leurs multiples passages sur cette piste en exprimant, comme
eux, ma joie d'expérimenter ce manège.
Nous rentrons finalement tous les trois au Foyer
comblés par notre escapade. François est tellement satisfait
qu'il me demande d'organiser une réunion où chacun pourrait
exprimer son ressenti par rapport à la sortie vécue ensemble. Je
suis OK pour ce débriefing. Michelle ne souhaite pas y prendre part, je
ne l'y oblige donc pas. François et moi échangeons mutuellement
ce que nous avons le plus apprécié au cours de notre aventure. Je
n'oublie pas de le remercier pour sa contribution au déroulement positif
de notre activité partagée.
3.7. Evaluation de l'impact de mon action
1) Dans la première situation, le
bénéficiaire vient me trouver de son propre chef par rapport
à un désir. Je réponds à son besoin et lui fais des
propositions allant dans le sens de ses attentes, en tant que Parent
nourricier positif. Nos échanges s'en trouvent enrichis et nous
rapprochent dans la relation, puisque le garçon lui-même finit par
exprimer son désir d'une activité future à réaliser
avec moi.
2) Dans le second cas de figure, je fonctionne tout d'abord
en Parent normatif positif en posant un cadre de
sécurité avant notre départ. Une fois ces consignes
intégrées et appliquées par les enfants, je peux d'une
part mieux fonctionner en Parent nourricier positif*. D'autre
part cela m'ouvre le champ à l'expression de mon Enfant libre
qui va partager plaisirs et joies avec l'Enfant libre*
des usagers, sans risquer de perdre le statut
d'autorité* au sens étymologique du terme. Le
résultat s'en avère véritablement satisfaisant
étant donné que François lui-même réclame
l'évaluation collective de cet après-midi
récréative. Ceci a pour effet de m'enchanter pleinement et
m'amène à attribuer un renforcement positif qui me semble
resserrer notre lien de plus belle.
55
V.- MA VISION DU METIER
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places12.png)
56
A partir d'une part de la proximité de terrain que j'ai
pu avoir, sur une période de dix-huit années, en France et en
Belgique, avec différents publics de jeunes ou moins jeunes, avec ou
sans difficultés d'insertion sociale, avec ou sans handicap, et d'autre
part de ma formation en éducation spécialisée, je me suis
conforté dans une sensibilité professionnelle orientée
vers l'aide aux jeunes dont les habilités du milieu d'origine sont
restreintes. Les expériences concrètes dans les domaines
socio-éducatifs que je viens d'évoquer, je les ai
accumulés sous différents régimes :
bénévolat, volontariat, stages professionnels ou encore emplois
salariés.
La réaction des gens qui m'interrogent sur mon
métier, à partir de l'idée préconçue qu'ils
en ont, me demandent « spécialisé en quoi ? ».
Sous-entendu, « dans quel domaine » ou « pour
quelle population ? ».
Mon but, en proposant ci-dessous ma vision du métier,
n'est pas de me présenter uniquement en tant qu'éducateur
spécialisé du secteur de l'Aide à la Jeunesse, mais de
décrire par ailleurs les singularités qui, à mon sens, me
sont communes avec d'autres éducateurs, de mon secteur ou non, et qui
fonde l'identité du métier.
Pour ce faire, je calquerai mes éléments de
définition sur les cinq fonctions que l'éducateur
spécialisé se doit d'assurer. Elles sont
énumérées dans le profil professionnel du bachelier en
éducation spécialisée en accompagnement
psycho-éducatif, tel qu'adopté le 27 avril 2006 par
l'Enseignement supérieur pédagogique de type court et
approuvé par le Conseil supérieur de l'Enseignement de Promotion
sociale.
1. Dans la fonction d'accompagnement et
d'éducation
Sans perdre de vue que le gros de mon quotidien réside
dans un tâtonnement pragmatique, il est néanmoins
courant que j'y conjugue de nombreux outils théoriques et
méthodologique des sciences humaines. Ceux-ci doivent
s'avérer éclectiques en raison d'une certaine
complexité que je dois démêler dans certaines situations
prises en charge, notamment lorsque le bon sens commun ou le pragmatisme me
dirigent vers une impasse en terme de pistes d'intervention.
Toujours est-il que Jozeph Rouzel m'inspirent souvent quand je
cherche des solutions. Cet éducateur, psychanalyste et formateur en
sciences sociales vise le développement d'une clinique du sujet dans les
« médiations éducatives ». Ces espaces
de transmission s'inscrivent, pour le bénéficiaire comme pour
l'intervenant, dans un processus de découvertes sensibles. La
57
créativité entraîne ces partenaires dans
la connaissance de l'humain avec toute sa dimension
symbolique, afin d'« entrer dans le partage d'une vision
esthétique du monde » avec « de la noblesse et du
sens [...] pour que l'autre devienne adulte » (Delasse, 2009). Dans
l'un des S.A.A.E. où je prestais en tant que stagiaire, un «
atelier d'histoires » permettait aux enfants de développer leur
créativité en se projetant par la photographie. Avec un
éducateur, une réflexion collective se faisait
préalablement sur un scénario. Le thème n'était pas
imposé par l'intervenant, mais choisi par les jeunes. Il fallait aussi
penser à comment allait être les costumes. Loin de
l'empêcher de se confronter au principe de réalité et aux
autres, cette activité avait pour finalité d'aider l'enfant
à s'imaginer plus aisément dans un contexte social et à
trouver des alternatives aux situations problématiques auxquelles il
aurait pu être confronté à l'avenir, voire dans sa future
vie de sujet adulte.
L'éducation nouvelle, représentée
notamment par Makarenko39 et Freinet40 et à
laquelle j'aspire, s'oppose depuis longtemps à la vision rousseauiste en
renonçant à une toute puissance de l'autorité. Bien loin
de démissionner de cette façon de mon rôle éducatif,
j'apprends à construire un lien de confiance basé sur une
autorité ajustée. Cette autorité renvoie à
ma capacité d'être à l'écoute des désirs
propres de l'autre, en négociant leur actualisation au regard du temps
et des moyens disponibles. Ainsi, quand je travaillais en milieu de la
psychiatrique, Simon, 28 ans, semblait stagner dans un état de survie et
ne pas trouver de sens dans les activités que le service lui proposait.
En reconnaissant que ces activités ne correspondaient pas à son
niveau d'aptitude mentale et intellectuelle, je m'étais mis à son
diapason. Son réel besoin, en fonction de ses capacités, se
trouvait dans un épanouissement à travers un travail ou une
formation. Il désirait aussi rencontrer davantage de gens de sa
génération à l'extérieur de l'institution, pour
éventuellement se lier d'amitié avec des « personnes qui ont
une vie normale », pour ne plus avoir « l'impression d'être un
handicapé », comme il disait. Il était enchanté
d'entendre de ma bouche qu'il était temps de passer à autre chose
et que quelqu'un allait enfin lui donner des pistes concrètes pour
l'aider à réaliser des projets qui lui tenaient à
coeur.
Pour rendre les jeunes acteurs de leur propre existence, ai-je
éthiquement le droit de les formater dans la matrice
néolibéral pour obtenir des individus « autonomes »,
autrement dit : performants, productifs, et donc rentables ? Pour remettre au
centre du débat la personne en tant que sujet, « il ne
s'agit pas d'être ''fort", mais [...] d'assumer ensemble la
fragilité propre à la vie » (Benasayag &
Schmit, 2003 : 118-119). Ainsi, plutôt que d'enfermer les personnes
bénéficiant de notre prise en charge dans des catégories
(« caractériel », « débile », «
dépressif », « borderline », ...) qui les empêchent
de s'élever, il s'agit de découvrir avec eux les
potentialités « qu'[ils sont] susceptible[s] de s'approprier
une fois que l'unidimensionnalité de l'étiquette est
laissée de côté et que la multiplicité advient
» (ibidem, pp114-115). Un ancien étudiant du CPSE, donnant
à un enseignant sa définition de l'autonomie, disait qu'«
Etre autonome, c'est être capable de reconnaître et
d'accepter que l'on a besoin d'aide et d'être capable de la
demander ». Personnellement, j'appelle cela une capacité
d'interdépendance.
Toujours au niveau des aptitudes personnelles, je crois que
chacun - quel que soit ses difficultés, son âge, ses conditions
d'existence - possède un potentiel enfoui. L'un de mes rôles
éducatifs est donc de pointer chez l'usager des ressources
dont il n'a pas ou peu conscience. Une fois une compétence
clairement vérifiée ou définie avec le
bénéficiaire, je vais pouvoir lui suggérer des moyens
concrets pour l'exploiter.
Accompagner, éduquer, c'est promouvoir ce passage
évoqué par J. Rouzel : un travail de cheminement entre un lieu
d'origine et le lieu de l'apprentissage social et de la
39A. S. Makarenko (URSS, 1888-1939) voulait
acheminer vers une nouvelle société, sans classe, un homme
nouveau qui s'éduque et trouve son identité dans le sentiment
d'appartenance à une collectivité. Il s'agit d'une
pédagogie non pas de la réflexion, mais de l'expérience et
de l'observation.
40La pédagogie de Célestin Freinet
(France, 1896-1966) pourrait se résumer au postulat que l'on
intègre convenablement que ce que l'on transforme ou manipule. Le savoir
doit s'ancrer dans le vécu empirique de l'enfant pour avoir un sens.
58
citoyenneté. Dans cet espace je suis, en tant que
passeur de sens, chargé de remettre à l'autre
l'équipement nécessaire à la création de sa propre
existence.
2. Dans la fonction de reliance
Je suis établi dans une fonction de reliance quand je
sers de pivot et porte-parole entre l'institution et les acteurs
extérieurs à l'institution (parents, famille
élargie, famille d'accueil ou de parrainage, amis et autres acteurs
sociaux du réseau de partenariat).
Même s'il est capital pour moi de bien distinguer
suppléance parentale et confusion des rôles
éducateur/parents, il y a cependant « un art de savoir-faire
avec le transfert » (Rouzel, 2004 : 206). Je prends parfois le risque
d'occuper ponctuellement un rôle qui n'est pas le mien, sans pour autant
tromper le jeune sur qui je suis par rapport à lui le reste du temps. En
voici une illustration concrète. Jonathan, 5 ans me réclame une
histoire lorsque je le couche. Je ne vais pas lui répondre : «
Il est l'heure de dormir, petit : nous nous reverrons demain ! ».
Non, je lui fais choisir un livre parmi ceux qui se trouvent sur
l'étagère de sa chambre. Je m'installe, prêt de lui, sur le
bord de son lit, pour m'exécuter. A certains moments du récit je
lui lance des regards et sourires complices. Il éclate de rire chaque
fois. Une fois la lecture achevée, j'allume la lampe de son évier
dont il a besoin en guise de veilleuse pour se sentir en
sécurité. Puis, je le borde après avoir
inséré ses peluches près de lui, sous sa couette. Je
l'embrasse sur le front. Il en redemande. Je le satisfais. Il en veut encore et
là je mets des limites en lui disant qu'il me reverra le lendemain et je
lui souhaite de faire de beau rêve dans cette attente. Oui, j'ai pris le
risque d'une implication affective. Il faut bien que je me mette à la
place du môme qui a besoin, pour s'endormir, d'un imago paternel ou
maternel. Toujours est-il qu'à force de répétition de mon
rituel du coucher, il arrive à Jonathan de m'appeler « Papa »
dans d'autres contextes du quotidien. Je mobilise alors chaque fois mon
habileté professionnelle pour faire comprendre à cet enfant que
ses parents restent ses parents et que je suis là passagèrement
pour l'aider à bien grandir. S'il y a une « bonne distance »
à instaurer, c'est à ce moment-là qu'elle doit
s'établir. Moins dans une situation où l'enfant a besoin d'un
appui rassurant pour s'endormir.
En outre, dans le cadre de mes investigations du terrain
familial, si je conserve une vision subjective de la famille type, alors je
pars d'un point de vue tronqué. Renoncer à mes
préjugés sur les normes et habitus d'un contexte familial
donné, c'est me « dépolluer » culturellement
et émotionnellement. Ainsi, je serai plus à même de
répondre aux besoins et attentes réels des protagonistes et de
pointer les ressources disponibles dans le système familial.
3. Dans la fonction d'interface
Au sein d'un même service les valeurs divergent souvent
d'un éducateur à l'autre. Les échanges d'idées
peuvent alors prendre la forme de rapports de force d'un jeu
d'identification/différenciation suscitant des conflits. Cependant
j'estime que le processus de collaboration peut s'établir dans l'esprit
d'une interdépendance où chacun, selon son propre
système de valeurs ou son originalité, devient une pierre
contribuant à la coloration positive de l'édifice
organisationnel. En ce sens, l'institution peut encourager des
solidarités inter-membres et façonner un sentiment d'appartenance
à un groupe de travail, pour « regarder ensemble dans la
même direction » au sens de Saint-Exupéry.
Si je ne passe pas par l'évaluation de mes pratiques en
réunion, je risque de dévier seul et à tort vers une
lecture erronée ou réductrice des situations rencontrées.
D'autre part, selon moi, analyser collégialement sa pratique
permet d'éviter de reproduire des
isomorphismes41 du milieu d'origine. La reproduction de ces
isomorphismes empêche
41Selon E. Dessoy (2000), les isomorphismes sont
« la manière dont l'institution répète une partie
essentielle de l'organisation familiale, - celle précisément qui
maintient le patient dans son état malade ».
59
d'atteindre les objectifs définis par l'action
éducative et constitue un frein à l'évolution des
personnes. Ainsi, dans le cas du jeune Damien présenté plus haut,
permettre à ce dernier d'étendre son temps d'ordinateur avec des
limites ambivalentes, en soirée au Foyer, n'est-ce pas soutenir en
quelque sorte l'absence de limites posées par ses parents lorsqu'il est
chez eux le week-end ? Je rappelle que l'adolescent va
généralement, dans ce contexte de séjour en famille,
prolonger sa navigation dans le cyber-espace jusque tard dans la nuit.
Il est important que les autres acteurs socio-sanitaires
(médecins, psychothérapeutes, logopèdes,
psychomotriciens...) adhèrent à cette logique de
complémentarité dans la sphère d'exercice. Pour faire au
mieux, cette philosophie doit s'améliorer, au fil du temps et de
l'évolution de la praxis et des méthodologies, en
concertation pluridisciplinaire.
4. Dans la fonction d'acteur social
Je ne serais pas un travailleur social complet, si je
n'actualisais pas régulièrement l'état de mes
connaissances socio-politico-économiques par la presse ou la lecture de
publications sociales récentes.
Dans nos sociétés occidentales, le droit des
personnes ne se définit plus exclusivement à l'intérieur
des états. En effet, à titre d'exemple : avec la Cour
Européenne des Droits de l'Homme, des droits transcendent
l'ensemble des états-membres de l'Union Européenne, et
notamment le droit aux respects fondamentaux pour vivre et le droit
à l'égalité et à la fraternité.
Appréhender l'autre, n'est-ce pas le considérer comme un
être humain pareil à soi-même ? C'est-à-dire le
traiter comme alter-ego ? Je ne suis pas supérieur à un autre,
quelle que soit mon rang social, mon statut, ... La fraternité
est la valeur essentielle pour ne pas tomber dans la discrimination d'un
genre. « La réciprocité, c'est quand l'autre,
sous sa différence, me ressemble toutefois par certains angles. C'est
admettre que l'autre, dans le partage et malgré sa différence,
puisse m'offrir autant que je suis capable de lui donner. »42
Pour construire un lien avec l'autre, sans le brusquer ou le
frustrer, je vais avoir besoin de recourir à des moyens qui me
permettent de construire une relation authentique avant tout. Il en a
été ainsi lorsque j'ai réussi à instaurer une
relation vraie avec Grégoire, 14 ans, dès lors que j'ai
découvert que notre espace de partage authentique et joyeux était
la table de ping-pong. J'ai réussi à gagner sa confiance, au bout
de trois séances, en valorisant certaines habiletés techniques
qu'il acquérait peu à peu. Le rapport de hiérarchie
cède ici le pas à une rencontre entre deux êtres humains
qui se sont mis d'accord sur un support les mettant sur un certain pied
d'égalité, même si le lien éduquant/éduquer
reste principalement asymétrique.
Cependant, vouloir du bien à quelqu'un que l'on
soutient dans son processus de socialisation ou d'intégration sociale,
cela ne va pas sans l'éduquer au sens de la loi et, dans la loi,
au respect de la vie d'autrui. L'émancipation et
l'autonomisation ne peuvent se faire sans la transmission du sens de la
responsabilité subjective : il faut faire saisir à l'autre, aussi
jeune qu'il soit, que tout acte posé aujourd'hui a des
conséquences pour demain.
5. Dans la fonction politique
Vouloir s'occuper d'un autre que soi-même, c'est vouloir
lui donner une place, une parole, un statut au sein de la
société. Notre engagement de travailleur social est donc
bien politique.
42 Conférence-débat avec Philippe Gaberan :
La dimension socio-politique du métier d'éducateur.
Liège, C.P.S.E., 20 avril 2012. Philippe Gaberan, éducateur
spécialisé et formateur, est docteur en sciences de
l'éducation, chercheur en sciences sociales et directeur d'un centre de
formation et de promotion sociale (Marvejols - Lozère, France).
Dans notre système politico-économique tenu sous
la suprématie du mercantilisme et de la technocratie, pouvoirs
de tutelle et éducateurs n'ont pas toujours la même vision de ce
qu'ils veulent voir apparaître comme résultat dans la
société. Les autorités politiques nous confient un mandat
aux contours souvent flous quant à l'espace de notre intervention. En
effet, qu'en est-il de notre rôle de promoteur de « la maturation
sociale et l'autonomie »43, lorsque certains troubles ou
certaines limitent de l'accompagné m'empêchent d'optimiser son
état d'autonomie ?
Si les politiques attribuent peu de considération aux
éducateurs en tant que producteurs de résultats, que puis-je
fournir aux premiers comme matière à penser dans le sens de
l'aboutissement de mon action sociale ?
S'il s'exprime souvent à l'oral et à
l'écrit pour des raisons routinières de communication interne ou
administrative, l'éducateur ne le fait que trop rarement au
bénéfice de la publication. La parole, qui
constitue le socle primordial de l'éducateur, se fait monnaie rare
lorsque ce dernier devrait donner sens à son action, légitimer
ses compétences de façon publique ou socio-politique.
60
VI.- CONCLUSION
43 Article premier de la loi sur le statut de
l'éducateur spécialisé parue au Moniteur Belge le 20 avril
1996.
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places13.png)
61
Mon engagement dans la profession d'éducateur couvait
donc déjà tôt dans mon histoire personnelle par le biais
d'activités bénévoles et volontaires.
De fil en aiguille, j'ai fini par « débarquer
» dans le milieu de l'Aide à la Jeunesse. Là, je me suis mis
- successivement au sein de cinq services d'hébergement, de la France
à la Belgique - au service d'enfants et adolescents placés par
les autorités publiques compétentes.
Dans ce contexte, j'ai souvent été amené
à mettre le focus sur le rapport particulier que beaucoup de jeunes
bénéficiaires développaient avec les dispositifs et autres
gadgets de la technologie numérique. J'observais une espèce
d'obnubilation des sujets qui, à l'occasion de ces interactions,
présentaient comme une fusion identitaire avec le non-humain. Ce
phagocytage de l'homme par la machine inférait une prolongation
inquiétante du temps qu'ils consacraient à ce domaine.
Simples espaces transitionnels, au sens de Winnicott ?
Toujours est-il que « mes protégés » encouraient le
risque réel, que ce doux flirt passager devienne un véritable
poison pour eux dans la mesure où ils étaient susceptibles
d'explorer ces lieux parallèles en guise d'échappatoire à
leurs souffrances existentielles (voir Tisseron, page 22).
Il me fallait donc jouer la carte de la prévention pour
que les U.P.T.I.C.44 n'émergent pas dans leur vie future
tantôt plus ou moins proche, tantôt plus ou moins lointaine.
Bientôt, inspiré par des auteurs ayant traité de la
façon de considérer les adolescents et jeunes adultes
fréquentant ces univers, équipé en plus d'outils
empruntés aux champs théoriques et méthodologiques de ma
formation, je me suis fixé comme objectif d'améliorer
l'accompagnement pédagogique des bénéficiaires dans leur
consommation des contenus proposés par les T.I.C., afin de leur
éviter des T.O.C.45.
44Usages problématiques des technologies de
l'information et de la communication. 45Troubles obsessionnels
compulsifs.
62
Le choix des vignettes cliniques, figurant dans ce
mémoire, m'a semblé pertinent pour faire état de la
façon dont j'ai procédé pour modérer ou stabiliser
la dose de pixels que s'« injectaient » quotidiennement les
concernés. Les pistes d'intervention, que j'ai mises à
l'épreuve par rapport à ces situations, ont chacune comme but
commun de permettre aux bénéficiaires d'être plus
pondérés dans leur consécration au loisir virtuel.
Dans la première situation, celle avec François
et Damien, j'ai choisi de rencontrer un besoin relationnel insatisfait,
similaire chez ces protagonistes. Pour ce faire, j'ai appliqué une piste
proposée par Serge Tisseron (2008), qui consiste à s'investir -
en tant qu'imago parental - aux côtés des jeunes. A cette
occasion, les intéressés m'ont expliqué et fait
expérimenter leur univers « magiques ». J'ai obtenu comme
résultat de gagner davantage de proximité relationnelle avec eux.
Ceci m'a permis, en tant qu'autorité ajustée, d'identifier
davantage leurs besoins affectifs non nécessairement assouvis dans les
jeux vidéo interactifs.
Dans le deuxième cas relaté, mon objectif
était de mettre en place une réglementation formelle, claire et
univoque pour une utilisation plus saine et équilibrée des PC. En
terme d'hypothèses d'intervention, que j'ai exploitées suite
à une première rencontre collective avec les jeunes, l'action que
j'ai mise en place a eu un impact satisfaisant en ce qui regarde l'aspect
organisationnel. Par contre, du point de vue relationnel, je n'ai pas
été à la hauteur de mes espérances. Quelques
ratés de ma part, au niveau du principe de relation d'aide et
d'écoute, ont inféré une démotivation plus ou moins
généralisée des jeunes dans leur contribution à la
réalisation d'une charte informatique. Malgré cela, la
réunion suivante s'est déroulée dans un climat assez
détendu et plutôt « bon enfant ».
Enfin, dans une troisième et dernière situation,
j'ai souhaité permettre à François de devenir le «
client » d'une activité qui le fasse ponctuellement prendre de la
distance d'avec ses centres d'intérêts pixélisés.
Une fois sa demande d'activité extérieure formulée, j'ai
pu organiser une sortie à vélo avec lui. Le garçon a
reconnu s'y épanouir autant - pour ne pas dire plus - que s'il avait
passé le même temps devant les écrans domestiques. La
« mission » que je m'étais fixée a donc
été couronnée de succès.
Par ailleurs, j'aurais souhaité faire part, au cours du
développement de ce TFE, d'autres situations de mon stage dans
lesquelles j'ai mis en place des activités alternatives à
l'informatique. Or, le volume du porte-folio étant déjà
bien fourni, je n'ai pas voulu en surajouté. Je vais donc
m'arrêté à quelques descriptions succinctes ici.
Je prenais plaisir à lire des histoires aux plus petits
pour favoriser leur endormissement paisible du coucher, quand j'étais de
service. Ils se montraient silencieux pendant que je racontais. Probablement
étaient-ils absorbés par mon intonation narrative, que je
m'efforçais de rendre mélodieuse pour fixer leur attention. En
dehors de nourrir la pensée magique de l'enfant, ne stimulais-je pas sa
représentation symbolique (voir Pascale Gustin, page 23) favorable, en
même temps, à une structuration linguistique ?
Le jeune François, onze ans, présenté
antérieurement dans les trois situations éducatives, insistait
souvent pour que je lui lise à son chevet des passages de ses livres de
récits d'aventure, dont il parcourait lui-même parfois
individuellement les chapitres. Il était, en ces circonstances,
constamment pendu à mes lèvres et découvrait des mots dont
je lui expliquais le sens.
Parfois, les mercredis après-midi ou le week-end, il
m'arrivait de me retrouver avec quelques-uns autour d'un jeu de
société de type coopératif ou stratégique. Je me
faisais même le partenaire des plus jeunes en me laissant entraîner
dans leurs jeux de rôles, du style « Papa, Maman et les enfants
» ou « commerçant/client » ou encore en créant des
interactions avec eux par le média des Playmobil.
Il est aussi certains autres loisirs que j'aurais aimé
réaliser plus souvent avec les enfants. Ainsi, en tant qu'amateur de
VTT, je n'ai pu réaliser que deux cyclo-randonnées pour partager
mon plaisir avec eux. Les contraintes organisationnelles et
météorologiques du printemps 2013 n'ont pas été
propices à la multiplication de ce type de sortie.
Finalement, les changements induits par l'humain dans l'ici et
maintenant de ma pratique, ainsi que la mutation permanente du contexte
socio-économique, me conduisent à demeurer un
63
professionnel jamais achevé, qui dois s'adapter en
permanence. Il est de bon ton de parodier ici Simone de Beauvoir, en parlant de
la condition de l'éducateur : on ne naît pas éducateur, on
le devient !
J'ai également le souci constant de ne pas oublier
Socrate disant : « Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien ».
Loin de me situer ainsi dans un esprit d'ignorance béate, je veux
plutôt signifier qu'il est opportun - pour le professionnel que je veux
être - de ne pas se lasser de découvrir ou parfois
redécouvrir autrement l'humanité de l'Autre, dans un lien
authentique et quotidien, pas à pas.
Je pense que le travail éducatif est jalonné de
phases de construction, de déconstruction et de reconstruction. Ce
travail, qu'il se fasse en individuel, en équipe ou en
pluridisciplinarité, est fait de prises de risques et d'impasses, mais
aussi de trouvailles et pari pour le bénéficiaire regorgeant de
ressources parfois inexploitées...
Je reste toujours soucieux d'optimaliser l'intégration
socio-professionnelle des jeunes dans une société multiculturelle
régie par les lois de l'image et du multimédia. Fort de mes
quinze ans d'expérience dans le secteur socio-éducatif, je tiens
à continuer de mettre ma part de créativité et
d'humanité au service de la santé et de l'épanouissement
des personnes bénéficiant de mon accompagnement.
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ANNEXES
66
Annexe 1
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places14.png)
Annexe 2
67
Il faut faire une lecture oblique ascendante de ce blason, en
partant d'en bas à droite :
L'oisillon atteint par la foudre
représente l'enfant en danger dans son milieu d'origine.
Le recueil de l'oisillon entre deux mains
flanquées de l'insigne de l'Aide à la Jeunesse symbolise
les dispositions prises par cette instance au service d'un jeune dont
l'intégrité personnelle est menacée. Le SAJ fait partie du
réseau de partenariat socio-éducatif constitué par
la tuyauterie.
L'infirmier représente
l'éducateur qui accueille l'enfant lors de son placement.
Pourquoi un infirmier ? J'estime que l'éducateur, qui
s'investit au service de la jeunesse, est un « infirmier de la relation
». Il doit tisser une relation de confiance (composante compromise par le
milieu d'origine) avec les jeunes qu'il accompagne, pour pouvoir exercer une
autorité ajustée vis-à-vis d'eux.
L'éducateur est mandaté pour appliquer les
mesures de protection. C'est pourquoi je lui ai dessiné des
ailes.
J'ai placé dans la main de l'infirmier un coeur
car, selon ma vision, un éducateur travaille avant tout avec
ses tripes et sa personnalité.
Cependant, comme il est humain, et donc faillible, il a besoin
de s'appuyer sur ses collègues et prendre avec eux un recul
réflexif souvent nécessaire au réajustement de ses actions
et pour ne pas se faire engloutir par ses affects. L'équipe est
symbolisé par les personnages multicolores réunis autour
d'une table de discussion. L'ampoule (au-dessus de
l'équipe) matérialise les idées émergentes, en
terme de pistes d'intervention, qui résultent du débat. J'ai
volontairement placé le groupe en réunion d'équipe sur
l'une des ailes protectrice de l'infirmier car les réflexions
collectives sont un précieux outil de prévention des « faux
pas » susceptibles de causer du tord aux bénéficiaires.
Le groupe de jeunes occupe une position
centrale dans le blason : la satisfaction de leurs besoins et attentes doit se
situer au centre des décisions prises de façon collégiale
avant que celles-ci soient appliquées dans la pratique individuelle de
chaque intervenant. Cependant, l'éducateur a encore pour mission de
garantir à l'enfant un cadre éducatif sécurisant
sensé le faire grandir en tant que sujet et citoyen responsable.
D'où le cadre brun contenant le groupe de jeunes. Comme la structure
institutionnelle est contraignante, du fait que 1° les jeunes subissent
leur placement et 2° ils sont soumis à des règles de vie
communautaire restreignant leur espace de liberté individuelle et leur
intimité, les jeunes imaginent des stratégies pour pouvoir
s'échapper du cadre (d'où les mains qui agrippent le cadre).
Le tuteur adhérant au cadre. Dans le
cadre éducatif que lui propose le service d'accueil, le jeune peut
s'approprier un tuteur de résilience qui va lui permettre de
s'élever au rang d'une dignité humaine et sociale
recouvrée pour ad-venir en volant de ses propres ailes. D'où la
métaphore de l'oiseau qui s'envole en décollant
du tuteur.
Les rayons jaunes représentent
l'espérance d'un avenir meilleur et la future vie autonome des
jeunes.
SYSTEME DE CLASSIFICATION DU PAN EUROPEAN GAME
INFORMATION46
Classification selon l'âge
Pictogramme de catégorie d'âge
|
Décodage du pictogramme
|
|
|
|
« Avec cette classification, le contenu du jeu est
considéré comme adapté à toutes les classes
d'âge. Une certaine violence dans un contexte comique (par exemple les
formes de violence présentes dans les dessins animés de type
cartoon comme Bugs Bunny ou Tom & Jerry) est acceptable. L'enfant ne doit
pas pouvoir associer le personnage à l'écran avec des personnages
réels, ils doivent être totalement imaginaires. Le jeu ne doit pas
comporter de sons ou d'images susceptibles d'effrayer ou de faire peur à
de jeunes enfants. Le jeu ne doit faire entendre aucun langage grossier.
»
|
«
|
7ans et +
|
»
|
« Tout jeu qui obtiendrait normalement une
classification 3 mais qui contient certaines scènes ou sons
potentiellement effrayants peuvent être considérés comme
convenant à cette classe. »
|
|
|
|
« Les jeux vidéo montrant de la violence sous
une forme plus graphique par rapport à des caractères imaginaires
et/ou une violence non graphique envers des personnages à figure humaine
ou représentant des animaux identifiables, ainsi que des jeux
vidéo montrant des scènes de nudité d'une nature
légèrement plus graphique tomberaient dans cette classe
d'âge. Toute grossièreté doit rester légère
et ne pas inclure d'insultes à caractère sexuel. »
|
|
|
|
|
« 12
|
ans et
|
+ »
|
|
|
|
« Cette classification s'applique lorsque la
représentation de la violence (ou d'un contact sexuel) atteint un niveau
semblable à celui que l'on retrouverait dans la réalité.
Les jeunes gens de cette classe d'âge doivent également être
en mesure de gérer un langage grossier plus extrême, le concept de
l'utilisation de tabac et de drogues, et la représentation
d'activités criminelles. »
|
« 16
|
ans et
|
+ »
|
« 18
|
|
ans
et
|
+ »
|
« La classification destinée aux adultes
s'applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il
rejoint une représentation de violence crue et/ou inclut des
éléments de types spécifiques de violence. La violence
crue est la plus difficile à définir car, dans de nombreux cas,
elle peut être très subjective, mais de manière
générale elle peut regrouper les représentations de
violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût.
»
|
Classification selon le contenu
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places15.png)
Jeu pouvant se jouer en ligne
Jeu contenant des expressions grossières
Annexe 3
46 (c) PEGI S.A. (2013). « Définition du PEGI - Que
signifie les pitogrammes ? ». Pegi.info, [En ligne]. Page
consultée le 15 juillet 2013.
http://www.pegi.info/fr/index/id/75/
68
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places16.png)
|
Jeu contenant des éléments incitant à la
discrimination
Jeu avec référence(s)
à la consommation de drogues
Jeu risquant d'inspirer la peur à de jeunes enfants
|
|
Jeu contenant des scènes de nudité et/ou faisant
allusion à la sexualité
Jeu contenant des scènes violentes
Jeu incitant à jouer à des jeux de hasard
|
?
69
Ch @ rte inform@tique
du
Foyer
|
|
POUR UNE UTILISATION SAINE ET RESPECTUEUSE DU MATERIEL
D'ORDI DANS LE RESPECT DES AUTRES ET DE MOI-MEME
|
Lorsque plus de 4 jeunes veulent « faire »
de l'ordi en même temps, c'est l'éducateur présent
qui détermine l'ordre de passage.
1) 3 Pommes
?? J'utilise le plus souvent possible le site
T... P...
|
2) Organisation
? Je peux utiliser un ordi à partir de mes 10
ans révolus, selon les moments affichés et
pendant 30 minutes les mercredis et
vendredis.
Exceptionnellement, je peux
dépasser les 30 minutes
quand je dois faire un travail de recherche
pour l'école ;
ce travail doit être noté dans mon journal
de classe.
Dans ce cas exceptionnel, je ne dépasserai pas
2 heures d'utilisation.
|
3) A faire
'Les conditions d'utilisation d'un L
sont les suivantes :
a.- le mercredi et le vendredi, mes
devoirs d'école sont faits convenablement pour la
journée d'école qui suit, mes tâches sont faites
(chambre et linge rangés, vaisselle
faite quand c'est mon tour, ...) et ma douche est prise
;
b.- le week-end ou les jours de
congés, mes devoirs sont faits mes tâches sont
faites.
|
4) Utilisation
'Pour bien utiliser un L:
? je demande l'autorisation aux
éducateurs qui travaillent ;
? je me lave les mains avant d'utiliser le
? et la ? ;
'je ne mange et ne bois pas devant ; si je
compte manger ou boire, alors je quitte l'ordi pour m'installer à table
(personne ne prendra ma place pendant ce temps) ;
? j'éteins l'ordinateur dès que j'ai
fini de l'utiliser, sauf si quelqu'un l'utilise tout
de suite après moi ;
? j'utilise mon ÇI casque audio
ou mes écouteurs, lorsque j'en ai ;
? je mets le son.i à un niveau
de volume raisonnable et je m'arrange avec les autres
utilisateurs pour passer les musiques à tour de
rôle, lorsque je n'ai pas de casque.
|
5) Respect
' Si je manque de respect envers les autres
(enfants ou adultes), l'ordinateur sera supprimé durant
un certain temps ;
' Si je casse ou abîme du
matériel d'ordi, je serai amené(e) à participer
à la réparation des dégâts.
|
6) 70
Internet
? Je peux aller sur les
réseaux sociaux (Facebook®, ...) ou
blogs (Skyblog®, ...),
'sauf
interdiction formelle,
à partir de mes 13 ans révolus
et avec un droit de regard des adultes jusqu'à mes 18 ans.
'Si, sur mon ordinateur ou celui de l'un de
mes voisins, un site ou un message me paraît
incorrect
-H dangereux -H
bizarre
(certains sites ou messages sont
inacceptables !),
? j'en parle directement à un
éducateur présent.
'Je suis prudent(e) : je n'ouvre pas de pub, de spam
et
surtout pas une fenêtre ? qui s'affiche
subitement
(elle peut être -H dangereuse
-H pour moi-même,pour un autre jeune ou
pour l'ordinateur)
7) Plaisir
? Surtout : je prends du bon
temps avec l'informatique !
|
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places19.png)
Les jeunes du Foyer : L'équipe éducative
du Foyer :
![](Regime-virtuel-equilibre-pour-jeunes-places20.png)
Annexe 4
\4110) child focus
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11)
tecllnofuturTIC
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webe
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NOS CONSEILS AUX PARENTS
Webetic - Nos enfants sur le Net en toute
sécurité l
· Parlez avec votre enfant de l'utilisation d'Internet
sur ce qu'ils peuvent faire ou non. Intéressez-vous au web. Evoquez avec
eux et même avec ses ami(e)s ce qu'ils font sur Internet, comment ils y
font des découvertes. Partagez également vos propres
expériences. De cette manière, vous laissez entendre que vous
êtes accessible et vous établissez un lien de confiance.
· Passez des accords sur l'utilisation de l'ordinateur.
Combien de temps l'enfant peut-il rester devant l'ordinateur et pour que faire
? Quand ? Par exemple: les jeux et le chat pendant une heure et deux heures
pour les devoirs. Pourquoi ne pas envisager d'utiliser une minuterie !
· Autant que possible, laissez votre enfant surfer en
toute indépendance mais placez l'ordinateur dans une pièce de
passage ou a un endroit bien visible. Ce faisant, vous pouvez mieux observer le
comportement de votre enfant sur Internet et vous êtes dans les alentours
en cas d'incident.
· Apprenez aux adolescents à ne livrer
d'éléments de leur identité qu'avec la plus grande
prudence, surtout lorsqu'il s'agit d'informations personnelles et de photos
d'eux-mêmes et d'autres personnes.
· Sensibilisez-les à la notion de droit à
l'image. Il est indispensable de demander l'accord de la personne
reconnaissable sur une photo avant de la publier en ligne. Tout comme vous avez
le droit d'exiger de la personne qui a publié une photo de vous ou de
votre enfant, sans votre autorisation, de la retirer.
· Assurez vous que votre enfant connaisse vraiment ceux
avec qui il communique via sa webcam et avec qui il échange toutes ses
données personnelles.
· Optimalisez ensemble les paramètres de
confidentialité et de sécurité du compte .
· chat
.. de votre enfant ainsi que de ses profils sur les sites de réseaux
sociaux.
· Expliquez à votre enfant que l'éventuel
contrôle que vous pratiquez ou que les filtres installés sont
nécessaires pour lui éviter d'être confronté
à des contenus et/ou des images inopportunes,
· Les enfants partent souvent du principe que tout ce
qui se trouve sur Internet est vrai. Sensibilisez-les au fait que toutes les
informations ne sont pas fiables et qu'il convient de rester critique.
Encouragez votre enfant à utiliser Internet de manière critique
et à vérifier la fiabilité des informations.
· Mettez-vous d'accord sur le sujet des achats en ligne.
Soyez clair sur ce que vous tolérez : précisez donc avec votre
enfant ce qui peut être acheté ou pas et de quelle
manière.
· Soulignez les pièges des jeux d'argent en
ligne.
· N'ayez pas peur d'évoquer la sexualité
et la manière dont votre enfant l'expérimente sur le Net. Vous
trouverez des conseils pratiques sur la façon d'aborder cette
thématique sur les liens suivants:
www.sensoa.be,
www.masexualite.ca .
· Lorsque vous discutez de l'utilisation de
l'ordinateur, établissez des liens avec la vie réelle. Les choses
que votre enfant considère comme à ne pas faire dans la
réalité ne se font pas davantage en ligne! Apprenez à
votre enfant le respect mutuel. Internet donne une impression fausse d'anonymat
et les jeunes osent davantage sur ta toile parce les réactions d'autrui
n'y sont pas observables.
· Hector protector : C'est un bouton de
sécurité qui permet à votre enfant de masquer rapidement
l'écran s'il est confronté à des images choquantes, le
temps de prévenir un adulte. Vous le trouverez facilement en tapant -
Hector protector - via un moteur de recherche.
Quelques messages pour nos jeunes :
· NE FAIS PAS DEVANT UNE WEBCAM CE QUE TU NE FERAIS PAS
DANS LA VIE RÉELLE !!!
· UNE FOIS SUR INTERNET, TOUJOURS SUR INTERNET !
PENSES-V...
· TU PUBLIES ? TU RÉFLÉCHIS I?
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