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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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PARAGRAPHE II : ENGAGEMENTS COMMUNAUTAIRES DANS LA PREVENTION ET LA LUTTE CONTRE L'EXTREMISME

Pour prendre le pas sur le terrorisme islamiste localisé ou globalisé, il faut décrédibiliser toute idéologie islamiste dangereuse (A) et mettre fin aux moyens, aux ressources, qui favorisent son développement (B).

A- Décrédibiliser toute idéologie islamiste : la dé-radicalisation

Il est aujourd'hui urgent d'éliminer les facteurs permettant ou contribuant au radicalisme, au salafisme, à l'extrémisme, à l'intégrisme, au militantisme islamique au sahel (1) en mettant en place des établissements de formations religieuses en concert avec le contexte africain (2).

1- Eliminer les facteurs permettant son aggravation

L'extrémisme islamique violent est la principale menace qui conduit au terrorisme. Renforcer ou impulser la résilience423(*) reste un défi pour avoir un pays où les citoyens et les collectivités sont en mesure de résister aux idéologies extrémistes violentes, et où la société est résiliente face au terrorisme advenant un attentat. Envisager une approche sécuritaire ne peut être que contre productif si, en parallèle, il n'y a pas d'éradication de l'idéologie qui a permis que se développe la menace terroriste. Il importe tout d'abord de remporter face à AQMI et d'autres groupes terroristes présents au sahel, la bataille de la communication. Ceux-ci, en dépit des effectifs réduits et d'un mode de vie spartiate, ont réussi à s'assurer une publicité sans commune mesure. Des enlèvements spectaculaires et audacieux et la mise en scène des films au cours desquels témoignent les otages ont ainsi permis aux terroristes qui écument le sahel et notamment à AQMI d'acquérir une notoriété mondiale qui, de surcroît ne peut pas nuire à leur attrait auprès de certains apprentis jihadistes. Telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, la communication est motivée par l'actualité (enlèvement, assassinat) et ne s'intègre jamais dans une stratégie de contre offensive, sauf parfois de la pire des façons, en reprenant le discours « de guerre contre le terrorisme » qui s'emboîte tellement parfaitement avec celui d'Al-Qaïda qui correspond exactement à ce que ces derniers attendent afin de justifier en réponse leur concept global de « jihad global »424(*).

Insister sur la réalité mafieuse d'AQMI est également un axe possible pour décrédibiliser cette organisation auprès des populations sahéliennes. Très souvent dans les journaux et télévision arabo-musulman, le discours extrémiste est relayé sans contradicteur. Ces médias arabo-musulmans décrivent les violences et les exactions que les groupes terroristes commettent ainsi que les discours haineux qu'ils relaient sans dénoncer l'ineptie ou la dimension crapuleuse. Face à un fonctionnement d'AQMI avant tout idéologique où la propagation des idées joue un rôle essentiel, la bataille idéologique, la contestation de l'autorité de la parole des Cheikhs autoproclamés, l'instillation du doute, y compris théologique, quant aux vérités assenées, sont un puissant facteur de déstabilisation425(*). L'islam offre des outils pour lutter contre l'islamisme et de nombreux experts (autorités politiques ou religieuses) disposent d'un savoir opérationnel qui reste à utiliser. Ainsi, répondre aux arguments islamistes sur leur propre terrain idéologique et juridique, les prendre à leur propre jeu, est la meilleure façon de leur délégitimer, de leur décrédibiliser en pointant leur faillibilité sur le plan même dont ils revendiquent le pouvoir de leur légitimité et de leur vérité : le plan religieux. Des offensives médiatiques d'ampleur participeraient à mettre en lumière la très grande pauvreté du corps doctrinal d'Al-Qaïda et la ferait apparaître pour ce qu'elle est : une secte dont les dirigeants n'ont aucune formation théologique, une hérésie déjà presque sortie de l'islam426(*).

Décrédibiliser AQMI consiste également à rendre cette organisation inutile dans la vie des habitants du sahel. Face à des Etats défaillants et à des économies dévastées, les terroristes ont souvent réussi à faire vivre des milliers de personnes par le biais, entre autres de leurs trafics divers. Les activités illégales d'AQMI créent des opportunités financières et d'emploi pour les communautés de la région. En réinvestissant les rançons payées pour les enlèvements, AQMI a pu embaucher des bandits et rebelles locaux au Niger, au Sahara occidental et ailleurs dans la région427(*). Si une grande partie des communautés Touaregs ont gardé leurs distances par rapport à l'organisation terroriste, plusieurs porte-parole communautaires ont remarqué que des membres tombent « entre les mains d'AQMI » en raison de la baisse du nombre d'opportunités et des activités commerciales428(*). Il est d'ailleurs ironique de noter que c'est justement les activités criminelles et les attaques terroristes de faible intensité qui ont contribué en grande partie à la détérioration de la situation économique au sahel429(*). Cela étant, pour empêcher, déceler, priver ou intervenir contre le radicalisme au sahel, il y a lieu de mettre sur pied des centres ou des établissements religieux dont la pensée islamique corrobore avec l'islam africain réputé modéré.

2- Mettre en place des établissements de formations religieuses en concert avec le contexte africain

Il y a encore peu, l'Afrique subsaharienne semblait épargnée par l'intégrisme religieux musulman, notamment sous sa forme terroriste430(*). La prise du pouvoir en 2006 par les SHEBAB en Somalie constituait une exception très localisée431(*) et nul ne s'attendait à une telle accélération et radicalisation sur la voie de l'islam politique en plein sahel. On constate que la région est en proie à des mouvements islamistes structurés et puissants : BOKO HARAM au Nigéria, un pays dont certains Etats réclament également l'instauration de la charia, au point de menacer le pouvoir central ; la montée des périls entre les deux soudans qui exacerbera, nul doute, les violences entre noirs chrétiens du Sud et arabo-musulmans du Nord ; sans oublier les effets collatéraux des circonstances de la chute en Libye du Guide KADHAFI. Si l'urgence reste bien de rétablir durablement l'Etat du Mali dans son intégrité territoriale, il faut également reconnaître qu'une autre menace se profile à l'horizon, celle qui pèse sur l'islam noir. S'il est clair que les facteurs économiques et sociaux sont pertinents, ils ne peuvent à eux seuls expliquer un phénomène aussi complexe. Tandis que ces organisations attirent bon nombre de leurs partisans parmi les démunis, les messages militants sont généralement rejetés par la grande majorité des opprimés. En même temps, les militants islamiques attirent des partisans issus de la classe moyenne et aisée, notamment au sein des organisations professionnelles et des groupes d'études dans les universités. Ces nouveaux musulmans, versés dans des mouvements d'inspiration Wahhabite stigmatisent le sunnisme Malékite des confréries de l'islam noir traditionnel432(*) et essaient en vain de phagocyter les communautés musulmanes qui résistent433(*).

De ce fait, combattre le fanatisme religieux devient dès lors une nécessité pour éviter de voir une radicalisation de l'islam au sahel. A cet effet, il est important de mettre en place des centres, écoles et établissements de formation religieuse pour assurer un apprentissage et une interprétation en bonne et due forme de la religion dans le contexte de l'Afrique. Les Etats du sahel devraient promouvoir des programmes visant à prévenir la persécution de la communauté fondée sur la religion, la race ou l'ethnie (et toutes les opinions politiques). La politique de prévention contre la violence et le terrorisme doit être prise en compte dans le programme scolaire et celui des médias. L'éducation à la paix serait beaucoup plus efficace, si dès le bas âge, les enfants y sont initiés à l'école, cette dynamique unitaire. Il faut aussi promouvoir les activités d'informations et appuyer l'utilisation de la presse pour prévenir l'acquisition et l'extension des perceptions et des idées fausses sur toute religion, tout groupe ethnie ou toute culture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'objectif d'un tel programme devra consister à faire mieux comprendre, encourager la tolérance ainsi que le respect de la dignité humaine tout en réduisant une méfiance mutuelle entre les communautés. La nécessité d'associer de façon volontariste les leaders des communautés locales et les autorités religieuses (érudits, imams, prêcheurs) aux débats relatifs aux besoins et problèmes pressants revêt une grande pertinence434(*). Ceux-ci devraient être encouragés à fournir une information grâce à la création d'un sens de responsabilité. Pour ce faire, il faudra procéder à une sensibilisation d'une action civique dans le but de gagner la bonne volonté et la coopération de la population qui en résulte. Le Cheikh MOUADOU SOUFI, du Burkina Faso, pour lequel la violence religieuse constitue aujourd'hui la plus grande préoccupation, affirme qu'il faut unir « nos efforts pour mieux expliquer notre religion à nos enfants et les préserver de cette pensée destructrice »435(*).

L'Etat doit instaurer ce que nous appelons la « sécurité de la pensée », à travers les réseaux qui diffusent les Fatwas (décrets, oulémas) contraire à l'islam, en donnant le maximum de réponses et d'arguments. Les parents doivent faire très attention aux fréquentations de leurs enfants et aux programmes de télévision qu'ils regardent. « Lorsque votre enfant fréquente les mosquées, soyez vigilants, surveillez leurs références et contrôlez leurs prédicateurs avant qu'ils ne tombent entre les mains des fanatiques. Ils doivent être imprégnés du savoir de nos aînés et non pas de ceux qui ignorent totalement le vrai message de l'islam », lance Abdelmalek RANDAME EL DJAZAIRI, imam algérien436(*). De toute évidence, ceci représente un immense défi pour les Etats fragiles du sahel qui, à côté du religieux doivent aussi coupés les ressources pécuniaires qui alimentent le terrorisme dans la région.

* 423 La résilience se définit comme la volonté et la capacité d'un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionnement normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable.

* 424 Louis GAUTIER, « AQMI : un problème régional », les notes de l'Observatoire de la Défense, n° 4, janvier 2011, p. 10.

* 425 Louis Gautier, Ibid.

* 426 Louis Gautier, Ibid.

* 427 `'Kidnapping in Niger and possible French response'', Stratford, 16 September 2010; `' Insecurity forces and workers from Niger Regions'', Reuters, 17 août 2010.

* 428 Stéphanie PLASSE, `' Tuareg and AQIM: The Unlikely jihadist Bedmates'', Afrik News, 08 décembre 2010.

* 429 Modibo GOITA, « Nouvelle menace terroriste en Afrique de l'Ouest : Contrecarrer la stratégie d'AQMI au sahel », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d'Etudes Stratégiques de l'Afrique, No 11, février 2011, p. 4.

* 430 Blondin OUSMAN DIOP, « Menace sur l'islam noir », Le Monde, 29 mai 2012, p. 1.

* 431 Blondin OUSMAN DIOP, Ibid.

* 432 Mehdi TAJE, « Vulnérabilités et facteurs d'insécurité au sahel », Note Publiée par le Secretariat du Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO/OCDE), n° 1, août 2010, p. 7.

* 433 Elisabeth DORIER-APPRILL, « Les Echelles du pluralisme religieux en Afrique Subsaharienne », L'information Géographique, 2006/4 Vol. 70, p. 53. Article disponible en ligne à l'adresse http://www.cairn.info/revue-1-information-géographique-2006-4.page-46htm.

* 434 Terje OSTEBO, « Le Militantisme Islamique en Afrique », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d'Etudes Stratégiques de l'Afrique, n° 23, novembre 2012, p. 7.

* 435 « Imans, Erudits et Prédicateurs du sahel se rencontrent à Alger, une ligne pour combattre le fanatisme religieux », El Watan, 31 janvier 2012, p. 2.

* 436 Ibid.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe