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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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B - Le problème de l'Etat de droit : un Etat de droit fragilisé

La promotion de l'Etat de droit aux niveaux national et international s'inscrit au coeur de la mission de l'organisation des Nations Unies. Il est indispensable de respecter l'Etat de droit si l'on veut instaurer une paix durable au sortir d'un conflit, assurée efficacement la protection des droits de l'homme et réaliser les progrès économiques soutenus et le développement. C'est pourquoi les Nations Unies ont déclaré 2012, année de l'Etat de droit. Or, au sahel, il existe des obstacles à l'affirmation de l'autorité de l'Etat (1) et une faible garantie des droits humains (2).

1- Les obstacles à l'affirmation de l'autorité de l'Etat de droit

L'Etat de droit est un système institutionnel dans lequel toutes les personnes morales (publiques ou privées) et physiques sont soumises à la règle de droit. Pour avoir une portée pratique, le principe de l'Etat de droit suppose l'existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de légalité, qui découle de l'existence de la hiérarchie des normes, et le principe d'égalité, qui s'oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Dans un Etat de droit, l'Etat dont la fonction de régulation doit être affirmée et légitimée, s'applique à respecter les droits humains.

Dans le sahel ou du moins dans certains Etats du sahel, l'insuffisance des ressources humaines et matérielles empêche les services publics de fournir des prestations de qualité, d'être proche du citoyen et de lui réserver un accueil satisfaisant. Les ressources humaines et matérielles de l'Etat sont en deçà de ce que celui-ci devrait mettre en oeuvre pour un meilleur fonctionnement des institutions républicaines. Le personnel de l'administration publique est en nombre insuffisant car, nombreux sont ceux-là qui ne souhaite pas rejoindre le Nord. En effet, dans la mentalité de l'agent et même de l'administration centrale, être affecté au Nord équivaut à une sanction disciplinaire. Les agents en poste dans les régions du Nord du sahel doivent faire face à des conditions climatiques difficiles, au manque de moyens, et sans aucun avantage en retour. En outre, ils éprouvent un complexe d'infériorité par rapport à leurs homologues du Sud qui semblent nettement mieux équipés. Les principaux défis en matière de ressources humaines et matérielles sont la construction de routes et /ou leur entretien, la dotation des services en véhicules automobiles adaptées, l'affectation d'un personnel suffisant et adapté, et la création des services compétents pour chaque administration.

L'autre fait majeur, est la faible participation à la vie publique et la mauvaise gouvernance. Les populations du sahel ont le sentiment d'être abandonner par l'Etat. Ainsi, celles-ci se sentent insuffisamment ou pas du tout impliqués dans les politiques de développement. De plus, les différentes politiques de développement ne prennent pas en compte les aspirations des habitants. Concernant les habitudes culturelles des populations de ces régions, les populations du sahel sont assez réservées de nature et la communauté joue un rôle primordial. Culturellement, la famille et le groupe social sont sollicités en premier dans le règlement des conflits. Ces habitudes culturelles et le souvenir toujours persistant du passé colonial, avec tous ses traumatismes et violations des droits humains, rendent les populations méfiantes et réticentes vis-à-vis de l'administration publique qu'elles considèrent comme une continuation de l'administration coloniale qui ne prend pas en compte leur réalité culturelle. Cet ensemble de données explique cette réticence ou même ce refus de collaboration avec l'administration publique. Par ailleurs, les populations du sahel sont aussi réfractaires à l'égard des étrangers. Les populations du Mali et du Niger, ayant une même frontière commune et partageant les mêmes habitudes culturelles et religieuses se sentent plus proches et considèrent les autres (Mauritaniens, Burkinabè etc.) comme des étrangers.

Le défi sera donc de travailler à instaurer une confiance entre l'administration et les citoyens, de travailler à une administration véritablement républicaine dans laquelle chaque citoyen se sent concerné et pris en compte. Il faudrait également travailler pour que la confiance naisse entre l'administration publique et les populations en les impliquant davantage dans l'élaboration et l'application des politiques de développement. Cela contribuerait à diminuer la corruption des agents publics de l'Etat qui est une réalité dans les régions du sahel et à garantir les droits humains des populations sahéliennes qui restent fragilisées dans cette région.

2- La garantie des droits humains : une mise en oeuvre limitée

Les populations du sahel estiment globalement satisfaisantes la garantie et l'effectivité des droits civils et politiques, même si elles notent quelques insuffisances. Cependant, le véritable défi réside dans la garantie par l'Etat des droits économiques et sociaux, l'Etat ne mettant pas en oeuvre des politiques publiques efficaces permettant aux populations de jouir de ces droits. De ce fait, l'ensemble des droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas assurés aux populations du sahel. Or tous les droits humains sont égaux et interdépendants. Un droit non garanti va avoir nécessairement des répercussions sur les autres droits.

Au sahel, il existe un faible accès à la justice. Le droit d'accès au juge dans les localités de cette région n'est pas encore effectif pour tous du fait de l'éloignement de celui-ci du justiciable ; d'autre part, les juridictions n'ont pas de moyens pour tenir des audiences foraines. C'est un fait que la justice est éloignée du justiciable dans les régions du sahel et si elle existe, celle-ci n'offre pas aux justiciables tous les services qu'elle est censée offrir. D'abord, les distances à parcourir par les populations de ces régions pour accéder à un tribunal sont importantes. Ensuite, l'accès des populations des régions du sahel aux services d'un avocat est quasi impossible ou très coûteux du fait qu'ils ne sont établis que dans les grandes villes du pays. Il n'y a pas de cabinet d'avocat dans les régions du sahel, ce qui constitue une entrave au droit de la défense garanti par la constitution dans la mesure où l'assistance d'un conseil est obligatoire pour certaines procédures telles que les affaires criminelles, les mineurs poursuivis au pénal ou le pourvoi en cassation. Cette situation a pour conséquence les coûts trop élevés de la justice.

L'information juridique et judiciaire est inaccessible aux populations des régions du sahel qui le plus souvent ne font pas confiance en leur justice. Pour cette raison, les populations du sahel recourent souvent aux services d'intermédiaires supposés à tort ou à raison mieux connaître le système, une pratique qui engendre la corruption et le trafic d'influence. La langue française utilisée par exemple au Mali et au Niger lors des procès n'est pas comprise des populations du Nord qui pour la plupart sont analphabètes. Les décisions de justice rendues sont rarement exécutées et les auteurs d'infractions ne sont pas souvent sanctionnés. Le boom minier dans le Nord de certains Etats du sahel comme le Niger avec l'exploitation minière a développé une insécurité dans toute la région. Elle se manifeste par des attaques à main armée, la vente et la consommation de stupéfiants dans la région etc. La police judiciaire dispose de peu de ressources pour enquêter efficacement sur les crimes commis et arrêter leurs auteurs. De plus, par peur de représailles, les populations refusent ou ont peur de dénoncer les criminels. La prison rencontre par ailleurs de sérieux problèmes d'adaptation social dans les régions du sahel. Institut méconnue dans les traditions, la prison est considérée comme une importation coloniale et est perçue comme un lieu d'humiliation et non d'insertion sociale. Et l'Etat s'avère incapable d'assurer l'effectivité des droits des détenus.

De même, les droits de la femme et de l'enfant restent l'un des enjeux pour le sahel notamment dans les zones du Nord des pays comme le Mali, le Niger et la Mauritanie. Les femmes et les enfants sont les personnes les plus vulnérables dans les régions du sahel. Ainsi, ils voient leurs droits fréquemment violés. La plupart de ces violations sont le fait de personnes privées. Les mariages forcés et précoces sont par exemples très courants. La jeune fille est donnée en mariage à l'âge de 11-12 ans, parfois même 7 ans. Le mari est chargé de son éducation. Cette pratique entraine une forte déperdition sur le plan scolaire et, chaque année, on estime à plus de 60% les jeunes filles qui abandonnent l'école primaire. La pratique du lévirat subsiste aussi obligeant la veuve d'épouser le frère de son mari décédé. A cela s'ajoute l'excision, couramment pratiquée dans le Nord du Mali et du Niger. Les femmes participent peu à la vie publique. Malgré la présence de femmes parmi les élus locaux de la région sahélienne, le constat demeure qu'elles restent peu représentées dans la gestion des affaires locales. Cette situation est due aux pratiques culturelles et aux mentalités des populations de cette zone.

Le défi sera donc de doter la région sahélienne des moyens suffisants permettant de garantir la dignité humaine, la sécurité et de permettre la scolarisation et l'éducation des filles en particulier. En plus de tout cela, le développement économique est un véritable défi pour la sécurisation de cette région.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle