CHAPITRE 2 : DES LIMITES A LA LIBERTE DE LA PRESSE
IL faut rappeler que la liberté de la presse, qui
marche toujours de pair avec la liberté d'expression, est une
liberté constitutionnellement garantie. En tant que telle, elle est
opposée à d'autres droits et libertés qui, comme elles,
sont constitutionnellement protégés.
Nous ne prétendons pas, dans l'exposé des
données recueillies dans le cadre du présent chapitre, analyser
tous les droits et libertés qui peuvent constituer une barrière
pour la liberté de la presse.
Néanmoins, nous aborderons quatre limites à
cette liberté ; savoir, le droit à la présomption
d'innocence (section1), les droits de la personnalité (section 2),
l'ordre public et les bonnes moeurs (section 3).A cela va s'ajouter l'analyse
des voies de droits pouvant permettre de défendre le droit à la
présomption d'innocence et les droits de la personnalité (section
4).
Section 1 : Du droit à la présomption
d'innocence
Si hier les faits dont l'auteur présumé de
l'infraction était reproché, en revêtant un
caractère incontestable, amenait le juge qui était saisi à
le condamner automatiquement, une telle démarche n'est plus de mise
aujourd'hui.
Actuellement, la poursuite d'une infraction, outre la
collaboration, d'éléments qui en conditionnent l'existence, exige
la formalisation de règles de conduite que le juge suivra pour parvenir
à la vérité judiciaire. Mais avant qu'il ne dise le droit,
l'infraction qui est commise au supposé être commise est à
priori « jugée et condamnée » par l'homme de la rue
à travers les médias.
Il est vrai, lorsqu'une infraction est commise, dit-on,
l'ordre public est troublé46. A cet effet, l'Etat qui est le
détenteur du droit de punir, recherche les éléments
constitutifs de l'acte infractionnel47 dont l'accusé est
reproché, pour que soit rétabli l'ordre public troublé par
son acte.
Pour que l'ordre troublé par la commission de
l'infraction soit rétabli, seuls les organes institués par l'Etat
ont la compétence pour ce faire. Ce point de vue est largement
partagé par la doctrine qui soutient que c'est l'Etat qui, dans un
Etat
46 E-J LUZOLO BAMBI LESSA et N.A. BAYONA
BAMEYA(+), Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa,
2011, p.20.
47 Lire à ce sujet G. NGBANDA te BOYIKO te
TENGE, Manuel de droit pénal général, Editions
GRIGED, Kinshasa, 2007, p.40
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de droit démocratique, a le monopole de l'oeuvre de la
répression48. C'est ainsi que face à une infraction
qui vient de se commettre, même si l'accusé est attrapé en
état de flagrance, la vengeance privée n'est pas
permise49.
En ce qui est de la RDC, C'est le parquet qui recherche les
infractions. Il est secondé par les officiers ainsi que les agents de
police judicaire qui exerce leur pouvoir conformément à la
loi50.
La question de la présomption d'innocence continue
jusqu'en ce jour à faire couler beaucoup d'encre et de salive. De notre
part, il est question de l'analyser comme limite à la liberté de
la presse en la définissant (§1), en en dégageant la
portée (§2), et l'importance (§3).
§1.Définition de la présomption
d'innocence
Par présomption d'innocence, il faut entendre le droit
qu'a toute personne qui commet une infraction et qui n'a pas encore
été condamnée par un jugement coulé en force de
chose jugée, d'être regardée par la société
comme une personne n'ayant jamais commis un fait pour lequel elle est
poursuivie. Cela signifie que le fardeau ultime d'établir la
culpabilité incombe au ministère public. Si, à la fin des
plaidoiries, il existe un doute raisonnable relativement à tout
élément de l'accusation donne au prévenu l'avantage
initial du droit au silence et l'avantage ultime de doute
raisonnable51.
En tant que principe gouvernant la procédure
pénale, la présomption d'innocence est affirmée par les
instruments juridiques tant nationaux qu'internationaux. En utilisant
l'approche comparée, nous analyserons d'une part quelques instruments de
droit international régulièrement ratifiés par la RDC ; et
d'autre part, les instruments de droit interne qui affirment le principe de la
présomption d'innocence.
48 E-J LUZOLO BAMBI LESSA et N.A. BAYONA BAMEYA(+),
(n15), p.20.
49Ibidem.
50 Ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative
à l'exercice des attributions d'officier et agents de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, J.O.Z,
n° spécial du 1er aout 1978, article 1er.
51R.C.OAKES, [1986] 1 R.C.S. 103, PARA 32.Cité
par T. NGOY ILUNGA WANSENGA, (n2), p.246.
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1.1 La présomption d'innocence à la
lumière des traités et accords internationaux
régulièrement conclus par la RDC
La République Démocratique du Congo, dans son
engagement au respect des droits et libertés fondamentaux de l'homme, a
signé plusieurs conventions et accords internationaux, qui ont,
dès leur publication au Journal Officiel, une suprématie par
rapport aux lois52. Dans cet ordre d'idées, nous avons
ciblé trois conventions internationales régulièrement
conclues par la RDC qui posent un certain nombre des principes fondamentaux;
parmi lesquels la présomption d'innocence. Nous citons notamment la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politique, ainsi que la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples.
1.1.1 La présomption d'innocence au regard de la
D.U.D.H
Nous tenons à rappeler, pour ne pas
répéter ce que nous avons souligné dans les lignes qui
précédent, que la D.U.H.D constitue l'un des instruments
juridiques efficaces qui garantissent les valeurs axiologiques de la «
société internationale » ; parmi ces valeur il y a notamment
la vie, la dignité et l'honneur, etc. En Outre, la D.U.D.H a
également posé certains principes ; dont la présomption
d'innocence. Pour s'en convaincre, l'article 11 de cette déclaration
dispose que « Toute personne accusée d'un acte délictueux
est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie au
cours d'un procès public où toutes les garanties
nécessaires à sa défense lui auront été
assurées. »
La lecture de l'article ci-dessous évoqué nous
pousse à opiner que la présomption d'innocence est un droit qui
est reconnu à toute personne ; quels que soient son appartenance
sociale, la couleur de sa peau et le degré de gravité de l'acte
posé par elle. De ce même article, il ressort que la
présomption d'innocence garantit les droits de la
défense53.
1.1.2. La présomption d'innocence au regard du
P.I.D.C.P
S'inspirant largement de la Charte des Nations Unies et de la
D.U.D.H, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques
s'attache également à un certain nombre de principes fondamentaux
nécessaires à la garantie des droits de l'être humain ;
parmi lesquels la présomption d'innocence.
52 Constitution de la République
Démocratique du Congo, (n1), Art.215.
53Idem, art 61, litera 5.
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Sur pied de l'alinéa premier de l'article 14 du pacte
sous examen, il est stipulé que « Tous sommes égaux devant
les tribunaux et cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement par le tribunal compétent,
indépendant, établi par la loi qui décidera soit du bien
fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle.
Le deuxième alinéa du même article
poursuit en disposant que « Toute personne accusée d'une infraction
pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie
».
Mutatis mutandis, les mêmes commentaires faits
au sujet des dispositions de la D.H.D.H peuvent être retenus.
Néanmoins l'alinéa premier de l'article 14 du P.I.D.C.P apporte
une précision de taille en ce sens qu'il souligne l'aspect selon lequel,
seul le juge est compétent pour juger bien-fondé de l'accusation
dont une personne fait l'objet.
1.1.3. La présomption d'innocence au regard de la
C.A.D.H.P
A la suite de multiples abus commis non seulement par les
colons mais aussi par les dirigeants africains qui ont pris la commande
après le départ des colons, vers les années 1960,
années qui coïncide, pour la plupart des pays africains, à
l'accession à l'indépendance, les dirigeants africains,
s'inspirant notamment de la D.U.D.H ,ont pu doter l'Afrique, le 25 Juin 1981,
d'une charte garantissant les droits fondamentaux des citoyens.
En ce qui est de la présomption d'innocence, la
C.A.D.H.P s'exprime en ces termes : « Toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue. Ce droit comprend le droit à la
présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité
soit établie par une juridiction compétente. »54
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