Chapitre 3 : Problématique
L'analyse des stratégies d'adaptation aux variations et
changements climatiques d'une communauté a comme préalable
l'étude du niveau de vulnérabilité. Car la
résilience dépend de l'échelle d'exposition au choc et de
la sensibilité aux fluctuations climatiques.
D'une part, la majeure partie des études de
vulnérabilité considèrent les populations les plus pauvres
comme les plus vulnérables. Le Sahel où se trouve le
Sénégal est une région en proie à une
pauvreté endémique. Cette pauvreté est tout d'abord, le
fruit de la fragilité écologique. En effet, la région se
trouve dans une zone en proie à une progression du désert et
à un climat oscillant de saison en saison. Les sécheresses
répétitives accroissent la progression de la
désertification. Celles-ci combinées avec les catastrophes
naturelles (fortes pluies, périls acridiens, les érosions
côtières, éoliennes et hydriques...) fragilisent les
ressources et moyens d'existence. Si on sait que la majeure partie de la
population sahélienne dépend des secteurs en rapport avec les
ressources naturelles tels que l'agriculture on peut imaginer l'ampleur de ces
phénomènes sur le vécu. La péjoration du climat
amoindrit l'économie de la plupart des pays qui le composent et agrandit
l'insécurité alimentaire. La vulnérabilité
dans la zone est donc avant tout biophysique.
Ensuite, elle est socioéconomique car
le sous développement de cette région à d'autres facteurs
notamment économiques dûs à un retard dans la croissance.
Les pays qui la composent sont parmi les moins avancés de la
planète et l'extrême pauvreté touche 20 à 30% de la
population. Enfin, la mauvaise gouvernance est une cause sous jacente
de vulnérabilité avec la corruption, la concussion, les
inégalités de genres et dans la répartition des richesses,
les conflits etc. Ainsi l'agriculture dans cette région est
exposée à des aléas climatiques et non climatiques qui
sont les causes de ses contre performances.
D'autre part, le Sénégal est rangé parmi
les 35 pays les plus en retard dans le monde. Sa population croit à un
taux de 2,6% et est de 12,5 millions de personnes en 2012 avec 55%
constituée de ruraux. Le taux de chômage est de
10,2%20. L'agriculture reste le secteur porteur d'emplois et
supporte plus de la moitié de la population active.
20 Stratégie Nationale de
Développement Economique et Sociale, SNDES 2013-2017, novembre 2012.
Mémoire de fin de formation, Tamsir Ousmane DIAGNE, ESEA
2013
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Analyse de la perception de la vulnérabilité et
des stratégies locales d'adaptation aux variations et changements
climatiques. Cas des exploitations agricoles de la CR de Keur Moussa.
Elle nourrit la grande majorité des ruraux et citadins.
Elle représente environ 16% du PIB. Et il est démontré
qu'une croissance économique portée par l'agriculture a des
allures plus importantes qu'une croissance qui découle des autres
secteurs. Elle permet d'atteindre la sécurité alimentaire et de
réduire la dépendance du pays vis-à-vis des importations
alimentaires.
Toutefois, ce secteur est en proie à de nombreuses tares.
Elle est
essentiellement pratiquée sous pluies. Alors que le
climat, dans cette région, est exposé à des variations
inter et intra annuelles. Il est, aussi, établi que les changements
climatiques vont toucher le Sénégal et réduire
conséquemment les bases de production et de subsistance. C'est ainsi que
la sécheresse de 1984 a fait chuter de 40% les recettes tirées de
l'arachide se qui avait compromis la mise en oeuvre de l'ajustement
d'après Diagne (2004). En plus des variations et changements
climatiques, l'agriculture sénégalaise est en proie à
d'autres difficultés. Ces dernières sont entre autres la non
disponibilité de semences de qualité et en quantité
suffisante ; le manque ou vétusté des matériels, le
défaut d'innovation ; les difficultés dans la commercialisation
et la transformation ; l'inadéquation de la politique foncière ;
la faiblesse des investissements public et privé dans le secteur...
Par conséquent, on peut considérer notre pays
comme très vulnérable aux variations et changements climatiques.
Les péjorations du climat auront donc des impacts négatifs sur
les écosystèmes, sur les ressources et moyens d'existence, sur le
progrès économique et social, sur la santé et en
corrélation sur l'éducation, sur le cadre de vie...bref les bases
d'un développement durable se trouveront amenuisées. Mais la
capacité d'adaptation est elle seulement fonction du niveau de
développement et de sous développement ? Autrement dit les
communautés les plus vulnérables n'entreprennent elles pas des
actions de résilience efficaces pour faire face au climat ?
Dans un sens les communautés de base ont compris que
face aux variations et changements climatiques la plus mauvaise
stratégie est de rester sans rien faire. Dans la communauté
rurale de Keur Moussa la recherche d'une résilience de
l'agriculture a poussé les exploitations à entreprendre un
certain nombre de pratiques d'adaptation. Ces mesures aussi
bien individuelles que collectives peuvent
être classées en trois catégories :
Mémoire de fin de formation, Tamsir Ousmane DIAGNE, ESEA
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Analyse de la perception de la vulnérabilité et
des stratégies locales d'adaptation aux variations et changements
climatiques. Cas des exploitations agricoles de la CR de Keur Moussa.
y' Les stratégies organisationnelles d'adaptation
; y' Les stratégies socio économiques ;
y' Et les stratégies techniques.
Ces exploitations agricoles rencontrées dans cette
collectivité locale sont pour la plupart très sensibles aux
variations et changements climatiques. Car si pour beaucoup d'études, la
réponse aux instabilités pluviométriques est l'irrigation
et la diversification des activités socio économiques. On
retrouve dans ce terroir la combinaison quasi adéquate de l'agriculture
sous pluie, du maraîchage avec puits et/ou avec l'eau du robinet, de
l'arboriculture et de l'élevage. De plus, le commerce est très
développé avec la vente de fruits et de légumes
favorisée par la proximité avec les grands centres de
consommation que sont Dakar et Thiès. L'industrie, les mines et le
secteur artisanal sont présents dans le territoire de cette
collectivité locale. Ce qui engendre une variété et une
diversification des sources de revenus.
En outre, des mesures d'optimisation de la production par de
bonnes pratiques agricoles (stratégies techniques) sont aussi
opérées par les producteurs agricoles : l'utilisation de semences
de qualité, de variétés améliorées où
à cycle court, de fertilisation des sols, les combinaisons
agriculture-élevage, la consultation des prévisions climatiques
entre autres. La défense et la restauration du sol, des
végétaux et de la nappe d'eau sont aussi pratiquées par
les exploitations agricoles de la CR. De ce fait, des actions de lutte anti
érosifs, des campagnes de reboisements, des actions de lutte contre les
feux de brousse...sont notées dans les activités des producteurs
de la zone. Par ailleurs, l'existence de la forêt classée de Pout
sur le territoire de la communauté rurale assure la promotion de la
biodiversité et constitue un espace pastoral.
Les institutions locales (conseil rural, OCB, CLCOP...) ne
sont pas en reste dans l'effort d'optimiser le secteur agricole. Mais le
regroupement des producteurs constitue la première instance de recherche
de résilience. En effet, les agriculteurs de cette localité se
sont regroupés dans des groupements. L'un des plus importants est la
fédération « WOOBIN » qui regroupe des
producteurs dans la quasi-totalité des villages de la communauté
rurale. A travers cette fédération et d'autres organisations les
populations locales entreprennent des mesures d'adaptation et de dynamisation
de l'agriculture. Dans ce sens, la capacité d'entreprendre et
l'ouverture à l'innovation dans
Mémoire de fin de formation, Tamsir Ousmane DIAGNE, ESEA
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Analyse de la perception de la vulnérabilité et
des stratégies locales d'adaptation aux variations et changements
climatiques. Cas des exploitations agricoles de la CR de Keur Moussa.
cette communauté surtout chez les femmes est un gage
d'une bonne robustesse des systèmes de production.
Néanmoins, le secteur agricole dans cette partie de la
région de Thiès n'est pas sans problèmes. Il subit comme
dans tout le territoire national les effets négatifs de la
péjoration du climat. Les changements climatiques avec ses lots de
sécheresses, d'inondations, de réchauffement climatique, de
prolifération des maladies des
végétaux...n'épargnent pas les exploitations agricoles.
Même l'agriculture irriguée subit les effets de ces
phénomènes notamment l'augmentation de la profondeur des puits
à cause de l'abaissement de la nappe, l'assèchement des mares, la
salinisation et la prolifération des insectes ravageurs.
Par ailleurs, face aux stratégies organisationnelles
d'adaptation, la dynamique de mobilisation est souvent limitée dans
certaine partie de la CR. La recherche de résilience nécessite la
participation de toute la communauté aussi bien les hommes que les
femmes, les jeunes que les adultes, les riches et les plus
vulnérables.
En outre, les différents programmes d'adaptation
menés par les partenaires comme ENDA PRONAT manquent d'évaluation
envue de leur pérénisation. Il existe donc un déficit
d'indicateurs de mesures des performances de ces différentes actions. De
même, la capitalisation nécessaire à la reproduction et la
repliquabilité de ces interventions ne sont pas notées.
D'où la nécessité de s'inscrire dans une analyse des
différentes mesures et pratiques d'adaptation locales tout en se basant
sur la perception de la population de Keur Moussa et des différentes
structures locales et partenaires qui s'y exercent.
Ce qui précède nous amène à poser
la question à savoir : Les stratégies locales
d'adaptation réduisent elles la vulnérabilité de
l'agriculture aux effets négatifs des variations et changements
climatiques ?
Mémoire de fin de formation, Tamsir Ousmane DIAGNE, ESEA
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Analyse de la perception de la vulnérabilité et
des stratégies locales d'adaptation aux variations et changements
climatiques. Cas des exploitations agricoles de la CR de Keur Moussa.
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