1
SOMMAIRE
INTRODUCTION 3
PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE
SUI GENERIS DE LUTTE
CONTRE LE TERRORISME 10
Chapitre 1. La complexité des sources 10
Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique 20
SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU
GEL DES FONDS 33
Chapitre 1. Les obstacles au contrôle juridictionnel
33
Chapitre 2. Les modalités du contrôle 44
CONCLUSION 56
2
LISTE DES ABREVIATIONS
Aff Affaire
Arrêt préc Arrêt précité
Article préc Article précité
CDS Comité des sanctions
CE Communauté européenne
CEDH Cour européenne des droits de l'homme
CESDH Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales
CIJ Cour internationale de justice
CJCE Cour de justice des Communautés
européennes
CJUE Cour de justice de l'Union européenne
GAFI Groupe d'action financière internationale
Ibid Ibidem
JAI Justice et affaires intérieures
JOCE Journal officiel des Communautés
européennes
JOUE Journal officiel de l'Union européenne
ONU Organisation des Nations Unies
Op. cit. Opus cité
PESC Politique étrangère et de
sécurité commune
Rec Recueil de jurisprudence
Req Requête
TPICE (ou TPI) Tribunal de première instance des
Communautés européennes
TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
TUE Traité sur l'Union européenne
UE Union européenne
3
INTRODUCTION
« La guerre contre le terrorisme est également
une guerre du droit contre ceux qui le combattent »1.
Le phénomène du terrorisme, du profane à
l'expert ou au philosophe, n'en finit pas d'intriguer. Au point que depuis une
dizaine d'année, le terrorisme a fait une entrée remarquée
dans le prétoire du juge de Luxembourg et alimenté un contentieux
abondant. Le seul terroriste n'est pas le seul à posséder un
statut en droit communautaire. L'ensemble du travail préparatoire qui
précède son action ainsi que tous les intermédiaires qui y
participent peuvent être incriminés et sanctionnés au
même titre. Que l'on parle de guerre stricto sensu ou de guerre
juridique contre le terrorisme, il semble que l'on peut qualifier la lutte
contre le terrorisme à la fois de contemporaine et de
transatlantique.
C'est une lutte contemporaine. En effet, l'Union
européenne est longtemps restée silencieuse en matière de
terrorisme contrairement à l'organisation voisine du Conseil de l'Europe
qui adopta une convention dès l'année 19772. En
témoigne la seule inscription du terrorisme au titre de l'article 29 du
Traité sur l'Union européenne (TUE), dans lequel l'Union
affirmait en vue de la réalisation de l'Espace de liberté, de
sécurité et de justice (ELSJ) que « [c]et objectif est
atteint par la prévention de la criminalité, organisée ou
autre, et la lutte contre ce phénomène, notamment le terrorisme
[...] ». Comme l'illustre cette base juridique unique et à vocation
déclarative, le terrorisme n'apparait que comme une branche
spécifique de la criminalité organisée. Les
modalités de la lutte sont pourtant affichées, ainsi l'objectif
de réalisation de l'ELSJ ne sera atteint que par la prévention et
la lutte contre le terrorisme. L'Union européenne consacre
progressivement une place particulière au terrorisme, du Conseil
européen de Tampere en 1999 et la nécessité de se munir
d'instruments de lutte3 au Conseil extraordinaire du 20 septembre et
la prise de conscience de l'urgence de la situation4.
1 Selon l'expression de Aharon Barak, ancien
président de la Cour suprême de l'État d'Israël,
cité par l'avocat général Poiares Maduro dans ses
conclusions sous CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International
Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05
P, Rec. I-0635, § 45.
2 Voir, notamment, la Convention européenne pour la
répression du terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977.
3 Conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16
octobre 1999, point 8.
4 Conclusions et Plan d'action du Conseil
européen extraordinaire, 21 septembre 2001 ; « la gravité
des événements récents conduit l'Union à
accélérer la mise en place d'un espace de liberté, de
sécurité et de justice et à intensifier sa
coopération avec ses partenaires, en particulier les États -Unis
».
4
Cette lutte s'articule autour d'un axe directeur qui lie les
États-Unis à l'Union européenne. On peut parler à
ce titre de lutte transatlantique. La mutation du phénomène
terroriste d'un terrorisme d'État en une menace globale et
imprévisible a érigé la lutte contre ce fléau comme
une évidence dans le cadre des relations extérieures. Les
attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center
et le Pentagone, suivis des attentats de Madrid en mars 2004 et de Londres en
juillet 2005, n'ont fait que renforcer le sentiment des sociétés
démocratiques occidentales qu'elles étaient prises pour
cibles5. La conséquence de cette prise de conscience a
été un renforcement des relations États-Unis - Union
européenne dont l'explosion normative d'instruments de lutte contre le
terrorisme et son financement n'est qu'un exemple. Les deux grands partenaires
se déclarent unis dans ce combat et lient leur destin
sécuritaire. La comparaison entre ces deux initiateurs peut être
dès lors fort éclairante car elle est « un
référent constant des progrès de la construction
européenne »6, notamment au regard des garanties
fondamentales qui sont en jeu. La communion entre les deux partenaires est
pourtant loin d'être totale comme le prouve le contentieux autour de la
protection des données à caractère
confidentiel7 qui ne fera pas l'objet de commentaire dans cette
étude.
L'une des problématiques les plus évidentes
touche à la définition même du terrorisme. Il est
indispensable de rappeler qu'il n'existe pas de définition du terrorisme
universellement admise8 et que ce mémoire n'a pas pour objet
de traiter cette épineuse question. L'approche qui domine le
thème de la définition du terrorisme est essentiellement
pénale et conduit à la criminalisation des actes terroristes.
C'est toute la teneur de la décision-cadre 2002/475/JAI relative
à la lutte contre le terrorisme9 adoptée par le
Conseil en 2002.
5 L'Europe n'est pas l'unique cible, ainsi on dénombre
de nombreux autres attentats terroristes notamment ceux de Bali en 2002 et
2006, de Casablanca en 2003, de Charm el-Cheikh en 2005, ainsi que d'autres
dizaines d'attentats au Maroc, en Algérie, et en Irak notamment.
6 ADAM A., La lutte contre le terrorisme : étude
comparative Union européenne - États-Unis, Paris,
L'Harmattan, 2005, p. 15.
7 Voir l'accord PNR conclu entre les États
Unis et l'UE après les pressions du gouvernement américain sur
les compagnies aériennes européennes ; Accord entre la
Communauté européenne et les États-Unis sur le
traitement
et le transfert de données PNR par des transporteurs
aériens au bureau des douanes et de la protection des frontières
du DHS, JOCE n° L 183 du 20 mai 2004. V. aussi directive 95/46/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à
la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, JOCE n° L 281du 23 novembre 1995.
8 Sur l'ensemble de la question et des
difficultés liées à la définition, voir SOREL J-M.,
« Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? »
in BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le
droit international face au terrorisme, Cahiers internationaux n°17
du CEDIN, Paris, Pedone, 2002, pp. 35-68, voir aussi du même auteur SOREL
J-M., « Some Questions About the Definition of Terrorism and the Fight
Against Its Financing », E.J.I.L., 2003, Vol. 14, n°2,
pp.365-378 et SAUL B., « Defining terrorism in international law
», Human Rights Law Review, 2007, n° 7, pp. 643-648.
9 Décision-cadre du Conseil n° 2002/475/JAI du 13
juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE
n° L 164 du 22 juin 2002, p. 3.
5
Celle-ci pose les bases d'une définition des actes de
terroriste reposant à la fois sur un critère objectif et
matériel et sur un critère subjectif et
intentionnel10. Il convient d'en tenir compte dans le cadre de cette
étude car la position commune 2001/931/PESC 11, « pierre
angulaire »12 de la lutte contre le financement du terrorisme, la reprend
en totalité. Cette position commune constitue la passerelle entre la
lutte contre le terrorisme et la lutte contre son financement.
Une distinction fondamentale s'impose pour la suite de cette
étude entre ces deux aspects de la lutte contre le terrorisme. La lutte
contre le terrorisme doit être comprise comme a posteriori et
emportant des poursuites de nature pénale en réponse à des
actes criminels. L'infraction terroriste a été consommée
ou la tentative caractérisée. La lutte contre le financement du
terrorisme se révèle être profondément
différente. Elle doit au contraire, être envisagée comme
une lutte a priori. Cette branche de la lutte repose en grande partie
sur la procédure de « blacklisting ». L'inclusion sur
des listes de personnes et entités « soupçonnées ou
convaincues »13 de favoriser les activités terroristes
en fournissant des sources de financements entraîne le gel des fonds de
ces dernières.
On peut opposer à cet égard la prévention
à la répression. On envisagera dans cette étude le volet
de la prévention de la lutte contre le terrorisme que l'on
présente comme la lutte contre le financement du terrorisme. Le
terrorisme ne peut prospérer sans être financé. Couper les
réseaux d'alimentation des terroristes revient donc à
prévenir de possibles perpétrations d'attentats qui appelleraient
à des mesures répressives. Pourtant, comme le souligne Alina
Miron, « la dimension préventive n'est jamais absente de la
sanction, c'en est même la seconde raison d'être
»14. En effet, si l'on se place du point de vue de la personne
qui voit ses fonds gelés en amont, la mesure est répressive. Du
point de vue de l'objectif de lutte contre le
10 Comme le dispose l'article 1er, les
finalités de l'acte terroriste doivent viser à : «
- gravement intimider une population ou
- contraindre indûment des pouvoirs publics ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque ou
- gravement déstabiliser ou détruire les
structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou
sociales d'un pays ou une organisation internationale; »
11 Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27
décembre 2001 relative à l'application de mesures
spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, JOCE, n° L
344/93 du 28 décembre 2001.
12 BENOIT L., « La lutte contre le terrorisme dans le
cadre du deuxième pilier : un nouveau volet des relations
extérieures de l'Union européenne », R.D.U.E.,
2/2002, p. 300.
13 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle
juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », R.T.D.E.,
2009, n° 45 (2), p. 231.
14 MIRON A., « Les « sanctions ciblées du
Conseil de sécurité des Nations Unies, réflexions sur la
qualification juridique des listes du Conseil de sécurité »,
in THOUVENIN J-M. (dir.), « La rencontre des droits
(international, communautaire et interne) », Journée d'étude
organisée par le CEDIN de Paris Ouest Nanterre La Défense du 20
mars 2009, R.M.C.U.E., juin 2009, n°529, p. 361.
6
financement du terrorisme, de l'objectif général
de garantir la sécurité des citoyens européens et de la
prévention de futurs attentats, la mesure devient préventive en
aval.
Comme le démontre la démarche du Groupe d'action
financière internationale (GAFI)15, la lutte contre le
financement du terrorisme entretient des liens étroits avec la lutte
contre le blanchiment d'argent16. La lutte contre le blanchiment
d'argent, plus ancienne, vise essentiellement la préservation de
l'intégrité du système financier et des
intermédiaires qui y opèrent17 (comme les professions
libérales ou les organisations à but non lucratif18).
Il s'agit en conséquent d'identifier les institutions financières
complices des activités terroristes et d'entraver l'accès des
terroristes aux circuits financiers.
L'identification des sources de revenus des terroristes est
rendue extrêmement difficile par la mutation des financements. Certains
États soutenaient autrefois directement des mouvances terroristes, mais
les conditions géopolitiques internationales depuis une vingtaine
d'année ont conduit ces derniers à mettre un terme à cette
forme de sponsorship19. Les terroristes se sont alors
tournés vers des organisations dédiées à la
collecte et au transfert de fonds vers les terroristes comme Al-Qaida. Ils
existent également des financements directs qui sont alimentés de
plusieurs manières. Cela permet en outre de distinguer le financement du
terrorisme du blanchiment de capitaux. Alors que dans le cadre du blanchiment
de capitaux, l'origine des fonds est dissimulée car elle résulte
d'activités criminelles, la provenance des fonds importe peu dans le
cadre de la lutte antiterroriste. En résumé, la lutte contre le
blanchiment vise à identifier la provenance des fonds et non leur
destination (les fonds sont réinvestis légalement dans les
circuits financiers), contrairement à la lutte antiterroriste. Les
terroristes ont généralement recours autant à des
financements illicites (trafic de stupéfiants, prise d'otages,
extorsions de fonds) que licites grâce à des activités
commerciales ou immobilières. Cette dernière hypothèse,
qualifiée de « noircissement » d'argent, est la plus originale
et consiste à dissimuler la destination de fonds « propres
».
15 Voir infra, p. 13.
16 Voir notamment la directive 2005/60/CE du Parlement
européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins de
blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JOCE n°
L 309 du 25 novembre 2005.
17 FRATANGELO P., « L'Union européenne
face à la lutte contre le financement du terrorisme »,
R.D.U.E., 2006, n° 4, p. 816.
18 Voir à cet égard la communication de la
Commission du 28 novembre 2005 - Prévenir et combattre le financement du
terrorisme par une meilleure coordination au niveau national et une plus grande
transparence des organismes à but non lucratif : COM(2005) 620
final, JOCE n° C 122 du 23 mai 2006.
19 FRATANGELO P., article préc., p. 820.
7
Les deux luttes sont complémentaires mais il convient
de bien les distinguer pour la suite de l'étude. Il est indispensable
d'empêcher les terroristes de tirer profit du marché commun et de
la liberté de circulation des capitaux qu'il garantit. La lutte contre
le blanchiment, contrairement à la lutte antiterroriste, a un impact
important sur le marché intérieur car elle a un caractère
global dans le sens où elle inclut toute la société
civile20. La lutte contre le financement du terrorisme
privilégie quant à elle les sanctions ciblées, dites
intelligentes (« smart sanctions ») qui ont par nature une
incidence moindre sur le marché des capitaux.
La complexité de la lutte atteint son paroxysme
lorsqu'elle se heurte à la faiblesse des montants en jeu21,
et de surcroît, à la difficulté de les détecter. Les
sommes investies n'étant pas importantes, les techniques de blanchiment
ou de noircissement sont relativement simples, ce qui aboutit à des
transactions indétectables. Ceci entraîne des conséquences
désastreuses car les terroristes recherchent, par la minimisation des
moyens, la maximisation d'une part, des pertes humaines, et d'autre part, des
dégâts matériels22. Cependant, la lutte contre
le financement peut transcender ses avatars en portant un coup au «
travail préparatoire »23 des terroristes, du recrutement
à l'entraînement militaire, en passant par l'aide aux familles des
martyrs et l'achat d'armes et d'équipements électroniques. De
lourds investissements précèdent donc la frappe terroriste, cette
dernière représentant un coût moindre.
L'évolution du financement des activités
terroristes est allée de pair avec une évolution des sanctions du
Conseil de sécurité des Nations Unies. En effet, les premiers
régimes de sanctions visaient les États directement24
et se sont progressivement tournés vers les individus et les
entités eux-mêmes, débarrassés de leurs liens avec
un État d'accueil, avec les sanctions ciblées. En
résumé, il y a eu une évolution premièrement
rationae materiae en passant de sanctions économiques globales
et des embargos au gel des avoirs financiers, et
20 Sont notamment concernés par la directive
2005/60/CE, les avocats, les commissaires aux comptes, les experts-comptables
et les conseillers fiscaux.
21 Les attaques du 11 septembre 2001 auraient
coûté entre 400 000 et 500 000 dollars, selon un rapport
gouvernemental sur les attentats du 11 septembre, V. The 9/11 Commission
Report, Washington D.C., U.S. Governement Printing Office, 2004, 567 p.,
p. 172. Les attentats de Madrid et de Londres auraient respectivement
coûté 8 000 et 10 000 euros, voir FRATANGELO P., article
préc., p. 817.
22 JOHNSTON R.B., NEDELESCU O.M., The impact of Terrorism
on Financial Markets, IMF Working Paper, Washington D.C., 2005, p. 6. Le
rapport montre, qu'outre les coûts directs entraînés par les
dégâts matériels, le bilan des attentats incluait aussi les
coûts indirects touchant à la perte de confiance des
investisseurs, à la chute de la demande, à la baisse de la
productivité qui ont touché l'économie américaine
à la suite du 11 septembre.
23 SOREL J-M., « Avant-propos », in SOREL
J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, Cahiers internationaux n°21 du CERDIN, Paris,
Pedone, 2009, p. 5.
24 Historiquement, le premier pays
sanctionné fut la Rhodésie du Sud. Suivirent l'Afrique du Sud,
l'Irak, le Koweït, l'ex-Yougoslavie et Haïti.
8
deuxièmement rationae personae en ce qui
concerne les destinataires des mesures en passant des États à des
individus25. Ainsi est née la procédure de «
blacklisting » et le gel des fonds qui l'accompagne.
On entend dans l'expression gel des fonds le fait d'«
interdire le transfert, la conversion, la cession ou le déplacement de
fonds ou d'autres biens par suite d'une mesure prise par une autorité ou
un tribunal compétent [...] et ce, pour la durée de
validité de ladite mesure. Les fonds [...] gelés restent la
propriété de la (les) personne(s) ou entité(s)
détenant des intérêts sur lesdits fonds [...] au moment du
gel, et ils peuvent continuer d'être administrés par l'institution
financière ou par tout autre dispositif désigné à
cet effet par lesdites personne(s) ou entité(s) avant le lancement de
l'initiative dans le cadre d'un mécanisme de gel »26.
La définition générale est
complétée par la notion que recouvre le mot « fond
»27 qui concerne des biens de toute nature. Aussi ne faut-il
pas confondre le gel dont il est question dans cette étude de la
confiscation28 voire de la déchéance. En effet, le gel
ou la saisie se distinguent des mesures de confiscation ou de
déchéance en ce que les premières, contrairement aux
secondes, n'entraînent pas de transfert de
propriété29. Ainsi est caractérisé le
caractère provisoire de la mesure de gel que l'on retrouve dans la
définition précitée.
Le phénomène de l'inclusion des personnes et
entités soupçonnées de financement des activités
terroristes pourrait n'être compris que comme concernant les droits de la
défense. La notion de gel des fonds, en ce que le gel est la
conséquence de l'inclusion sur une liste antiterroriste, concerne alors
les droits de la défense (droit d'être entendu, obligation de
25 MIRON A., article préc., p. 356.
26 D'après la définition
donnée dans la note interprétative de la Recommandation
spéciale III : Gel et confiscation des biens des terroristes du Groupe
d'Action Financière Internationale (GAFI), [
http://www.fatf-gafi.org/dataoecd/53/33/34262245.PDF.]
27 Article 1er : « Aux fins du présent
règlement, on entend par: 1) «fonds», les actifs financiers et
les avantages économiques de toute nature, y compris notamment le
numéraire, les chèques, les créances en numéraire,
les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement; les
dépôts auprès d'établissements financiers ou
d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les
titres de créance; les instruments de la dette au niveau public ou
privé, et les titres négociés notamment les actions et
autres titres de participation, les certificats de titre, les obligations, les
billets à ordre, les warrants, les titres non gagés, les contrats
sur produits dérivés; les intérêts, les dividendes
ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs; le
crédit, le droit à compensation, les garanties, les garanties de
bonne exécution ou autres engagements financiers; les lettres de
crédit, les connaissements, les contrats de vente; tout document
attestant la détention de parts d'un fonds ou de ressources
financières, et tout autre instrument de financement à
l'exportation; »
28 Selon la note interprétative de la Recommandation
spéciale III, précitée.
29 LE FLOCH G., « La contribution des Nations Unies
à la lutte contre le financement du terrorisme », in SOREL
J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, Cahiers internationaux n° 21 du CERDIN, Paris,
Pedone, 2009, p. 18.
9
motivation des griefs, protection juridictionnelle effective)
mais aussi le droit au respect de la propriété.
Les débats jurisprudentiels et doctrinaux se sont
rapidement tournés vers le contrôle juridictionnel des mesures de
gel. Celles-ci, adoptées sur la base de deux, voire de trois piliers (le
second pilier s'apparente à la Politique Étrangère et de
Sécurité Commune (PESC), le troisième à Justice et
Affaires Intérieures (JAI)), et s'inscrivant dans une lutte globale
où la raison d'État et la confidentialité sont de mise,
semblaient insaisissables pour le juge de Luxembourg. Il est en effet tentant
de réduire au minimum les garanties juridiques normalement offertes aux
citoyens de l'UE lorsque ces individus sont présumés faciliter
l'action des terroristes. Dans un espace de liberté, de
sécurité et de justice, ambition consacrée par le
traité de Lisbonne30, la justice apparait alors, dans le
cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, comme le point
d'équilibre entre les deux pôles classiques que sont la
sécurité et la liberté. La « guerre » initiale
contre le terrorisme semble finalement s'être métamorphosée
en « guerre » du droit dans l'enceinte de la Cour de justice des
communautés européennes. Comme le fait justement remarquer
Jean-Marc Sorel, la fin ne doit pourtant pas faire oublier les
moyens31. Ainsi, il convient de s'interroger sur la manière
dont a été appréhendé le mécanisme de gel
des fonds dans l'Union européenne, à la fois par les
institutions, le juge communautaire et par la doctrine.
A cause de la complexité de ses sources et de sa
nature, le gel des fonds se distingue par sa singularité au sein des
autres instruments de l'Union européenne. Répondant à
plusieurs qualifications d'acte juridique, le gel des fonds est un
mécanisme sui generis de lutte contre le terrorisme
(Première Partie). Le juge communautaire, tenu de transcender les
catégories juridiques, a consacré sa compétence
juridictionnelle dans la lutte antiterroriste et soumis à son
contrôle les mesures de gel des fonds (Seconde Partie).
30 Le traité de Lisbonne est entré en vigueur le
1er décembre 2009. Voir les versions consolidées du
traité sur l'Union européenne et du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne, JOUE n° C 83 du 30
mars 2010.
31 SOREL J-M., « Avant-propos », in SOREL
J-M. (dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, op.cit., p. 3.
10
PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE SUI
GENERIS DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Le gel des fonds est un mécanisme récent dont
les deux partenaires, les États Unis et Union européenne, ont
rapidement entendu tirer profit et maîtriser. Malgré certaines
divergences que l'on traitera majoritairement dans la seconde partie, les deux
organisations oeuvrent pour une lutte nouvelle qui vise, en gelant ou
confisquant tout financement suspecté de favoriser une activité
terroriste, les moyens du terrorisme et non l'activité terroriste en
tant que telle. Pourtant, un manque de clarté et de cohérence
dans l'action de ces deux « pôles » de la lutte internationale
contre le terrorisme grève la complexité de cette lutte. Cela se
ressent clairement à la fois dans l'imbroglio juridique que forment les
diverses sources des mesures de gel (Chapitre 1), et devant la
difficulté à définir le mécanisme du gel des fonds
à proprement parler (Chapitre 2). C'est en cela que l'on peut
désigner les mesures de gel comme sui generis car on verra que
celles-ci n'obéissent à aucun schéma connu et
préétabli à l'avance.
Chapitre 1. La complexité des sources
L'Organisation des Nations Unies (ONU) a été le
laboratoire « historique » du droit international du financement des
activités terroristes. Cela s'explique d'une part par le
caractère global de la menace terroriste, et d'autre part par la
légitimité de cet organe à adopter un cadre normatif en
puisant dans toutes les possibilités que lui offre le chapitre VII de la
Charte (Section 1). Les obligations incombant aux États parties ont
revêtis un caractère inédit qui en dit long sur
l'importance de la mobilisation. L'Union européenne, succédant
aux obligations des États membres également parties à la
Convention, ne pouvait pas ne rien faire. Les instances communautaires ont donc
opéré un difficile travail de transposition de ces obligations
dans un corpus diffus et complexe, alliant à la fois les outils du
traité CE tout en laissant une part significative à la logique
intergouvernementale (Section 2).
11
Section 1. La complexité relative des sources
internationales
Le thème du financement du terrorisme a rapidement fait
irruption dans les résolutions du Conseil de sécurité
après les attentats du 11 septembre 2001. L'ONU est devenue le cadre
évident du développement de normes de lutte contre le financement
du terrorisme. La réglementation onusienne se concentre principalement
sur deux volets de cette lutte. Le premier volet concerne l'élaboration
d'instruments de prévention à long terme, notamment la convention
pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre
199932. On reviendra rapidement sur ce volet conventionnel mais ce
sont surtout les résolutions prévoyant des mesures de gel des
fonds qu'il convient d'envisager dans la suite des développements. Ces
résolutions diffèrent selon qu'elles ont été
adoptées avant (paragraphe 1) ou suite (paragraphe 2) aux attentats des
tours jumelles du 11 septembre 2001.
Paragraphe 1. Le caractère ciblé de la
réglementation ante-11 septembre 2001
Il n'a pas fallu attendre les attentats du 11 septembre 2001
pour voir émerger une réglementation internationale
s'intéressant à la fois à la répression des
activités terroristes et plus spécialement, de leur financement.
En effet, le régime des Talibans en place en Afghanistan dans les
années 1990 donne l'occasion au Conseil de sécurité
d'innover en la matière. Deux résolutions majeures du Conseil
sont la conséquence du développement du financement du terrorisme
: la résolution 1267 (1999)33 et la résolution 1333
(2000)34.
La résolution 1297(1999) est l'un des premiers
édifices de cette lutte et demeure la première grande
résolution en matière de gel des fonds de personnes et
entités privées soupçonnées de financer des
activités terroristes35. Cette résolution a un profil
bien particulier puisqu'elle est dédiée à la lutte contre
Oussama Ben Laden, Al-Qaida (qui est ciblée par la suite, par la
résolution 1333) et les Talibans, ce qui démontre bien que la
réglementation antiterroriste est souvent conjoncturelle.
32 Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme, Résolution adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies [sur le rapport de
la Sixième Commission (A/54/615)], A/RES/54/109, New York, 9
décembre 1999.
33 Résolution S/RES/1267(1999) adoptée par le
Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4051 du 15
octobre 1999.
34 Résolution S/RES/1333(2000) adoptée par le
Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4251 du 19
décembre 2000.
35 Il existait des résolutions antérieures mais
elles ne concernaient pas des personnes et entités non directement
liés à un État, voir en particulier les résolutions
1189 (1998) du 13 août 1998 ; 1193 (1998) du 28 août 1998 et 1214
(1998) du 8 décembre 1998.
12
Adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte qui
s'intitule « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la
paix et d'acte d'agression » et de son article 3936, la
résolution est une fois adoptée directement et
immédiatement contraignante pour les États parties. Le paragraphe
4, b)37 de celle-ci concerne directement le gel des fonds et ordonne
les États de procéder à ce gel. Le paragraphe 7 rappelle
l'obligation faite à tous les États parties d'appliquer les
dispositions de la résolution nonobstant leurs obligations
internationales résultant d'un autre accord. Cette obligation reprend
toute la teneur de l'article 10338 de la Charte, dont l'article 307
CE39 (article 351 TFUE) est aussi une application.
L'une des nouveautés instituée par cette
résolution est la création du Comité des sanctions (CDS),
dit « Comité 1267 » (article 6). Ce Comité est en
charge de l'exécution de la résolution et a une mission de
centralisation et d'examen des données que lui envoient les
États, qui sont chargés, quant à eux, de coopérer
pleinement avec le CDS en lui communiquant tous les éléments
d'informations susceptibles de l'intéresser.
Avec la résolution 1333 (2000), qui partage beaucoup de
similitudes avec la résolution 1267 (1999), les missions du
Comité sont réaffirmées40. Sur la base des
informations fournies par les États, le CDS est compétent pour
identifier les Talibans ainsi que les entreprises contrôlées par
eux, mais aussi les individus ou entités associés à
Oussama ben Laden afin d'établir une liste de personnes privées
à l'encontre desquelles les mesures de gel des fonds ordonnées
par le Conseil de sécurité doivent être
exécutées. Le Comité est aussi chargé
36 « Le Conseil de sécurité constate
l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte
d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront
prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité internationales. »
37 « [T]ous les États devront [...] b) Geler les
fonds et autres ressources financières, tirés notamment de biens
appartenant aux Taliban ou contrôlés directement ou indirectement
par eux, ou appartenant à, ou contrôlés par, toute
entreprise appartenant aux Taliban ou contrôlée par les Taliban,
tels qu'identifiés par le comité créé en
application du paragraphe 6 ci-après, et veiller à ce que ni les
fonds et autres ressources financières en question, ni tous autres fonds
ou ressources financières ainsi identifiés ne soient mis à
la disposition ou utilisés au bénéfice des Taliban ou de
toute entreprise leur appartenant ou contrôlée directement ou
indirectement par les Taliban, que ce soit par leurs nationaux ou par toute
autre personne se trouvant sur leur territoire, à moins que le
comité n'ait donné une autorisation contraire, au cas par cas,
pour des motifs humanitaires; »
38 L'article 103 de la Charte dispose qu' « En
cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de
la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord
international, les premières prévaudront. »
39 L'article 307 CE (désormais 351 TFUE)
dispose que « Les droits et obligations résultant de conventions
conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États
adhérents, antérieurement à la date de leur
adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d'une part, et un
ou plusieurs États tiers, d'autre part, ne sont pas affectés par
les dispositions du présent traité ».
40 CORTEN O., « Vers un renforcement des pouvoirs du
Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ? »,
in BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le
droit international face au terrorisme, op.cit., p. 269.
13
d'examiner les demandes de retrait de la liste, des
dérogations aux mesures de gel41 et du réexamen annuel
de la liste.
Le volet conventionnel, avec la convention pour la
répression du financement du terrorisme signée à New York
le 9 décembre 1999, peut être signalé dans la mesure
où les résolutions postérieures à la
résolution 1267 (1999) en reprennent en partie le contenu. La convention
prévoit une obligation générale de geler les fonds
utilisés ou destinés pour commettre des infractions. Pourtant,
certains y voient plutôt une compilation à l'efficacité
douteuse42 de ce qui pouvait exister préalablement
(c'est-à-dire des clauses standard de conventions antérieures).
Dans un registre différent, il faut aussi signaler les neuf
recommandations spéciales du GAFI43 dont une en particulier
concerne le gel des fonds, ici aussi sans grande innovation44.
Ce cadre juridique qui institue le mécanisme de gel des
fonds à l'encontre des particuliers en droit international
entraîne une sorte de « déconcentration » de
l'exécution. Le Comité 1267 édicte la liste sur la base
des informations émanant des États, en retour ceux-ci doivent
transposer cette liste et la faire exécuter sur leur territoire.
Paragraphe 2. Le caractère général de la
réglementation post-11 septembre 2001
Suite aux attentats de Manhattan et du Pentagone, le
dispositif normatif de lutte contre le financement du terrorisme est
renforcé. Le mois de septembre 2001 voit l'édiction de plusieurs
résolutions45 dont la résolution 1373
(2001)46 est sans doute celle qui marquera l'histoire de cette
lutte47. En plus d'intensifier les mesures à l'encontre
d'Oussama Ben Laden, les Talibans et Al-Qaida, le Conseil de
sécurité va - à la fois dans un souci de bien faire et
dans la précipitation - incorporer dans le corps de cette
résolution une série de dispositions issues de la convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme
signée
41 Par exemple pour des motifs humanitaires comme le dispose le
paragraphe 4 c) de la résolution 1267 (1999).
42 SOREL J-M., « Some Questions About the Definition of
Terrorism and the Fight Against Its Financing », E.J.I.L., 2003,
Vol. 14, n°2, pp. 372.
43 Groupe d'Action Financière
internationale. Organe normalisateur, le GAFI est reconnu comme l'organisme
international d'établissement de normes en matière de lutte
contre le financement du terroris me et le blanchiment d'argent et a notamment
adopté 40 recommandations en matière de blanchiment d'argent.
44 SOREL J-M., article préc., p. 373.
45 Voir notamment les résolutions 1368 (2001) et 1377
(2001).
46 Résolution S/RES/1373(2001) adoptée par le
Conseil de sécurité lors de sa réunion n° 4385 du 28
septembre 2001.
47 Sur ce point, voir LE FLOCH G., « La contribution des
Nations Unies à la lutte contre le financement du terroris me »,
article préc., pp. 5-39.
14
en 1999. En ce qui concerne le gel des fonds, une attention
toute particulière doit être portée au paragraphe 1,
littera c48 (condensé des résolutions
antérieures et de l'article 8 paragraphe 1 de la convention de 1999),
qui prévoit une obligation destinée à tous les
États parties de geler les fonds des personnes suspectées de
soutenir des activités terroristes.
Le cadre normatif créé par ces
résolutions post-11 septembre se différencie du
précédent système ayant comme fondements les
résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) de deux manières.
Tout d'abord, contrairement au cadre de lutte
antérieur, la résolution 1373 (2001) revêt un
caractère « global, général, permanent et abstrait
»49. Cette décision est la première50
du Conseil de sécurité à énoncer de telles
obligations et a pu entraîner la réaction d'une partie de la
doctrine qui y a vu un moyen pour le Conseil de sécurité de
s'arroger des pouvoirs de nature judiciaire et législative qui ne lui
ont jamais été explicitement reconnus par la
Charte51.
Le statut contentieux des résolutions onusiennes ne
vient pas rassurer cette frange de la doctrine mais au contraire nourrit de
grands doutes quant à la légitimité du Conseil pour
adopter lesdites résolutions. En effet, par deux fois52, la
Cour internationale de Justice (CIJ) a refusé de prendre position sur la
question de savoir si elle avait compétence pour apprécier la
conformité d'une résolution du Conseil de sécurité
à la Charte. A l'exception53 de l'affaire
48 Ce paragraphe dispose que en son c) que «
Gèlent sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources
économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des
actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités
appartenant à ces personnes ou contrôlées, directement ou
indirectement, par elles, et des personnes et entités agissant au nom,
ou sur instruction, de ces personnes et entités, y compris les fonds
provenant de biens appartenant à ces personnes, et aux personnes et
entités qui leur sont associées, ou contrôlés,
directement ou indirectement, par elles; ».
49 MOINY Y., « Aperçu de la jurisprudence
communautaire développée dans le cadre de la lutte contre le
financement du terroris me international », R.D.U.E., 2009,
n°1, p. 36.
50 ANGELET N., « Vers un renforcement de la
prévention et la répression du terrorisme par des moyens
financiers et économiques », in BANNELIER K., CHRISTAKIS
T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit international face au
terrorisme, op. cit., p. 219. Voir aussi sur point CORTEN O.,
« Vers un renforcement des pouvoirs du Conseil de sécurité
dans la lutte contre le terrorisme ? », article préc., p.
259-277 ; KLEIN P., « Le Conseil de Sécurité et la lutte
contre le terrorisme : dans l'exercice de pouvoirs toujours plus grands ?
», Revue québécoise de droit international, hors
série, 2007, pp. 133-147,
Oliver Corten cite des résolutions antérieures
présentant aussi un caractère général mais
amputées de la vocation obligatoire que revêt la résolution
1373, voir pp. 274 et 275.
51 KLEIN P., article préc., p. 138.
52 Questions d'interprétation et d'application de la
convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis
d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992,
Rec., p. 114 ; Questions d'interprétation et d'application de
la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis
d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27
février 1998, Rec., p. 115
53 Comme le souligne Syméon Karagiannis, « Il ne
s'agit pas d'un réel précédent car on remarque que la
résolution, dont la Chambre d'appel a examiné la
conformité à la Charte, porte tout simplement sur la
création et l'étendue de compétence du Tribunal pour
l'Ex-Yougoslavie lui-même ». Voir « L'action de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dans le cadre de la
protection des droits de l'homme : l'exemple des
15
Dusko Tadiæ devant le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie où ce dernier avait accepté
de prendre position sur la conformité de la résolution en cause
avec la Charte 54, ce surcroît de pouvoir du Conseil est donc
corroboré par l'immunité contentieuse notoire des
résolutions qu'il édicte.
La résolution requiert de la part des États
parties une réaction globale contre le terrorisme, et leur impose
diverses obligations d'incriminations des actes de terrorisme. Elle contient de
surcroît des incitations voire des obligations à ratifier les
conventions préexistantes de l'ONU sur le terrorisme55 et
notamment la convention internationale pour la répression du financement
du terrorisme de 199956. La résolution présente
l'avantage d'imposer aux États parties le respect des dispositions de
ces conventions en dépit des réticences de certains d'entre eux.
Instauré dans l'urgence, le nouveau système, bien qu'universel,
souffre néanmoins de lacunes en pratique57, telles que le
caractère sélectif de la résolution (certains principes de
la convention sont transposés, d'autres non) et le flou quant aux
conditions d'exercice des pouvoirs exorbitants du Conseil en vertu du Chapitre
VII de la Charte.
Enfin, la résolution 1373 (2001) porte création
d'un second comité (au paragraphe 6), le « Comité contre le
terrorisme » (CCT) qui est chargé de contrôler la mise en
oeuvre de la résolution par les États parties. Contrairement au
« Comité 1267 », le CCT n'a pas de compétence explicite
dans l'établissement des listes des personnes ou entités
suspectées de supporter des activités terroristes58.
Comme il a été précisé, le caractère
général des obligations qui résultent du texte veut
qu'à l'inverse de la résolution 1267 visant expressément
les Talibans, Oussama Ben Laden et Al-Qaida, aucune liste particulière
ne soit nécessaire à l'échelle de l'ONU. Ce volet de la
lutte est laissé à la discrétion des États parties
alors que dans le cadre de la résolution 1267 (1999), la liste est
édictée directement par le Comité éponyme et doit
être transposée et appliquée comme tel par les États
parties. Comme le souligne le Président du Comité à
l'époque de sa création en 2001, « c'est aux États
de
« listes noires » du Conseil de
sécurité des Nations Unies » in SOREL J-M. (dir.),
La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, op. cit., p. 144.
54 Voir l'arrêt in [
http://www.un.org/icty/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm].
55 Voir UNODC, « Legislative Guide to the Unisersal
Anti-Terrorism Conventions and Protocols », Vienne, 2004.
56 A la date du 11 septembre 2001, la Convention n'avait
été signée que par 42 États et ratifiée par
3 États seulement. Voir [
www.un.org/terrorism].
58 Des auteurs s'accordent pourtant à dire
que les tâches des deux comités sont largement similaires,
notamment quant à la supervision des États. Voir notamment
ANGELET N., article préc., p. 230.
57 ANGELET N., article préc., p. 220.
16
préciser de qui ils parlent »59. On peut
donc qualifier cette procédure de « décentralisation »
aux profits des États et organisations régionales comme on avait
qualifié le système antérieur de «
déconcentration ». Les sources communautaires attestent des deux
mouvements de « décentralisation » et de «
déconcentration ».
Section 2. La complexité avérée des
sources communautaires
La lutte contre le financement du terrorisme s'est
développée au sein de l'Union européenne à la
même époque qu'au sein des Nations Unies. Quelques mois
après le sommet européen de Tampere en octobre 1999 qui aboutit
à l'élaboration d'un plan d'action, le Conseil adopte une
recommandation du 9 décembre 1999 sur la coopération en
matière de lutte contre le financement du terrorisme60 (le
même jour que la signature de la convention de New York, voir supra
p. 14). L'optique d'une intervention intergouvernementale est
sérieusement abordée. A la suite des attentats du 11 septembre
2001, le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 exprime la
vive nécessité de légiférer. On assiste alors
à un processus normatif hybride61 et particulièrement
complexe car le législateur communautaire a recours à des
instruments tant du premier pilier que du deuxième pilier (PESC) voire
du troisième pilier (JAI). Une typologie se dessine selon l'origine des
listes, internationale (Paragraphe 1) ou européenne (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Une liste internationale
d'exécution
Le travail de transposition des résolutions onusiennes
par les instances communautaires a consisté à reprendre le
contenu de la liste édictée par le Comité 1267 selon la
procédure qu'il convient de qualifier de « déconcentration
». Cela conduit à présenter la liste communautaire
exécutant les sanctions décidées par le Comité des
sanctions des Nations Unies par la voie de l'adoption du règlement CE
n° 881/200262. Un précédent règlement
59 Transcription de la conférence de presse de Sir
Jeremy Greenstock, en date du 19 octobre 2001, p. 5, publiée sur [
www.un.org/terrorism].
60 JOCE n° C 373 du 23 décembre 1999.
61 MOINY Y., article préc., p. 37.
62 Règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil du 27 mai
2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à
l'encontre de certaines personnes et entités liées à
Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le
règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de
certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan,
renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds
et autres ressources financières décidées à
l'encontre des Taliban d'Afghanistan, JOCE n° L 139/9 du 29 mai
2002, p. 9.
17
communautaire n° 467/200163 avait
déjà été adopté suite aux résolutions
1267 (1999) et 1333 (2000). Celui-ci se voit donc abroger par le nouveau
règlement CE n° 881/2002 en vue d'exécuter la position
commune 2002/402/PESC64, adoptée le même jour sur la
base de l'article 15 TUE (PESC). Cette évolution du cadre normatif
s'était en effet accélérée avec la
résolution 1390 (2002) qui renforçait la portée des
mesures de gel des fonds imposés par les résolutions
précédentes. Il est notable de préciser que le
règlement accompagne l'exécution de la position commune 2002/402
qui, prise dans le cadre de la PESC (article 15 UE) vise à atteindre
l'un des « objectifs de l'Union » au titre de la PESC. On notera ici
que l'article 34 n'est pas utilisé comme base juridique, ce qui prive
l'Union d'user de ses propres outils de coopération pénale du
troisième pilier. Cette position commune mentionne qu'elle s'applique
aux personnes listées par le Comité 1267 (article
1er). Faisant une référence implicite au rôle de
passerelle entre Communauté et PESC des articles 60 et 301
CE65, la position commune dispose qu' « [u]ne action de la
Communauté est nécessaire afin de mettre en oeuvre certaines
mesures », notamment les mesures de gel (article 3).
La question se pose quant à la nature exacte de cette
liste, est-elle communautaire ou internationale ? La liste contenue à
l'annexe 1 du règlement CE n° 881/2002 est une copie de la liste
attachée à la résolution 1267 (1999) en intégrant
les modifications et mises à jour intervenues suite aux
résolutions suivantes66. Elle concerne les mesures de gel
à l'encontre d'Oussama ben Laden, Al-Qaida et les Talibans. Par
conséquent, ce règlement revêt aussi un caractère
ciblé et non universel (même si les obligations qu'il contient
peuvent être générales). En vertu de l'article 7.1 du
règlement CE n° 881/2002, il est précisé qu'il
appartient à la Commission de mettre à jour, au niveau
communautaire, la liste ainsi établie en fonction des modifications
opérées à l'échelle internationale par le
Comité 1267. En résumé, ce premier volet de la lutte
antiterroriste « sectorielle » s'articule autour d'un instrument
ayant pour fondement le deuxième pilier et d'un règlement pris
pour son application relevant du pilier communautaire.
Il est donc plus approprié de parler de liste
internationale d'exécution. En effet, la liste contenue dans le
règlement CE n° 881/ 2002 a une origine internationale mais
s'applique dans
63 Règlement (CE) n° 467/2001 du 6 mars 2001,
JOCE n° L 67, p. 1.
64 Position commune du Conseil du 27 mai 2002 concernant des
mesures restrictives à l'encontre d'Oussama ben Laden, des membres de
l'organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes,
entreprises et entités associés, et abrogeant les positions
communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC, JOCE
n° L 139 du 29 mai 2002.
65 Voir infra pp. 26 et s., à propos du
contentieux lié à cette double base juridique.
66 Notamment les résolutions 1333 (2000) et 1390
(2002).
18
l'Union, ce qui démontre bien cette «
déconcentration » de l'exécution. Ce n'est pas le cas des
deux listes communautaires d'exécution établies dans le cadre du
régime de la résolution 1373 (2001) qui possèdent quant
à elle une origine communautaire. C'est en partie le fondement des
listes qui détermine le régime applicable aux mesures de gel des
fonds.
Paragraphe 2. Deux listes communautaires
complémentaires
Mutadis mutandis, l'opération de transposition
du régime de sanction instauré par la résolution 1373
(2001) a eu lieu dans l'ordre communautaire. L'UE a estimé
nécessaire de légiférer par le biais de différents
instruments faisant intervenir tous les piliers. Comme il a été
dit, la résolution 1373 (2001), bien qu'universelle, ne prévoit
aucun pouvoir pour le Comité contre le terrorisme quant à la
manière d'identifier et de lister les personnes et entités devant
faire l'objet de mesures de gel. Le processus normatif au niveau de l'Union
illustre cette complexité67.
Sur la base conjointe de l'article 15 UE (PESC) et de
l'article 34 UE (JAI), le Conseil a adopté dans un premier temps deux
positions communes qu'il convient de bien distinguer. La première
position commune 2001/930/PESC68, dite de « couverture »,
a une vocation générale et déclarative et donc peu
d'incidences pratiques en ce qu'elle énonce les principes qui
résultent de la résolution 1373 (2001). Elle ne contient aucune
liste. La deuxième position commune est plus intéressante dans le
cadre de notre étude et met en oeuvre les orientations de la position
commune précédente. La position commune
2001/931/PESC69 organise notamment en vertu des paragraphes 4, 5 et
6 de son article 1er une procédure de « listing
» « établie sur la base d'informations précises ou
d'éléments de dossier qui montrent qu'une décision a
été prise par une autorité compétente à
l'égard des personnes, groupes et entités visés ».
Cette formule, notamment les expressions d' « informations précises
» et d'« éléments de dossier » pourront avoir une
certaine pertinence dans le contentieux devant les instances communautaires.
L'intérêt de la double base juridique de cette liste, plus «
européenne » que « communautaire », (elle intervient dans
le cadre des piliers PESC et JAI) permet de faire appel à l'entraide
répressive du troisième pilier. A la différence de la
position
67 MOINY Y., article préc., p. 39.
68 Position commune 2001/930/PESC du Conseil du 27
décembre 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE
n° L 344 du 28 décembre 2001, p. ??
69 Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27
décembre 2001 relative à l'application de mesures
spécifiques en vue de lutter contre le terroris me, JOCE
n° L 344/93 du 28 décembre 2001, p. 93.
19
commune 2002/402/PESC (voir supra p. 18), cette
double base juridique se justifie par le fait que la liste doit être non
transposée mais plutôt édictée au sein de l'UE ce
qui nécessite des outils de coopération. Cette seconde position
commune institue donc une liste de personnes et entités en annexe, dont
les fonds doivent être gelés par la Communauté.
Le même jour de l'adoption des deux positions communes,
le Conseil considérant qu'une action de la Communauté
était « nécessaire » en vertu des articles 60, 301 et
308 CE, édicte le règlement (CE) n° 2580/200170.
Cette complémentarité des sources veut que les mesures relevant
de la PESC (et en partie du JAI) et de la position commune 2001/931/PESC soient
transposées et mises en oeuvre au plan communautaire
(c'est-à-dire dans le cadre du premier pilier). L'article 2, § 3,
du règlement prévoit que « le Conseil, statuant à
l'unanimité, établit, révise et modifie la liste de
personnes, de groupes et d'entités auxquels le présent
règlement s'applique ». Cette liste applicable au pilier
communautaire est logiquement la « copie fidèle »71
de la liste résultant de la procédure mise en place à
l'article 1er de la position commune 2001/931/PESC72.
En résumé, on peut dire que l'UE a adopté
trois « blacklists » pour mettre en oeuvre les exigences
découlant des résolutions onusiennes dans le domaine de la lutte
contre le financement du terrorisme. Il est plus exact de parler de deux types
de listes. La première liste, de nature communautaire, se trouve dans le
corps du règlement CE n° 881/2002 concernant les personnes et
entités associées à Oussama ben Laden, Al-Qaida et les
Talibans et trouve son origine au niveau international dans la liste
établie par le Comité 1267 qu'elle exécute. Les secondes
listes, concernant toute autre personne, groupe et/ou entité
suspectées d'activité terroristes sont identiques du point de vue
de leur contenu et de leur nature mais différentes d'un point de vue
organique. Une liste « européenne » est contenue dans la
position commune 2001/931/PESC dont le règlement CE n° 2580/2001
assure la mise en oeuvre au plan communautaire en contenant par
conséquent une liste jumelle « communautaire ».
70 Règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27
décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives
spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités
dans le cadre de la lutte contre le terroris me, JOCE n° 344/70
du 28 décembre 2001, p. 70.
71 MOINY Y., article préc., p. 39.
72 Voir pour une analyse plus approfondie, MOINY Y., « Le
règlement (CE) n° 2580/2001concernant l'adoption de mesures
restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités
impliquées dans des actes de terrorisme - Un règlement
communautaire à revoir en profondeur ? », R.T.D.I.,
n° 28, 2007, pp. 189-190 ; CAMERON I., « European Union
Anti-Terrorist Blacklisting », Human Rights Law Review, n°
2, 2003, pp. 225-256.
20
Après avoir présenté le cadre juridique
et les sources des sanctions ciblées ou intelligentes (smart
sanctions en anglais), il est possible de saisir la complexité du
système normatif, passé d'embryonnaire à universel en
moins d'une dizaine d'année73. Un système
systématiquement actualisé74, qui du point de vue de
l'Union européenne, a une double origine et a l'originalité de
s'adresser à des personnes physiques bien identifiées. Ce
caractère novateur prouve bel et bien que les mesures de gel des fonds
sont des mesures sui generis. Il convient maintenant de
compléter l'étude sur le cadre juridique par une étude sur
la nature juridique de ces sanctions.
Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique
A l'instar des difficultés à définir le
terrorisme (voir supra pp. 5-6), les mesures de gel semblent
n'appartenir à aucune catégorie juridique existante. Plus
exactement, elles possèdent des caractéristiques
empruntées à plusieurs catégories juridiques. La
discussion sur l'objet des mesures de gel (Section 1) se bornera à une
approche internationale, car le mécanisme de gel des fonds y trouve son
origine. Il sera notamment question du régime des mesures de sanction.
Sur la question des fondements (Section 2), qu'on traitera à la
lumière des bases juridiques, la discussion prendra une tournure
communautaire. Cette discussion est en outre issue du contentieux des listes
devant le juge communautaire, contentieux qui fait l'objet de la seconde partie
de cette étude, mais pour plus de pédagogie, il est
intéressant de l'envisager pour qualifier la nature des listes et des
mesures de gel des fonds, notamment leurs finalités.
Section 1. La discussion sur l'objet
La discussion sur l'objet de la mesure de gel n'est pas
seulement théorique. Elle entraîne des enjeux très
pratiques notamment sur le niveau des garanties et de la protection des droits
individuels qui accompagnent la mesure de gel selon que celle-ci est
assimilée à un
73 Pour illustrer l'importance des saisies
opérées dans ce contexte communautaire, le Foreign and
Commonwealth Office estimait qu'une somme de 466.000£ avait
été saisie au Royaume-Uni sur la base du règlement (CE)
n° 881/2002 contre un montant de 27.000£ sur la base du
règlement 2580/2001 dans le courant des années 2006 et 2007, Voir
House of Lords, Select Committee on Economic Affairs, « The Impact of
Economic Sanctions », 2nd Report of Session 2006-2007, vol. II,
p. 5.
74 La mise à jour des listes est régulière
voire démesurée. Pour le règlement 881/2002, la
dernière modification en date est le 120e règlement
amendant le règlement d'origine, Voir règlement (UE) n°
110/2010 de la Commission, JOUE n° L 36 du 9 février 2010,
p. 9. On dénombrait 27 personnes physiques et morales confondues, les
chiffres globaux semblent néanmoins inconnus.
21
acte administratif ou à un acte de nature
pénale. Comme le souligne Alina Miron, « c'est la qualification qui
détermine le régime et non pas l'inverse »75.
Pour illustrer le caractère particulier des mesures de gel, on pourra
avoir recours au droit comparé, notamment par le biais du droit
administratif français.
La mesure de gel est la conséquence du «
listing » d'une personne ou entité par un des
comités du Conseil de sécurité ou par les États
eux-mêmes, la procédure de « blacklisting »
fait donc partie de la définition à donner à ce
mécanisme. Tant des éléments de droit pénal
(Paragraphe 1) que de droit administratif (Paragraphe 2) sont amenés
à jouer un rôle dans la recherche de la nature des mesures, ce qui
renforce le statut spécifique de celle-ci.
Paragraphe 1. La discussion sur le caractère
pénal de la mesure
Il faut distinguer deux étapes dans la procédure
qui aboutit à une mesure de gel des fonds. Il existe d'abord un acte
à portée générale qui est la résolution
initiale prise sur la base du Chapitre VII (ou les positions communes et leurs
règlements correspondants pris sur la base des traités CE et UE).
Cet acte général sert ensuite de base à l'adoption de
mesure à portée individuelle telle que l'inscription sur la liste
d'une personne ou entité et la mesure de gel des fonds les concernant.
La résolution initiale a donc une double fonction76 : elle
qualifie une situation donnée (sur la base d'informations émanant
des États prouvant des soupçons de financement d'une
activité terroriste incriminée) et la place sous un régime
juridique. Elle sert également de base juridique aux sanctions
individuelles subséquentes.
Afin de savoir si l'on peut parler de sanctions
pénales, il convient d'envisager deux grandes séries de
critères : celui de la finalité et des effets de la mesure et
enfin celui de l'autorité de la décision77.
Quant à la finalité et aux effets de la mesure
de gel, il est indéniable que l'inscription sur une liste
présente un caractère diffamatoire et infamant78 et
s'assimile ainsi à une sanction pénale. La prolongation dans le
temps des mesures de gel, contrastant avec la vocation provisoire de la mesure,
ainsi que l'absence d'indemnisation en cas d'erreur accentue l'aspect
75 MIRON A., article préc., p. 362.
76 Ibidem, p. 358.
77 MIRON A., article préc., p. 360.
78 Ibid. Voir aussi l'affaire Zollmann c./
Royaume-Uni du 23 novembre 2003, req. n° 62902/00.
22
répressif de la sanction79. Une mesure de
gel n'a toutefois jamais entraîné une mesure privative de
liberté des individus concernés.
Quant au critère organique de l'autorité de la
décision, il est permis d'avoir des doutes sur la nature pénale
de la sanction. Il est généralement admis que le prononcé
d'une sanction pénale est du ressort exclusif du juge. C'est d'ailleurs
le choix réalisé en droit français contrairement au droit
américain par exemple80. Or, le Conseil de
sécurité dont dépendent les comités
créés par les résolutions, est l'organe social des Nations
Unies, et n'est pas un organe juridictionnel mais politique. Comme le souligne
l'équipe d'appui analytique fonctionnant auprès du Comité
1267, « [l]es régimes de sanctions de l'ONU n'exigent pas que les
personnes visées aient été condamnées par un
tribunal. (...) [C]es régimes n'imposent pas de sanction ou de
procédure pénale, telle que la détention, l'arrestation,
mais des mesures administratives comme le gel des avoirs, l'interdiction des
voyages internationaux et des ventes d'armes »81.
La combinaison de ces deux critères aboutit à
une qualification douteuse quant au caractère pénal des
sanctions. « [L]'hybride ainsi créé »82
pourrait alors transcender le clivage traditionnel entre sanctions
pénales et sanctions administratives et devenir une nouvelle
catégorie de sanction sui generis, empruntant à chaque
catégorie des caractéristiques. Michel Dobkine disait à
propos de cette évolution qu'« [u]ne nouvelle catégorie de
sanctions, les «sanctions pécuniaires» est peut-être
appelée à unifier la matière répressive non
passible de l'emprisonnement, et à rendre caduques les distinctions
traditionnelles entre sanctions administratives et pénales
»83.
Comme l'écrivait Alina Miron (voir supra p.
22), la qualification détermine le régime applicable. L'une des
implications de ce débat est notamment l'application de l'article 6 de
la
79 Voir TPICE, Sison c./ Conseil, 11 juillet 2007,
T-47/03, points 233-251.
80 ROSENFELD E., VEIL J., « Sanctions administratives,
sanctions pénales », Pouvoirs, 2009/1, n° 128, p. 63
: « Le droit français a adopté un critère organique :
est une sanction administrative celle qui est prononcée par une
autorité administrative. La jurisprudence américaine et la Cour
européenne des droits de l'Homme (Cedh) penchent pour un critère
matériel. Aux États-Unis, quel qu'en soit l'auteur, le juge se
livre à un examen de la sanction, l'autorité sanctionnatrice ou
la volonté du législateur n'étant que deux critères
parmi d'autres, pour déterminer sa nature. La CEDH admet elle aussi que
la matière pénale déborde de beaucoup les juridictions
pénales. Cette analyse est plus réaliste mais le système
français parvient néanmoins à un résultat
comparable par l'intégration de la sanction administrative à la
catégorie plus ample du droit répressif qui justifie alors, sans
le détour de la requalification, l'application des principes communs de
ce droit. »
81 Troisième rapport de l'équipe
d'appui analytique et surveillance des sanctions créée en
application de la résolution 1526 (2004) concernant l'organisation
Al-Qaida et les Taliban et les personnes et entités qui leur sont
associées, 9 septembre 2005, S/2005/572, § 39-41.
82 ROSENFELD E., VEIL J., article préc., p.
62.
83 « L'ordre répressif administratif »,
Recueil Dalloz, Chronique, 1993, p. 157.
23
Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). Pour Mireille
Delmas-Marty, sanction administrative et sanction pénale appartiennent
toutes deux à la matière pénale au sens de la
CESDH84. C'est une série de garanties procédurales qui
sont en jeu. En ce sens, c'est la substance de ce qu'affirme Alina Miron,
« la simple qualification d'actes restrictifs des droits subjectifs des
individus aurait dû suffire pour conduire à la mise en place de
garanties minimales »85.
Le caractère pénal étant difficilement
perceptible, il convient d'envisager la potentielle nature administrative des
sanctions.
Paragraphe 2. La discussion sur le caractère
administratif de la mesure
Les arguments en faveur de la reconnaissance du
caractère administratif de la procédure d'inscription sur les
listes et du gel des fonds sont manifestement plus nombreux. A tel point qu'une
partie de la doctrine s'interroge sur le fait de savoir s'il s'agirait d'une
forme d'acte administratif international86. Il ne s'agit pas de
lister tous ces arguments mais de présenter les principaux.
D'un point de vue organique, le renforcement du pouvoir de
décision des comités par rapport à l'influence qu'exercent
les États (notamment par la nomination annuelle d'un président
permanent du comité) renforce la procéduralisation voire «
l'administrativisation » des institutions.
Toujours du point de vue organique, en recourant une fois de
plus au droit administratif français, on s'aperçoit qu'il existe
une similitude entre les listes et les actes administratifs unilatéraux.
On retrouve la situation triangulaire qu'il existe en droit
français87 entre les cibles des sanctions (personnes et
entités soupçonnées) de l'acte qui voient leur situation
juridique modifiée sans que leur consentement soit requis, les
destinataires de l'acte (les États) et l'auteur de la décision
(le Conseil de sécurité)88.
84 « Code pénal d'hier, droit pénal
d'aujourd'hui, matière pénale de demain », Recueil
Dalloz, Chronique, 1986, p. 27.
85 MIRON A., article préc., p. 359.
86 MIRON A. article préc., notamment, Voir
aussi OST F., VAN DER KERCHOVE M., « De la pyramide au réseau ?
Pour une théorie dialectique du droit », Bruxelles,
Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 2002, p.
230 et s. ; DOBKINE M., article préc., p. 157.
87 CHAPUS R., Droit administratif, Tome 1,
15ème édition, Paris, Montchrestien, n° 697 et
s.
88 MIRON A., article préc., p. 358.
24
Le principe de droit administratif du privilège du
préalable se retrouve aussi dans la pratique du Conseil89. Ce
principe sous-tend la logique du chapitre VII de la Charte en ce que les
décisions du Conseil sont présumées conformes au droit et
de ce fait, directement et immédiatement exécutoires. Dans ce
sens, la Cour internationale de justice affirmait dans son avis de 1971 que
« [t]oute résolution émanant d'un organe des Nations Unies
régulièrement constitué, prise conformément
à son règlement et déclarée adoptée par son
président, doit être présumée valable
»90. Le privilège du préalable impartit
généralement l'administration d'une contrepartie solide au
bénéfice des particuliers91.
Du point de vue de la finalité de la sanction, une
différenciation peut être opérée et a
été mise en lumière par la doctrine92. Il
s'agit de celle qui existe entre les sanctions administratives et les mesures
de police en droit français. Comme le soulignent à juste titre
Mattias Guyomar et Pierre Collin, « [l]es sanctions sont d'une nature
essentiellement répressive. Elles procèdent d'une intention de
punir un manquement à une obligation. Elles se fondent sur un
comportement personnel considéré comme fautif. Au contraire, les
mesures de police ont une finalité essentiellement préventive
»93. Le clivage entre répression et prévention
est ainsi, une fois de plus (voir supra p. 6), mis en avant. Plusieurs
allégations de la pratique des sanctions ciblées en droit
international prouvent que cette distinction n'est pas étanche. Lorsque
le Conseil édicte une mesure de sanction et de gel des fonds, il y a
indéniablement un côté préventif de dissuasion des
futurs comportements fautifs94. Selon certains auteurs95,
l'étanchéité tombe définitivement lorsque l'on
constate que l'inscription sur une liste de gel des fonds constitue la
conséquence directe de la violation de la résolution en question
et n'a donc pas d'effet préventif. Néanmoins, l'inscription sur
les listes agit autant comme moyen de protection de l'ordre public
international (la paix et la sécurité internationale du Chapitre
VII) que comme conséquence négative de la violation de la norme
internationale en question.
89 MIRON A., article préc., p. 358.
90 CIJ, avis consultatif, 21 juin 1971, Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de sécurité, Rec. 1971, p. 22, § 20.
91 Voir ROSENFELD E., VEIL J., article préc.,
p. 66-67 ; « [...] le condamné pénal est
présumé innocent jusqu'à l'épuisement des recours ;
le sanctionné administratif est, à compter du prononcé,
présumé coupable et doit immédiatement
déférer à la sanction sauf à obtenir,
difficilement, le bénéfice du sursis à exécution.
Plus la sanction pécuniaire est importante moins ce trait distinctif
conserve de légitimité. » Pour aller plus loin, voir RIVERO
J., WALINE J., « Droit administratif », Dalloz, 2004, pp. 332 et
s.
92 MIRON A., article préc., p. 361.
93 AJDA, 2001, p. 634.
94 MIRON A., article préc., p. 361.
95 Ibid.
25
Entre mesures de polices ou sanctions administratives, il
semble compliqué de vouloir définir les contours des sanctions
ciblées, de l'inscription sur les listes à la mesure effective de
gel des fonds qui lui est associée. Comme il a été dit, de
nombreuses garanties procédurales sont en jeu (application de l'article
6 CESDH ; droit d'être entendu, égalité des armes,
obligation de motivation, protection juridictionnelle effective ...). Il n'est
pas pour autant nécessaire que la répression administrative doive
se couler dans le moule pénal96. Comme l'indiquent Emmanuel
Rosenfeld et Jean Veil :
« Tous les pays ont multiplié les sanctions
administratives pour pallier les insuffisances de la répression
pénale : lenteur, complexité et technicité croissante des
mécanismes économiques, [...]. Ce phénomène est une
réponse à un problème plus général :
l'inadéquation d'institutions de proportions nécessairement
restreintes (le législatif ; le judiciaire) à l'implication
toujours plus massive de l'administration dans les rapports
socio-économiques. »97
En 2007, l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe identifiait les risques de la discussion sur la qualification
juridique des sanctions ciblées : « Bien que la nature de ces
sanctions - pénale, administrative ou civile - ne soit pas du tout
claire et encore sujette à débat, leur application doit, en vertu
de la Convention européenne des droits de l'Homme et du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, respecter des normes
minimales de procédure et sécurité juridique
»98.
Protéiformes, les mesures de gel semblent être
distinctes des autres catégories juridiques. En complément des
discussions sur l'objet, une analyse des fondements de ces mesures permet de
mieux définir les contours de leur nature.
Section 2. La discussion sur les fondements
La difficulté des instances communautaires à
justifier les fondements en vertu desquels l'Union est compétente pour
adopter des sanctions ciblées illustre une partie du
96 ROSENFELD E., VEIL J., article préc., p.
66, voir aussi p. 72 : « La sanction administrative n'est pas un ersatz
inutile de la sanction pénale. Elle n'est pas seulement le fouet dont
tout régulateur a besoin pour être crédible dans sa mission
quotidienne. Elle est une possibilité offerte à l'autorité
de poursuite de graduer la punition en fonction de la gravité des
comportements et de gérer de la manière la plus efficace les
dossiers. ».
97 Ibid, p. 62
98 Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe, rapport de D. Marty, Listes noires du Conseil de
sécurité des Nations Unies et de l'Union européenne, 16
novembre 2007, Doc. 11454, [
http://assembly.coe.int/mainf.asp?Link=/documents/workingdocs/doc07/fdoc11454.htm].
26
débat portant sur les listes adoptées dans
l'Union européenne. Lors de l'affaire Kadi,
l' « âpreté »99 des
discussions devant le Tribunal de première instance (Paragraphe 1) puis
devant la Cour de Luxembourg aboutit finalement au même résultat,
mais au prix d'une substitution complexe du raisonnement du Tribunal par la
Cour (Paragraphe 2). La discussion sur les fondements est importante s'agissant
de la compétence de la Communauté pour adopter les sanctions
ciblées de gel des fonds.
Paragraphe 1. La solution du Tribunal de première
instance
Le juge communautaire était appelé à
statuer sur la légalité du règlement CE n° 881/2002
adopté par les institutions communautaires. Le Tribunal devait donc
examiner la base juridique sur laquelle ces actes avaient été
adoptés. A la fois le règlement CE n° 881/2002 et le
règlement CE n° 2580/2001 pris pour l'exécution des
positions communes correspondantes (voir supra pp. 17 et s.) avaient
reçus pour fondements les articles 60, 301 et 308 CE100.
Introduits par le traité de Maastricht pour formaliser l'articulation
entre le premier et le deuxième pilier, les articles 60 et 301 CE
répondent à des considérations essentiellement politiques
(faire pression sur un régime dictatorial ou appuyer le règlement
pacifique d'un différend)101 et permettent des sanctions
économiques.
Les arrêts Yusuf 102 et Kadi
103 du Tribunal, puis l'arrêt de la Cour dans ces
mêmes affaires ont été l'occasion pour le juge
communautaire de se prononcer à propos du régime des sanctions
ciblées. Deux séries de moyens étaient avancées,
l'une tenant à la violation des articles 60 et 301 CE, l'autre à
la violation des articles 60, 301 et 308 CE pris conjointement.
99 MOINY Y., article préc., p. 44.
100 L'article 60 § 1 CE dispose que, « [s]i, dans
les cas envisagés à l'article 301, une action de la
Communauté est jugée nécessaire, le Conseil,
conformément à la procédure prévue à
l'article 301, peut prendre, à l'égard des pays tiers
concernés, les mesures urgentes nécessaires en ce qui concerne
les mouvements de capitaux et les
paiements. » En vertu de l'article 301 CE, «
[l]orsqu'une position commune ou une action commune adoptées en vertu
des dispositions du traité sur l'Union européenne relatives
à la politique étrangère et de sécurité
commune
prévoient une action de la Communauté visant
à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les
relations
économiques avec un ou plusieurs pays tiers, le
Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition
de la Commission, prend les mesures urgentes nécessaires. » Enfin,
la clause de flexibilité de l'article 308 prévoit que,
« [s]i une action de la Communauté apparaît
nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché
commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent
traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet,
le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après consultation du Parlement européen, prend les
dispositions appropriées. »
101 TERPAN F., « Article 301 CE », in
PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par
article, Bâle, Paris, Bruxelles, Helbing Lichtenhahn, Dalloz,
Bruylant, 2ème éd., 2010, p. 1871.
102 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al
Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, aff.
T-306/01, Rec. II-3533.
103 TPICE, 21 septembre 2005, Yassin Abdullah Kadi c./
Conseil et Commission, aff. T-315/01, Rec. II-3649.
27
On ne traitera ici que de la deuxième série de
moyens104, car celle-ci est complète et reprend en
totalité l'appréciation de la première série de
moyens (les griefs étant identiques dans les deux cas, la seule
différence tenant à la présence de l'article 308). Les
requérants reprochaient au Conseil et à la Commission d'avoir
choisi des bases juridiques inadéquates. Ils invoquaient le fait que la
combinaison de ces articles qui fonde la compétence de la
Communauté pour imposer des mesures économiques («
interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations
économiques » selon l'article 301 CE, sous la forme d'embargo, de
blocage d'avoir par exemple105) ne concernaient que des États
(le texte de l'article 60 parle bien de mesures « à l'égard
des pays tiers ») dans le cadre de la PESC et non des personnes et
entités privées. De plus, aucune base juridique ne prévoit
de mécanisme de gel des fonds à l'encontre de particuliers, que
ce soit dans le traité UE ou dans le traité CE. Par ailleurs, ils
invoquaient aussi le caractère disproportionné du
règlement en question par rapport aux objectifs fixés dans les
articles 60 et 301 CE. Enfin, ils contestaient l'utilisation de la clause
passerelle de l'article 308 CE pour conférer au Conseil un pouvoir qu'il
ne possède pas, vu l'absence de liens entre les sanctions ciblées
et l'un des objets de la Communauté106.
Le Tribunal, après avoir constaté l'absence de
compétences communautaires explicites ou implicites autonomes, rejette
les moyens des requérants en procédant à une
deuxième analyse. Comme l'écrivent Denys Simon et Florian
Mariatte, « [s]i les trois dispositions prises isolément ne peuvent
servir de bases légales au second règlement litigieux, elles le
peuvent cependant conjointement, à raison de la "passerelle"
établie entre les piliers PESC et communautaire de l'Union
»107. En effet, le Tribunal avait préalablement reconnu
que les deux seuls articles 60 et 301 ne s'adressaient qu' « aux pays
tiers » et étaient donc insuffisants. C'est la même chose
pour l'article 308 qui ne peut servir selon le Tribunal de
104 Quant à la première étape du
raisonnement, voir notamment SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », Europe,
décembre 2005, comm. 12 ; STANGOS P., GRYLLOS G., « Le droit
communautaire à l'épreuve des réalités du droit
international : leçons tirées de la jurisprudence communautaire
récente relevant de la lutte contre le terrorisme international »,
Cahiers de droit européen, n° 3-4, 2006, pp. 454-464.
105 PARTSCH PH-E., « Article 60 CE », in
PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par
article, op. cit., p. 595.
106 TPICE, Yusuf, arrêt préc.,
points 84 et 110.
107 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p.
39.
28
base unique pour l'adoption des mesures108,
celui-ci ne s'articulant pas avec l'un des objets de la Communauté
décrits aux articles 2 et 3 CE, ni à un objectif plus
général de défense109.
Le Tribunal insiste par la suite sur la
spécificité des articles 60 et 301 CE110 qui
illustrent « la coexistence de l'Union et de la Communauté en tant
qu'ordres juridiques intégrés mais distincts », ainsi que de
« l'architecture constitutionnelle des piliers voulues par les auteurs des
traités actuellement en vigueur »111. Suite à
cette remarque, il estime finalement que « le recours à la base
juridique cumulée des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE permet de
réaliser, en matière de sanctions économiques et
financières, l'objectif poursuivi dans le cadre de la PESC par l'Union
et par ses États membres, tel qu'il est exprimé dans une position
commune ou une action commune, nonobstant l'absence d'attribution expresse
à la Communauté des pouvoirs de sanctions économiques et
financières visant des individus ou entités ne présentant
aucun lien suffisant avec un pays tiers déterminé
»112. La reconnaissance de la triple base juridique et
corrélativement, d'un nouveau titre de compétence au Conseil pour
adopter les mesures en question113, est consacrée lorsque le
Tribunal affirme que les conditions d'application de l'article 308 sont
remplies114. En l'occurrence, la lutte contre le financement du
terrorisme apparaît comme étant l'un des objectifs de l'Union en
vertu de l'article 11 UE115, et semble devoir
bénéficier d'une action de la Communauté116. Le
Tribunal admet donc que des mesures prises sur cette triple base juridique
puissent frapper des ressortissants d'un Etat membre, résidant dans la
Communauté, s'ils sont suffisamment liés au régime d'un
État tiers contre lequel des sanctions sont
dirigées117. Le champ d'application
108 Voir Yusuf, points 134 à 157 et
Kadi, points 98 à 121, arrêts préc.,
notamment voir Yusuf, point 156, « il n'apparaît pas
possible d'interpréter l'article 308 CE comme autorisant de façon
générale les institutions à se fonder sur cette
disposition en vue de réaliser l'un des objectifs du traité UE
».
109 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p.
39.
110 Le Tribunal affirme au point 160 de l'arrêt
Yusuf que les articles 60 CE et 301 CE, « sont des dispositions
tout à fait spécifiques » du traité CE en ce qu'elles
« envisagent expressément qu'une action de la Communauté
puisse s'avérer nécessaire en vue de réaliser non pas l'un
des objets de la Communauté, tels qu'ils sont fixés par le
traité CE, mais un des objectifs spécifiquement assignés
à l'Union par l'article 2 UE, à savoir la mise en oeuvre d'une
politique étrangère et de sécurité commune
».
111 TPICE, Yusuf, point 156 ; Kadi, point 120,
arrêts préc.
112 TPICE, Yusuf, point 166 ; Kadi, point 130,
arrêts préc.
113 SIMON D., MARIATTE F., article préc., p.
39.
114 TPICE, Yusuf, point 168 ; Kadi, point 132,
arrêts préc.
115 TPICE, Yusuf, arrêt préc.,
point 167, « la lutte contre le terrorisme international et son
financement relève incontestablement des objectifs de l'Union au titre
de la PESC, tels qu'ils sont définis à l'article 11 UE,
même lorsqu'elle ne vise pas spécifiquement les pays tiers ou
leurs dirigeants. »
116 Ibid, point 168, « Il est constant, par
ailleurs, que la position commune 2002/402 a été adoptée
par le Conseil, à l'unanimité, dans le cadre de cette lutte et
qu'elle prescrit l'imposition par la Communauté de sanctions
économiques et financières à l'encontre de particuliers
soupçonnés de contribuer au financement du terrorisme
international, sans plus établir un quelconque lien avec le territoire
ou le régime dirigeant d'un pays tiers. »
117 Ibid, point 115. Voir aussi sur ce point, TPICE,
31 janvier 2007, Leonid Minin c./ Commission, aff. T-362/04,
Rec. II-002003.
29
rationae personae des sanctions prévues aux
articles 60 et 301 CE est donc largement étendu. Des arguments
extra-juridiques étayent également l'argumentaire du Tribunal,
notamment lorsqu'il cite la nécessaire adaptation de l'Union à la
lutte contre le financement du terrorisme118.
Lors de l'examen du pourvoi des deux affaires, la Cour
présentera un raisonnement différent qui, malgré sa
fragilité, aboutit à la même conclusion que le Tribunal.
Paragraphe 2. Le raisonnement fragile de la Cour
Le débat sur les bases juridiques permettant d'adopter
des sanctions ciblées atteint une réelle complexité
lorsqu'il est porté devant la Cour lors de l'affaire Kadi. A
tel point qu'il est permis de douter que la Cour ait réussi à
légitimer l'exercice d'une nouvelle compétence de sanction.
Celle-ci rend un arrêt qui, sur conclusions contraires, sanctionne le
Tribunal tout en donnant raison à sa solution.
Contrairement au Tribunal, l'avocat général
Poiares Maduro conclut que la double base juridique composée des
articles 60 et 301 CE est suffisante. Celui-ci avance en effet que « [...]
[l]e Tribunal a interprété l'article 308 CE comme un
«pont» entre la PESC et le pilier communautaire. Néanmoins, si
l'article 301 CE peut être considéré comme un pont entre
les piliers du traité, l'article 308 CE ne peut certainement pas remplir
cette fonction. Comme l'article 60, paragraphe 1, CE, l'article 308 CE est
uniquement une disposition d'autorisation : il indique les moyens, mais pas les
objectifs119 ». Ainsi il rappelle implicitement le principe des
compétences d'attribution120 qui impose une lecture stricte
de l'article 308 CE121. La
118 TPICE, Yusuf, arrêt préc.,
point 169, « [...] le recours à l'article 308 CE, afin de
compléter les pouvoirs de sanctions économiques et
financières conférés à la Communauté par les
articles 60 CE et 301 CE, est justifié par la considération que,
dans le monde actuel, les États ne peuvent plus être
considérés comme la seule source des menaces à la paix et
à la sécurité internationales. Pas plus que la
communauté internationale, l'Union et son pilier communautaire ne
sauraient être empêchés de s'adapter à ces nouvelles
menaces par l'imposition de sanctions économiques et financières
non seulement à l'encontre des pays tiers, mais également
à l'encontre des personnes, groupes, entreprises ou entités
associés développant une activité terroriste
internationale ou portant autrement atteinte à la paix et à la
sécurité internationales. »
119 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05
P et C-415/05 P, Rec. I-0635, conclusions Poiares Maduro, §
16.
120 Ibid, voir in fine ; « Même
si l'article 308 CE se réfère aux «objectifs de la
Communauté», ces objectifs lui sont exogènes; ils ne peuvent
pas être introduits par l'article 308 CE lui-même. Par
conséquent, si l'on exclut l'interruption des relations
économiques avec des acteurs non étatiques du domaine des moyens
acceptables pour atteindre les objectifs autorisés par l'article 301 CE,
on ne peut avoir recours à l'article 308 CE pour réintroduire ces
objectifs. Soit une mesure dirigée contre des acteurs non
étatiques répond aux objectifs de la PESC, que la
Communauté peut poursuivre en vertu de l'article 301 CE, soit, si tel
n'est pas le cas, l'article 308 CE n'est d'aucun secours. »
30
Commission soutient également la thèse de la
double base juridique et argue notamment que les mesures en questions
relèvent de la politique commerciale commune122.
Il était avant tout question de la détermination
des bases juridiques nécessaires à l'exercice d'une nouvelle
compétence confiée à la Communauté par le biais des
résolutions du Conseil de sécurité ; celle
d'exécuter ces résolutions et d'ordonner des mesures de gel des
fonds à l'encontre d'individus et d'entités privés. Pour
cela, la Cour confirme la position du Tribunal sur le fait que la double base
juridique constituée par les articles 60 et 301 CE est insuffisante pour
les mêmes motifs avancés par le Tribunal123.
Comme l'a fait le Tribunal avant elle, la Cour aboutit finalement
à la conclusion que la triple base juridique est adéquate. Le
raisonnement est néanmoins divergent et pas nécessairement
satisfaisant. La Cour de justice sanctionne le tribunal par deux
fois124, pour les erreurs de droit qu'elle estime que celui-ci a
commis.
En premier lieu, il s'agissait pour la Cour de corriger le statut
extensif attribué à l'article 308 CE afin de faire jouer un effet
de passerelle entre, d'une part, les actions de la Communauté quant aux
sanctions économiques au titre des articles 60 CE et 301 CE, et d'autre
part, les objectifs du traité UE en matière de relations
extérieures. La Cour refuse que cette passerelle entre Communauté
et Union s'étende à l'article 308 CE125. L'action de
la Communauté ayant trait au « fonctionnement du marché
commun » et visant à réaliser l'un des « objets de la
Communauté » (termes de l'article 308 CE), celle-ci n'inclut donc
pas les objectifs de la PESC au sens de l'article 11 UE126. Il y
aurait danger à accepter la thèse du Tribunal car « cette
disposition permettrait, dans le contexte particulier des articles 60 CE et 301
CE, l'adoption d'actes communautaires visant non pas l'un des objets de la
Communauté, mais l'un des objectifs relevant du traité UE en
matière de relations extérieures, au nombre desquels figure la
PESC »127. Cela s'oppose à la « coexistence »
voulue entre l'Union et la Communauté en tant qu'ordres juridiques
distincts128.
121 SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans
les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions
pour le Tribunal de première instance? », Europe,
novembre 2008, comm. 9, p. 7.
122 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05
P et C-415/05 P, Rec. I-0635, points 135-142.
123 Ibid, points 183-197 et 190-193.
124 Ibid, points 196 et 223.
125 Ibid, point 197.
126 Ibid, points 200 et 201.
127 Ibid, point 198.
128 Ibid, point 202.
31
En second lieu, la Cour accepte la thèse de la triple
base juridique en livrant des arguments peu convaincants. Le Tribunal avait
statué que l'objectif poursuivi par le règlement litigieux ne
pouvait être rattaché à l'un des objets de la
Communauté au sens de l'article 308 CE129. La Cour statue en
sens contraire. Sur la base du postulat que la Communauté ne disposait
d'aucun moyen pour sanctionner financièrement des destinataires
privés n'entretenant aucun lien avec le régime d'un pays tiers
donné, elle estime que « [...] l'objectif poursuivi par le
règlement litigieux peut être rattaché à l'un des
objets de la Communauté au sens de l'article 308 CE ». En effet,
selon elle, les articles 60 CE et 301 CE « sont l'expression d'un objectif
implicite et sous-jacent, à savoir celui de rendre
possible l'adoption de telles mesures par l'utilisation efficace d'un
instrument communautaire ». Elle conclut donc que « [c]et objectif
peut être considéré comme constituant un objet de la
Communauté au sens de l'article 308 CE » 130.
Au risque de déplaire, la Cour tente tant bien que mal
de légitimer cette nouvelle compétence par un raisonnement
qualifié de byzantin131 qui se veut respectueux de
l'architecture communautaire mais peut néanmoins laisser
perplexe132. Yves Moiny écrit à ce propos que la Cour
« semble avoir voulu coûte que coûte défendre la
stabilité juridique de l'édifice sans cependant avoir
évité de tomber dans une certaine forme d'incohérence
»133. Denys Simon parle d'une « rare sophistication entre
objet et objectif ». Ce qui frappe en effet à la lecture de
l'arrêt, c'est le manque de pédagogie de la Cour pour atteindre au
final la même solution que le Tribunal.
Les rédacteurs du traité de Lisbonne ont
intégrés ces controverses. Il était en effet permis de
douter de la pérennité de l'article 60 qui visait des «
mesures urgentes »134 à l'égard des pays tiers
dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. La Cour ayant
légitimé une nouvelle compétence sur une fragile triple
base juridique, le traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne (TFUE) entré en vigueur le 1er
décembre 2009 dote la lutte contre le terrorisme d'une nouvelle base
juridique avec l'article 75 TFUE (ex-article 60 CE) qui prévoit
expressément que le Conseil et le Parlement peuvent adopter des
règlements
129 TPICE, Kadi, point 116 ; Yusuf, point 152,
arrêts préc.
130 CJCE, Kadi, points 225 à 227, arrêt
préc, italiques ajoutées.
131 SIMON D., RIGAUX A., article préc., p. 7.
132 MOINY Y., article préc., p. 46.
133 Ibid.
134 10 ans après les attentats du 11 septembre, peut-on
encore parler d'urgence à adopter de telles mesures ?
32
imposant des mesures de gel135. Enfin, l'article
301 CE, suite à la suppression de la Communauté, a
également été modifié. Le nouvel article 215 TFUE,
place désormais l'ensemble de la procédure sous l'égide de
l'Union sans altérer la substance de l'article, c'est-à-dire
l'articulation entre une décision PESC sur la base de laquelle est prise
une mesure par le Conseil.136 Il est notable de constater qu'un
nouveau paragraphe est introduit en vue de permettre l'adoption de «
mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales, de
groupes ou d'entités non étatiques ». Ces deux nouveaux
articles permettront à l'avenir plus de cohérence et de
transparence dans l'adoption de mesures individuelles de gel des fonds.
Ce premier chapitre a tenté de dessiner les contours
des mesures de gel des fonds adoptées dans le cadre des sanctions
intelligentes instituées par le Conseil de sécurité. Ces
mesures sont l'objet d'un enchevêtrement des sources juridiques
internationales et européennes et il est de surcroît difficile de
trancher quant à leur nature pénale ou administrative. Les
fondements de celles-ci, récemment rénovés comme on l'a vu
avec le traité de Lisbonne, tentent d'insuffler un gage de
cohérence à ce que l'on pourrait qualifier de «
chimère » juridique. Le qualificatif de sui generis
refaisant surface à l'étude de chacune des
caractéristiques de ces mesures, il convient de voir désormais
que les mesures de gel des fonds en tant que moyen de lutte contre le
financement du terrorisme ont entraîné un contentieux passionnant
quant à la possibilité d'un contrôle juridictionnel de ces
mesures, contrôle dont l'intensité est variable et dont l'une des
raisons d'être est la garantie des droits fondamentaux.
135 L'article 75 TFUE dispose que « Lorsque la
réalisation des objectifs visés à l'article 67 l'exige, en
ce qui concerne la prévention du terrorisme et des activités
connexes, ainsi que la lutte contre ces phénomènes, le Parlement
européen et le Conseil, statuant par voie de règlements
conformément à la procédure législative ordinaire,
définissent un cadre de mesures administratives concernant les
mouvements de capitaux et les paiements, telles que le gel des fonds, des
avoirs financiers ou des bénéfices économiques qui
appartiennent à des personnes physiques ou morales, à des groupes
ou à des entités non étatiques, sont en leur possession ou
sont détenus par eux. »
136 TERPAN F., « article 301 CE », in
PINGEL I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par
article, op. cit., p. 1871.
33
SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU GEL
DES FONDS
Dans l'affaire OMPI, le Tribunal mentionnait à
juste titre que le contrôle juridictionnel constitue « la seule
garantie procédurale permettant d'assurer un juste équilibre
entre les exigences de la lutte contre le terrorisme international et la
protection des droits fondamentaux »137. Le contrôle des
mesures de gel des fonds par la Cour de justice est d'autant plus important que
la Cour a jugé que le traité offre un « système
complet de voies de recours » de sorte que dans une «
communauté de droit [...] ni ses États membres ni ses
institutions n'échappent au contrôle de la conformité de
leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu'est le
traité »138. Il fallait d'abord pour le juge
communautaire relever les obstacles au contrôle juridictionnel des
règlements d'exécution des résolutions des Nations Unies
pour pouvoir les dépasser et poser le principe du contrôle
juridictionnel des mesures de gel des fonds dans l'ordre communautaire
(Chapitre 1). Une fois le principe consacré, il restait encore à
la Cour d'en déterminer les modalités (Chapitre 2).
Chapitre 1. Les obstacles au contrôle
Il n'était pas évident d'affirmer le principe
d'un contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds par le juge
communautaire. Un constat d'impuissance de sa part face aux obstacles à
franchir en vue d'un contrôle juridictionnel aurait consacré une
certaine immunité des mesures de gel. A la fois dans le cadre de la
« décentralisation » de l'exécution de la
résolution 1373 (2001) par la voie de la position commune 2001/931/PESC
qui contenait une liste propre à l'Union, que dans le cadre de la «
déconcentration » voulue par la résolution 1267 (1999), se
posaient deux problèmes majeurs. Les obstacles consistant en
l'immunité contentieuse des positions communes (section 1) et la
primauté des résolutions onusiennes (section 2) ont
été successivement franchis par le juge de Luxembourg.
Section 1. L'immunité contentieuse des positions
communes
Saisi de recours visant à l'annulation d'actes des
institutions communautaires à l'origine du gel des fonds des
requérants, le juge communautaire a d'abord fait état de son
137 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des
Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, aff. T228/02,
Rec. II-4665, point 155.
138 CJCE, 23 avril 1986, « Les Verts » c./
Parlement européen, aff. 294/83, Rec. 1350, point 23.
34
impuissance face à l'absence de contrôle
juridictionnel prévu à l'endroit des positions communes à
la fois dans le titre V et dans le titre VI du traité sur l'Union
européenne (Paragraphe 1). Ces carences textuelles ne pouvant être
dépassées qu'au prix d'une révision des traités, le
juge de Luxembourg a pourtant posé dès 2007, le principe du
contrôle indirect des positions communes portant mesures de gel des fonds
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les carences du traité sur l'Union
européenne
Il importe d'analyser les lacunes inhérentes au
traité UE quant aux possibilités offertes au particulier d'avoir
accès au juge communautaire en vue du contrôle juridictionnel de
l'acte l'inscrivant sur une liste ou ordonnant le gel de ses fonds. La
dichotomie, désormais modifiée par le traité de Lisbonne,
entre traité UE et traité CE est parfaitement pertinente pour
l'analyse suivante étant donné que la quasi-totalité des
arrêts du Tribunal et de la Cour ont jusqu'aujourd'hui été
rendus sous l'empire de la version consolidée du Traité de
Maastricht (suite au Traité de Nice). Il convient dans la suite des
développements de distinguer nettement le titre V du titre VI du
traité sur l'UE.
En vertu du titre V, l'Union met en oeuvre une politique
étrangère et de sécurité commune (PESC) dont les
objectifs sont listés à l'article 11 UE, et dispose pour ce faire
d'instruments de droit dérivé propres pour certains aux
deuxième et troisième piliers, en vertu de l'article 12 UE. Parmi
ces actes, on trouve notamment les positions communes que le Conseil peut
adopter sur la base de l'article 15 UE139. Le titre V du
traité ne dit mot de la compétence de la Cour en matière
de contrôle juridictionnel des actes adoptés dans le cadre de la
PESC. Il convient alors de tirer comme conclusion que les actes adoptés
au titre de la PESC jouissent d'une immunité contentieuse patente. Cela
est d'autant plus manifeste que l'on sait que la position commune 2002/402/PESC
a pour seule base juridique l'article 15 UE.
Le titre VI du traité UE sur la coopération
policière et judiciaire en matière pénale contient
à cet égard plus d'informations quant à la
compétence de la Cour de justice. L'absence totale de contrôle
juridictionnel à l'endroit des actes du titre V (deuxième pilier)
est remplacée par un régime strict de mise en oeuvre de ce
contrôle à l'endroit des actes du titre VI (en partie le
troisième pilier).
139 L'article 15 UE dispose que « Le Conseil arrête
des positions communes. Celles-ci définissent la position de l'Union sur
une question particulière de nature géographique ou
thématique. Les États membres veillent à la
conformité de leurs politiques nationales avec les positions communes.
»
35
Le Conseil est également compétent pour adopter des
positions communes au titre du troisième pilier en vertu de l'article 34
UE140. L'article suivant, l'article 35 UE, énonce à
proprement parler les compétences de la Cour de justice dans le cadre du
titre VI. La Cour voit ses compétences réduites tant sur le plan
du renvoi préjudiciel que sur le plan du recours en annulation.
Le premier paragraphe de l'article 35 UE pose le principe de la
compétence préjudicielle de la Cour mais le tempère
immédiatement par des conditions141. La première
constatation qui s'impose à la lecture de ce premier paragraphe est
qu'il ne mentionne pas les positions communes. Celles-ci se verraient-elles
ainsi exclues du contrôle ? Le fait qu'elles ne soient pas citées
expressément dans la liste des actes justiciables laisse effectivement
penser que le constituant ait entendu ne pas les inclure. Le renvoi
préjudiciel se voit encore plus circonscrit par les paragraphes 2 et 3
de l'article 35 UE. En effet, la compétence préjudicielle de la
Cour n'est pas automatique car elle est soumise à l'acceptation des
États membres au travers d'une déclaration142. En
outre, même une fois la compétence de la Cour reconnue par les
États, ces derniers peuvent l'aménager en se réservant la
faculté de poser des questions préjudicielles à la Cour ou
en rendant ce renvoi obligatoire143. Cela correspond finalement
à un retour à la logique interétatique et au bon vouloir
des États.
Quant au recours en annulation, celui-ci est
réservé à des requérants privilégiés
en vertu de l'article 35, § 6, UE. En effet, seuls un État ou la
Commission peuvent l'exercer. Le particulier se voit donc exclu de
l'accès à un contrôle de la légalité des
positions communes. Si l'on y ajoute le fait que la Commission ne peut agir en
manquement dans le troisième pilier, il ressort manifestement qu'il
persiste un déficit juridictionnel quant au contrôle des actes des
deuxième et troisième piliers. Cette compétence à
« géométrie variable » entraîne
indéniablement une brèche dans la protection juridictionnelle des
particuliers. La Cour a du dépasser ces limites matérielles qui
s'opposent à un contrôle complet dans le contentieux qui a
été porté devant elle.
140 L'article 34 § 2 UE dispose que : « [...] Le
Conseil, sous la forme et selon les procédures appropriées
indiquées dans le présent titre, prend des mesures et favorise la
coopération en vue de contribuer à la poursuite des objectifs de
l'Union. À cet effet, il peut, statuant à l'unanimité
à l'initiative de tout État membre ou de la Commission :
a) arrêter des positions communes définissant
l'approche de l'Union sur une question déterminée; [...]
»
141 Le premier paragraphe dispose que « La Cour de
justice des Communautés européennes est compétente, sous
réserve des conditions définies au présent article, pour
statuer à titre préjudiciel sur la validité et
l'interprétation des décisions-cadres et des décisions,
sur l'interprétation des conventions établies en vertu du
présent titre, ainsi que sur la validité et
l'interprétation de leurs mesures d'application. »
142 Article 35 §2 UE.
143 Article 35 §3 UE.
36
Paragraphe 2. Le contrôle indirect des positions
communes
[a position commune, sans impliquer nécessairement de
mise en oeuvre particulière au plan national, exige néanmoins des
États membres qu'ils adoptent un comportement qui soit conforme à
celle-ci en vertu du principe de coopération loyale (article 10 TUE,
nouvel article 4 § 3 TFUE). [a Cour de justice a considéré
dans l'affaire Segi et Gestoras Pro Amnistia qu'une position commune
« n'est pas censée avoir par elle-même d'effet juridique
vis-à-vis des tiers »144. Cette affirmation «
fictive » corrobore parfaitement l'absence de recours juridictionnel en
vue de contester la légalité des positions communes par des
particuliers.
Dans l'affaire OMPI, l'Organisation des modjahedines
du peuple d'Iran145 contestait son inscription par la position
commune 2002/340/PESC146 sur la liste des personnes, groupes et
entités auxquelles la position commune 2001/931/PESC s'appliquait. Deux
séries de moyens pouvaient être dégagées de cette
demande d'annulation de l'acte d'inscription sur la liste, l'une sur la
compétence matérielle stricto sensu du
Tribunal147, l'autre sur la méconnaissance des
compétences de la Communauté par le Conseil en adoptant la
position commune en question.
A propos de sa compétence, la Cour constate qu'aucun
recours devant elle n'était prévu par le traité UE
étant donné les caractéristiques des positions
communes148. Elle affirme de surcroît que l'article 6, §
2, UE qui proclame le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales n'est d'aucun secours en l'espèce du point de vue de la
compétence du juge de l'Union dès lors que l'ensemble du
système repose sur le principe des compétences
144 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes C354/04 P
et C-355/04 P, Rec. I-1579 I-1657.
145 Selon Yves Moiny, cette organisation semble avoir
renoncé à toute action militaire depuis le mois de juillet 2001.
Voir « Le contrôle, par le juge européen, de certaines
mesures communautaires visant à lutter contre le financement du terroris
me », Journal de droit européen, mai 2008, n°149, p.
138.
146 Position commune 2002/340/PESC du Conseil du 2 mai 2002
portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative
à l'application de mesures spécifiques en vue de lutte contre le
terrorisme, JOCE n° L 116 du 3 mai 2002, p. 75.
147 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge
européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter
contre le financement du terrorisme », article préc., p.
138.
148 Selon la Cour, une position commune est définie
comme « un acte du Conseil, composé des représentants des
gouvernements des États membres, adopté sur la base des articles
15 UE, relevant du titre V du traité UE relatif à la PESC, et 34
UE relevant du titre VI du traité UE relatif à la JAI »,
TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple
d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt préc., point 46.
37
d'attribution (article 5 UE). En effet, l'article 6 UE ne
saurait constituer une voie de droit spéciale149. Par
conséquent, le Tribunal conclut à l'irrecevabilité du
recours en annulation150.
Quant à la méconnaissance par le Conseil des
compétences de la Communauté lors de l'adoption de la position
commune, le Tribunal se reconnaît compétent151, mais
conclut de façon décevante au rejet du recours car il estime que
la position commune n'a pas méconnu les compétences de la
Communautés152. Se refusant à faire oeuvre
prétorienne, la Cour se cantonne à des positions conservatrices,
et devient plus « spectatrice » qu' « architecte
»153. Elle aurait pu par ailleurs utiliser une méthode
d'« importation » des notions du pilier communautaire au
troisième pilier, ce qu'elle avait déjà effectué
par le passé154.
La Cour de justice, peu de temps après le
prononcé de l'arrêt OMPI, dans les affaires Segi et
Gestoras Pro Amnistia du 27 février 2007, a quant à elle
fait preuve d'une certaine ouverture, voire de « hardiesse
»155. Le Conseil avait inscrit les organisations Segi et
Gestoras Pro Amnistia sur la liste des personnes, groupes et entités
impliqués dans des actes de terrorisme. Elles étaient
soupçonnées d'appartenir à l'ETA. Suite à cette
inscription, elles avaient fait l'objet d'actions judiciaires conduisant
à l'emprisonnement de certains de leurs membres et à la cessation
de leurs activités. Après avoir tenté d'obtenir
réparation devant la Cour de Strasbourg, les deux organisations ont
intenté un recours en vue de l'annulation de la position commune portant
mise à jour de la position commune 2001/931/PESC.
La Cour juge qu' « [...] une position commune qui aurait,
du fait de son contenu, une portée qui dépasse celle
assignée par le traité UE à ce type d'acte doit pouvoir
être soumise au contrôle de la Cour. »156. Le juge
semble donc opérer un contrôle au fond, des effets de la position
commune, et cela peu importe la forme juridique de l'acte. Il déclare
finalement que « la possibilité de saisir la Cour à titre
préjudiciel doit donc être ouverte à l'égard de
toutes les dispositions prises par le Conseil, quelles qu'en soient la nature
ou la forme, qui visent à
149 BERRAMDANE A., « Les limites de la protection
juridictionnelle dans le cadre du titre VI du traité sur l'Union
européene », R.D.U.E., 2007, n° 2, p. 441.
150 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des
Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt
préc., point 56.
151 Ibid.
152 Ibid, points 59 et 60.
153 Pour reprendre l'expression de LABAYLE H. in «
Architecte ou spectatrice ? La Cour de justice de l'Union dans l'Espace de
liberté, sécurité et justice », R.T.D.E.,
2006, n° 42 (1).
154 CJCE, 16 juin 2005, Procédure pénale
contre Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. I-05285, points 42 et
s., à propos de la notion d'interprétation conforme.
155 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge
européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter
contre le financement du terrorisme », article préc., p.
138.
156 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, arrêt
préc., point 54.
38
produire des effets de droit vis-à-vis des tiers
»157. C'est donc à la fois pour connaître des
recours en annulation que des renvois préjudiciels que la Cour se
déclare compétente et ainsi corrige les imperfections du «
régime à la carte de la compétence préjudicielle
fondée sur l'article 35 UE »158. Cependant, la Cour ne
consacre pas la garantie d'une protection juridictionnelle totale et
n'achève pas son raisonnement. Elle confirme ensuite dans l'arrêt
l'incompétence du juge communautaire pour connaître d'une action
tendant à la réparation d'un préjudice causé par
des positions communes adoptées par le Conseil dans le cadre du
troisième pilier. En résumé, elle accepte le principe du
contrôle sur le terrain de la légalité, mais refuse de
consacrer une quelconque responsabilité extra contractuelle de la
Communauté du fait des positions communes et en appelle au
constituant159.
Comme avec l'article 75 TFUE précité, les
auteurs du traité de Lisbonne ne sont pas restés sourds à
ces controverses. On constate dans le traité TFUE une nouvelle base
juridique à l'article 275160 où ont été
intégrées les avancées de la jurisprudence Segi.
Ce nouvel article réaffirme l'immunité contentieuse des actes
relatifs à la PESC mais consacre le contrôle juridictionnel de la
légalité des actes prévoyant des mesures restrictives
à l'encontre des particuliers dans la lignée du critère
introduit par l'arrêt Segi, « [...] qui visent à
produire des effets de droit vis-à-vis des tiers ».
Section 2. La primauté des résolutions
onusiennes sur le droit communautaire
L'évolution jurisprudentielle sur la question de savoir
si les résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies peuvent être soumises au contrôle du juge communautaire a
connu deux étapes majeures. Il convient de s'intéresser au
raisonnement qui a conduit la Cour à
157 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, arrêt
préc., point 53 et s.
158 CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, conclusions avocat
général Mengozzi, point 127.
159 « La Cour déclare au point 50 de l'arrêt
Segi que « [...] les traités ont établi un
système de voies de recours dans lequel les compétences de la
Cour sont, en vertu de l'article 35 UE, moins étendues dans le cadre du
titre VI du traité sur l'Union européenne qu'elles ne le sont au
titre du traité OE. Elles le sont d'ailleurs encore moins dans le cadre
du titre V. Si un système de voies de recours, et notamment un
régime de responsabilité extracontractuelle autre que celui mis
en place par les traités est certes envisageable, il appartient, le cas
échéant, aux États membres, conformément à
l'article 48 UE, de réformer le système actuellement en vigueur.
»
160 « La Cour de justice de l'Union européenne
n'est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives
à la politique étrangère et de sécurité
commune, ni en ce qui concerne les actes adoptés sur leur base.
Toutefois, la Cour est compétente pour contrôler
le respect de l'article 40 du traité sur l'Union européenne et se
prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues
à l'article 263, quatrième alinéa, du présent
traité
concernant le contrôle de la légalité des
décisions prévoyant des mesures restrictives à l'encontre
de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du
titre V, chapitre 2, du traité sur l'Union européenne. »
39
affirmer le principe du contrôle de la
légalité des règlements qui assurent l'exécution
des résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire (paragraphe 2) en
réponse au Tribunal qui avait conclu, face aux données du
problème, à l'immunité juridictionnelle des
résolutions dans l'ordre communautaire (paragraphe 1).
Paragraphe 1. Un contrôle délicat
La question de l'effet des résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies dans l'ordre juridique communautaire
n'était pas nouvelle en 2005 lorsque furent portées devant le
prétoire du Tribunal de première instance les affaires
Yusuf, Al Barakaat International Foundation et Kadi
en septembre 2005161. En effet, la Cour européenne des
droits de l'homme dans l'affaire Bosphorus162, avait bien
remarqué que l'Irlande ne faisait qu'appliquer un règlement
communautaire lequel mettait en oeuvre un régime de sanctions contre la
Yougoslavie. Toutefois, la Cour de Strasbourg s'était bien gardée
de se prononcer sur les relations entre la CESDH et le droit des Nations Unies
ainsi que sur la prévalence des obligations découlant de la
Charte sur toute autre obligation des États membres. En filigrane
apparaissait bien sur le contrôle juridictionnel à l'aune de la
CESDH du contenu de la résolution onusienne.
Suite à ce silence, le Tribunal a estimé
nécessaire de livrer son point de vue sur sa compétence
juridictionnelle. Les affaires Yusuf et Kadi posaient la
question dans des termes différents par rapport à la position
commune. Dans la mesure où le règlement litigieux ne faisait que
« recopier » les obligations figurant dans les résolutions
onusiennes (la résolution 1267 (1999) et les résolutions
subséquentes la mettant à jour), le Tribunal se trouvait face
à un dilemme. Il était contraint dans un premier temps de
s'interroger sur l'existence d'une compétence liée ou
discrétionnaire des États membres et de la Communauté
vis-à-vis des résolutions du Conseil de sécurité.
Selon Denys Simon, cela l'amenait naturellement à se prononcer sur
l'articulation entre l'ordre juridique des Nations Unies et l'ordre juridique
communautaire163. Le Tribunal pouvait ainsi dans un second temps
livrer son interprétation
161 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al
Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, et Yassin
Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts
préc.
162 CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari
Turizm Ve Ticaret Sirketi c./ Irlande, Requête n° 45036/98.
Rec. 2005-VI.
163 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première
instance des Communautés : Professeur de droit international ? -
À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et
Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm.
12., p. 6.
40
sur l'étendue de sa compétence juridictionnelle
s'agissant du contrôle des actes communautaires d'exécution des
résolutions onusiennes. En résumé, le juge communautaire,
saisi d'un recours en annulation formé contre un règlement
assurant l'exécution d'une résolution n'était-il pas
amené à apprécier de la sorte, de manière
incidente, la validité de cette résolution ?
Sur la première interrogation164, le
Tribunal, conclut formellement que les « États membres ont la
faculté, et même l'obligation, de laisser inappliquée toute
disposition de droit communautaire, fût-elle une disposition de droit
primaire ou un principe général de ce droit, qui ferait obstacle
à la bonne exécution de leurs obligations en vertu de la charte
des Nations Unies »165.
Dans la suite du raisonnement du Tribunal, en constatant que
la Communauté n'exerce qu'une compétence liée dans
l'exécution des résolutions, celui-ci décline toute
compétence pour apprécier de manière incidente la
légalité des résolutions du Conseil de
sécurité. Il déclare ainsi que « [...] les
résolutions en cause du Conseil de sécurité
échappent en principe au contrôle juridictionnel du Tribunal et
[...] celui-ci n'est pas autorisé à remettre en cause, fut-ce de
manière incidente, leur légalité au regard du droit
communautaire. Au contraire, le Tribunal est tenu, dans toute la mesure du
possible, d'interpréter et d'appliquer ce droit d'une manière qui
soit compatible avec les obligations des États membres au titre de la
charte des Nations Unies »166. Si ce refus n'exclut pas un
possible contrôle de la légalité externe du
règlement, tout contrôle de la légalité interne
semble impossible car il reviendrait à contrôler de manière
incidente la résolution167.
Pourtant le Tribunal admet sa propre compétence pour
contrôler de manière incidente la légalité des
résolutions en cause « au regard du jus cogens, entendu
comme un ordre public international qui s'impose à tous les sujets du
droit international, y compris les instances de l'ONU, et auquel il est
impossible de déroger »168. Ce raisonnement «
incongru »169 et
164 Sur cette question, voir notamment SIMON D., MARIATTE F.,
« Le Tribunal de première instance des Communautés :
Professeur de droit international ? - À propos des arrêts Yusuf,
Al Barakaat International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 »,
article préc., et JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de
Première instance face aux résolutions du Conseil de
Sécurité des Nations Unies Merci monsieur le
Professeur' », L'Europe des Libertés, 2006, n °19,
pp. 2-6.
165 TPICE, Yusuf, point 240 ; Kadi, point 190,
arrêts préc.
166 TPICE, Yusuf, point 276 ; Kadi, point 206,
arrêts préc.
167 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 6.
168 TPICE, Yusuf, point 277 ; Kadi, point 226,
arrêts préc.
41
contradictoire170 permet de relativiser
l'immunité juridictionnelle des résolutions
onusiennes171. Pourtant, l'invocation du jus
cogens172 en tant que normes de référence semble
dès lors moins opportune lorsque le Tribunal va successivement examiner
la violation des droits fondamentaux soulevés en l'espèce
(protection de la propriété, droit d'être entendu et
protection juridictionnelle effective) pour affirmer qu'aucun d'entre eux ne
fait partie du jus cogens173 et finalement rejeter les
allégations des requérants.
Malgré la bienveillance174 du Tribunal,
c'est finalement un très fragile contrôle voire une absence de
contrôle qui est consacré dans sa solution. Dans deux
arrêts175 postérieurs dont les faits sont identiques,
le Tribunal confirme la vision restrictive qu'il a de sa mission
juridictionnelle. Il ajoute toutefois, en réponse aux requérants
qui invoquaient l'ineffectivité du mécanisme de réexamen
des mesures individuelles de gel des fonds devant le Comité des
sanctions du Conseil de sécurité, qu'il existe une obligation
pour les États membres d'assurer la « protection diplomatique
» des personnes visées par des sanctions internationales devant
ledit Comité176.
A la même période, lors d'un contentieux
très similaire, le juge a esquissé un progrès notable en
matière de contrôle juridictionnel. En effet, à propos de
l'inscription de l'OMPI (voir supra p. 37) par la position commune
2001/931/PESC, le juge était aussi amené à se
169 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 7.
170 Un précédent peut cependant être
signalé, dans l'arrêt Racke de 1998, dans lequel la Cour admettait
qu'elle puisse contrôler la validité d'un règlement
communautaire au regard des règles du droit international coutumier, en
l'espèce au regard du principe coutumier de changement fondamental de
circonstances, voir CJCE, 16 juin 1998, Racke, aff. C-162/96,
Rec. I-03655.
171 JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première
instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des
Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », article
préc., p. 4.
172 L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités précise qu'une norme de jus cogens se
définit comme : « [...] une norme impérative du droit
international général est une norme acceptée et reconnue
par la
communauté internationale des États dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est
permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du
droit international général ayant le même caractère.
»
173 Jean-Paul Jacqué ajoute à ce propos que
« [c]e qui fait le caractère impératif d'une règle
n'est pas son universalité, mais la reconnaissance par la
Communauté internationale dans son ensemble de ce caractère
impératif », « Le Tribunal de Première instance face
aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies
Merci monsieur le Professeur' », article préc.,
p. 4.
174 SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de
première instance des Communautés : Professeur de droit
international ? - À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat
International Foundation et Kadi du 21 septembre 2005 », article
préc., p. 9.
175 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil,
aff. T-253/02, Rec. II-2139 ; TPICE, 12 juillet 2006, Faraj Hassan
c./ Conseil et Commission, aff. T-49/04, Rec. II-2139, voir aussi
MARIATTE F., « Sanctions économiques internationales, jus cogens et
droit à la protection diplomatique », Europe, octobre
2006, comm. 270.
176 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil,
points 141-149 ; Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, points
111-119, arrêts préc.
42
prononcer sur la légalité d'une décision
d'inscription prise par le Conseil sur la base du règlement (CE) n°
2580/2001. L'inscription de la requérante reposait effectivement sur une
double base juridique. Refusant le contrôle de la position commune (voir
supra p. 38), le Tribunal acceptait néanmoins le contrôle
de la décision d'inscription177. A la différence des
arrêts Yusuf et Kadi, les instruments communautaires
mettaient en oeuvre la résolution 1373 (2001), laquelle confère
aux États ou à la Communauté le pouvoir d'édicter
la liste de manière discrétionnaire. En l'espèce, la
Communauté disposait donc d'une marge d'appréciation. Le Tribunal
annule donc la décision n° 2005/930/CE178 pour autant
que celle-ci concerne l'organisation requérante179.
Paragraphe 2. « L'internalisation »180
du différend
L'arrêt Kadi du 3 septembre 2008181
peut être vu de deux manières. La première veut qu'il ne
soit qu'une étape de plus dans le processus d'intensification du
contrôle juridictionnel des actes exécutant les régimes de
sanction instaurés par le Conseil de sécurité dans le
cadre de la lutte antiterroriste. Il serait dans ce sens, la continuation des
progrès effectués dans les affaires Segi et
OMPI. La seconde envisage la solution de l'arrêt Kadi
comme un réel renversement paradigmatique du raisonnement du juge
communautaire dans la relation qu'il entretient avec l'ordre juridique
international. L'arrêt de la Cour de justice apparaîtrait comme une
« force perturbatrice, au sens astronomique du terme, dont l'effet modifie
celui d'une
177 TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des
Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, arrêt
préc. Voir aussi, selon la même configuration, TPICE, 14
octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil, aff. T-390/08, non encore
publié au Recueil, JOUE n° C 282 du 21 novembre 2009.
178 Décision n° 2005/930/CE du Conseil du 21
décembre 2005 mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du
règlement (CE) no 2580/2001 concernant l'adoption de mesures
restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et
entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la
décision 2005/848/CE, JOUE n° L 340/64 du 21
décembre 2005.
179 Ibid, point 108, « Dès lors que
l'identification des personnes, groupes et entités visés par la
résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et
l'adoption de la mesure de gel des fonds qui s'ensuit relèvent de
l'exercice d'un pouvoir propre, impliquant une appréciation
discrétionnaire de la Communauté, le respect des droits de la
défense des intéressés s'impose en principe aux
institutions communautaires concernées, en l'occurrence le Conseil,
lorsqu'elles agissent en vue de se conformer à ladite résolution.
»
180 Expression empruntée au raisonnement de Pierre
d'Argent « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le droit
interne, Journal de droit européen, 2008, n° 153 pp.
265-268.
181 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc.
43
force plus importante »182. Il se situerait
alors dans la lignée des grands arrêts Van Gend en Loos
et Costa 183dans le cadre du processus
d'autonomisation du droit communautaire.
De nombreuses études, auxquelles il convient de se
reporter184, ont largement traité l'aspect constitutionnel de
la solution de la Cour dans l'arrêt Kadi et la confrontation de
l'ordre communautaire avec l'ordre issu de la Charte des Nations Unies. Il ne
s'agit donc pas d'être exhaustif à ce sujet (dans un arrêt
comportant pas moins de 380 points) mais plutôt reste t-il à
envisager l'apport de l'arrêt quant au contrôle juridictionnel.
La prise de position de la CJCE revient donc à
confronter les ordres juridiques communautaire et international pour
définir un cadre de référence du contrôle
juridictionnel du règlement communautaire d'exécution du
régime de sanction instauré par les résolutions
onusiennes. Consacrant une « vision radicalement dualiste
»185 et une primauté « inversée »186 au
profit du droit communautaire, la Cour fait preuve de bon sens. Elle
réduit le problème de droit qui lui est posé à un
contrôle de la légalité de l'acte communautaire assurant
l'exécution de la résolution, et non à un contrôle
portant sur le droit issu du Chapitre VII des Nations Unies. Contrairement
à la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire
Behrami187, elle affirme ainsi qu' « [u]n
éventuel arrêt d'une juridiction communautaire par lequel il
serait décidé qu'un acte communautaire visant à mettre en
oeuvre une telle résolution [du Conseil de sécurité] est
contraire à une norme supérieure relevant de l'ordre juridique
communautaire n'impliquerait pas une remise en cause de la primauté de
cette résolution au plan du droit international »188.
182 MIRON A., article préc., p. 356.
183 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos,
aff. 26/62, Rec. 00003 ; CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff.
6/64, Rec. 01141.
184 Voir notamment SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des
pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le
Tribunal de première instance? », Europe, novembre 2008,
comm. 9., LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel de la
lutte contre le terrorisme », R.T.D.E., 2009, n° 45 (2), pp.
231-265, D'ARGENT P. « Arrêt Kadi : le droit communautaire comme le
droit interne », Journal de droit européen, 2008, n°
153 pp. 265-268, HALBERSTAM D., STEIN E., « The United Nations, the
European Union, and the King of Sweden : economic sanctions and individual
rights in a plural world order », C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp.
13-72, JACQUÉ J-P., « Primauté du droit international versus
protection des droits fondamentaux, à propos de l'arrêt Kadi de la
Cour de justice des Communautés européennes »,
R.T.D.E., 2009, n° 45, pp. 161-179.
185 SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans
les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de
première instance? », article préc., p. 8.
186 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle
juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article
préc., p. 245.
187 CEDH, Gde Ch., 31 mai 2006, Behrami et Behrami c./
France (Requête n° 71412/01) et Saramati c./ France,
Allemagne et Norvège (Requête n° 78166/01). La CEDH
s'était déclarée incompétente pour examiner les
recours devant elle au motif que les actes contestés étaient
attribuables aux Nations Unies.
188 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc., point 288.
44
La Cour étoffe son raisonnement en renversant chaque
argument avancé par le Tribunal. Quant à la primauté des
engagements internationaux en vertu de l'article 103 de la Charte des Nations
Unies et de l'article 307 CE, la Cour précise que cela ne peut aboutir
à remettre en cause « des principes qui relèvent des
fondements mêmes de l'ordre juridique communautaire, parmi lesquels celui
de la protection des droits fondamentaux, qui inclut le contrôle par le
juge communautaire de la légalité des actes communautaires quant
à leur conformité avec des droits fondamentaux
»189. Elle conclut que le contrôle de la validité
des actes communautaire à l'aune des droits fondamentaux dont elle est
chargée correspond à « l'expression, dans une
communauté de droit, d'une garantie constitutionnelle découlant
du traité CE en tant que système juridique autonome à
laquelle un accord international ne saurait porter atteinte
»190. La Cour annule finalement le règlement litigieux
pour autant qu'il concernait les requérants.
Outre les risques que la solution de la Cour peut
engendrer191, le juge communautaire, en érigeant le
contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds en tant que garantie
constitutionnelle, met fin à l'immunité juridictionnelle des
résolutions onusiennes dans l'ordre communautaire192. Par
conséquent, la distinction opérée entre compétence
liée et compétence discrétionnaire n'a désormais
plus lieu d'être et le traitement des régimes de sanction
résultants d'une part de la résolution 1267 (1999), et d'autre
part, de la résolution 1373 (2001) est unifié dans l'ordre
communautaire. Le principe du contrôle juridictionnel étant
posé, le juge communautaire devait simultanément en
déterminer les modalités.
Chapitre 2. Les modalités du contrôle
La détermination des modalités du contrôle
allait conduire le juge à en mesurer l'étendue et
l'intensité et à choisir un cadre de référence.
Fidèle à sa jurisprudence 193, la Cour décide
de se baser sur le référentiel des droits fondamentaux, dont la
protection dans l'ordre
189 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc., point 304.
190 Ibid, point 316.
191 Voir sur cette question SIMON D., RIGAUX A., « Le
jugement des pourvois dans les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions
pour le Tribunal de première instance? », article
préc., pp. 9-10, LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle
juridictionnel de la lutte contre le terrorisme », article
préc., p. 247.
192 Cette solution a été confirmée
récemment par la Cour de justice de l'Union, voir CJUE, 3
décembre 2009, Faraj Hassan et Chafiq Ayadi c./ Conseil et
Commission, aff. jointes C-399/06 P et C-403/06 P, non encore
publiés au Recueil, JOUE n° C 24 du 30 janvier 2010.
193 CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, aff. 29/69,
Rec. 00419 ; CJCE, 17 décembre 1970, Internationale
Handelsgesellschaft mbH, aff. 11/70, Rec. 01125 ; CJCE, 14 mai
1974, Nold, aff. 4/73, Rec. 00491.
45
communautaire est à la fois la raison d'être du
contrôle des mesures de gel des fonds et la motivation du juge à
exercer un tel contrôle (Section 1). Toutefois, la Cour se montre
sensible aux exigences du système de sécurité collective
du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et à l'effectivité
des mesures de gel des fonds et tempère son contrôle par des
limites propres à la lutte antiterroriste (Section 2).
Section 1. Un contrôle à l'aune des droits
fondamentaux
La juge de Luxembourg n'a cessé d'affirmer que le
respect des droits de l'homme constitue une condition de la
légalité des actes communautaires et que ne sauraient être
admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect de
ceux-ci194. Ce faisant, dans le contentieux des listes
antiterroristes, il a consacré la garantie d'un certain nombre de droits
fondamentaux (Paragraphe 1). Les particularités du contrôle des
mesures de gel des fonds allaient cependant forcer le juge à moduler son
contrôle selon le régime de sanction ou la nature de la
décision d'inscription et de gel (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La reconnaissance de garanties
variées
Lors des diverses affaires portées devant le
prétoire du juge communautaire, les requérants invoquaient le
fait que les actes communautaires d'exécution des résolutions du
Conseil de sécurité portaient atteinte à certains droits
fondamentaux. L'absence de garanties procédurales au
bénéfice des personnes, groupes et entités visés
par les mesures de gel des fonds apparaissait difficilement conciliable avec
les exigences d'une « communauté de droit ». A la fois dans le
contentieux des mesures mettant en oeuvre le régime instauré par
la résolution 1373 (2001) que dans celui mettant en oeuvre la
résolution 1267 (1999), le juge de Luxembourg a examiné la
conformité des règlementations en cause au regard de deux
séries de droits fondamentaux. La première, la plus
substantielle, concerne les droits procéduraux195,
194 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, arrêt
préc., point 283. Voir aussi CJCE, 26 juin 2007, Ordre des
barreaux francophones et germanophone, aff. C305/05, Rec.
I-05305, et CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, aff. C-112/00,
Rec. I-05659.
195 Voir les lignes directrices sur les droits de l'homme
et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des
ministres du Conseil de l'Europe le 11 juillet 2002, et le Livre vert de la
Commission du 26 avril 2006 sur la présomption d'innocence, COM
(2006) 174 final. Flavien Mariatte remarque que si ces actes de soft law
comportent des développements sur le droit à une protection
juridictionnelle effective dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ils
sont cependant muets quant aux droits de la défense tels que le Tribunal
les envisage
46
et comprend le droit à la communication des motifs, le
droit d'être entendu, l'obligation de motivation et
généralement le principe de protection juridictionnelle
effective. A titre secondaire, le juge a récemment aussi reconnu en tant
que principe général la présomption d'innocence (garantie
par l'article 6, § 2, CEDH et l'article 48, § 1, de la Charte des
droits fondamentaux) dans le contentieux de la lutte
antiterroriste196. La seconde série se concentre, quant
à elle, essentiellement autour du droit de propriété.
Dans l'affaire Kadi, la condamnation des violations
des droits procéduraux succède à la consécration du
contrôle juridictionnel. La Cour, rappelle que le principe de protection
juridictionnelle effective est un principe général de droit
communautaire et est désormais inscrit à l'article 47 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne197. Ce
principe impose la communication des motifs de la décision, soit au
moment de l'adoption de celle-ci, soit dès que possible afin de garantir
l'exercice des voies de recours, et le droit d'être entendu. Le juge
précise que ce principe « doit être assuré même
en l'absence de toute règlementation concernant la procédure
» et que les destinataires des décisions qui voient leurs
intérêts affectés par celles-ci puissent être en
mesure « de faire connaître utilement leur point de vue
»198. La Cour constate que ni la position commune
2002/402/PESC, ni le règlement n° 881/2002 ne prévoient de
telles garanties199. Le Conseil semble n'avoir fourni aux
requérants aucune information relative à leur inscription sur la
liste ni n'apparait leur avoir permis de prendre connaissance des
éléments à leur charge dans un délai raisonnable
après l'édiction de la mesure. Il résulte de cette absence
de communication des motifs que les requérants n'ont pu faire
connaître utilement leur point de vue et n'ont pu par la suite
défendre leurs droits dans des conditions satisfaisantes lors de la
procédure contentieuse, ce qui équivaut à une violation du
droit fondamental à un recours juridictionnel effectif. Par ailleurs, le
Tribunal avait délimité dans l'arrêt OMPI
l'exercice de ce droit fondamental au seul contrôle juridictionnel
de la légalité, mais avait attribué une portée
large à son contrôle200. Tout en reconnaissant un
pouvoir d'appréciation au Conseil, le Tribunal
hors du champ d'application des articles 6 et 13 CESDH. Voir
« Lutte contre le terroris me, sanctions économiques et droits
fondamentaux », Europe, février 2007, comm. 45.
196 TPICE, 2 sept. 2009, Mohamed El Morabit c./ Conseil
soutenu par Royaume-Uni et Commission , aff. T37/07 et T-323/07, non
encore publié au Recueil, JOUE C 256 du 24 octobre 2009, p.
23.
197 Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
JOUE n° C 83 du 30 mars 2010, p. 389.
198 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt
préc., point 348, voir aussi CJCE, 24 octobre 1996, Commission
c./
Lisrestal, aff. C-32/95 P, Rec. I-5373.
199 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt
préc., point 352.
200 « Les limitations apportées par le Conseil aux
droits de la défense des intéressés devant être
contrebalancées par un strict contrôle juridictionnel
indépendant et impartial [...] le juge communautaire doit pouvoir
contrôler la légalité et le bien-fondé des mesures
de gel des fonds, sans que puissent lui être opposés le secret ou
la
47
s'autorisait à contrôler non seulement la
légalité externe de la décision litigieuse mais aussi
l'exactitude matérielle des faits, l'absence d'erreur manifeste
d'appréciation, le détournement de pouvoir voire même
« l'appréciation des considérations d'opportunité
»201.
L'obligation de motivation (contenue à l'article 253
CE) est au même titre sanctionnable. Consacrée dans le cadre des
mesures antiterroristes par l'arrêt OMPI202, le juge a
indiqué ce qui recouvrait cette exigence notamment dans deux
arrêts postérieurs prononcés à la même date.
Dans Al Aqsa, le Tribunal précise que l'absence de mention de
l'ordonnance de référé émanant d'une juridiction
néerlandaise dans les motifs de la décision initiale aboutit
à la violation de la protection juridictionnelle effective de
l'entité requérante203. Dans un arrêt
Sison, le Tribunal constate que ni la décision initiale ni
celle de maintien ne mentionnent « les informations précises »
ou les « éléments de dossier » montrant qu'une
décision justifiant l'inclusion du requérant dans la liste
litigieuse avait été prise à son égard par une
autorité nationale compétente204. En l'espèce,
le dossier de demande de droit de séjour du requérant
était classé confidentiel. Le Tribunal conclut également
à la violation de l'obligation de motivation et donc de la protection
juridictionnel effective du requérant205.
Enfin, les griefs des requérants portaient sur la
violation du droit de propriété206. Les
ingérences au droit de propriété doivent, d'une part,
poursuivre des objectifs d'intérêt général et,
d'autre part, ne pas constituer, au regard de l'objectif poursuivi, une
intervention démesurée et intolérable à la
substance de ce droit. Dans l'arrêt Kadi, La Cour rappelle que
ce droit n'est pas une prérogative absolue et que les ingérences
à celui-ci ne sauraient en soi être inadéquates ou
disproportionnées207. Dans cette affaire, le juge conclut que
les mesures de gel à l'encontre des requérants, constituent
« une restriction injustifiée à son droit de
confidentialité des éléments de preuve et
d'information utilisés par le Conseil ». TPICE, 12 décembre
2006, OMPI c./ Conseil, arrêt préc., point
155.
201 Ibid, point 159.
202 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., points 138-151.
203 TPICE, 11 juillet 2007, Al-Aqsa c./ Conseil, aff.
T-327/03, Rec. II-00079., point 64.
204 Tel qu'il ressort des exigences de l'article
1er, § 4, de la position commune n° 2001/931/PESC (voir
supra p. 16).
205 TPICE, 11 juillet 2007, Sison c./ Conseil, aff.
T-47/03, Rec. II-00073., points 215-226.
206 Principe interprété au regard de l'article
1er du premier protocole additionnel de la CESDH et de la
jurisprudence de la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'Union rappelle
la teneur du droit de propriété à l'article 17.
207 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt
préc., point 363. Voir aussi sur ce point, pour les entités
soupçonnées de contribuer au financement de la
prolifération nucléaire, TPICE, 14 octobre 2009, Bank Melli
Iran c./ Conseil, arrêt préc.
48
propriété »208. Le juge
considère cette restriction « considérable » en
l'espèce, en prenant en compte « la portée
générale et la durée effective des mesures restrictives
»209.
Finalement, dans ses modalités, le contrôle
juridictionnel n'apparait pas comme une simple déclaration de bonnes
intentions par le juge communautaire. Aussitôt consacré, le juge
confirme la réalité du contrôle et sa portée
relativement large. En résumé, c'est la constatation de la
violation des droits fondamentaux allégués par les
requérants qui conduit à l'annulation de l'acte litigieux. Le
traité de Lisbonne ajoute à ce titre à l'article 215 TFUE
(précité), alinéa 3 que « [l]es actes visés au
présent article [notamment les mesures de gel à l'encontre des
particuliers] contiennent les dispositions nécessaires en matière
de garanties juridiques. » Le traité semble donc consacrer une
obligation de respecter certaines garanties juridiques lors de la mise en
oeuvre des mesures de gel des fonds, en restant néanmoins très
évasif sur ces garanties.
Paragraphe 2. Le risque d'un traitement
discriminatoire
Le caractère particulier des mesures de lutte
antiterroriste et l'architecture des sources des actes d'inscription et de gel
des fonds ne tendent pas vers une unification des régimes de sanction.
Des nuances dans le contrôle juridictionnel apparaissent alors, d'une
part selon que la règlementation soit issue du régime de la
résolution 1267 (1999) ou de la résolution 1373 (2001). D'autre
part, l'intensité du contrôle juridictionnel (et
corrélativement les droit fondamentaux qui y sont attachés)
dépendra selon que l'acte litigieux soit une décision initiale ou
une décision de maintien.
208 Ibid, point 370.
209 Ibid, point 369.
Premièrement, comme l'illustre le contentieux quant au
principe du contrôle juridictionnel des mesures de gel des fonds, un
traitement discriminatoire des requérants avait indirectement
été créé. Les personnes ou entités faisant
l'objet de la réglementation issue du règlement CE n°
881/2002 (et de la position commune 2002/402/PESC) se voyaient privées
de recours juridictionnel effectif210 contrairement aux
requérants, tel l'OMPI, qui poursuivaient l'annulation d'un acte pris
sur le fondement de la réglementation issue du
210 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al
Barakaat International Foundation c./ Conseil et Commission, et
Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et Commission, arrêts
préc.
49
règlement CE n° 2580/2001211. Les
requérants, dans la première hypothèse, ne jouissaient que
de faibles palliatifs, à savoir l'existence d'un contrôle à
l'aune du jus cogens212 et le recours à la
protection diplomatique devant les instances de l'ONU213.
L'arrêt Kadi a mis fin à ce traitement
discriminatoire des requérants devant le juge communautaire selon la
source de la réglementation qu'ils attaquaient. Pourtant, une forme de
discrimination « potentielle » persistait à l'issue de cette
harmonisation du contrôle de juge. Il faut pour cela se reporter au
raisonnement du juge dans l'affaire Segi (voir supra p. 38).
Celui-ci consacrait sa compétence pour contrôler indirectement la
légalité de la position commune 2001/931/PESC. Or, la Cour
semblait avoir limité son contrôle aux seules positions communes
adoptées dans le cadre du titre VI du TUE, en vertu de l'article 35,
§ 6, UE alors que la juridiction communautaire n'a aucun rôle selon
le TUE dans le cadre du titre V. La position commune 2001/931/PESC, prise sur
la base d'un double fondement (articles 15 et 34 UE) rentrait donc dans cette
catégorie. L' « ambiguïté »214 de cette
solution conduit à s'interroger dans quelle mesure l'arrêt
Segi aurait introduit une discrimination envers les personnes et
entités faisant l'objet de la position commune
2002/402/PESC215, prise sur le seul et unique fondement de l'article
15 UE (titre V). La discrimination n'est pourtant que potentielle car le
règlement CE n° 881/2002 et les actes pris sur son fondement sont
quant à eux attaquables.
Enfin, le contrôle juridictionnel revêt une
intensité différente selon qu'il porte sur une décision
initiale ou de maintien. Cette distinction doit être aussi comprise
à la lumière du processus de décision, constitué
d'une première phase nationale, puis d'une phase
communautaire216. A ce propos, le principe de coopération
entre les autorités communautaires et les autorités
compétentes nationales implique que le Conseil doit s'en remettre autant
que possible à l'appréciation de l'autorité nationale
compétente, à tout le moins s'il s'agit d'une
211 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc.
212 TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et
Commission, et Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil et
Commission, arrêts préc.
213 TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil, et
Faraj Hassan c./ Conseil et Commission, arrêts
préc.
214 MOINY Y., « Aperçu de la jurisprudence
communautaire développée dans le cadre de la lutte contre le
financement du terrorisme international », article
préc., p. 43.
215 Ibid.
216 Selon l'article 1er , § 4, de la position
commune 2001/931/PESC, cette phase nationale consiste en la décision
prise par une autorité compétente, en principe
judiciaire, à l'encontre d'une personne et entité, devant reposer
sur des « preuves ou des indices sérieux et crédibles
». La phase communautaire consiste en la décision d'inclusion de la
personne ou entité dans la liste sur la base « d'informations
précises ou d'éléments de dossier qui montrent
qu'une décision a été prise par une
autorité nationale compétente ».
50
autorité judiciaire217, notamment quant aux
« preuves ou [aux] indices sérieux et crédibles » sur
lesquels la décision de celle-ci est fondée218. En ce
qui concerne la décision initiale, le juge communautaire admet que la
communication des motifs soit concomitante ou intervienne aussitôt
après l'adoption de la décision219, afin de
préserver un certain « effet de surprise » sans lequel les
mesures de gel ne pourraient poursuivre leur objectif de lutte contre le
terrorisme220. Ces exigences se comprennent aisément au
regard de la singularité de la lutte antiterroriste. Toutefois, il en
découle que la communication des motifs, le droit d'être entendu,
et l'obligation d'audition de la personne ou entité ne peuvent
intervenir que postérieurement à l'adoption de la mesure
litigieuse.
La décision de maintien, ou décision
subséquente de gel des fonds, justifie par nature un contrôle
« plus poussé »221. A ce stade, les fonds sont
déjà gelés, l'effet de surprise et l'urgence n'ont donc
plus lieu d'être des justifications pour ne pas satisfaire au respect des
droits fondamentaux. Etant donné la mise à jour semestrielle des
listes antiterroristes par le Conseil, le contrôle de la décision
de maintien s'est révélé bien plus important qu'on ne le
croyait. En substance, le contrôle est renforcé car le maintien du
requérant sur la liste litigieuse doit être justifié par
des « raisons spécifiques et concrètes », qui doivent
lui être communiquées au moment de l'adoption de la
décision de maintien. De plus, une telle décision doit en
principe être précédée d' « une communication
des nouveaux éléments à charge et d'une audition
»222. En revanche, ni dans l'arrêt OMPI ni dans
l'arrêt Kadi, le juge ne précise l'étendue de
l'obligation de procéder à l'audition du requérant.
Section 2. Un contrôle limité par la Cour
Les développements suivants traitent de la
portée du contrôle. Le juge de Luxembourg, bien qu'attentifs aux
intérêts des requérants et à l'importance d'un
contrôle juridictionnel, prend manifestement en considération les
intérêts des institutions et par ce fait, limite la portée
du contrôle qu'il a lui-même consacré. Il souligne
fréquemment l'importance
217 Lorsque l'autorité est judiciaire, le juge constate
dans l'arrêt OMPI, que « le respect des droits de la
défense a un objet relativement restreint, au niveau de la
procédure communautaire de gel des fonds », TPICE, 12
décembre 2006, OMPI c./ Conseil, arrêt
préc., point 126.
218 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 124, confirmé par TPICE, 30
septembre 2009, Jose Maria Sison c./ Conseil, aff. T-341/07, JOUE
n° C 282 du 21 novembre 2009, point 95.
219 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 129.
220 Voir CJCE, 11 octobre 2007, Möllendorf, aff.
C-117/06, Rec. I-8361.
221 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », article préc., p.
255.
222 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 137.
51
des objectifs d'efficacité de la lutte contre le
financement du terrorisme (Paragraphe 1) et va même jusqu'à
limiter les effets de ses arrêts dans le temps (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La prise en compte des exigences de la lutte
antiterroriste
Le Tribunal et la Cour ne sont pas restés insensibles
aux intérêts du Conseil. Loin d'être réticent aux
objectifs affichés de lutte contre le financement du terrorisme et la
singularité de cette lutte, le juge communautaire a progressivement
aménagé un « régime dérogatoire
général »223 reposant sur des «
considérations impérieuses touchant à la
sûreté de la Communauté et de ses États membres, ou
à la conduite de leurs relations internationales »224.
Ces objections propres aux intérêts des États membres et de
la Communauté peuvent s'opposer à « la communication de
certains éléments à charge aux intéressés
et, dès lors, à l'audition de ceux-ci sur ces mêmes
éléments, au cours de la procédure administrative
»225.
Instaurées à la demande des États membres
(par exemple le Royaume Uni dans l'affaire OMPI), ces
considérations impérieuses illustrent parfaitement « un
rapport de force classique, celui qui oppose depuis toujours
sécurité et liberté »226. Dans
l'arrêt OMPI, le Tribunal, justifie et légitime ce
raisonnement en invoquant le fait que de telles limitations sont conformes aux
traditions constitutionnelles communes aux États membres et à la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg227. Succède ainsi aux
modalités du contrôle juridictionnel énoncées par le
juge, un régime général d'exception. Les limitations au
contrôle du juge pourront être justifiées lorsque les moyens
employés, à savoir le gel des fonds, apparaissent
proportionnés et nécessaires au regard de l'objectif poursuivi
par l'Union, la lutte contre le terrorisme.
Selon Yves Moiny, ce régime dérogatoire
s'inspire des exceptions au droit d'accès aux documents telles qu'elles
résultent du règlement CE n° 1049/2001 relatif à
l'accès du public
223 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge
européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter
contre le financement du terrorisme », article préc., p.
140.
224 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 133, voir par analogie TPICE, 21
septembre
2005, Yusuf, arrêt préc., point
320.
225 Ibid.
226 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », article préc., p.
259.
227 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., points 134-135.
»231.
52
aux documents des institutions communautaires228.
Dans l'arrêt OMPI, le Tribunal précise dans cette
même lignée la portée de ces exceptions quant aux garanties
procédurales des requérants. Il estime que les autorités
nationales ou le Conseil peuvent opposer aux requérants des restrictions
à l'accès au contenu précis ou à la motivation
particulière d'une décision les visant, voire l'identité
de l'autorité dont elle émane229. Le Tribunal, dans
l'affaire Sison, avait en effet introduit cette faculté pour
les autorités nationales de ne pas dévoiler certaines
informations230. Il mentionne même que « dans certaines
circonstances très particulières », il serait possible de
refuser de fournir aux requérants des informations relatifs à
l'identification de l'État membre ou du pays tiers dans lequel une
autorité compétente a pris une décision à leurs
égards, lorsqu'une telle décision « est susceptible de nuire
à la sécurité publique, en fournissant à
l'intéressé une information sensible dont il pourrait faire un
mauvais usage
Ainsi chaque droit fondamental reconnu et garanti par le juge
communautaire voit son effectivité circonstanciée à la
bonne volonté des États membres. Tout en affirmant dans
l'arrêt OMPI que l'obligation de motivation « constitue
l'unique garantie permettant à l'intéressé, à tout
le moins après l'adoption de cette décision, de se
prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour
contester la légalité de ladite décision
»232, le Tribunal admet qu'il est possible d'y déroger
par des raisons impérieuses d'intérêt
général. Comme certains auteurs l'ont remarqué, il aurait
été préférable dans ce cas de garantir le respect
inconditionnel de l'obligation de motivation233.
Largement empreint de consensualisme, ce régime
dérogatoire général apparait très peu transparent
et atténue réellement l'effectivité du contrôle
juridictionnel, au nom de la lutte contre le terrorisme. Au risque de «
perdre toute substance »234 et se transformer en simple
contrôle formel des mesures de gel, il sera impératif pour le juge
d'effectuer une juste balance des intérêts en présence en
vertu d'un contrôle strict de la proportionnalité, sans quoi la
raison d'État n'en ressortirait que renforcée.
228 Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement
européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du
public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la
Commission, JOCE n° L 145 du 31 mai 2001.
229 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 136.
230 TPICE, 26 avril 2005, José Maria Sison c./
Conseil de l'Union européenne, aff. jointes T-110/03, T-150/03 et
T-405/03, Rec. II-01429, point 77 : « l'efficacité de la
lutte contre le terrorisme suppose que les informations détenues par les
autorités publiques [...] soient maintenues secrètes afin que ces
informations gardent leur pertinence et permettent une action efficace »,
confirmé par CJCE, 1er février 2007, Jose Maria Sison c./
Conseil, C-266/05, Rec. I-1233.
231 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI c./ Conseil,
arrêt préc., point 136.
232 Ibid, point 148.
233 MOINY Y., « Le contrôle, par le juge
européen, de certaines mesures communautaires visant à lutter
contre le financement du terrorisme », article préc., p.
141.
234 Ibid.
53
Paragraphe 2. La limitation dans le temps des effets des
arrêts
Le juge communautaire a adopté l'habitude de ne
déclarer l'annulation des actes litigieux que « pour autant qu'ils
concernent les requérants » dans le contentieux sur les listes
antiterroristes portée devant lui, afin de maintenir les effets de
l'acte erga omnes et garantir l'effectivité de la lutte contre
le terrorisme235. Cette limitation rationae personae
s'accompagne d'une limitation rationae temporis des effets de
l'arrêt dans l'affaire Kadi. La Cour, considère que
l'impact de l'annulation du règlement litigieux pourrait affecter la
légitimité politique des positions communes et plus largement
risquerait d'entraîner la responsabilité de la Communauté
ou de ses États membres devant les instances de l'ONU.
Sur la base de l'article 231 CE236 (article 264
TFUE), la Cour fait donc le choix dans l'arrêt Kadi de maintenir
les effets de l'acte communautaire litigieux et de différer les effets
de l'annulation de celui-ci « pendant une brève période qui
doit être fixée de façon à permettre au Conseil de
remédier aux violations constatées, mais qui tienne aussi
dûment compte de l'importance incidente des mesures restrictives dont il
s'agit sur les droits et libertés des requérants
»237. Le Conseil se voit ainsi octroyée la
possibilité d'adopter un acte conforme aux exigences de la Cour et de
l'idée de communauté de droit. Outre l'étendue du pouvoir
de la Cour238, cet article repose sur le postulat que « la
sécurité juridique impose parfois de prendre quelques distances
avec la constatation objective de l'illégalité
»239, même si l'équilibre entre
légalité et sécurité juridique peut parfois
être délicat à déterminer240.
235 Denys Simon et Anne Rigaux souligne le « paradoxe
» de celle solution : « on comprend mal alors ce qui justifie le
maintien en vigueur de dispositions procédurales jugées
illégales, lesquelles affectent à l'évidence les droits
fondamentaux de l'ensemble des personnes et entités relevant du champ
d'application du règlement », « Le jugement des pourvois dans
les affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour le Tribunal de
première instance? », article préc., p. 10.
236 L'article 231, alinéa 2, CE dispose «
Toutefois, en ce qui concerne les règlements, la Cour de justice
indique, si elle l'estime nécessaire, ceux des effets du
règlement annulé qui doivent être considérés
comme définitifs.». Avec le traité de Lisbonne, l'article
264 TFUE étend le champ d'application de l'article à tous les
actes.
237 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt
préc., point 376.
238 Selon Henri Labayle, le juge peut choisir librement au
sein du règlement contesté « ceux des effets » qui
doivent être considérés comme définitifs, sans
aucune limitation ou restriction de ce point de vue, tant du point de vue
matériel que personnel et dispose à ce titre d'une
compétence sortant de l'ordinaire, « La Cour de justice et la
modulation des effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ?
», R.F.D.A., 2004, p. 663.
239 LABAYLE H., « La Cour de justice et la modulation des
effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? »,
R.F.D.A., 2004, p. 663.
240 CJCE, 22 mars 1961, SNUPAT c/ Haute
Autorité, aff.42 et 49/59, Rec. p. 103, « le principe
du respect de la sécurité juridique, tout important qu'il soit,
ne saurait s'appliquer de façon absolue, mais... son application doit
54
Alors même que ni le Conseil, ni la Commission ni
même les États membres intervenus lors de la procédure
n'avaient sollicité ce report, la Cour fixe la période de
maintien des effets du règlement litigieux à 3 mois. La Cour
justifie ce mécanisme juridictionnel car « il ne saurait être
exclu que, sur le fond, l'imposition de telles mesures aux requérants
puisse tout de même s'avérer justifiée
»241. Il est vrai que l'illégalité n'entache que
la procédure suivie devant le Conseil et l'absence de garanties
procédurales au profit des requérants, et ne préjuge en
rien de l'opportunité et de la légalité de la
décision sur le fond. Les dispositions du règlement litigieux ne
seront nulles et non avenues en vertu de l'article 231, alinéa 1, CE
qu'à l'issue de ce délai de 3 mois, ce qui prive le
requérant pendant cette période de l'effet de sa
requête242.
La Cour décide ainsi d'exercer la compétence
qu'elle tire de l'article 231 CE dans l'attente de l'adoption d'une nouvelle
réglementation par le Conseil qui soit conforme aux exigences que la
Cour a posé en matière de droits fondamentaux. Cette prise de
position, favorable aux intérêts des institutions, illustre la
logique institutionnelle à laquelle répond
l'article243. Suite au prononcé de l'arrêt, la
Commission a communiqué aux parties les motifs de leur inscription sur
la liste et leur a donné la possibilité de formuler leurs
observations. Elle a finalement édicté dans le délai de 3
mois un nouveau règlement réinscrivant M. Kadi et Al Barakaat
Internation Foundation sur la liste actualisée des personnes et
entités visées par une mesure de gel des fonds244.
Le bilan des arrêts de la Cour montre que celle-ci est
définitivement attachée à l'effectivité de son
contrôle juridictionnel et à la protection des droits
fondamentaux245. Celle-ci, transposant le raisonnement
Solange246 dans l'ordre communautaire, pourrait
cependant
être combinée avec celle du principe de la
légalité ; ...la question de savoir lequel de ces principes doit
l'emporter dans chaque cas d'espèce dépend de la confrontation de
l'intérêt public avec les intérêts privés en
cause »
241 CJCE, 3 septembre 2008, Kadi, arrêt
préc., point 374.
242 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », article préc., p.
263.
243 LABAYLE H., « La Cour de justice et la modulation des
effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? »,
article préc., p. 663.
244 Règlement (CE) n° 1190/2008 de la Commission
du 28 novembre 2008 modifiant pour la cent et unième fois le
règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures
restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et
entités liées à Oussama ben Laden, au réseau
Al-Qaida et aux Taliban, JOUE n° L 322/25 du 2 décembre
2008.
245 Voir les derniers développements de cette
jurisprudence avec CJUE, 29 avril 2010, M (FC) e.a. c./ Her Majesty's
Treasury, aff. C-340/08, non encore publié au Recueil, conclusions
de l'Avocat général Paolo Mengozzi présentées le 14
janvier 2010.
246 BVerfGE, 29 mai 1974, Solange I, BvL 52/71,
BVerfGE t. 37, p. 271.Voir aussi CEDH, 20 juin 2005, Bosphorus,
arrêt préc.
55
n'être habilitée que d'une compétence par
défaut, en dépit de la carence des procédures
onusiennes247. Une possible évolution desdites
procédures dessaisirait alors le juge communautaire de son office,
à la lumière de la solution Solange II 248.
Ce renversement de paradigme apparaît peu probable vu l'affirmation forte
et récurrente de l'autonomie de l'ordre communautaire. Le contrôle
juridictionnel s'est en effet vu consacré « fondement même de
l'ordre juridique communautaire » et « garantie constitutionnelle
». Pourtant, comme le souligne Henri Labayle et Rostane Mehdi à
juste titre, à propos de la limitation rationae temporis des
effets de l'arrêt Kadi, « plus qu'il n'en assure la
réalité, l'arrêt Kadi entretient l'illusion d'une
protection efficace »249.
247 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », article préc., p.
365.
248 BVerfGE, 22 octobre 1986, Solange II, BvR 197/83,
EuGRZ, p. 10.
249 LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », article préc., p.
365.
56
CONCLUSION
Claude Lévi-Strauss écrivait que « [c]haque
progrès donne un nouvel espoir, suspendu à la solution d'une
nouvelle difficulté. Le dossier n'est jamais clos. »250
Comme le prouvent les suites des affaires OMPI ou Kadi lors
desquelles des progrès fondamentaux ont été
effectués grâce au juge communautaire, de nouvelles
difficultés sont rapidement apparues.
Suite à l'arrêt Kadi rendu par la Cour,
Thomas Hammarberg affirmait que « l'arrêt de la Cour de justice
devrait se traduire par une évolution des procédures au Conseil
de sécurité »251. Malgré des
améliorations esquissées dès 2005252, les
procédures onusiennes d'aménagement des listes restaient encore
largement discrétionnaires en 2009253. La pratique du Conseil
au sein de l'Union prouve également bel et bien que la
dépolitisation du contentieux des mesures de gel des fonds n'est pas
achevée. L'OMPI, maintenue sur les listes antiterroristes après
le prononcé de l'arrêt du Tribunal en 2006, est un parfait exemple
du « mépris » du Conseil pour le principe de l'autorité
de la chose jugée et plus généralement du droit. Suite
à trois décisions de justice, l'OMPI a été
définitivement retirée de la liste annexée au
règlement CE n° 2580/2001254.
L'intervention du Parlement européen permettra peut
être de renverser la tendance sécuritaire du Conseil et
d'équilibrer les intérêts en présence lors de
l'édiction des sanctions intelligentes. L'article 215 TFUE pose en effet
l'obligation d'information du Parlement par le Conseil à propos des
mesures adoptées. Plus contraignant encore, la nouvelle base juridique
de l'article 75 TFUE dispose en outre que l'établissement du cadre de
mesures de gel des fonds devra répondre à l'exigence de la
participation du Parlement européen, jusqu'ici privé de tout
rôle dans la lutte antiterroriste par le Conseil, selon la
procédure législative ordinaire.
250 Mythologiques, t. I : Le Cru et le cuit,
Paris, Plon, 1964.
251 Commissaire aux droits de l'Homme auprès du Conseil de
l'Europe.
Voir « Terrorisme : vers la fin de l'arbitraire dans
l'établissement de listes noires ? », [
http://www.coe.int/t/commissioner/Viewpoints/081201_fr.asp].
252 MIRON A., article préc., p. 362 et s.
253 Ibid.
254 TPICE, 12 décembre 2006, OMPI, arrêt
préc. ; TPICE, 23 octobre 2008, People's Mojahedin Organization
of Iran c/ Conseil, aff. T-256/07, Rec. II-03019 ; TPICE, 4
décembre 2008, People's Mojahedin Organization of Iran c./
Conseil, T-284/08, Rec. II-03487.
57
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européenne, Bruxelles, Bruylant, 1998, 445 p.
GARCIA-JOURDAN S., L'émergence d'un espace
européen de liberté, de sécurité et de
justice, Bruxelles, Bruylant, 2005, 761 p.
58
OST F., VAN DER KERCHOVE M., De la pyramide au
réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles,
Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 2002, 596 p.
SPENCE D., The European Union and Terrorism, Londres,
John Harper Publishing, 2007, 268 p.
SOREL J-M (dir.), La lutte contre le financement du
terrorisme : Perspective transatlantique, Cahiers internationaux n°21
du CERDIN, Paris, Pedone, 2009, 210 p.
III. Articles, chroniques et contributions aux
ouvrages collectifs
A - Articles généraux
AZOULAI L., « Le rôle constitutionnel de la Cour de
justice des Communautés européennes tel qu'il se dégage de
sa jurisprudence », R.T.D.E., 2008, n° 44 (1), pp. 29-45.
LABAYLE H., « La Cour de justice et la modulation des
effets de sa jurisprudence : autres lieux ou autres moeurs ? »,
R.F.D.A., 2004, p. 663.
LABAYLE H., « Architecte ou spectatrice ? La Cour de
justice de l'Union dans l'Espace de liberté, sécurité et
justice », R.T.D.E., 2006, n° 42 (1), pp. 1-46.
LABAYLE H., « L'Espace de liberté,
sécurité et justice : la nouvelle frontière ? »,
Europe, juillet 2008, dossier 10.
PARTSCH PH-E., « Article 60 CE », in PINGEL
I. (dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par
article, Bâle, Paris, Bruxelles, Helbing Lichtenhahn, Dalloz,
Bruylant, 2ème éd., 2010, pp. 594-597.
SIMON D., « Le traité de Lisbonne et la
juridiction communautaire », Europe, janvier 2010, comm. 1.
TERPAN F., « Article 301 CE », in PINGEL I.
(dir.), De Rome à Lisbonne - Commentaire article par article,
Bâle, Paris, Bruxelles, Helbing Lichtenhahn, Dalloz, Bruylant,
2ème éd., 2010, pp. 1870-1874.
VAN DER JEUGHT S., « Le Traité de Lisbonne et la
Cour de justice de l'Union européenne », Journal de droit
européen, décembre 2009, n°164, pp. 297-303.
59
B - Articles relatifs à la lutte contre le
financement du terrorisme
ANGELET N., « Vers un renforcement de la
prévention et la répression du terrorisme par des moyens
financiers et économiques », in BANNELIER K., CHRISTAKIS
T., CORTEN O., DELCOURT B. (dir.), Le droit international face au
terrorisme, Cahiers internationaux n°17 du CEDIN, Paris, Pedone,
2002, pp. 219-237.
ANGELET N., WEERTS A., « La mise en oeuvre par la
Communauté européenne des mesures adoptées par les Nations
Unies en matière de lutte contre le financement du terrorisme »,
Journal des tribunaux - droit européen, 2006, n°127, pp.
73-75.
BENOIT L., « La lutte contre le terrorisme dans le cadre
du deuxième pilier : un nouveau volet des relations extérieures
de l'Union européenne », R.D.U.E., 2002, n° 2, pp.
283-313.
CAMERON I., « European Union Anti-Terrorist Blacklisting
», Human Rights Law Review, 2003, n° 2, pp. 225-256.
CORTEN O., « Vers un renforcement des pouvoirs du Conseil
de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ? », in
BANNELIER K., CHRISTAKIS T., CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit
international face au terrorisme, Cahiers internationaux n°17 du
CEDIN, Paris, Pedone, 2002, pp. 259-277.
FRATANGELO P., « L'Union européenne face à
la lutte contre le financement du terrorisme », R.D.U.E., 2006,
n° 4, pp. 815-840.
KARAGIANNIS S., « L'action de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe dans le cadre de la protection des droits
de l'homme : l'exemple des « listes noires » du Conseil de
sécurité des Nations Unies » in J-M SOREL (dir.),
La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, Cahiers internationaux n°21 du CERDIN, Paris,
Pedone, 2009, pp. 139-177.
KLEIN P., « Le Conseil de Sécurité et la
lutte contre le terrorisme : dans l'exercice de pouvoirs toujours plus grands ?
», Revue québécoise de droit international, hors
série, 2007, pp. 133-147.
LE FLOCH G., « La contribution des Nations Unies à
la lutte contre le financement du terrorisme », in SOREL J-M
(dir.), La lutte contre le financement du terrorisme : Perspective
transatlantique, Cahiers internationaux n° 21 du CERDIN, Paris,
Pedone, 2009, p. 18.
MOINY Y., « Le règlement (CE) n° 2580/2001
concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines
personnes et entités impliquées dans des actes de terrorisme - Un
règlement communautaire à revoir en profondeur ? »,
R.T.D.I., n° 28, 2007, pp. 189-190.
60
C - Articles relatifs aux sanctions pénales et
administratives
DELMAS-MARTY M., « Code pénal d'hier, droit
pénal d'aujourd'hui, matière pénale de demain »,
Recueil Dalloz, Chronique, 1986, pp. 27-28.
DOBKINE M., « L'ordre répressif administratif
», Recueil Dalloz, Chronique, 1993, pp. 157159.
MIRON A., « Les « sanctions ciblées du
Conseil de sécurité des Nations Unies, réflexions sur la
qualification juridique des listes du Conseil de sécurité »,
in THOUVENIN J-M. (dir.), « La rencontre des droits
(international, communautaire et interne) », Journée d'étude
organisée par le CEDIN de Paris Ouest Nanterre La Défense du 20
mars 2009, R.M.C.U.E., juin 2009, n°529, p. 361.
ROSENFELD E., VEIL J., « Sanctions administratives,
sanctions pénales », Pouvoirs, 2009/1, n° 128, pp.
61-73.
D - Articles relatifs à la définition du
terrorisme
SAUL B., « Defining terrorism in international law
», Human Rights Law Review, 2007, n° 7, pp. 643-648.
SOREL J-M., « Existe-t-il une définition
universelle du terrorisme ? » in BANNELIER K., CHRISTAKIS T.,
CORTEN O., DELCOURT B (dir.), Le droit international face au
terrorisme, Cahiers internationaux n°17 du CEDIN, Paris, Pedone,
2002, pp. 35-68.
SOREL J-M., « Some Questions About the Definition of
Terrorism and the Fight Against Its Financing », E.J.I.L., 2003,
Vol. 14, n°2, pp. 365-378.
E - Articles relatifs à l'articulation des ordres
juridiques
BERGÉ J-S. « Interaction du droit international et
européen », J.D.I, n° 3/2009, chron. 4, pp.
903-922.
BORE EVENO V., « Le contrôle juridictionnel des
résolutions du Conseil de sécurité : vers un
constitutionnalisme international ? », R.G.D.I.P., 2006,
n°4, pp. 827-860.
61
D'ARGENT P., « Arrêt Kadi : le droit communautaire
comme le droit interne », Journal de droit européen, 2008,
n° 153, pp. 265-268.
HALBERSTAM D., STEIN E., « The United Nations, the
European Union, and the King of Sweden : economic sanctions and individual
rights in a plural world order », C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp.
13-72.
JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première
instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des
Nations Unies Merci monsieur le Professeur' », L'Europe des
Libertés, 2006, n° 19, pp. 2-6.
JACQUÉ J-P., « Primauté du droit
international versus protection des droits fondamentaux, à propos de
l'arrêt Kadi de la Cour de justice des Communautés
européennes », R.T.D.E., 2009, n° 45, pp. 161-179.
KUNOY B., DAWES A., « Plate tectonics in Luxembourg : the
ménage à trois between EC Law, International Law and the
European Convention on Human Rights following the UN sanctions cases »,
C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp. 73-104.
SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première
instance des Communautés : Professeur de droit international ? -
À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et
Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm.
12.
SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les
affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour
le Tribunal de première instance? », Europe, novembre
2008, comm. 9.
STANGOS P., GRYLLOS G., « Le droit communautaire à
l'épreuve des réalités du droit international :
leçons tirées de la jurisprudence communautaire récente
relevant de la lutte contre le terrorisme international », Cahiers de
droit européen, 2006, n° 3-4, pp. 429-481.
F - Articles relatifs au contrôle juridictionnel
et à la protection juridictionnelle
BERRAMDANE A., « Les limites de la protection
juridictionnelle dans le cadre du titre VI du traité sur l'Union
européenne », R.D.U.E., 2007, n° 2, pp. 433-452.
LABAYLE H., MEHDI R., « Le contrôle juridictionnel
de la lutte contre le terrorisme », R.T.D.E., 2009, n° 45
(2), pp. 231-265.
GILLIAUX P., « L'intensité du contrôle de la
légalité par les juridictions communautaires », Journal
de droit européen, février 2009, n°156, pp. 37-45.
MOINY Y., « Aperçu de la jurisprudence
communautaire développée dans le cadre de la lutte contre le
financement du terrorisme international », R.D.U.E., 2009,
n°1, pp. 31-54.
62
MOINY Y., « Le contrôle, par le juge européen,
de certaines mesures communautaires visant à lutter contre le
financement du terrorisme », Journal de droit européen,
mai 2008, n°149, pp. 137-143.
G - Notes et commentaires d'arrêts
D?ARGENT P., « Arrêt Kadi : le droit communautaire
comme le droit interne », Journal de droit européen, 2008,
n° 153, pp. 265-268.
DO T.U., « Arrêt Yassin Abdullah Kadi et Al
Barakaat International Foundation c. Conseil et Commission »,
R.D.U.E., 2008, n° 4, pp. 867-872.
ENYEGUE E., « De la difficulté d'assurer le
respect des droits de l'homme en période exceptionnelle. A propos de
l'arrêt A. et Autres c. Royaume-Uni, du 19 février 2009 »,
L'Europe des Libertés, mai 2009, n°29, pp.11-14.
GATTINI A., « Commentaire de l'arrêt C-402/05 P et
415/05 P, Yassin Abdullah Kadi, Al Barakaat International Foundation v. Council
and Commission », C.M.L.R., 2009, Vol. 46, pp. 213-239.
JACQUÉ J-P., « Le Tribunal de Première
instance face aux résolutions du Conseil de Sécurité des
Nations Unies Merci monsieur le Professeur? », L'Europe des
Libertés, 2006, n° 19, pp. 2-6.
MARIATTE F., « Motivation des décisions de gel des
fonds adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme »,
Europe, octobre 2007, comm. 233.
MARIATTE F., « Lutte contre le terrorisme, sanctions
économiques et droits fondamentaux », Europe,
février 2007, comm. 45.
MARIATTE F., « Sanctions économiques
internationales, jus cogens et droit à la protection diplomatique
», Europe, octobre 2006, comm. 270.
SIMON D., « Sanctions antiterroristes et droits
fondamentaux », Europe, novembre 2009, comm. 395 et 396.
SIMON D., « Sanctions antiterroristes et droits
fondamentaux », Europe, octobre 2009, comm. 349.
SIMON D., « Lutte contre le terrorisme et droits
fondamentaux », Europe, février 2009, comm. 57.
SIMON D., « Lutte contre le terrorisme et droits
fondamentaux », Europe, décembre 2008, comm. 402.
63
SIMON D., MARIATTE F., « Le Tribunal de première
instance des Communautés : Professeur de droit international ? -
À propos des arrêts Yusuf, Al Barakaat International Foundation et
Kadi du 21 septembre 2005 », Europe, décembre 2005, comm.
12.
SIMON D., RIGAUX A., « Le jugement des pourvois dans les
affaires Kadi et Al Barakaat : smart sanctions pour
le Tribunal de première instance? », Europe, novembre
2008, comm. 9.
IV. Documents officiels
A - Communauté européenne et Union
européenne
1. Traités et accords
Versions consolidées du traité sur l'Union
européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne, JOUE n° C 83 du 30 mars 2010, p. 1.
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
JOUE n° C 83 du 30 mars 2010, p. 389.
Accord entre la Communauté européenne et les
États-Unis sur le traitement et le transfert de données PNR par
des transporteurs aériens au bureau des douanes et de la protection des
frontières du DHS, JOCE n° L 183 du 20 mai 2004.
2. Législation en vigueur
Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces
données, JOCE n° L 281du 23 novembre 1995.
Règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27
décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives
spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, JOCE n° 344/70 du
28 décembre 2001, p. 70.
Règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil du 27 mai
2002 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à
l'encontre de certaines personnes et entités liées à
Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le
règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l'exportation de
certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan,
renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds
et autres ressources financières décidées à
l'encontre des Taliban d'Afghanistan, JOCE n° L 139/9 du 29 mai
2002, p. 9.
64
Position commune 2001/930/PESC du Conseil du 27
décembre 2001 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE
n° L 344/90 du 28 décembre 2001, p. 90.
Position commune 2001/931/PESC du Conseil du 27
décembre 2001 relative à l'application de mesures
spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, JOCE,
n° L 344/93 du 28 décembre 2001, p. 93.
Position commune du Conseil du 27 mai 2002 concernant des
mesures restrictives à l'encontre d'Oussama ben Laden, des membres de
l'organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes,
entreprises et entités associés, et abrogeant les positions
communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC, JOCE
n° L 139 du 29 mai 2002, p. 4.
Décision-cadre du Conseil n° 2002/475/JAI du 13
juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JOCE
n° L 164 du 22 juin 2002, p. 3.
Communication de la Commission au Conseil, au Parlement
européen et au Comité économique et social européen
du 28 novembre 2005 - Prévenir et combattre le financement du terrorisme
par une meilleure coordination au niveau national et une plus grande
transparence des organismes à but non lucratif, COM (2005) 620
final, 29 novembre 2005, JOCE n° C 122 du 23 mai 2006.
Livre vert de la Commission du 26 avril 2006 sur la
présomption d'innocence, COM (2006) 174 final, 26 avril 2006,
disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://eur-ex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2006:0174:FIN:FR:PDF.
3. Conclusions du Conseil européen
Conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16
octobre 1999, disponible en ligne à
l'adresse suivante :
http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/ec/00200-r1.f9.htm.
Conclusions et Plan d'action du Conseil européen
extraordinaire, 21 septembre 2001,
disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/ACF3B0F.pdf.
B - Organisation des Nations Unies
1. Conventions
Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme, Résolution adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies [sur le rapport de
la Sixième
65
Commission (A/54/615)], A/RES/54/109, New York, 9 décembre
1999, disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://untreaty.un.org/French/terrorism/Conv12.pdf.
2. Résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies
Résolution S/RES/1267(1999) adoptée par le Conseil
de sécurité lors de sa réunion n° 4051
du 15 octobre 1999, disponible en ligne à l'adresse
suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/1999/99s1267.htm.
Résolution S/RES/1333(2000) adoptée par le Conseil
de sécurité lors de sa réunion n° 4251
du 19 décembre 2000, disponible en ligne à
l'adresse suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1363f.pdf.
Résolution S/RES/1373(2001) adoptée par le Conseil
de sécurité lors de sa réunion n° 4385
du 28 septembre 2001, disponible en ligne à l'adresse
suivante :
http://www.un.org/french/docs/sc/2001/res1373f.pdf.
C - Conseil de l'Europe
Convention européenne pour la répression du
terrorisme, Strasbourg, 27 janvier 1977, amendée par un protocole en
date du 15 mai 2003, disponible en ligne à l'adresse suivante :
http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/090.htm.
Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte
contre le terrorisme, adoptées par le Comité des ministres du
Conseil de l'Europe le 11 juillet 2002 lors de la 804e réunion des
Délégués des ministres, Strasbourg, Editions du
Conseil de l'Europe, 2ème édition, 2002, 48 p, disponible en
ligne à l'adresse suivante :
http://www.coe.int/t/E/Human_Rights/5692-1.pdf.
Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, rapport de
D. Marty, Listes noires du Conseil de sécurité des Nations
Unies et de l'Union européenne, 16 novembre 2007, Doc. 11454, [
http://assembly.coe.int/mainf.asp?Link=/documents/workingdocs/doc07/fdoc11454.htm].
D - Rapports, notes
Note interprétative de la Recommandation
spéciale III : Gel et confiscation des biens des terroristes du Groupe
d'Action Financière Internationale (GAFI), disponible en ligne à
l'adresse suivante :
http://www.fatf-gafi.org/dataoecd/53/33/34262245.PDF.
JOHNSTON R.B., NEDELESCU O.M., The impact of Terrorism on
Financial Markets, WP/05/60, IMF Working Paper, Washington D.C., 2005.
66
House of Lords, Select Committee on Economic Affairs, The
Impact of Economic Sanctions, 2nd Report of Session 2006-2007, vol. II, p.
5.
V. Sites internet
http://curia.europa.eu/
http://europa.eu/
http://eur-lex.europa.eu/
http://www.un.org/french/terrorism/
http://www.coe.int/t/commissioner/Viewpoints/081201_fr.asp
(Points de vue,
2008, « Terrorisme : vers la fin de l'arbitraire dans
l'établissement de listes noires », par Thomas Hammarberg,
Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe).
http://parlemento.wordpress.com/2009/10/23/a-quoi-servent-les-listes-terroristes/
67
JURISPRUDENCE
I. JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES
A - Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes (TPICE)
TPICE, 26 avril 2005, José Maria Sison c./ Conseil
de l'Union européenne, aff. jointes T110/03, T-150/03 et T-405/03,
Rec. II-01429.
TPICE, 21 septembre 2005, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat
International Foundation c./ Conseil et Commission, aff. T-306/01,
Rec. II-3533.
TPICE, 21 septembre 2005, Yassin Abdullah Kadi c./ Conseil
et Commission, aff. T-315/01, Rec. II-3649.
TPICE, 12 juillet 2006, Chafiq Ayadi c./ Conseil,
aff. T-253/02, Rec. II-2139.
TPICE, 12 juillet 2006, Faraj Hassan c./ Conseil et
Commission, aff. T-49/04, Rec. II-2139.
TPICE, 12 décembre 2006, Organisation des
Modjahedines du peuple d'Iran (OMPI) c./ Conseil, aff. T-228/02,
Rec. II-4665.
TPICE, 31 janvier 2007, Leonid Minin c./ Commission,
aff. T-362/04, Rec. II-002003. TPICE, 11 juillet 2007, Sison c./
Conseil, aff. T-47/03, Rec. II-00073.
TPICE, 11 juillet 2007, Al-Aqsa c./ Conseil, aff.
T-327/03, Rec. II-00079.
TPICE, 3 avril 2008, Osman Ocälan c./ Conseil de
l'Union européenne, aff. T-229/02, Rec. II-00045.
TPICE, 23 octobre 2008, People's Mojahedin Organization of
Iran c./ Conseil, aff. T-256/07, Rec. II-03019.
TPICE, 4 décembre 2008, People's Mojahedin
Organization of Iran c./ Conseil, T-284/08, Rec. II-03487.
TPICE, 2 septembre 2009, Mohamed El Morabit c./
Conseil, aff. T-37/07 et T-323/07, non encore publié au Recueil,
JOUE n° C 256 du 24 octobre 2009.
TPICE, 30 septembre 2009, Jose Maria Sison c./
Conseil, aff. T-341/07, non encore publié au Recueil, JOUE
n° C 282 du 21 novembre 2009.
TPICE, 14 octobre 2009, Bank Melli Iran c./ Conseil,
aff. T-390/08, non encore publié au Recueil, JOUE n° C 282
du 21 novembre 2009.
68
B - Cour de Justice des Communautés
Européennes (CJCE)
CJCE, 12 novembre 1969, Stauder, aff. 29/69,
Rec. 00419, conclusions de l'avocat général Roemer
présentées le 29 octobre 1969.
CJCE, 17 décembre 1970, Internationale
Handelsgesellschaft mbH, aff. 11/70, Rec. 01125, conclusions
jointes de l'avocat général Dutheillet de Lamothe
présentées le 2 décembre 1970.
CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec.
00491, conclusions de l'avocat général Trabucchi
présentées le 28 mars 1974.
CJCE, 23 avril 1986, « Les Verts » c./ Parlement
européen, aff. 294/83, Rec. 1350, conclusions de l'avocat
général Mancini présentées le 4 décembre
1985.
CJCE, 16 juin 1998, Racke, aff. C-162/96,
Rec. J-03655, conclusions de l'avocat général Jacobs
présentées le 4 décembre 1997.
CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, aff. C-112/00,
Rec. J-05659, conclusions de l'avocat général Jacobs
présentées le 11 juillet 2002.
CJCE, 16 juin 2005, Procédure pénale contre
Maria Pupino, aff. C-105/03, Rec. J-05285, conclusions de
l'avocat général Kokott présentées le 11 novembre
2004.
CJCE, 18 janvier 2007, Osman Ocälan au nom de PKK
e.a., aff. C-229/05 P, Rec. J-439, conclusions de l'avocat
général Kokott présentées le 27 septembre 2006.
CJCE, 1er février 2007, Jose Maria Sison c./
Conseil, C-266/05, Rec. J-1233, conclusions de l'avocat
général Geelhoed présentées le 22 juin 2006.
CJCE, 27 février 2007, Segi et Gestoras Pro
Amnistia c./ Conseil de l'Union européenne, aff. jointes C-354/04 P
et C-355/04 P, Rec. J-1579 J-1657, conclusions de l'avocat
général Mengozzi présentées le 26 octobre 2006.
CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et
germonanophone, aff. C-305/05, Rec. J-05305, conclusions de
l'avocat général Poiares Maduro présentées le 14
décembre 2006.
CJCE, 11 octobre 2007, Möllendorf, aff.
C-117/06, Rec. J-8361, conclusions de l'avocat général
Mengozzi présentées le 8 mai 2007.
CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International
Foundation c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-402/05 P et C-415/05
P, Rec. J-06351, conclusions de l'avocat général Poiares
Maduro présentées le 16 janvier 2008.
69
C - Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE)
(à partir du 1er décembre 2009)
CJUE, 3 décembre 2009, Faraj Hassan, et Chafiq Ayadi
c./ Conseil et Commission, aff. jointes C-399/06 P et C-403/06 P, non
encore publié au Recueil, JOUE n° C 24 du 30 janvier
2010.
CJUE, 29 avril 2010, M (FC) e.a. c./ Her Majesty's
Treasury, aff. C-340/08, non encore publié au Recueil, conclusions
de l?avocat général Paolo Mengozzi présentées le 14
janvier 2010.
II. JURIDICTIONS EUROPÉENES ET
INTERNATIONALES
A - Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)
CEDH, Gde Ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm
Ve Ticaret Sirketi c./ Irlande, Requête n° 45036/98.
Rec. 2005-VI.
CEDH, Gde Ch., 31 mai 2006, Behrami et Behrami c./ France
(Requête n° 71412/01) et Saramati c./ France, Allemagne et
Norvège (Requête n° 78166/01).
CEDH, 23 mai 2002, SEGI & Gestoras Pro-Amnistia,
Requêtes n° 71412/01 et 78166/01.
B - Cour internationale de justice de la Haye (CIJ)
(i) Avis
CIJ, avis consultatif, 21 juin 1971, Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité, Rec. 1971, p. 22.
(ii) Arrêts
CIJ, Ordonnance du 14 avril 1992, demande en indication de
mesures conservatoires, Questions d'interprétation et d'application
de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis
d'Amérique), Rec. 1992, p. 114.
70
CIJ, arrêt du 27 février 1998, exceptions
préliminaires, Questions d'interprétation et d'application de
la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis
d'Amérique), Rec. 1998, p. 115.
III. JURIDICTIONS NATIONALES
A - Tribunal constitutionnel allemand
(Bundesverfassungsgericht)
BVerfGE, 29 mai 1974, Solange I, BvL 52/71, BVerfGE
t. 37, p. 271. BVerfGE, 22 octobre 1986, Solange II, BvR 197/83,
EuGRZ, p. 10.
71
INDEX JURISPRUDENTIEL
Al-Aqsa
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45
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Bank Melli Iran
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40,
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45
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Behrami
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41
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Bosphorus
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37
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Chafiq Ayadi
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39,
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46
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Commission c./ Lisrestal
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44
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Costa
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41
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Faraj Hassan
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39,
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46
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Faraj Hassan et Chafiq Ayadi
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42
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Internationale Handelsgesellschaft mbH
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42
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Kadi et Al Barakaat International Foundation
Leonid Minin
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1,
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27,
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28,
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29,
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40,
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41,
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42,
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43,
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44,
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45
26
|
Les Verts
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31
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M (FC) e.a.
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52
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Maria Pupino
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35
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Mohamed El Morabit
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44
|
Möllendorf
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47
|
Nold
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42
|
Ordre des barreaux francophones et germanophone
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43
|
Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran
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31,
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34,
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35,
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40,
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44,
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45,
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46,
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47,
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48,
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49,
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50
|
Racke
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39
|
Schmidberger
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43
|
Segi et Gestoras Pro Amnistia
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34,
|
35,
|
36,
|
40,
|
46,
|
47
|
Sison
|
|
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20,
|
45,
|
47,
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49
|
SNUPAT c/ Haute Autorité
|
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51
|
Solange
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52
|
Stauder
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42
|
Van Gend en Loos
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41
|
Yassin Abdullah Kadi
|
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|
|
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24,
|
26,
|
29,
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37,
|
38,
|
46
|
Yusuf et Al Barakaat International Foundation
|
|
|
|
24,
|
25,
|
26,
|
29,
|
37,
|
38,
|
39,
|
46
|
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 1
LISTE DES ABRÈVIATIONS 2
INTRODUCTION 3
PREMIÈRE PARTIE. LE GEL DES FONDS, MESURE SUI
GENERIS DE LUTTE
CONTRE LE TERRORISME 10
Chapitre 1. La complexité des sources
10
Section 1. [a complexité relative des sources
internationales 10
Paragraphe 1. Le caractère ciblé de la
règlementation ante-11 septembre 2001 11
Paragraphe 2. Le caractère général de la
règlementation post-11 septembre 2001 13
Section 2. [a complexité avérée des
sources communautaires 16
Paragraphe 1. Une liste internationale d'exécution
16
Paragraphe 2. Deux listes communautaires
complémentaires 18
Chapitre 2. Les discussions sur la nature juridique
20
Section 1. La discussion sur l?objet 20
Paragraphe 1. La discussion sur le caractère
pénal de la mesure 21
Paragraphe 2. La discussion sur le caractère
administratif de la mesure 23
Section 2. [a discussion sur les fondements 25
Paragraphe 1. La solution du Tribunal de première
instance 26
Paragraphe 2. Le raisonnement fragile de la Cour 29
72
SECONDE PARTIE. LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DU GEL
DES FONDS ... 33
73
Chapitre 1. Les obstacles au contrôle
33
Section 1. L'immunité contentieuse des positions
communes 33
Paragraphe 1. Les carences du traité sur l'Union
européenne 34
Paragraphe 2. Le contrôle indirect des positions
communes 36
Section 2. La primauté des résolutions
onusiennes 38
Paragraphe 1. Un contrôle délicat 39
Paragraphe 2. « L'internalisation » du
différend 42
Chapitre 2. Les modalités du contrôle
44
Section 1. Un contrôle à l'aune des droits
fondamentaux 45
Paragraphe 1. La reconnaissance de garanties variées
45
Paragraphe 2. Le risque d'un traitement discriminatoire
48
Section 2. Un contrôle limité par la Cour
50
Paragraphe 1. La prise en compte des exigences de la lutte
antiterroriste 51
Paragraphe 2. La limitation dans le temps des effets des
arrêts 52
CONCLUSION 56
BIBLIOGRAPHIE 57
JURISPRUDENCE 67
INDEX JURISPRUDENTIEL 71
|
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