Faculté de Droit et de sciences politiques
Master 1 Droit public
Mémoire présenté par Élise
Fraysse
Le pouvoir de Standard and Poor's,
illustrationde la raison
néolibérale
Directeur de mémoire :
M. Guillaume Protière, maître de
conférences en droit public
Année 2011-2012
« Contre vents et marées, savoir se
maintenir. »
Goethe
Introduction
Section 1. Les agences de notation, fruit de l'Histoire
« C'est une aliénation de soi, une
déshumanisation d'autant plus infâme et plus poussée que
son élément n'est plus la marchandise, le métal, le
papier, mais l'existence morale, l'existence sociale, l'intimité du
coeur humain elle-même »1(*). Voilà comment Karl Marx définit la
dette, et par là même la relation entre le créancier et le
débiteur. Ainsi, si l'on suit Marx, en empruntant de l'argent, le
débiteur donne en réalité une part de lui-même,
puisqu'il donne sa parole de rembourser. De la même façon, le
créancier, en acceptant de prêter de l'argent - prêt qu'il
corrobore d'intérêts, accorde sa confiance au débiteur. Le
débiteur comme le créancier consentent donc à mettre sur
le marché une partie d'eux-mêmes, voire s'aliènent
complètement, puisque ce qui est exploité, c'est le
« travail éthique de la constitution de
soi »2(*).
C'est ce qui caractérise le marché de la dette, qui ne se
contente donc pas de mettre en relation l'offre et la demande afin qu'elles se
satisfassent instantanément, comme on peut l'imaginer pour la plupart
des autres marchés.
Car ce qui s'échange réellement sur le
marché de la dette, ce ne sont pas des biens palpables, ce sont des
sentiments humains et des promesses, celle de s'acquitter de la dette et celle
de remboursement dans le futur. Par là même,
« octroyer un crédit oblige à estimer ce qui est
inestimable »3(*), à savoir un comportement futur et
incertain : la capacité ou la volonté de rembourser sa dette
dans plusieurs années. Puisqu'il est impossible de connaitre du
futur, les acteurs du marché de la dette ont trouvé une
parade :il suffira de « réduire ce qui sera à
ce qui est, c'est-à-dire à réduire le futur et ses
possibles aux relations de pouvoir actuelles»4(*), peu importe qu'il y ait une
réelle correspondance entre le présent et le futur de
l'économie.
Si le marché de la dette est un marché de
promesses incertaines, car tournées vers un futur incertain et qui, de
la sorte, aliène « les sentiments les plus nobles du
coeurhumain »5(*) - que sont la confiance et la reconnaissance de
l'autre -, il est dès lors indéniable que c'est un marché
dangereux et risqué. Marx, en réfléchissant sur la
relation entre créancier et débiteur, imaginait la dette entre
Hommes. Or, aujourd'hui, la dette qui tourmente le monde entier, c'est
plutôt celle des Etats, car elle prend des proportions
démesurées. Qu'en aurait pensé Marx ? L'Etat, puisque
personne n'a jamais déjeuné avec « lui »,
n'est a fortiori doué d'aucun sentiment, de coeur ou de
moralité. Dès lors, quelle aliénation subit l'Etat
lorsqu'il emprunte de l'argent sur le marché obligataire - par
l'émission d'une obligation ? Peut-être serait-ce ce qui le
caractérise et le distingue parmi le reste, à savoir la
souveraineté. Sans aller jusqu'à dire que sa souveraineté
est complètement aliénée, il semble pour le moins qu'elle
soit écorchée, puisque l'Etat remet une part de son futur - et de
celui de ses citoyens - aux mains d'entités distinctes de lui, qui lui
prêtent de l'argent, afin qu'il continue à exercer ses fonctions
et par là même, son pouvoir. Si cet écorchement reste
relativement superflu quand la dette d'un Etat est relativement peu importante,
il est indéniable que celui-ci devient plus important quand la dette
augmente.
La dette publique des Etats s'est considérablement
développée à partir des années 1970, suite à
une série d'évènements tant politiques que structurels
(élection de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, chocs
pétroliers, fin des accords de BrettonWoods...)6(*).Depuis, la dette publique n'a
cessé d'augmenter si bien qu'aujourd'hui, celle de la France
s'élève à hauteur de 85,7% du Produit Intérieur
Brut (PIB), soit près de 1 717,3 milliard d'euros7(*), dont près de 78% est
composée de la seule dette souveraine. Le cas de la France n'est pas
isolé, en témoigne la crise de la dette actuelle qui touche une
grande partie des pays du monde.Face à cette
généralisation de la dette publique et à
l'évincement des banques centrales pour prêter de l'argent aux
Etats, ceux-ci ont été de plus en plus enclins à
intervenir sur le marché obligataire, afin de se financer.
Alors qu'au départ, le choix de son partenaire se
faisait selon les « affinités » des entités
entre elles, la généralisation et l'approfondissement de la dette
ont augmenté le nombre de partenaires envisageables. Ainsi, un besoin
potentiel est né : celui d'obtenir des informations pour savoir
à qui emprunter et à qui prêter. En effet, les relations
entre les Etats du monde occidental s'étant pacifiées depuis la
fin de la Guerre froide, la subjectivité (les affinités) a
laissé place à l'objectivité (la rentabilité) pour
choisir son partenaire sur le marché obligataire.
Celles qui deviendront les agences de notation
financières ont tenté de répondre à ce besoin, en
prodiguant des notes, qui évaluent la capacité et la
volonté de l'acteur concerné à rembourser sa dette dans le
temps qui lui est imparti8(*). Parmi elles, Standard and Poor's est la plus
importante et la plus ancienne. Cette agence, en tant que telle, nait en 1941,
de la fusion de Standard Statistics et Poor's, qui fournissaient
déjà des renseignements financiers aux investisseurs dès
18489(*). Ce n'est qu'au
début des années 1980 que Standard and Poor's commence à
publier des notes sur les autorités publiques - villes, Etats ou
établissements publics. Standard and Poor's, société
commerciale, à l'instar des autres agences de notation, devient
dès lors un instrument incontournable de la finance puisqu'elle
croît à mesure que la dette se généralise et
grandit.
Section 2. Le néolibéralisme, fruit de
l'Histoire
La croissance de la dette à partir des années
1980 n'est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d'une nouvelle
politique, menée notamment par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. La
dette, tant privée que publique, est même encouragée, pour
lutter contre la stagflation, à l'aide de taux d'intérêt
élevés. Afin de financer l'économie, le recours à
l'emprunt va être privilégié au détriment du recours
à l'impôt ou à l'inflation. De même, en recourant aux
privatisations des entreprises publiques, à la diminution de la pression
fiscale, on assiste à une certaine
« désacralisation du fait politique et la perte de
prestige et d'autorité des dirigeants »10(*) si bien que, comme le note
Jacques Gérard, « l'occupant de la place Beauvau
n'est plus ministre de l'Intérieur mais ministre des policiers, celui de
la rue de Grenelle, ministre des enseignants »11(*)... Quand l'un de ces groupes
n'obtient pas satisfaction, la révolte peut être violente,
d'où l'octroi de ressources supplémentaires. Les classes
aisées, quant à elles, demandent à être moins
imposées fiscalement, par le biais de leurs représentants
politiques. Ainsi, l'Etat gagne moins, du fait des privatisations, et il
dépense plus, du fait du dérèglement du fonctionnement
démocratique, d'où l'accroissement de la dette.
La politique initiée par Margaret Thatcher et Ronald
Reaganet relayée par tant d'autres dirigeantsnait en réaction
à celle menéeauparavant, qui faisait prévaloir une
conception interventionniste de l'Etat. C'est dans le modèle
néolibéral que l'on a trouvé une réponse aux
défaillances du modèle de l'Etat Providence.Si l'Histoire se
construit en réaction au passé, elle n'est pas pour autant
réactionnaire ; elle ne fait pasmarche arrière, si bien que
le néolibéralisme n'est pas le libéralisme. Le
néolibéralisme est ainsi également apparu
« contre l'idéologie naturaliste du laissez
faire »12(*). En effet, selon la raison libérale, toute
intervention de l'Etat dans l'économie est proscrite, puisqu'elle ne
fait que déranger le marché, naturel et régi par une
« main invisible », pour reprendre les mots d'Adam Smith.
Le néolibéralisme rompt avec cela dans la mesure où il se
place « sous le signe d'une vigilance, d'une activité
d'une intervention permanente »13(*).
Le néolibéralisme s'est donc construit en
réaction à l'interventionnisme qui l'a
précédé sans pour autant revenir au modèle
libéral ; ce n'est pas la réactivation de vieilles
théories économiques. Il est important, pour Michel Foucault
notamment - premier à considérer et à systématiser
le modèle néolibéral en tant que tel - de ne pas
« laminer le présent dans une forme reconnue dans le
passé, mais qui serait censée valoir dans le
présent »14(*). Dès lors, « le
néolibéralisme, ce n'est pas Adam Smith, ce n'est pas la
société marchande, ce n'est pas le Goulag à
l'échelle insidieuse du capitalisme »15(*). Cette volonté de
double-rupture- avec l'interventionnisme d'une part et le laisser-faire d'autre
part - nait dans les esprits de grands économistes dès les
années 1930, et notamment lors du colloque Walter Lippmann,
organisé à Paris en 1938. Ce colloque, qui regroupe entre autres
Friedrich vonHayek, Wilhelm Röpk et Ludwig Von Mises,
est considéré comme l'an I de l'histoire du
néolibéralisme16(*). Si le néolibéralisme n'est pas un
libéralisme ravivé, ce n'est pas non plus un libéralisme
exacerbé, un ultralibéralisme17(*).Le
néolibéralisme est donc quelque chose de nouveau, mais reste
à savoir ce que c'est vraiment.
Comme le notent les auteurs Dardot et Laval, le
néolibéralisme n'est pas une idéologie passagère ni
une« politique économique qui donne au commerce et
à la finance une place
prépondérante » ; « il s'agit
de bien plus : de la manière dont nous vivons, de la manière
dont nous sentons, dont nous pensons. Ce qui est en jeu ce n'est ni plus ni
moins que la forme de notre existence »18(*). Le
néolibéralisme n'est pas une simple politique économique,
ni une idéologie, en ce qu'elle n'est pas propre à une
sensibilité politique19(*). C'est l'idée d'une logique plus que la
logique d'une idée20(*). Le néolibéralisme est une raison,
celle du moindre Etat21(*), une « gouvernementalité »
- notion foucaldienne pouvant être définie comme la
« conduite des conduites »22(*) - en ce que son majeur
problème, c'est de « savoir comment on peut régler
l'exercice global du pouvoir politique sur les principes de l'économie
de marché »23(*), et non l'inverse.Selon Antoine Garapon, trois
éléments fondamentaux caractérisent le
néolibéralisme : d'abord, le marché est
créé par l'Etat ; ensuite, le modèle du marché
est étendu à tous les secteurs de la vie humaine ; enfin,
« c'estmoins l'échange qui compte que la
concurrence »24(*). Le néolibéralisme n'est donc pas
seulement une façon de penser, c'est davantage une façon de vivre
et de gouverner les Hommes, si bien qu'il s'imagine comme étant une
nouvelle divinité25(*), omniscient et infaillible.
Ce qui est sûr, c'est que le
néolibéralisme n'est pas mort. Tel un animal usant de la
technique de la thanatose, faisant fi d'être mort afin de mieux attaquer
sa proie, le néolibéralisme est toujours vivant et vivace, en
dépit des nombreuses annonces de sa mort suite à la crise
financière de 2008. Dans la mesure où il s'agit bien plus d'une
idéologie, le néolibéralisme ne peut pas mourir à
la première tempête - aussi importante soit-elle. Il a
contribué à modifier la forme même du pouvoir et apparait
ainsi comme particulièrement déroutant car
« c'est un pouvoir abstrait, qui se dénie lui-même,
qui ne s'énonce pas, qui ne se met pas en scène et qui est donc
difficilement représentable »26(*). Le
néolibéralisme flotte au-dessus de nous, il se retrouve partout
sans s'énoncer nulle part, il dirige des esprits et non plus des corps
si bien que son aboutissement même est de
« s'euphémiser au point de sembler
disparaitre »27(*).
Section 3. Standard and Poor's, fruit du
néolibéralisme ?
Si le néolibéralisme s'euphémise au point
de disparaitre, s'il est partout sans être pour autant distinctement
visible, il est pourtant certain que certaines choses le révèlent
de façon plus évidente. Le néolibéralisme n'est pas
une idéologie, de sorte qu'il n'épargne rien. Il s'infiltre dans
tous les domaines, même ceux que l'on croyait relever du naturel.Le
néolibéralisme a profondément modifié la
façon de gouverner ; il a modifié le pouvoir et la
façon de l'exercer. Dès lors, le pouvoir, à l'instar du
néolibéralisme lui-même, est de moins en moins
perceptible ; il n'est plus centralisé28(*) comme il l'était sous
l'ère de la souveraineté29(*). L'effondrement de la souveraineté dans le
génocide30(*) a en
effet mené à ce que les Etats ne soient plus les seuls à
être détenteurs du pouvoir.Le pouvoir n'est plus aussi entier
qu'il ne l'était auparavant : il ne s'illustre plus par la
discipline, l'injonction ou le statique. La souveraineté procède
de la croyance en une source unique du pouvoir31(*). Le néolibéralisme, au contraire,
procède de la croyance que le pouvoir est partout si bien que
« la raison du pouvoir n'est plus recherchée dans une
instance souveraine transcendant la société, mais dans des
règles de fonctionnement inhérentes à
celles-ci »32(*). Il n'y a plus que des forces qui circulent ; le
pouvoir n'est plus extrinsèque, il n'est par là même pas
réellement identifiable. Dès lors, peut-être que le
néolibéralisme a tout simplement fait échouer la notion
même de pouvoir, si bien qu'il pourrait être remplacé par la
notion de force33(*).
On l'a compris, le néolibéralisme, c'est le
règne de l'immanence contre la transcendance. Or, quoi de plus immanent
que Standard and Poor's ? Standard and Poor's, qui est née pour le
marché, dans le marché, pourrait presque d'instinct être
rattachée au néolibéralisme, dans la mesure où
celui-ci considère le marché comme modèle de la
société. Sentinelle des marchés financiers34(*), les agences de notation
pourraient ainsi être également considérées comme la
sentinelle de la raison néolibérale, car les marchés sont
le lieu même où le néolibéralisme est le plus
exacerbé. Si tel était pleinement le cas, le pouvoir de Standard
and Poor's ne serait à peine visible, conformément aux
présupposés néolibéraux. Or, aux yeux de nombreux
citoyens et dirigeants, le pouvoir de Standard and Poor's est pleinement
visible et parfois, condamnable de sorte que la question de savoir si Standard
and Poor's s'inscrit dans le paradigme néolibéral peut se poser.
Si avènement du paradigme néolibéral il y
a, celui-ci se révèle surtout par rapport à l'Etat car
c'est celui-ci que le néolibéralisme bouscule en premier lieu. Ce
sont donc les rapports de pouvoir entre Standard and Poor's et l'Etat qui
seront le plus révélateur de l'avènement du paradigme
néolibéral. C'est donc non seulement dans le fonctionnement et la
pensée même de Standard and Poor's, mais également dans la
réception de ce modèle par l'Etat que pourra se déceler le
néolibéralisme chez Standard and Poor's - c'est-à-dire
tant dans son comportement que dans ce qu'elle inculque.En prenant le
marché pour modèle de société, en ce qu'il tend
à une meilleure efficacité - en réduisant au maximum les
externalités négatives de chaque comportement - et à une
maximisation des richesses, il semble que la ligne de conduite de Standard and
Poor's prenne majoritairement deux directions - qui vont d'ailleurs dans le
même sens : le néolibéralisme. D'une part, elle fait
de la concurrence son axiome de pensée, car en elle réside
l'essentiel du marché35(*) (Chapitre 1). D'autre part, elle prône la fuite
de la chose politique, qui caractérisait le modèle
précédent de souveraineté36(*) (Chapitre 2).
Chapitre 1. Standard and
Poor's : la concurrence comme axiome de pensée
Sous l'empire du néolibéralisme, la concurrence
est le moteur du marché, ce qui signifie qu'elle est tant une condition
pour l'accomplissement efficace de celui-ci qu'un moyen de le
pérenniser. Conformément à ce schéma de
pensée, Standard and Poor's a fait de la concurrence son axiome de
pensée ; la globalisation du monde lui a permis de mettre les
différents acteurs du monde en concurrence (Section 1), et de
l'étendre à tous les domaines, permettant ainsi la diffusion de
la raison néolibérale (Section 2).
Section 1. La mise enconcurrence,
permise par la globalisation de son action
Aucune concurrence n'est envisageable s'il n'y a pas
atomicité des acteurs, ou du moins, une pluralité d'acteurs
pouvant être mis en concurrence. En ce sens, concurrence implique
globalisation, qui doit s'entendre non seulement comme s'étendant
à toute la surface de la terre, et ainsi revêtir un champ
mondialisé (Paragraphe 1), mais également comme touchant une
pluralité d'acteurs, et ainsi promouvoir une conception fonctionnelle
des acteurs du monde (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Un champ
horizontalement étendu : un champ mondialisé
Standard and Poor's nécessite, pour mettre les
différents acteurs du monde en concurrence, l'existence d'un ordre
internationalisé, où les frontières sont abolies (A), mais
également un ordre spontané, qui soit régi par des
règles autres que celles du « monde » (B).
A) L'action de Standard and Poor's dans un
ordre internationalisé
Les années 1970 ont vu naître un monde
nouveau ; plusieurs évènements, s'ils paraissent anodins,
ont contribué à internationaliser le monde et ainsi
à modifier le rôle des acteurs du monde. Dans un premier temps,
l'éclatement en 1971 du système de BrettonWoods,dû au refus
des Etats-Unis de convertir les prêts en or,signe un basculement
idéologique puissant. En mettant fin au système de parité
stable entre les monnaies, celles-ci « se mettent à
flotter au gré de l'offre et de la demande »37(*), ce qui permet
l'avènement des marchés financiers. Mais c'est surtout, dans un
second temps, l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et Ronald Reagan
en 1975 et 1979 qui entrainera un certain changement de paradigme dans la
relation entre l'Etat et l'économie. Ces dirigeants, et notamment Ronald
Reagan, illustrent deux grandes puissances et sont de ce fait
particulièrement influents sur la scène internationale. Ils
prônent entre autres le recours à la dette pour financer
l'économie et l'ouverture du financement des déficits publics
à l'épargne étrangère. Petit à petit, et
avec les progrès techniques, c'est alors un autre monde qui nait ;
un monde mondialisé, globalisé. Les flux entre
les Etats s'intensifient, et la majorité d'entre eux sont touchés
par le problème de la dette publique.
La dette publique des Etats, depuis le début des
années 1980, n'a cessé de croitre, et elle explose à
partir des années 1990. Un double-phénomène s'attache
dès lors à la dette : d'une part, elle
sestructuralise, c'est-à-dire qu'un Etat doit emprunter de nouveau
pour payer les taux d'intérêt qui s'attachent à sa dette,
au point de devenir parfois le premier poste budgétaire38(*). D'autre part, la dette
publique s'internationalise, ce qui signifie que la dette d'un Etat est souvent
détenue par plusieurs entités étrangères. La dette
a donc suivi le processus d'interdépendance des Etats entre eux, qui
caractérise la mondialisation. Ainsi, à titre d'exemple, la dette
de la France est détenue à 68%par des entités
étrangères, mais principalement par des pays limitrophes. Le cas
des Etats-Unis est plus éloquent, puisque sa dette est majoritairement
détenue par la Chine, le Japon, le Royaume-Uni et la Suisse, et qu'elle
détient la dette de nombreux Etats39(*).
La dette a donc suivi ce processus de mondialisation,
« dans laquelle se retrouve tous les traits du
néolibéralisme, mais portés au
carré »40(*). En effet, la mondialisation ne connait pas de
pouvoir central et elle pousse à l'intensification des échanges
et ainsi à une certaine déterritorialisation du monde.Or, cela va
à l'encontre de l'idée même de souveraineté. Le
territoire, unifié par la souveraineté, cède sa place
à l'espace global, « strié, composé de
lignes et de relations »41(*)que Standard and Poor's, entre autres, est
chargé d'orienter. Le rôle originel de Standard and Poor's n'est
pas d'interagir avec des Etats ou des entités, mais d'orienter, voire de
conduire des flux, des relations. Si la souveraineté continue de
s'exercer, « elle voit certaines de ses relations échapper
à sa juridiction : non seulement elle ne les contrôle plus,
mais elle peut se voir sommée de rendre des comptes de sa politique
publique devant des arbitres privés »42(*).
Sans anticiper sur la question de savoir si l'Etat s'est fait
dépossédé de certaines de ses fonctions ou s'il
s'estlui-même dessaisi de certaines de ces compétences, on voit
bien que dans un monde où les relations ne sont plus organisées
entre souverainetés, où règne le polycentrisme43(*), il est plus facile pour une
entité privée d'émerger et de rayonner sur le plan
international. Si les relations ne s'organisent plus entre territoires, la
souveraineté n'est plus la condition préalable pour se faire une
place à l'échelle mondiale. L'avènement de la raison
néolibérale a permis de multiplier les acteurs du monde,
puisqu'elle « infinitise sans totaliser »44(*), contrairement à la
souveraineté. Le contexte est donc propice au développement de
Standard and Poor's, qui, dès 1984, s'étend aux marchés
européens en ouvrant un bureau à Londres45(*). Dans les 20 années qui
suivront, ce sont 20 nouveaux bureaux qui seront ouverts à travers le
monde46(*).En somme,
l'évincement du territoire comme espace de référence et la
« désintermédiation des
économies »47(*)lui ont permis d'émerger et de
s'étendre.
La mondialisation de la dette, c'est-à-dire son
internationalisation et les interdépendances qu'elle a
créé, a été de pair avec la croissance de Standard
and Poor's. Si, dans les années 1975, Standard and Poor's notait
à peine une dizaine d'Etats, ce chiffre n'a cessé d'augmenter
depuis la fin des années 1980 puisqu'il est passé de 18 Etats
notés en 1987 à 126 Etats notés en 201248(*), soit environ 65% des Etats du
monde. Le champ d'application et d'influence de Standard and Poor's est
dès lors relativement développé. Il l'est d'autant plus
qu'il existe des unsolicited ratings, c'est-à-dire que Standard
and Poor's peut décider d'attribuer des notes à des institutions,
et notamment des Etats, qui ne l'ont pas réclamé, de sa propre
initiative. C'est par exemple le cas de la France, mais également du
Royaume-Uni, des Etats-Unis, de l'Allemagne49(*)... L'action de Standard and Poor's est donc
internationale, en ce qu'elle a des incidences sur une grande partie des
nations du monde.Qui plus est, être noté par une agence de
notation devient une condition quasi-incontournable pour pouvoir emprunter de
l'argent sur le marché obligataire. Elle anime ainsi les processus
d'internationalisation de la dette et de globalisation du monde, qui
fragmentent encore un peu plus la souveraineté50(*), et lui permet un peu plus de
disposer d'une multitude d'acteurs. Cela est une condition nécessaire
pour que les Etats puissent être mis en concurrence, c'est-à-dire
pour que ces entités entrent en compétition, voire en
rivalité, en poursuivant un unique but : réussir à
emprunter de l'argent au meilleur prix.
B) L'action de Standard and Poor's dans un
ordre spontané
Si certaines organisations internationales peuvent
véhiculer une idéologie néolibérale, elles
demeurent toutefois sous l'égide des Etats qui les composent, qui les
ont pensées et qui les ont créées. Il en va
différemment pour les agences de notations, qui sont nées au sein
même du marché et qui, surtout, ont grandi avec lui. Standard and
Poor's est née d'une initiative privée, et non d'une
volonté étatique. Elle n'est donc pas un acteur du marché,
elle est le marché, dans le sens où il s'agit de l'une
de ses composantes : elle n'est pas à l'extérieur de
celui-ci.En cela, elle « congédie tout horizon externe,
toute raison de surplomb, toute vision d'ensemble »51(*) et ainsi, tout
constructivisme. C'est selon Von Hayek, père du
néolibéralisme, les conditions idéales de l'efficience.
Mais celui-ci va plus loin, en posant l'ordre spontané
comme ordre supérieur. C'est est une sorte de troisième voie
entre l'ordre naturel - qui est indépendant de la volonté humaine
- et l'ordre construit, artificiel - qui procède directement d'une
volonté humaine52(*). Le marché est un ordre spontané
puisqu'il émerge de l'action des hommes sans émaner de leur
volonté. C'est ce qui fait sa force et sa pertinence. En effet, si le
marché n'a pas été construit par une volonté
affirmée, il n'est pas possible de le déconstruire de la
sorte ; le marché est ainsi au-dessus de ses acteurs puisque la
volonté des Hommes ne suffit pas à le faire disparaitre.L'ordre
spontanéest l'ordre le plus efficient puisqu'il ne nait pas d'une
volonté, mais d'un besoin, d'une utilité.Or, Standard and Poor's
agit dans et par le marché ; composante d'un ordre spontané,
son efficacité et son efficience le sont donc par essence.
Standard and Poor's, en étant composante du
marché, agit ainsi dans cet ordre spontané qui se situe au-dessus
de celui créé par les Etats, c'est-à-dire au-dessus du
« monde ». L'ordre spontané surplombe le monde des
Etats et tend à ce qu'il devienne également un ordre
spontané, en le faisant peu à peu disparaitre,
c'est-à-dire à conduire à une certaine
« détiercisation »53(*). Illustration de cette
détiercisation, Standard and Poor's peut acquérir une certaine
force et légitimité et ce d'autant plus que le marché
« est probablement le seul ordre global qui s'étende sur
le champ entier de la société humaine »54(*).
Quand Standard and Poor's, en tant que composante de l'ordre
spontané du marché, s'arroge la faculté d'attribuer des
notes aux Etats, afin d'estimer leur capacité et leur volonté
à rembourser leur dette, elle fait donc du marché le principe et
de l'Etat l'exception. Qui plus est, ses notes sont parfois
non-sollicitées par les Etats eux-mêmes. Or, pour attribuer une
note, c'est-à-dire un avis, voire un jugement, ne faut-il pas jouir
d'une position supérieure, être investi d'une certaine
légitimité permettant de le faire ?C'est donc en quelque
sortel'Etat qui est placé sous surveillance du marché
plutôt qu'un marché placé sous la surveillance de
l'Etat55(*). En effet,
« rien ne prouve que l'économie de marché a des
défauts, rien ne prouve qu'elle a une défectuosité
intrinsèque, puisque tout ce qu'on lui attribue comme défaut et
comme effet de sa défectuosité, c'est à l'Etat qu'il faut
l'attribuer »56(*).
L'ennemi premier du néolibéralisme, ce ne sont
pas les Etats, en ce qu'ils sont les acteurs du marché, mais c'est bien
le monde lui-même57(*). En agissant au sein d'un ordre spontané,
Standard and Poor's participe donc au combat contre le monde. L'ordre
spontané dépasse l'ordre artificiel ; c'est le marché
- ordre spontané - qui appelle l'Etat - ordre artificiel. Mais si
l'ordre spontané - dominé par le néolibéralisme -
veut entrer en guerre avec le monde, il semble toutefois que ce dernier adopte
un comportement plus pacifique à son égard. La
supériorité des agences de notation sur les Etats est ainsi en
quelque sorte consentie par ces derniers, preuve en est la réaction du
précédent Président de la République, Nicolas
Sarkozy, et du gouvernement français lors des menaces pesant sur le
« AAA » français. C'est ainsi que François
Fillon, ancien Premier Ministre, affirme que la note
française « est un acquis extrêmement
précieux qu'il ne faut en aucun cas fragiliser »58(*), et Nicolas Sarkozy de
déclarer que « si nous perdons le triple A, je suis
mort »59(*).
Standard and Poor's a de ce point de vue gagné son
pari, puisqu'elle a réussi à acquérir une
légitimité suffisante lui permettant d'inquiéter les Etats
quant à leur classement sur l'échelle qu'elle a instaurée.
Les Etats accordent ainsi de l'importance aux notes qui leur sont
attribuées, les comparent avec celles attribuées aux autres.
Ainsi, les Etats entrent dans une sorte de compétition, de concurrence
à partir du cadre qu'a élaboré Standard and Poor's. Si
auparavant l'Etat pouvait décider de mettre les entreprises nationales
en concurrence, ce sont maintenant des entreprisescomme Standard and Poor's qui
peuvent décider de mettre les Etats en concurrence. Mais la mise en
concurrence qu'opère Standard and Poor's ne s'arrête
pas là ; elle s'étend aussi de façon verticale
selon la nature des entités.
Paragraphe 2. Un champ
verticalement étendu : la conception fonctionnelle des acteurs du
monde
Pour que la mise en concurrence soit optimale, il ne suffit
pas que chaque catégorie soit mis en concurrence indépendamment
des autres : la mise en concurrence nécessite qu'Etats et
entreprises puissent être comparable, ce qui a pour conséquence
indéniable d'écorcher l'exorbitance de l'Etat (A) sans pour
autant que celui ne tende à disparaitre (B).
A) La contribution de Standard and Poor's
à la perte de l'exorbitance de l'Etat
Le
modèle néolibéral, on l'a dit, rompt avec le modèle
de souveraineté ; on passe d'une raison d'Etat à une raison
du moindre Etat60(*). Dans
le modèle précédent, l'Etat jouit d'une autorité
suprême, c'est-à-dire que son pouvoir ne peut être restreint
par un autre. L'Etat agit sur les comportements de l'extérieur, par des
sanctions61(*), il est le
seul à produire du droit et s'applique un droit spécial qu'est le
droit public, vecteur de l'« égalité
républicaine »62(*). L'Etat était le « lieu
indépassable d'universalisation »63(*), de totalisation, puisqu'il
était le seul, par le biais du droit, à pouvoir lier les gens
entre eux, à créer une cohésion sociale, en liant
universel et singulier. « Il était seul sujet de droit
international et unique source de droit interne »64(*).
Il semble que ce schéma soit quelque peu
bouleversé par Standard and Poor's. Il semble en effet qu'elle
écorche la souveraineté des Etats, et ce de deux façons.
D'une part, elle érode la souveraineté de façon indirecte,
détournée. En effet, Standard and Poor's gère la
production d'un bien public qu'est la notation65(*), que les Etats eux-mêmes devraient assumer,
dans la mesure où elle touche deux domaines régaliens : les
finances publiques (par le financement de la dette) et la conduite des
relations internationales (par l'émission d'obligations). La notation
n'est bien sûr pas impérative, mais elle est déterminante.
Dans la mesure où Standard and Poor's influence
grandement les relations entre les entités du monde, en ce que la note
attribuée aura une incidence sur le choix de son partenaire et sur le
montant des taux d'intérêt, l'Etat n'est plus tout à fait
en souveraineté quand il se trouve sur le marché obligataire.
Ainsi, quand il vend des obligations sur ce marché, l'Etat n'est pas
perçu comme un souverain, mais comme un débiteur ; rien ne
le distingue d'une entreprise : il cherche à vendre ses obligations
au meilleur prix, c'est-à-dire corroborées des taux
d'intérêts les plus faibles, ceux-ci étant
déterminés par la note attribuée par les agences de
notation. Dès lors, l'Etat poursuit le même but qu'une entreprise
et entre ainsi en concurrence avec elle.
Ainsi, l'Etat n'est plus en dehors du système ; il
y est intégré. L'Etat n'est plus une
« entité exogène à l'ordre marchand mais
[...] une entité entièrement intégrée dans l'espace
des échanges, dans le système d'interdépendance des agents
économiques »66(*). En effet, pour pouvoir être mis en
concurrence, les différents acteurs doivent nécessairement
être sur un pied d'égalité, même imparfait, mais ils
doivent être comparables. Il n'y a pas de concurrence possible s'il y a
souveraineté, car elle l'annihile d'elle-même. C'est pourquoi
Standard and Poor's promeut une conception fonctionnelle des acteurs du
marché obligataire, c'est-à-dire qu'ils sont perçus non
pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils font.
D'autre part, Standard and Poor's érode la
souveraineté de façon plus frontale. En effet, pour attribuer une
note à un Etat, Standard and Poor's doit évaluer la
capacité et la volonté d'un Etat à rembourser son emprunt.
Elle doit pour cela mettre en oeuvre une série de critères
portant surtout sur la conduite des politiques publiques. En d'autres termes,
Standard and Poor's attribue une note, c'est-à-dire, selon la
définition courante, « une brève
appréciation donnée par un supérieur sur le travail, la
conduite de quelqu'un »67(*) sur la concrétisation de la
souveraineté d'un Etat, à savoir sa politique. Or, l'Etat ne peut
pas avoir de supérieur. Sans aller jusqu'à dire que l'Etat n'est
plus souverain, sans quoi l'Etat ne serait plus, on peut toutefois observer que
Standard and Poor's contribue à écorcher l'exorbitance de l'Etat,
et ce en contribuant à sa dissociation fonctionnelle. L'Etat est
contraint d'adopter diverses facettes ; il se conduit différemment
selon qu'il agit sur son territoire ou sur le marché obligataire, en
fonction du but qu'il cherche à atteindre, mais reste à savoir si
les frontières sont étancheset si une telle dissociation soit
effectivement possible. Sur le marché obligataire, en tout cas, il est
primordial pour l'Etat de pouvoir emprunter aux meilleurs taux, et ainsi de se
mettre en concurrence avec les entreprises, elles aussi présentes sur le
marché obligataire.
Un des mécanismes - ou plutôt son absence - de
Standard and Poor's est particulièrement révélateur de sa
conception fonctionnelle des acteurs du marché, et ainsi du monde, et du
fait que Etats et entreprises peuvent être mis en concurrence sans que
l'un ne domine nécessairement l'autre. En effet, depuis les
années 2000, les agences de notation, et en premier lieu Standard and
Poor's, ont abandonné le mécanisme dit de « plafond
souverain » (sovereignceiling) selon lequel « la
note en monnaie étrangère d'un titre ou d'une entité ne
pouvait pas excéder la notation en monnaie étrangère
attribuée à l'État dans lequel l'émetteur
était domicilié »68(*). Plus simplement, ce mécanisme permettait de
ne pas accorder à une entreprise une note plus importante que celle
allouée à l'Etat dont elle était sous la juridiction.
Ce mécanisme n'existe plus, puisque les dirigeants de
Standard and Poor's ne voient pas la note souveraine comme un plafond
insurmontable par principe69(*). En effet, « quand Standard and Poor's
publie un rating pour une entité qui est supérieur au
rating de son pays respectif, elle exprime le fait que la
volonté et la capacité de l'entité de recouvrer sa dette
est supérieure à celle du souverain »70(*). Quoi qu'il en soit, la
suppression de ce plafond souverain est révélateurdu fait que
l'Etat n'a plus de prééminence intangible sur les entreprises
placées sous sa juridiction, que dès lors, ils interagissent sur
un même marché, sans que l'un ne domine l'autre, ce qui est un
postulat nécessaire à leur mise en concurrence.Du fait de ce
glissement d'une conception ontologique de la souveraineté à une
conception fonctionnelle de la gouvernementalité71(*), l'action publique est
désenchantée, ce « qui conduit à voir dans
l'Etat une entreprise qui est située sur le même plan que les
entités privées »72(*).
A être considéré comme une entreprise et
à se comporter comme telle, l'Etat perd donc de son exorbitance, de sa
souveraineté et ainsi, de certaines de ses prérogatives. David
Rothkopfen conclut qu'il n'existe plus que « 20 ou 30 Etats sur
la planète qui possèdent encore ce qui peut être
considéré comme les pouvoirs traditionnels et les
prérogatives d'une nation » et que 150 ont
été diminués au point de devenir des semi-Etats73(*). A côté de
ceux-ci, l'auteur note que 2 000 « super-citoyens »
ont émergé, qualifiés de
« stateless », car « immortels et
pour la plupart légalement obligés de poursuivre non le bien
public, l'intérêt général, mais les
intérêts restreints de leurs
actionnaires »74(*). Cette victoire de l'entreprise sur la forme
traditionnelle de l'Etat n'est toutefois pas synonyme de sa chute ; l'Etat
en soi n'est pas l'ennemi du néolibéralisme, c'est sa
façon d'agir qui doit changer.
B) La survivance de l'Etat : du
gouvernement à la gouvernance
En mettant en concurrence Etats et entreprises sur le
marché obligataire, Standard and Poor's adopte une conception
fonctionnelle des différents acteurs du monde et contribue ainsi
à écorcher l'exorbitance de l'Etat puisque celui-ci doit
s'aligner sur le fonctionnement d'une entreprise, en s'efforçant de
poursuivre la même finalité :
l'efficacité.« La question n'est depuis lors plus dans le
« plus ou moins » d'État mais dans le « mieux
d'État » »75(*).
Standard and Poor's note des Etats et des entreprises. Si elle
n'a pas recours aux mêmes critères pour leur attribuer une note,
il est toutefois notable que certains principes et méthodes sont communs
aux deux. Avant la Seconde Guerre Mondiale, l'échelle proposée
par Poor's (qui deviendra Standard and Poor's) n'est pas la même pour les
Etats que pour les entreprises (corporates). En effet, à cette
époque, « l'échelle de Poor's est plus large pour le
secteur privé : les notes D**, D* et D constituent le bas de
l'échelle corporate mais sont inusitées pour
déterminer la solvabilité des émetteurs publics
»76(*).
Mais dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Standard
and Poor's s'attache à uniformiser leurs échelles de notation
« d'un secteur à l'autre, de sorte qu'une entreprise
notée BBB est censée présenter un risque de défaut
identique à celui d'un État ayant le même rating
»77(*). Ainsi,
Standard and Poor's ne veut pas faire reculer l'Etat ; elle veut pouvoir
le noter comme une entreprise. Or, sous l'égide de la
souveraineté, cela est impossible. L'Etat doit donc modifier sa
façon d'agir pour la calquer, dans la mesure du possible, à celle
d'une entreprise. Si « concurrence et esprit d'entreprise sont
les deux maitres mots de la pratique gouvernementale
néolibérale »78(*), ce sont aussi ceux de Standard and Poor's
puisqu'elle conduit à remplacer le monde par le marché et
à aligner l'Etat sur le modèle de l'entreprise.
Si le système de comparabilité a
été remis en cause après la crise des subprimes, Standard
and Poor's a réaffirmé son attachement à la
comparabilité des ratings, puisque ses dirigeants
« croient fortement en l'utilité de leur échelle de
notation traditionnelle dans la mesure où elle prodigue un langage
commun pour évaluer et comparer la solvabilité des acteurs de
tous les secteurs »79(*). Les réformes dans l'élaboration des
notes sont donc relativement fréquentes, la dernière datant de
2009, et elles vont toujours dans le sens d'une meilleure comparabilité
entre les différents secteurs, puisque « comparabilityis
the key »80(*).
Standard and Poor's ne se contente pas d'élaborer une
échelle commune ; elle applique également des principes
communs à toutes les entités qu'elle note, qu'elles soient
privées ou publiques. Ainsi, dans tous les cas, Standard and Poor's
examinera la solvabilité de l'émetteur d'obligations (bien
souvent l'Etat), l'existence d'un soutien externe, mais également les
risques juridiques, ou encore les risques administratifs81(*).En insinuant qu'il est
possible de comparer Etat et entreprises en fonction de standards communs,
Standard and Poor's contribue à faire sortir les Etats de leur
souveraineté, celle-ci n'étant pas évaluable, puisque
transcendante.Or, il n'est pas possible de sortir de la souveraineté
uniquement lorsque l'on se situe sur le marché obligataire.
Standard and Poor's, en contribuantainsi à
évincerla souveraineté, prône la gouvernance plutôt
que le gouvernement, puisque « le monde de la gouvernance est
ainsi un monde d'où la souveraineté est
absente »82(*).D'abord promue par les organisations internationales,
et notamment la Banque mondiale, « la gouvernance serait alors la
façon de bien gouverner, de bien administrer, selon de justes principes.
Il s'agit aussi [et surtout] de le faire au meilleur
coût »83(*). La gouvernance, qui devient une notion de plus en
plus usitée, notamment dans la sphère publique, c'est
rationaliser quantitativement le fonctionnement, la gestion d'une
entité, qu'elle soit publique ou privée. Le changement de
paradigme est total puisque « un Etat ne devra plus être
jugé sur sa capacité d'assurer sa souveraineté sur un
territoire, mais sur son respect des normes juridiques et des bonnes pratiques
économiques de la gouvernance »84(*). Standard and Poor's illustre
particulièrement cela puisqu'en comparant Etats et entreprises, elle
conduit l'Etat à opter pour un comportement proche de celui des
entreprises ; en étant guidé par le profit. Si les
dirigeants des entreprises ont été mis sous la surveillance des
actionnaires, les Etats ont été mis, entre autres, sous la
surveillance des agences de notation et ne deviennent ainsi que de simples
prestataires de normes.
Mais en adoptant la gouvernance comme façon de conduire
les affaires publiques, les Etats aident Standard and Poor's à les
noter. En soumettant les Etats et les entreprises aux mêmes exigences,
Standard and Poor's contribue à transformer l'action publique, à
le soumettre aux mêmes exigences d'efficacité et de
productivité, et ainsi à faire naitre un « Etat
managérial »85(*), efficace, compétitif et efficient. Ce n'est
même plus « la question générale de
l'utilité de son action qui est posée à l'Etat, mais celle
de la mesure quantifiée de son efficacité comparée
à celle d'autres acteurs »86(*).
Standard and Poor's agit dans un champ globalisé,
puisque son activité s'applique sur la Terre entière mais
également à des acteurs hétéroclites. Cela permet
à Standard and Poor's d'exercer son activité dans des conditions
optimales, puisque la comparaison entre les acteurs du monde renforce leur mise
en concurrence et ainsi leur efficacité. Au-delà de cela, la mise
en concurrence des acteurs permet également de mieux diffuser la raison
néolibérale dont la concurrence est le maitre mot.
Section 2. La mise en concurrence,
moyen de diffusion de la raison néolibérale
L'action de Standard and Poor's et sa perception des
différents acteurs du monde, qui peuvent et doivent être
comparables, et ainsi mis en concurrence, en dépit de leurs
spécificités, a entrainé un processus quasi-infini qui
tend à élargir la concurrence à tous les secteurs, et
ainsi à faire prévaloir la raison néolibérale.
C'est ainsi que Standard and Poor's étend le principe de mise en
concurrence tant aux droits (Paragraphe 1) qu'aux Etats eux-mêmes dans le
cadre de leurs relations internationales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. L'extension de la
mise en concurrence aux droits
Par son activité, Standard and Poor's a une influence
sur le fonctionnement sur les Etats et ainsi, sur leur Droit. Passivement,
Standard and Poor's contribue à objectiver les différents droits,
puisque tous sont comparable (A) mais elle joue également un rôle
plus actif en influençant directement ces mêmes droits (B).
A) La mise en concurrence des droits,
produit de l'objectivisation de l'attractivité financière
L'objectif de Standard and Poor's est de mettre à la
disposition des investisseurs des notes reflétant la solvabilité
des émetteurs d'obligations sur le marché obligataire. Elle tient
particulièrement à ce que l'échelle des notes soit la
même d'un secteur à un autre87(*), de sorte que l'attribution d'un
« AA+ », par exemple, reflète la même
réalité de solvabilité, qu'il s'agisse d'un Etat, d'une
banque ou d'une entreprise. Au-delà de la concurrence qui s'instaure
entre les Etats et les entreprises, une concurrence se renforce
également entre les différents Etats présents sur le
marché obligataire, notamment par le biais de leur Droit respectif. De
fait, les Etats entrent en rivalité, en poursuivant un même
but : obtenir la meilleure note, afin d'emprunter au meilleur prix,
c'est-à-dire avec les taux d'intérêt les plus faibles.
Cela est particulièrement révélateur du
déplacement qui caractérise le néolibéralisme,
celui « qui irait de l'échange à la
concurrence»88(*). Avec Standard and Poor's, qui contribue à la
rationalisation du marché obligataire, il ne s'agit plus de
s'échanger des obligations entre acteurs du marché, il s'agit
pour ces derniers d'entrer en concurrence entre eux, afin d'être meilleur
que les autres, c'est-à-dire d'obtenir une meilleure note. Les Etats
acceptent d'être notés sur la façon dont ils gouvernent,
car une partie de leur destin - et de celui de ses citoyens - est en jeu,
à travers la dette. Les Droits des Etats doivent pouvoir être
comparés sur la base de critères communs et poursuivre un
objectif d'efficacité. En cela, on peut dire que Standard and Poor's
contribue à mettre les droits en concurrence.
Le rating final publié par Standard and Poor's
pour chaque Etat est le produit de cinq notes : une note politique, une
note économique, une note extérieure, une note budgétaire
et une note monétaire. Les deux premières notes sont
regroupées afin de dresser le profil économique et politique de
l'Etat en question, alors que les trois dernières (extérieure,
budgétaire, monétaire) sont regroupées afin
d'évaluer la performance et les capacités d'adaptation de l'Etat
en question. C'est la confrontation du profil économique avec la
performance de l'Etat qui aboutit au fameux rating, qui prend la forme
d'une note, pouvant aller de « D » (défaut) à
« AAA ».
Dans le cadre de notre étude, c'est la note politique,
qui entraine un examen bien plus qualitatif que quantitatif, qui revêt le
plus d'intérêt. Les autres notes se fondent en effet sur des
critères techniques, d'ordre quantitatif. La note politique est
davantage liée au coeur même de l'Etat. Car si Standard and Poor's
répète sans cesse qu' « il n'existe pas de
corrélation entre les notes attribuées et la nature du
système politique en vigueur »89(*), il est toutefois
indéniable que les critères touchent au coeur de l'action
publique.
Sans énumérer l'ensemble des critères
utilisés par Standard and Poor's, il est toutefois notable que
le champ lexical du néolibéralisme est
particulièrement présent.Il est d'ailleurs consolidé par
le fait que Standard and Poor's, pour élaborer sa notation, a recours
entre autres au rapport Doing business, élaboré par la
Banque mondiale. Ce rapport compare « les réglementations
qui facilitent la pratique des affaires et celles qui
l'entravent »90(*).Avant tout destiné aux entrepreneurs, homo
oeconomicus, il permet à ceux-ci de choisir l'Etat où la
réglementation est la plus propice à la maximisation de ses
profits, dans un contexte de sécurité juridique et de
transparence. La démarche entreprise par le rapportDoing
business est donc similaire à celle entreprise par Standard and
Poor's puisqu'elle propose de mettre en concurrence les différents Etats
et leur réglementation, en étant tournée vers
l'entrepreneur.
Outre les notions de sécurité et de
prévisibilité juridiques, de transparence, qui sont des termes
éminemment néolibéraux, dans la mesure où ils
visent à optimiser la concurrence entre les acteurs et ainsi à
maximiser les richesses des entrepreneurs, la méthodologie de Standard
and Poor's fait référence à un terme que Foucault avait
déjà relevé comme étant caractéristique de
la raison néolibérale ; l'enforcement. En effet,
Standard and Poor's examine l' « enforcement objectif des
contrats »91(*). Dans son cours sur la Naissance de la Biopolitique,
Michel Foucault faisait pour sa part référence à
l'enforcement of law, qui se distingue de la law, et qui
revêt « l'ensemble des instruments mis en oeuvre pour
donner [...] à la loi une réalité sociale,
politique »92(*). L'enforcement of law traduit la capacité des
Etats de limiter les externalités négatives de certains
actes93(*).
L'enforcement c'est dès lors savoir concrètement
optimiser le rendement de la loi, son efficacité, voire son efficience.
Chez Standard and Poor's, il semblerait que le néolibéralisme
soit encore plus présent dans la mesure où il ne s'agit
même plus de l'enforcement de la loi, mais bien celui du
contrat. Or, le contrat est particulièrement révélateur de
la raison néolibéralisme, en ce qu'il gomme tout
unilatéralisme.
Par ailleurs, la volonté de Standard and Poor's
d'objectiviser, ou de critériser des choses qui ne le
sont pas, est particulièrement présente. Cela peut être
compris comme la manifestation d'une volonté de rendre le transcendant
immanent, c'est-à-dire de donner une réalité statistique,
palpable et ainsi utile, à un comportement impalpable, à l'instar
de la souveraineté, et ce afin de pouvoir mieux comparer les acteurs du
marché et les mettre en concurrence. C'est ainsi que pour calculer la
note politique d'un Etat, Standard and Poor's se réfèrera
à « l'effectivité, la stabilité et la
prévisibilité des politiques
étatiques »94(*), en examinant entre autres
l' « habilité et la volonté d'un Etat à
mettre en oeuvre des réformes pour relever les défis
budgétaires, comme le système de
santé »95(*). Elle n'examine donc pas seulement la capacité
d'un Etat à rembourser son créancier, mais aussi sa
volonté (willingness) de le faire.
Cette mise en concurrence des droits, et leur perception comme
étant dédiés à l'entrepreneur modifie la conception
du Droit dans son ensemble. Le droit est ainsi instrumentalisé ; il
n'est plus vu comme l'expression de la volonté générale
d'une nation, mais comme un outil permettant à un entrepreneur de
maximiser son profit. On parle alors de forum shopping96(*) puisque c'est le
consommateur du droit qui devient l'arbitre ultime. S'agissant du marché
obligataire, l'Etat, émetteur d'obligations, est mis en concurrence avec
les autres ; l'entrepreneur les compare, à l'aide de la notation
émise par Standard and Poor's, et fait son choix. On l'a
déjà dit, ce choix est crucial pour l'Etat, en raison de ce que
représente la dette publique ; c'est son destin et celui de ses
citoyens que l'entrepreneur a dans les mains.Standard and Poor's contribue donc
à faire émerger un marché de normes, à l'instar de
la Banque mondiale et de son rapport Doing business et à
réduire l'Etat à un prestataire de normes, un
« diseur de droit »97(*).
B) La mise en concurrence des droits,
facteur d'influence des législations internes
Standard and Poor's, par son action, a contribué
à mettre les droits des Etats en concurrence. En faisant cela, elle
contribue également à diffuser un certain modèle de
législation puisque, quand elle décide par exemple d'abaisser la
note d'un Etat, elle le motive en indiquant les pans de la législation
nationale qui sont propres à avoir un effet négatif sur sa
solvabilité. Or, l'économie n'est pas une science exacte, et
l'économie de marché n'est pas omnisciente, infaillible de sorte
que, quand Standard and Poor's prodigue des conseils aux Etats pour se
réapproprier un bonrating, elle contribue à diffuser le
modèle néolibéral.
Il semble que Standard and Poor's influence de deux
façons le droit national. D'une part, elle influence le
législateur dans ses choix. Comme le note Bertrand du Marais,
« elles [les agences de notation] agissent comme prescripteur
indirect, non pas des instruments juridiques utilisés par les acteurs du
marché - elles ne recommandent pas tel ou tel montage - mais du choix
des instruments utilisés, voire des évolutions du droit positif
lui-même »98(*). Cette façon de réglementer
indirectement est particulièrement révélatrice de la
raison néolibérale. Ce n'est plus la punition ; c'est la
régulation. Lorsque Standard and Poor's a dégradé la note
de la France, le 13 janvier 2012, elle l'a justifié entre autres
« par un endettement public relativement
élevé » - soit - mais également
« par les rigidités du marché du
travail »99(*). Il y a là un exemple de
l'ingérence de Standard and Poor's dans les droits nationaux. Dans ce
contexte, peut-être ne faut-il pas voir comme un hasard l'annoncede
réformes pour « sortir de la
crise »100(*)le 15 janvier 2012, soit deux jours plus tard, par
Nicolas Sarkozy, alors Président de la République. Lors de son
allocution, il sera entre autres question de la réforme du temps de
travail, et de la TVA sociale, c'est-à-dire de mesures tendant à
flexibiliser le marché du travail.
De façon plus prononcée, il semblerait, selon
Bertrand du Marais, que les agences de notation jouent un rôle clé
dans la modification de nos pratiques juridiques, notamment pour ce qui
concerne la réglementation bancaire. C'est ainsi que, suite aux
pressions des agences pour modifier l'article 52 de la loi bancaire - qui
instaurait un mécanisme de responsabilité des
établissements bancaires selon elles inefficaces, le législateur
a suivi ces recommandations par une loi du 25 juin 1999101(*). De même, il
semblerait que les agences de notation, et ainsi Standard and Poor's,
préfèrent largement le droit de common law et, dans les
pays de civil law, les règles écrites et non
jurisprudentielles, même si celles-ci sont bien établies102(*). Elles influencent les
droits nationaux en ce sens103(*), car cela permet une meilleure
prévisibilité, une meilleure sécurité juridique et
ainsi l'optimisation des échanges et des profits.
D'autre part, Standard and Poor's prend parfois la place du
législateur pour réglementer des domaines dont il s'est dessaisi
ou dont il a été dépossédé. On touche
là au coeur du droit public, comme le note Jean-Bernard Auby, puisque
« leurs ratingsservent de référence
à diverses réglementations financières à
caractère prudentiel »104(*), si bien qu'elles sont « coauteurs des
certaines normes de la réglementation
financière »105(*). Or, sous l'ère de la souveraineté,
c'est seul l'Etat qui était chargé de produire du droit, si bien
qu'il existait une identité entre Droit et Etat.Avec l'avènement
de la raison néolibérale, même si l'Etat est encore
chargé d'édicter des règles du jeu106(*), il n'est plus le seul
à le faire, notamment quand il apparait qu'il n'est pas le mieux
placé.
Les accords Bâle II, qui posent des règles
prudentielles internationales, offrent l'illustration la plus frappante de
cela. En effet, ces accords, édictés par le Comité de
Bâle, qui regroupe les gouverneurs des grandes banques centrales, placent
les agences de notation au coeur du dispositif. C'est ainsi que ces
règles « imposent, par exemple, aux établissements
bancaires de posséder une certaine proportion de titres notés
au-dessus d'un certain niveau, ou, à l'inverse, leur interdisent de
posséder plus d'une certaine proportion de titres notés
au-dessous d'un certain niveau »107(*).
Ainsi, Standard and Poor's acquiert un nouveau rôle,
au-delà de celui, initial, d'attribuer des ratings : elle
contribue à réguler les marchés de façon beaucoup
plus directe. Si elle est parvenue à cela, c'est qu'elle a
profité de l'incompétence supposée de l'Etat en la
matière. Le rôle de l'Etat se cantonne dorénavant à
relayer sur son territoire les règles prudentielles établies par
le Comité de Bâle ; c'est en cela que, dans un sens, les
agences de notation deviennent sources du droit, de façon indirecte.
Ceci est particulièrement révélateur de la raison
néolibérale, dans laquelle le pouvoir « n'est plus
seulement la volonté souveraine, mais il se fait par méthode
oblique, par législation indirecte destinée à conduire les
intérêts »108(*).
En notant les Etats, Standard and Poor's a contribué
à mettre les droits en concurrence, tout cela en inculquant, de
façon discrète, une certaine raison. Elle a ainsi pu
acquérir une certaine prééminence, en les orientant dans
les réformes à opérer pour obtenir une meilleure note. La
mise en concurrence des droits lui a donc permis d'acquérir une
influence sur les législations internes. Tel un professeur, qui attribue
une note, pour évaluer si l'élève sait répondre aux
attentes qu'il a formulées, Standard and Poor's attribue des notes pour
évaluer si les Etats savent reproduire ce qu'elle leur apprend, à
savoir la raison néolibérale.
Paragraphe 2. L'extension
de la mise en concurrence aux Etats
La mondialisation modifie incontestablement les relations
entre les Etats. Standard and Poor's participant à ce processus, elle a
également contribué à modifier les relations entre eux,
c'est-à-dire à les objectiviser (A), ce qui lui a permis
d'acquérir un certain pouvoir sur la scène internationale (B).
A) La mise en concurrence des Etats,
produit de l'objectivisation des relations internationales
Sous l'empire de la souveraineté, le monde était
divisé en Etats, dotés d'une même forme, ce qui rendait
possibles leurs relations. Les relations internationales, principalement
limitées aux relations interétatiques, se fondaient sur la
volonté des Etats109(*). Dès lors, sous l'empire de la
souveraineté, un Etat qui voudrait emprunter de l'argent pour financer
ses dépenses le fera en fonction des relations diplomatiques qu'il
entretient avec les autres Etats. On ne vend pas des obligations à son
ennemi légendaire.
L'objectivisation des relations internationales par Standard
and Poor's s'opère de deux façons. D'une part, les relations ne
se veulent plus à proprement inter-nationales, ni même
interétatiques, dans la mesure où les relations ne sont plus
organisées entre souverainetés, mais entre les différentes
entités, indépendamment de leur qualité, présentes
sur le marché. De surcroit, les relations binaires qui existaient
(d'Etat à Etat) deviennent ternaires (Etat, Etat ou entreprise, Standard
and Poor's). Standard and Poor's publie des notes sur les différents
acteurs du marché obligataire mondial, et ce afin que les investisseurs
choisissent leur partenaire. En tant qu'intermédiaire, elle contribue
donc à la conclusion de contrats entre ceux-ci. Elle influence donc le
choix des investisseurs, en les orientant à choisir le partenaire qui
maximisera au mieux son profit.
D'autre part, ces relations s'objectivisent dans la
mesure où les liens ne se tissent plus selon la
subjectivité des Etats, leur Histoire, leur idéologie,
mais selon l'utilité et l'efficience. Standard and Poor's, en
évaluant les Etats selon différents critères, contribue
à l'objectivisation des relations internationales. Non seulement elle
rompt les liens directs entre les Etats, en leur servant d'intermédiaire
indispensable sur le marché obligataire, mais elle remplace
également la volonté par l'utilité en attribuant des
ratings en fonction de cinq notes (politique, économique,
extérieure, budgétaire, monétaire)
déterminées par des critères qui se veulent objectifs.
Ainsi, la raison néolibérale s'exerce dans toute sa splendeur,
elle qui, « au lieu de diviser les Etats, unifie le monde en
ramenant la diversité des comportements humains à une seule forme
- l'entreprise - et en contrôlant leurs actions en agissant sur
l'intérêt »110(*). Ainsi, les préoccupations
idéologiques s'effacent, car ce qui compte, c'est l'efficacité,
l'utilité. Standard and Poor's contribue ainsi à sortir du
schéma ancestral de la souveraineté, en rejoignant le paradigme
néolibéral pour qui la valeur cardinale, désormais, ce
n'est plus la volonté, mais l'utilité111(*). Dès lors,
aujourd'hui, mis à part quelques Etats comme la Corée du Nord,
qui refusent d'entrer dans l'ère de la mondialisation et dans les
relations internationales, une grande partie des Etats sont prêts
à entretenir des relations avec n'importe quel autre Etat, tant qu'il en
tire une utilité, voire un bénéfice112(*).
Standard and Poor's s'inscrit dans ce schéma dans la
mesure où elle contribue à critériser ce qui
était de l'ordre du ressenti, du coeur presque. La méthode
employée par Standard and Poor's s'inscrit dans la même veine que
la nouvelle gestion publique, qui fixe des critères de performance et de
qualité, qui « peuvent atteindre plus directement le coeur
du métier »113(*). En prônant ainsi la culture du
résultat et un système inspiré du darwinisme, Standard and
Poor's contribue à instaurer un tel système sur le plan
international, ce qui lui permet de mieux comparer les différents
acteurs du marché114(*), de mieux les mettre en concurrence. C'est ainsi
qu' « à la rivalité infinie des Etats, ils
substituent la concurrence économique »115(*) et financière.
L'objectivisation des relations internationales est donc une
condition nécessaire pour pouvoir comparer les différents acteurs
du marché obligataire, comparaison opérée par
l'entrepreneur (investor), c'est-à-dire celui qui achète
les obligations, figure de l'homo oeconomicus. En effet, sous la
raison néolibérale, l'homo oeconomicus ce n'est plus
seulement le « partenaire de
l'échange »116(*), c'est un entrepreneur, puisque dorénavant,
la concurrence compte plus que l'échange. Si Standard and Poor's met en
oeuvre sa méthodologie de façon précise et se voulant
objective, ce n'est pas pour resserrer les liens entre les acteurs du
marché, ou pour favoriser l'échange entre les peuples, les
communautés, les Etats, mais plutôt pour que l'entrepreneur place
au mieux son argent, afin qu'il maximise son profit. En témoigne la
réponse par Standard and Poor's à la question de savoir en quoi
les ratings sont utiles : « ils peuvent jouer un
rôle important en ce qu'ils permettent aux entreprises et aux
gouvernements de gagner plus d'argent (raise money) sur les
marchés financiers »117(*). Cela illustre bien le propos de Michel Foucault,
qui définit l'homo oeconomicus néolibéral comme un
« entrepreneur de lui-même, [...] étant pour
lui-même la source de ses revenus »118(*).
Les règles instaurées par Standard and Poor's
dans sa méthodologie sont constamment tournées vers
l'entrepreneur, qui doit être en capacité de comparer, en fonction
des différents critères, ses potentiels débiteurs, afin de
placer au mieux son argent et ainsi de maximiser ses richesses. L'homo
oeconomicus est un être rationnel, qui cherche à maximiser son
profit119(*). Il ne
perçoit pas les acteurs du marché comme des entreprises ou des
Etats, mais comme des débiteurs potentiels.En se fixant sur des
critères objectifs pour orienter les relations entre les Etats, Standard
and Poor's a pu les mettre en concurrence, puisqu'il est plus facile de les
comparer ainsi. Mais cela a eu un impact collatéral sur Standard and
Poor's elle-même, qui a pu acquérir un peu plus de pouvoir.
B) La mise en concurrence des Etats,
facteur d'acquisition du pouvoir
En mettant en concurrence les Etats au sein des relations
internationales et en promouvant la figure de l'entrepreneur, Standard and
Poor's a pu acquérir un certain pouvoir puisqu'elle se situe
au-delà de ces acteurs ; elle est la sentinelle d'un ordre
spontané sur lequel se battent les acteurs du monde. Si ce pouvoir a
pendant longtemps été restreint ou ignoré, car les agences
de notation elles-mêmes n'étaient connues que par les
spécialistes de la finance, la récente crise financière
les a vu émerger jusqu'à les projeter au-devant de la
scène. Leur présent pouvoir, et notamment celui de Standard and
Poor's, en ce qu'il s'agit de l'agence de notation la plus importante, est
souvent décrié.
Dès la fin de l'année 2011, les voix se sont
élevées contre les agences, car « loin d'être
un simple thermomètre des dettes publiques, elles en sont devenues l'un
des virus »120(*). Dans cette période de campagne
présidentielle, chaque candidat, de Marine Le Pen à Jean-Luc
Mélenchon en passant par François Bayrou, déplorait le
trop grand pouvoir et la trop grande influence des agences121(*). Il en fut de même
pour Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché
intérieur, qui déclara que « les notations de
crédit [...] ne sont pas seulement l'expression d'une opinion. Les
agences de notation ont commis de graves erreurs par le passé.Mon
objectif premier est de réduire la dépendance excessive à
leur égard »122(*). Le Fonds monétaire international (FMI)
lui-même récuse cette montée en puissance des agences de
notation123(*).
Si les critiques sont nombreuses, elles ne remettent jamais en
cause l'existence même des agences de notation, considérées
comme indispensables et incontournables. Outre le caractère souvent
procyclique de leur analyse - c'est-à-dire leur tendance à suivre
les mouvements de panique du marché, c'est souvent l'absence de mise en
concurrence entre les agences elles-mêmes qui a été
critiquée. En effet, Standard and Poor's fait elle aussi partie d'un
marché, celui de la notation financière. Or, ce marché est
oligopolistique, dans la mesure où, suite à de nombreuses fusions
et acquisitions, Standard and Poor's, Fitch et Moody's détiennent 94% du
chiffre d'affaire mondial de l'industrie de la notation124(*). On parle de
BigThree. Il y a donc un décalage qui s'opère entre ce
que Standard and Poor's prône, à savoir un système
régi par la concurrence, et ce qu'elle s'applique.Cela explique en
partie la perte de légitimité et le sentiment grandissant de
défiance envers elle ; « Arrière ceux dont la
bouche souffle le chaud et le froid ! »
disait La Fontaine125(*).
Sans aller jusque-là, la volonté de
réformer la structure du marché de la notation s'est fait sentir
chez les Etats et au sein de l'Union européenne ; certains y ont vu
le retour des Etats, la fin du paradigme néolibéral. Loin de
là, le règlement de l'Union européenne126(*), adopté en mai 2011,
s'inscrit un peu plus dans la raison néolibérale puisque la
volonté est affirmée d'instaurer une meilleure concurrence entre
les différentes agences. Ainsi, la concurrence est encore vue comme un
facteur de raison et perçue comme remède le plus efficace. La
réglementation des agences de notation consiste donc à les ancrer
elles aussi dans la raison néolibérale, et non à rehausser
le rôle de l'Etat dans la notation (même si cette solution a
été évoquée).Ne serait-ce donc pas l'Etat qui, le
premier,serait le plus enclin à développer la raison
néolibérale et ainsi à accorder à Standard and
Poor's, à l'instar des autres agences de notation, un pouvoir
important ? C'est ce qu'argue souvent cette dernière, se
considérant parfois comme victime de son propre succès. Or, on
l'a dit127(*), l'une des
caractéristiques de la raison néolibérale, c'est de
« s'euphémiser au point de sembler
disparaitre »128(*).Cette constante euphémisation est
particulièrement présente dans les discours des
représentants de Standard and Poor's, tant et si bien qu'ils regrettent
eux-mêmes que tant d'attention et d'importance soit portée
à leur notation129(*). En effet, selon eux, « les agences
n'expriment qu'une opinion, la leur »130(*).
Dans son principal guide sur la notation financière,
Standard and Poor's insiste sur le fait que ses opinions ne sont que des
recommandations, qu'elles ne sont pas analogues à un avis que
prodiguerait un docteur ou un avocat131(*). Si les agences de notation parlent
d'opinion, en anglais, il est toutefois remarquable qu'il ne peut
être traduit en français par le mot
« opinion », mais plutôt par « avis
financier » ou encore « évaluation »,
« décision », puisque les juges étasuniens
rendent eux aussi des opinions132(*). Or, les agences de notation se réfugient
souvent derrière le premier amendement de la Constitution des
Etats-Unis, qui protège la liberté d'expression telle qu'elle est
reconnue pour les journalistes. Il s'agit là encore d'un signe de la
volonté d'euphémisation de ce qu'elles sont et de ce qu'elles
produisent. Il faut par ailleurs noter que, si Standard and Poor's
reconnaissait et acceptait ouvertement le pouvoir dont elle jouit actuellement,
cela la mènerait certainement à sa perte.
Standard and Poor'sparticipe, par l'instauration de
critères dits objectifs, à faire sortir les Etats de leurs
relations « passionnelles » et à les aligner sur le
modèle de l'entreprise, afin qu'ils n'entretiennent plus que des
relations fondées sur l'efficacité, la rentabilité. Cette
conception va de pair avec la mise en concurrence des Etats, perçus
comme acteurs d'un marché dont le but est d'emprunter au meilleur prix.
Les agences de notation ont pu, dans ce contexte, émerger et
s'élever au-dessus des Etats, et ainsi acquérir un pouvoir
parfois euphémisé et souvent décrié.Au-delà
de cette mise en concurrence systématique mais dans la même
optique de poursuite de l'efficacité et de la rentabilité,
Standard and Poor's la prône sortie du politique comme axiome de
fonctionnement (Chapitre 2).
Chapitre 2. Standard and
Poor's : la fuite du politique comme axiome de fonctionnement
Pour les néolibéraux, et notamment pour
l'école du Public choice, la politique est perçue comme
l'antonyme de l'efficacité. Dans le fonctionnement même de
Standard and Poor's, apparait la nécessité d'en sortir, et
surtout d'en faire sortir les Etats. C'est donc tant par son statut (Section 1)
que par son activité (Section 2) que Standard and Poor's s'attèle
à cette tâche.
Section 1. Le statut de Standard
and Poor's, facteur d'indépendance vis-à-vis du politique
La politique, c'est le royaume des idées, c'est la
façon ancestrale de gouverner un Etat. Standard and Poor's s'inscrit en
contrepied de cela non seulement du fait de sa nature même, en tant que
société commerciale (Paragraphe 1) que par sa composition
d'experts (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. De par sa
nature : une société commerciale
La nature privée de Standard and Poor's est le point de
départ d'un engrenage : en étant indépendante des
Etats, il est plus aisé pour elle de s'émanciper du politique
(A). Mais cette fuite de la politique, qui se transmet également aux
Etats, accroit le désir chez ces derniers
d' « indépendantiser » Standard and Poor's
(B).
A) L'indépendance de Standard and
Poor's, facteur de fuite du politique
L'entreprise est l'institution centrale de la raison
néolibérale. Instituée par une personne privée,
elle permet à cette dernière de poursuivre son
intérêt ; le profit. Sur ce point, les
néolibéraux ont repris les idées des libéraux,
selon laquelle, à l'instar de Mandeville et de Smith, poursuivre son
intérêt privé est la meilleure façon d'atteindre le
bien public133(*). En
effet, le monde étant inconnaissable, de même que le futur, il
n'est pas possible qu'une institution centrale, un Etat, ne planifie à
l'avance134(*). Chaque
acteur de l'ordre spontané sait ce qu'il y a de mieux pour lui, et ainsi
pour les autres.
Standard and Poor's est une société commerciale,
acquise en 1966 par une autre personne privée, The McGraw-Hill
Companies, Inc., dont le capital est détenu par une vingtaine
d'actionnaires, eux aussi privés. En 2010, le capital de cette
dernière s'élève à 2,9 milliards de dollars. Le but
fondamental de Standard and Poor's n'est rien d'autre qu'augmenter ses profits,
comme toute entreprise, en remplissant sa fonction : publier ses analyses,
ses opinions et ses notes. C'est en cela que les dirigeants de
Standard and Poor's affirment qu'ils ne font pas de politique135(*), car faire du profit, ce
n'est pas faire de la politique - du moins pas encore.
Puisque l'enjeu même de la politique
néolibérale, c'est la « démultiplication de
la forme « entreprise » à l'intérieur du
corps social »136(*)en ce que celle-ci devient
la « puissance informante de la
société »137(*), Standard and Poor's n'a pu acquérir une
telle légitimité dans le monde de la finance qu'en revêtant
la forme d'une entreprise. Dans ce contexte global néolibéral, la
fonction qu'assume Standard and Poor's ne pouvait être assumée par
une entité publique ou plutôt, par une entité politique.
C'est par son statut même, c'est-à-dire en ce qu'elle est
née de l'initiative d'une personne privée, de l'idée d'un
entrepreneur, qu'elle a pu connaitre une telle envolée.
Standard and Poor's pourrait acquérir un statut public sans que cela ne
contredise son immersion dans le paradigme néolibéral, mais son
indépendance vis-à-vis du politique n'est pas négociable.
Le néolibéralisme conduit en effet à scinder public et
politique. Une agence de notation politiqueperdrait considérablement en
crédibilité auprès des investisseurs138(*).
En suivant Jean-Bernard Auby, on peut remarquer
qu' « il y a dans les agences de notation quelque chose
comme un au-delà des agences publiques de
régulation »139(*) et ainsi les autorités administratives
indépendantes (AAI). En effet, « dans les deux cas,
l'économie ne fait confiance aux agences que si elles sont
indépendantes. Dans le cas des agences de notation, cette confiance
exige apparemment plus : leur mission d'intérêt public pourrait
n'être correctement assurée qu'en dehors du cadre public
! »140(*). Les agences de notation sont donc nées,
à l'instar des agences publiques de régulation, dans un sentiment
de défiance vis-à-vis de la chose publique, de la chose
politique. En effet, « le pouvoir politique, plus sensible
à l'emploi qu'à l'inflation, est soumis aux règles du
cycle politique, règles qui lui feront toujours choisir, en
période électorale, la politique la plus populaire, même si
elle est inadaptée »141(*). La défiance de l'Etat tient aussi,
au-delà de cette absence de vision long-termiste, à
l'accroissement de la dette publique, « qui a mis en
évidence une inefficacité comptable et gestionnaire de
l'État »142(*). Pour ces raisons, la régulation
économique et financière veut se rendre étrangère
à la démocratie politique143(*). Mais les agences de notation sont allées
plus loin dans la fuite de la politique que les autorités publiques de
régulation, pour la simple raison qu'elles sont de nature
privées. Par son essence même, Standard and Poor's est
indépendante de la politique, considérée comme inefficace.
Si le statut privé de Standard and Poor's contribue
nécessairement à la rendre, du moins en principe,
étrangère à la politique, la globalisation de son action
n'a fait que décupler cette tendance. D'une part, Standard and Poor's
fait partie intégrante d'un ordre spontané144(*). En effet, elle n'est pas un
acteur extérieur du marché obligataire, elle est le
marché obligataire ; elle est née dedans, elle est
née pour lui et avec lui. Puisqu'elle est au-dessus des acteurs du
marché, ou du moins au même niveau qu'eux, qu'elle n'a pas en
principe d'intérêt immédiat à favoriser tel ou tel
Etat, dans la mesure où elle est en dehors des relations
inter-nationales, Standard and Poor's a acquis une crédibilité et
une légitimité nécessaire pour grandir au fil des
années.
D'autre part, c'est l'internationalisation des échanges
et de la dette, c'est à dire la globalisation du monde, qui a conduit
à ce que l'Etat soit à ce point
« débordé et
dépassé »145(*), qui a permis à Standard and Poor's de
trouver sa place. En effet, « pensée pour fonctionner en
économie fermée, la capacité de régulation des
Etats-providences est remise en cause par l'internationalisation des
échanges »146(*). Lorsque l'économie était
fermée, c'est l'Etat qui était au-dessus des entreprises, qui
était légitime pour les réglementer, puisqu'il
était chargé de promouvoir l'intérêt
général, et non satisfaire les intérêts
privés.
En particulier en France, où la conception de
l'intérêt général est dite volontariste, en ce
qu'elle n'est pas la somme des intérêts particuliers, mais
l'expression de la volonté générale147(*), qu'elle est ainsi
transcendante et non immanente, l'Etat seul pouvait en être en mesure de
réguler, de réglementer. Mais la globalisation a modifié
la donne et « le néolibéralisme procède
à une sorte d'inversion de la poussée : l'énergie ne
vient plus de l'institution, mais de l'entreprise, c'est-à-dire de la
capacité de chacun à faire valoir ses
intérêts »148(*). A présent, aucun Etat ne peut être
au-dessus, ne peut superviser les autres puisque les Etats sont
dorénavant acteurs ; ils sont ce qu'étaient les entreprises
à l'heure où les Etats vivaient en autarcie - ou presque. Si
l'Etat assurait sa suprématie par le biais de la politique, les
entreprises l'assurent par le marché. Elles ne font que poursuivre leur
intérêt privé et enclenchent ainsi un processus de sortie
du politique.
Ce n'est pas parce que Standard and Poor's n'est censée
poursuivre que son intérêt privé que son pouvoir
planétaire doit être sous-estimé.Elle détient en
effet un certain pouvoir de régulation puisqu'elle instaure
« des mécanismes qui établissent et maintiennent
sur certains secteurs des équilibres à long
terme »149(*), dans le cadre du marché obligataire. Par son
pouvoir d'orienter les investisseurs, on peut dire que Standard and Poor's est
investie d'un rôle de régulation, comprise comme
« remède aux déficiences de la
hiérarchie »150(*) et de la politique. Si c'est à elle de
réguler, c'est parce qu'elle est le mieux placée pour le faire,
dans la mesure où elle est le marché, que son avis n'est
pas biaisé par les idéologies politiques.
Le statut privé et international de Standard and Poor's
lui a donc permis d'échapper aux préoccupations politiques, ou du
moins d'y prétendre et que les Etats y croient. La question fondamentale
est néanmoins celle de savoir si cette conception de la
régulation s'est propagée à l'Etat et le cas
échéant, de savoir comment cela se manifeste.
B) La fuite du politique, facteur d'un
désir d'indépendance
La nature privée de Standard and Poor's lui a
conféré une certaine légitimité (elle se situait
dans le marché), ainsi qu'une certaine indépendance
vis-à-vis des Etats. La question est de savoir si ce mode de
fonctionnement a eu une influence sur les Etats eux-mêmes. Ceux-ci,
encore loin d'être gouvernés uniquement par le profit, se
gouvernent traditionnellement par la politique. Or,la raison
néolibérale, en fondant la société sur la
liberté individuelle, et non plus sur la discussion collective ou
l'intérêt général, est « une
philosophie politique de la sortie dupolitique »151(*). Pour les
néolibéraux, la politique ne fait que biaiser les choix qui
devraient être régis par l'utilité, l'efficacité.
L'Etat ne recule pas nécessairement ; il doit être
épuré de la politique, c'est-à-dire que la capacité
de commandement du politique doit être réduite152(*).
En revêtant le statut de société
commerciale, Standard and Poor's, hors des Etats, est également hors de
la politique. Les agences de notation ne font pas de politique en notant les
Etats ; elles font plus que cela : elles incitent ces derniers
à s'émanciper de la politique, mode traditionnel de gouvernement.
Elles participent donc à ce processus de modification de
l'identité de l'Etat, qui ne faisait qu'un avec la politique, en les
encourageant, on l'a dit, à modifier ses lois, ses comportements afin de
gouverner selon des principes d'efficacité, d'efficience et
d'utilité.En dépossédant l'Etat de la production d'un bien
public qu'est la notation et la fixation des taux d'intérêt,
Standard and Poor's participe à changer la nature même de
l'Etat : d'un Etat politique, il devient un Etat administratif153(*). « L'Etat est
certes présent mais dépolitisé »154(*).Ainsi, elle inculque la
sortie du politique puisqu'elle considère l'Etat comme une entreprise,
en prônant politique du résultat, et en lui demandant de respecter
un pourcentage donné de croissance et de limiter l'accroissement de sa
dette155(*). S'il y a
là certainement un signe que Standard and Poor's influence la politique
économique dans un objectif néolibéral, ce n'est toutefois
pas le pan le plus important et le plus révélateur.
La plus grande influence de la signature
néolibérale est celle qui se fait le plus discrète.
Standard and Poor'scontribue indirectement à modifier le comportement de
l'Etat et de ses dirigeants, sans que personne ne s'en aperçoivent, pas
même ces derniers. Il existe une illustration de cela dans la
réaction des dirigeants face au mode de rémunération de
Standard and Poor's :ce dont les Etats se plaignent, majoritairement, ce
n'est pas que Standard and Poor's s'immisce dans leur politique, mais c'est
qu'elle n'est pas assez indépendante, qu'elle est en proie aux conflits
d'intérêts.
En effet, Standard and Poor's est principalement
rémunérée selon le principe de l'émetteur-payeur.
Selon ce principe, ce sont les entités qui payent Standard and Poor's
pour que celle-ci leur attribue un rating. En d'autres termes, c'est
l'émetteur d'obligations, c'est-à-dire celui qui cherche à
financer une partie de sa dette, qui devra payer Standard and Poor's pour que
celle-ci lui attribue une note, disponible pour les investisseurs potentiels.
Il y a donc un risque non-négligeable156(*) ; Standard and Poor's peut être
amenée à adapter ses analyses en fonction de la
rémunération attendue. Cette préoccupation est majeure
pour les auteurs qui traitent de la notation financière, les
spécialistes, les institutions internationales et surtout les
politiques157(*). Ainsi,
l'Etat a réussi à endogénéiser le fait qu'il devait
se conduire à la façon d'une entreprise : ce qui l'importune
le plus, ce n'est pas de perdre sa capacité de gouverner par la
politique, mais d'être soumis à une agence dont
l'impartialité fait défaut. Une entreprise pourrait formuler la
même critique - elles le font d'ailleurs -alors qu'elle ne pourrait
jamais reprocher à Standard and Poor's le fait qu'elle lui aliène
ses choix politiques.
Si la mission première de Standard and Poor's, en tant
que société commerciale, est de multiplier ses revenus, elle a
toutefois tendance à devenir plus que cela. En effet, elle
détient aujourd'hui une place importante, qui dépasse celle
traditionnellement assumée par une entreprise. Ainsi, c'est quasiment
une mission d'intérêt général qui revient à
Standard and Poor's, celle-ci s'ajoutant à sa mission
privée qu'est defaire du profit. En effet, ses ratings
sont considérés comme des éléments indispensables
pour déterminer les taux d'intérêt qui s'attacheront
à l'emprunt opéré.Pour les Etats, cette dernière
mission doit s'opérer de façon objective ; elle ne doit pas
être biaisée par l'appât du gain. Ainsi, dans un certain
sens, les Etats veulent, en réduisant les risques de conflits
d'intérêts, reléguer sa mission de maximisation des profits
au second plan, et mettre en valeur sa
mission « publique ». Peut-être est-ce là
une façon timide de publiciser quelque peu l'action de Standard and
Poor's.
Si nul ne peut servir deux maitres à la fois sous peine
de perdre toute sa crédibilité et sa légitimité,
Standard and Poor's a donc dû choisir entre poursuivre au mieux sa
mission d'entreprise ou poursuivre sa mission dite
« publique ». Remplacer de telles agences par des agences
publiques, sans pour autant être sous le joug de la politique, aurait
conduit à aller un peu plus loin encore dans le paradigme
néolibéral. Mais les agences de notation demeurent - du moins
pour l'instant - des entités privées, qui toutefois exercent,
presque spontanément, d'une mission de production de biens publics.
Standard and Poor's ne s'inscrit pas totalement dans le paradigme
néolibéral dans la mesure où les avis qu'elle rend ne le
sont pas au nom de l'Etat. Pour autant, il semble que les nouvelles
réglementations initiées par les Etats aillent en ce
sens158(*).
Paragraphe 2. De par sa
composition : des « experts »
En étant composée uniquement d'experts
financiers, Standard and Poor's arbore un discours prétendument
immunisé de la politique (A), en toute indépendance, ce qui a
tendance par là même à l'immuniser contre de potentielles
sanctions politiques et juridiques en provenance des Etats (B).
A) Un discours prétendument
immunisé de la politique
La finance est une discipline particulièrement
complexe, et qui semble encore se complexifier avec le temps, par la
démultiplication du nombre d'acteurs présents et la
technicité des mécanismes. Ainsi, les politiques eux-mêmes
sont dans l'incapacité ou se croient dans l'incapacité - en
dépit de leurs études souvent très longues - de comprendre
tous les mécanismes qui animent les marchés. C'est ainsi que les
experts ont pris de plus en plus de place au sein de la société,
et de plus en plus de pouvoir. Ni l'Etat, ni la politique ne sont des
incapables. La question se pose encore de savoir si c'est l'Etat,
modeste159(*), qui s'est
dessaisi de certaines de ses compétences et a renoncé à
prendre des initiatives, ou si, au contraire, il a été
dépossédé par les nouvelles forces inhérentes au
marché, plus crédibles.
Les avis de Standard and Poor's, on l'a dit, sont bien plus
que de simples opinions. Elle prétend, via ses ratings et ses
recommandations, diffuser une doxa néolibérale ;
faire croire que pour un problème, il existe une seule solution, et que
celle-ci est issue du marché. Les employés de Standard and Poor's
ne sont donc pas des journalistes, qui prodigueraient leur avis subjectif sur
un sujet donné ; ils doivent, pour émettre leurs
opinions, se référer à leurs connaissances
précises dans le domaine de la finance. Ils sont ainsi l'expression
d'une raison qui se veut scientifique. Ils se réfèrent d'ailleurs
à des critères précis, à des calculs160(*) ; leur marge
d'appréciation est faible par rapport à la méthodologie
qu'ils s'imposent. Ainsi, comme le note Sabine Montagne, « les
agences contribuent ainsi à la construction de la doxa économique
et ceci en utilisant l'ambiguïté de leur statut originel. D'un
côté, elles insistent pour que la notation conserve son statut
traditionnel d'opinion [...] mais d'un autre côté, la notation
fait autorité parce qu'elle a gagné un statut de
vérité, un statut de fait »161(*). Peu importe finalement que
Standard and Poor's estime que ses ratings sont de simples opinions,
au sens français du terme, puisque ce qui compte, c'est de savoir
comment les investisseurs les perçoivent.
Or, du point de vue des investisseurs, les ratings
sont l'expression d'un avis scientifique, non-contestable - en témoigne
leur reprise dans les règles prudentielles internationales. C'est une
donnée fondamentale, qui oriente fortement leur prise de
décision. En effet, les ratings et avis de Standard and Poor's
sont « basés sur des analyses de professionnels
expérimentés »162(*). Le vocabulaire utilisé est
particulièrement éloquent ; Standard and Poor's met en
exergue le fait que ses clients peuvent accorder toute leur confiance à
ses avis, dans la mesure où ceux-ci sont le fruit d'une analyse
poussée, d'une expertise approfondie. La composition de Standard and
Poor's va également dans ce sens puisque que seuls des experts de la
finance en font partie. Par exemple, Douglas L. Petterson, le Président
de Standard and Poor's, a auparavant fait carrière dans le domaine de la
finance puisqu'il était le chef opérateur de Citibank, filiale de
Citigroup, une banque particulièrement importante qui opère dans
une centaine de pays163(*). La qualification des membres de Standard and Poor's
est perçue comme un gage d'indépendance vis-à-vis du
politique, et ainsi porteur de vérité. C'est presque oublier que
les experts de Standard and Poor's restent des hommes,
idéologisés et subjectifs, et que l'économie et la finance
ne sont pas des sciences exactes.
Standard and Poor's et les autres agences de notation,
enintervenant dans des domaines aussi cruciaux que la fixation des taux
d'intérêt, laissent croire que certains domaines sont exempts
d'enjeux politiques. Elle participe ainsi au renforcement du
néolibéralisme : « Et s'il n'était, en
réalité, que la mise en pratique d'une utopie, mais une utopie
qui, avec l'aide de la théorie économique dont elle se
réclame, parvient à se penser comme la description scientifique
du réel ? »164(*) disait Pierre Bourdieu en parlant de celui-ci. En ce
sens, pour les plus critiques, le discours de Standard and Poor's serait une
imposture puisqu'il se revendique comme scientifique tout en étant
chargé de standards néolibéraux165(*).
Ainsi les investisseurs et les Etats accordent un rôle
fondamental à Standard and Poor's, car ils sont persuadés que
celle-ci est bien plus qu'une entreprise qui cherche le profit ; ils
accordent à ses avis une valeur scientifique et ainsi,
quasi-inébranlable. Il y a là le sceau de la raison
néolibérale, qui « expulse la politique pour y
mettre à sa place non pas une idéologie, mais une raison
instrumentale, c'est-à-dire une raison qui s'appuie sur la science, en
l'espèce l'économie »166(*). En cela Standard and Poor's
prône la sortie du politique, puisqu'elle tend à remplacer les
choix politiques, imprégnés d'idéologie, par un choix
dicté par la technique, par une raison indiscutable. C'est la sortie de
la délibération, du choix collectif, évacuée par
« la prétention insidieuse de la raison économique
à se poser comme un gouvernement rationnel du
monde »167(*).
La conjonction du fait que les ratings ne sont pas
perçus comme de simples opinions et du fait que Standard and Poor's est
perçu comme un expert scientifique participe au mouvement
engrangé par le néolibéralisme, qui fait glisser d'un
gouvernement par la politique à un gouvernement contre
la politique. La conséquence pratique est que « cela
revient à substituer au pouvoir des élus celui des experts
»168(*). L'homme de
Standard and Poor's n'est plus perçu comme un homme en tant que tel,
mais comme un instrument, chargé d'appliquer les critères qui
seraient définis par le marché lui-même. Standard and
Poor's se fait donc le relai de la raison néolibérale ; elle
en est la bouche mais elle la nourrit également. En substituant à
la volonté délibérative des hommes politiques élus
une méthodologie précise basée sur des critères,
des chiffres et mis en oeuvre par des spécialistes, Standard and Poor's
contribue, à l'instar du néolibéralisme, à
« la montée en puissance des normes techniques à
prétention universelle »169(*) et ainsi à la
substitution de « l'administration des choses au gouvernement des
Hommes »170(*).
B) L'immunité politique et
juridique de Standard and Poor's
Dans la mesure où ceux qui composent Standard and
Poor's ne sont « que » des experts indépendants, ils
jouissent de la protection du premier amendement de la Constitution
étasunienne, qui protège la liberté d'expression. S'il
semble que cette protection s'amoindrisse171(*), elle reste toujours largement de mise. Standard and
Poor's étant devenue une firme transnationale, les répercussions
de son activité ont pu se faire sentir dans chaque Etat du monde. Pour
autant, pendant longtemps, il s'agissait d'un « angle mort de la
réglementation »172(*). Si ce n'est plus tout à fait le cas
aujourd'hui, les réglementations en la matière sont encore
parcellaires. Rien n'est institué au niveau de l'Union
européenne, ni aux Etats-Unis, même si cela a été
évoqué173(*). En France, par exemple, un mécanisme de
responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle n'a
été instauré qu'en 2010174(*).
Les Etats ont donc été tardifs pour adopter des
règles contraignant un tant soit peu l'activité des agences de
notation, ou du moins pour évoquer cette possibilité. En
évinçant tout système de responsabilité, il y a
là le signe - encore une fois - que les agences de notation ne sont pas
perçues comme des entreprises comme les autres. Leurs avis ont pu, par
là même, acquérir une autorité
supplémentaire, un statut de « fait » et non
d'opinion175(*). Plus la
contestation se fait difficile, et plus les avis de Standard and Poor's ont
acquis une prééminence, éloignant un peu plus la
possibilité d'engager sa responsabilité. C'est donc un cercle
vicieux qui s'est mis en place.
L'immunité de Standard and Poor's n'est bien sûr
pas totale, de sorte qu'il est possible de l'accuser d'abus de position
dominante par exemple mais la consistance de la notation elle-même ne
peut jamais être invoquée devant les tribunaux176(*). Pourtant, ses erreurs ne
manquent pas.En effet, Standard and Poor's, entre autres, n'a pas su anticiper,
par exemple, la faillite de la société Enron en 2001 ; elle
a joué un rôle relativement important dans la crise des
subprimes en 2008 ou encore dans la crise grecque en 2010. Plus
récemment, fin 2011, Standard and Poor's a abaissé la note de la
France « par erreur », alors même que cela a une
incidence sur les marchés financiers177(*).
Ce n'est pourtant que lors de ces dernières
années que les Etats ont osé s'attaquer timidement à elle.
Il y a bien là le signe que la politique, portée par les Etats,
est impuissante, ou du moins, se croit impuissante, face aux agences de
notation. Standard and Poor's, produit et vecteur du
néolibéralisme, a bien réussi à inculquer à
l'Etat que celui-ci ne devait pas intervenir. Les mots de Foucault permettent
d'éclairer cela : « Tu ne dois pas, pourquoi ?
Tu ne dois pas parce que tu ne peux pas. [...] Pourquoi tu ne peux pas ?
Tu ne peux pas parce que tu ne sais pas et tu ne sais pas parce que tu ne peux
pas savoir »178(*) dirait l'homo oeconomicus au souverain.
Puisque l'Etat ne sait pas, il est par conséquent difficile pour lui
d'engager la responsabilité de ceux qui, par définition,
savent.
L'absence de toute législation pendant tant
d'années a permis à Standard and Poor's de grandir sans entrave
sur les marchés financiers et dans le monde entier. Le type de
législation mise en oeuvre aujourd'hui est également
révélateur de la nature des rapports que les Etats veulent
entretenir avec les agences de notation. L'article L.544-5 du Code
monétaire et financier permet aux « clients et aux
tiers » d'engager la responsabilité délictuelle ou
quasi-délictuelle des agences de notation financière. L'Etat,
lui-même client de celles-ci, n'a donc pas utilisé ses moyens de
puissance publique pour prévenir ou anéantir les imprudences de
celles-ci, mais a usé d'un mécanisme de droit privé, hors
du droit public (thesis), « tributaire d'une volonté
politique »179(*).La politique n'a donc aucun ascendant sur elles.
De par sa nature et de par sa composition, Standard and Poor's
est dont profondément apolitique et incite ainsi les Etats
eux-mêmes à s'en émanciper. Mais cette fuite du politique
est d'autant plus présente dans la façon qu'a Standard and Poor's
de réguler le marché obligataire.
Section 2. L'activité de
Standard and Poor's, une régulation en dehors du politique
Le caractère apolitique de la régulation (prise
dans son sens large) qu'opère Standard and Poor's est perceptible tant
sur le marché obligataire par sa technique de notation (Paragraphe 1)
que sur le marché de la notation financière par la façon
dont elle se réglemente (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. La technique de
notation : exemple-type de la régulation
néolibérale
La régulation au sens strict permet le maintien et la
constance d'un mouvement, sans rupture. Plus souple et malléable, elle
s'inscrit dans la sortie du politique en se manifestant, chez Standard and
Poor's par l'absence de commandement (A) et l'anticipation du conflit (B).
A) L'absence de commandement, moyen de
détournement de la politique
L'Etat détient par principe le « monopole
de la violence légitime »180(*). En principe, il est par
conséquent le seul à pouvoir exercer une certaine contrainte sur
ses citoyens, et que ceux-ci ne s'y opposent pas (ou de façon
isolée). Commandement et politique sont étroitement liés,
puisque la politique ne peut s'exprimer que par le commandement. Il semble
toutefois que cela ait été quelque peu écorché par
le néolibéralisme et la globalisation. Des forces exogènes
à l'Etat, à l'instar de Standard and Poor's, peuvent, on l'a dit,
exercer une certaine pression sur la souveraineté nationale. Mais, ce
qui change également, avec le néolibéralisme, c'est la
façon d'imposer sa politique, ses avis, c'est-à-dire, en un mot,
de gouverner.
Lorsque Standard and Poor's attribue un rating
à un Etat, elle le publie sur son site internet, explique
brièvement les raisons de la dégradation ou de la promotion, et
le corrobore d'une perspective à plus long terme (positive,
négative, stable). Les ratings de Standard and Poor's ne sont
pas à proprement dit des sanctions - même si une chute de la note
aura tendance à entrainer une élévation des taux
d'intérêt - dans la mesure où elles n'ont pas pour but de
« punir l'auteur d'une infraction »181(*). Ainsi, Standard and Poor's
n'a pas à proprement dit de pouvoir de commandement. Pour autant, l'on
sait que ses décisions ont un impact certain sur les relations entre les
entités présentes sur le marché obligataire, en
témoigne les réactions des dirigeants étatiques lorsque la
note de leur Etat est dégradée, ou encore le fait que les Etats
prennent en compte les observations de Standard and Poor's pour orienter leurs
politiques.
Toujours dans l'optique d'un pouvoir qui s'euphémise,
Standard and Poor's, à l'instar de la raison néolibérale,
n'agit pas de façon directe en employant des injonctions comme pouvaient
le faire les Etats sous l'ère de la souveraineté. En effet, ses
ratings, en eux-mêmes, n'ont pas de force obligatoire. Si les
Etats suivent majoritairement ses indications, c'est plutôt en raison
d'une pression internationale et invisible, exercée par les autres
acteurs du marché - Etats comme entreprises. Les sanctions passent
dorénavant par « la menace d'atteinte à la
réputation »182(*). C'est dont également en cela que le
néolibéralisme dirige des esprits et non plus des corps. L'action
de Standard and Poor's est particulièrement révélatrice de
cela, puisqu'elle conduit à faire une hiérarchie entre les Etats,
en fonction de leurs notes et joue ainsi sur leur réputation sur le plan
international.
Si les Etats étaient réellement en
souveraineté, l'abaissement d'une note délivrée par un
acteur privée n'aurait aucune incidence, car le crapaud n'atteint pas la
blanche colombe. Mais Standard and Poor's a conduit à ce que les Etats
et les entreprises, en s'insérant sur le même marché, en
devenant comparables, s'infligent eux-mêmes leurs propres sanctions.
Faute de commandement, c'est « l'incitation et la
désincitation, l'autocontrôle, la pression par les pairs, le
whistleblowing, c'est-à-dire le contrôle par les
clients »183(*) qui permet à Standard and Poor's de
réguler le marché de la dette. Plus encore, la technique du
naming and shaming, qui consiste à désigner
nommément à l'opprobre public184(*), conduit les Etats à modifier leurs
comportements d'eux-mêmes, sans l'intervention forcée d'un tiers.
Standard and Poor's contribue donc à endogénéiser toute
forme de sanction, et à inciter par là même les Etats
à suivre ses recommandations, évinçant ainsi tout choix
politique de leur part.
L'Etat, sur le marché, est donc conduit à
examiner ses concurrents, et à faire face à la réputation
que son rating lui fait. Ainsi, vis-à-vis du marché, le
souverain « exerce un tout autre pouvoir que le pouvoir politique
qu'il exerçait jusqu'à présent »185(*). Son rôle sur le
marché, s'il n'est pas moins important, a changé, et ce parce que
Standard and Poor's a contribué à modifier les relations qui
s'instauraient entre les Etats. Comme le note si bien Michel Foucault, l'Etat
se trouve dans une position « à la fois de
passivité par rapport à la nécessité
intrinsèque du processus économique et en même temps de
surveillance, et en quelque sorte de contrôle »186(*). Standard and Poor's
entraine les Etats à se contrôler d'eux-mêmes, car elle sait
que c'est là la technique la plus efficace pour arriver à ses
fins.
Par cette absence de commandement, Standard and Poor's conduit
les Etats à détourner leur fonction traditionnelle, du moins sur
le marché. Ceux-ci sont de plus en plus préoccupés
à exercer leur mission à la fois passive et de surveillance au
détriment de l'exercice de la politique. Or, la politique, c'est faire
des choix, c'est délibérer. Cette faculté des Etats tend
à passer au second plan. Standard and Poor's a investi les Etats d'un
nouveau rôle - celui d'examen permanent du marché obligataire - ce
qui conduit à les détourner de leur fonction traditionnelle
qu'est de faire de la politique. Encore une fois, Standard and Poor's ne
contribue pas à faire reculer l'Etat ; elle modifie son mode
d'action et tente de le faire sortir de la politique, car celle-ci manque
d'efficience.
B) L'anticipation du conflit, moyen de
fuite de la politique
Standard and Poor's, en relayant et en nourrissant la raison
néolibérale, contribue, on l'a dit, à aligner l'Etat sur
le modèle de l'entreprise. Or, « l'entreprise a horreur du
conflit »187(*) car celui-ci nuit à la fonction
intégratrice du marché et surtout à l'objectif de
maximisation des profits. En effet, si conflit il y a, les échanges s'en
verront nécessairement réduits et orientés non pas selon
l'utilité, mais selon l'idéologie ou la politique. Dans le
domaine qui est le sien, Standard and Poor's s'attèle donc à la
lourde tâche d'anticipation des conflits et de promotion d'une certaine
sécurité. La sécurité est en effet
« au coeur de la raison
néolibérale » en ce qu'elle tend à
« assurer la régularité d'un processus et donc de
permettre d'anticiper l'action de certaines personnes et de se prémunir
contre le trouble que d'autres pourraient
créer »188(*). En assurant une certaine sécurité sur
le marché obligataire, Standard and Poor's permet aux acteurs du
marché de s'investir pleinement sur le marché sans avoir
d'inquiétudes vis-à-vis de son fonctionnement. La
sécurité est dès lors une condition nécessaire de
« possibilité d'un jeu »189(*) sur le marché, de la
possibilité d'être libre dans celui-ci.
Dans la raison néolibérale,
sécurité est synonyme de liberté et d'efficacité.
Standard and Poor's l'a bien compris. Ainsi, dans son action, elle
procède à une double anticipation du conflit. D'une part, elle
contribue à atténuer les conflits entre l'Etat et le
Marché, par le biais de son processus de notation. En effet, le
rating final accordé par Standard and Poor's est le fruit d'un
processus concerté avec l'Etat concerné. Après une
pré-analyse entre experts, ceux-ci rencontrent - de façon
plutôt informelle - l'un des représentants de l'Etat en question
(bien souvent les ministres de la finance ou de la dette). Cet échange
permet à Standard and Poor's d'être en connaissance des
informations pertinentes et détaillées, qu'elles soient publiques
ou confidentielles190(*). On voit déjà ici la volonté
d'incorporer pleinement l'Etat dans le marché, afin qu'il devienne
partie intégrante de celui-ci, au point de ne plus pouvoir s'en
défaire. Mais ce n'est pas là l'exemple le plus éloquent.
Une fois que le comité d'experts s'est entendu pour accorder une note
à l'Etat en question, Standard and Poor's lui notifie sa
décision. Dès lors, si celui-ci « est en
désaccord avec le rating finalement accordé, Standard and Poor's
autorise un appel à cette décision s'il existe des circonstances
nouvelles. Dans ce cas, le comité sera convoqué de nouveau et un
nouveau vote aura lieu »191(*). On voit ainsi que Standard and Poor's se
prémunit contre toute éventuelle attaque des Etats en les
intégrant au processus de notation. C'est là une façon
ingénieuse d'annihiler la contestation étatique et politique et
ainsi d'anticiper tout conflit avec le Marché.
D'autre part, Standard and Poor's contribue à
atténuer les conflits entre les Etats eux-mêmes. Sous l'ère
de la souveraineté, les conflits idéologiques et politiques
étaient nombreux entre les Etats. Aujourd'hui, si les conflits
demeurent, ils ne sont plus du même ordre. Les guerres d'aujourd'hui sont
elles aussi néolibérales ; elles sont guidées par le
profit. Le néolibéralisme s'insurge contre les conflits, mais
seulement ceux qui entravent les échanges. Il semble que Standard and
Poor's contribue à annihiler ces derniers. En effet, en accordant un
rating aux Etats, Standard and Poor's joue un rôle de
prédiction de l'avenir et en assume la responsabilité - au sens
non-juridique du terme. En quelque sorte, Standard and Poor's prend des risques
à la place des Etats, en s'attelant à la tâche de
prédire des comportements futurs et incertains. Elle externalise le
conflit ; elle dépossède les Etats de leur capacité
d'entrer en conflits les uns contre les autres en les dépossédant
de la politique. En cela, Standard and Poor's devient un intermédiaire
indispensable au sein du Marché et elle réduit les risques
d'affrontement direct entre les Etats, qui nuisent indubitablement au bon
déroulement des échanges, guidés par la seule
utilité.
Standard and Poor's joue donc un rôle de
prévention ; elle contribue à faire sortir du marché
obligataire les éléments qui vont à son encontre. Tout
comme la technique des listes noires, « mesures
préventives qui consomment la peine avant même la
condamnation »192(*), elle évince du marché les Etats qui
pourraient nuire à son efficacité - en leur attribuant un
« CCC » ou un « D » - avant même
que ceux-ci soient un danger réel. Le cas de la crise grecque
révèle particulièrement cet état d'esprit. En lui
attribuant la note « CCC »193(*), elle la condamne avant
même qu'elle ne se condamne elle-même. Fondamentalement, cela
revient à ce que Standard and Poor's s'arroge la faculté de se
substituer aux Etats dans leur pouvoir de décision ; elle leur
confisque un pan de leur politique internationale.
En anticipant de la sorte les conflits entre les Etats,
Standard and Poor's participe à bien plus qu'une sortie du
politique ; elle contribue à la sortie du
« monde » - organisé par des Etats souverains et
leurs échanges - et prône le vitalisme. Le monde est
statique ; la vie est en mouvement. Sous l'ère du
néolibéralisme, gouverner c'est « domestiquer
des forces »194(*). Or, il semble que Standard and Poor's ne fasse rien
d'autre que domestiquer des forces, en se trouvant elle-même
dans le marché, à faire en sorte que les forces du
marché s'engrènent au mieux. Cet ajustement permanent, c'est ce
qu'on appelle la régulation.
Paragraphe 2. D'une
autorégulation à une co-régulation : illustration par
le Code de bonne conduite
Standard and Poor's a été amenée à
se doter d'un Code de bonne conduite, à l'aube du
XXIème siècle. Elaboré au sein du marché
lui-même puis repris par des autorités publiques, ce Code est sans
doute annonciateur de l'évolution de Standard and Poor's, d'une
autorégulation (A) à une corégulation (B).
A) L'élaboration d'un Code de bonne
conduite par les acteurs eux-mêmes : le rêve d'une
autorégulation
Standard and Poor's, ainsi que les autres agences de notation,
n'a pendant longtemps fait l'objet d'aucune réglementation - même
non-contraignante. Standard and Poor's fonctionnait donc selon ses propres
principes, et ceux-ci n'étaient pas même connus des investisseurs
ou du public. Ce n'est qu'en 2003, à la suite de la faillite de la
société Enron, que l'Organisation Internationale des Commissions
de Valeurs (OICV et IOSCO en anglais) va prendre conscience de cette lacune
réglementaire. Si c'est Standard and Poor's, entre autres, qui est
chargée de réguler le marché obligataire, il faut
également que le marché de la notation financière soit
réglementé, ou régulé, d'autant plus que les
agences de notation ont acquis un pouvoir non-négligeable. L'OICV va
ainsi établir et proposer aux agences différents principes,
regroupés autour de quatre grands thèmes que sont la
qualité et l'intégrité du processus de notation,
l'indépendance et la prévention des conflits
d'intérêts, la transparence et l'opportunité de la
diffusion des avis, et enfin la confidentialité des
informations195(*).
Cette volonté de réglementer un tant soit peu le marché de
la notation financière apparait donc comme le signe que
l'autorégulation n'est pas la solution. Il faut toutefois se
méfier des apparences, et ce pour deux raisons principales.
D'une part, l'OICV, qui a rédigé ces
règles, regroupe les régulateurs des principales bourses dans le
monde196(*),
c'est-à-dire les homologues de l'Autorité des Marchés
Financiers (AMF) française. Elle regroupe donc des autorités de
régulation indépendantes qui, même si elles sont sous la
surveillance des Etats, demeurent indépendantes de leur politique. En
posant de tels principes pour les agences de notation, l'OICV n'exprime donc
pas directement la volonté de l'Etat ; il ne s'agit pas d'une
régulation publique à proprement dit.
D'autre part, et c'est là le point le plus important,
ces principes ont été proposés et non pas
imposés aux agences de notation197(*). En effet, ces principes ne sont pas censés
exposer une approche
« one-size-fits-all »198(*). Ainsi, l'OICV incite
à ce que les moyens pour relayer ces principes soient les plus
pertinents possibles, en fonction des circonstances (voie législative,
intervention de régulateurs, Code de conduite ...). Les Etats n'ont
pourtant initié aucune réforme, estimant sans doute que cette
tâche ne leur revenait pas. Standard and Poor's a donc relayé les
grands principes dessinés par l'OICV dans un Code de bonne conduite,
qu'elle édicte en 2004, ce qui lui permet indubitablement de lui
conférer une plus grande légitimité. Il définit
plusieurs règles concernant le recrutement des analystes, leur
comportement, leur indépendance et leur impartialité, mais
également le processus de notation.Le champ d'application du Code de
conduite est particulièrement restreint puisque la contrainte
relayée par le Code de conduite ne porte pas tant sur la règle en
elle-même que sur les conditions d'application de la
règle199(*).
C'est seulement la façon de procéder à la notation des
entités qui est surveillée, mais pas le fond même de la
notation.
Dès lors, il ne semble pas que, sur ce point, le
marché de la notation financière soit sorti de
l'autorégulation puisquela contrainte ne vient pas du haut ; elle
vient des personnes elles-mêmes. Cela est le signe
d'une « individualisation de la
régulation »200(*), particulièrement révélatrice
du néolibéralisme dans la mesure où la force politique,
qui venait du haut, n'intervient plus. L'homo oeconomicus est le mieux
à même de savoir ce qui est bon pour lui et pour le
marché ; l'Etat ne peut s'y immiscer que pour normaliser (ou
inciter à normaliser) la mise en oeuvre des règles
existantes201(*).Les
règles édictées dans le Code de bonne conduite sont le
fruit d'un consensus si bien que personne ne peut réellement s'y
opposer. La mise en oeuvre d'un tel consensualisme, outre le fait qu'il permet
d'éviter un potentiel conflit, remplace la délibération,
la prise de choix, qui est propre à la politique.L'édiction d'un
tel Code de conduite est l'expression d'une défiance vis-à-vis de
la politique, incapable d'édicter des règles qui ne nuisent pas
à l'efficacité économique. En faisant de
l'évalué « le producteur des normes qui serviront
à le juger »202(*), le Code de bonne conduite se veut efficient, et non
plus seulement efficace.
Le Code de conduite de Standard and Poor's est une
illustration du fait que le droit, sous la pression néolibérale,
est dorénavant endogène et endogamique. L'Etat n'est plus apte
à percevoir, grâce à son recul, l'intérêt
général et à le retranscrire dans des lois, qui
s'imposent à tous. Le schéma est tout à fait
renversé : l'intérêt général devient la
somme des intérêts particuliers ; il est immanent.
B) La reprise du Code par les
entités publiques : la marche vers un « Etat de droit
économique »203(*)
La crise économique et financière que nous
traversons actuellement a mis les agences de notation, et notamment Standard
and Poor's, sur le devant de la scène. Elles ont fait l'objet de
nombreuses critiques, souvent justifiées, notamment de la part
d'entités que l'on pensait « complices », comme le
FMI, la Banque mondiale ou l'Union européenne. On leur a reproché
de ne pas avoir alerté le marché sur la santé
financière parfois chaotique de certains acteurs du marché.
Ainsi, par un règlement en date du 16 septembre 2009
élaboré conjointement par le Parlement européen et le
Conseil de l'Union européenne204(*), les agences de notation ont fait l'objet d'un
encadrement. Beaucoup y ont vu un signe annonciateur de la chute du
néolibéralisme, en ce que ces sentinelles des marchés
financiers allaient enfin être réglementées. Si c'est en
effet cette constatation qui nous apparait en première vue, il
semblerait en réalité que ce soit tout le contraire.
Le néolibéralisme n'est pas synonyme de recul de
l'Etat. On l'a dit, l'Etat n'intervient pas moins, il intervient autrement.
Ainsi, l'intervention publique n'est pas nécessairement le signe d'un
déclin du paradigme néolibéral. Pour les auteurs Colson et
Idoux, les agences de notation suivent le principe de co-régulation, qui
repose sur « la recherche d'un partage optimisé du
savoir-faire et de la légitimité de chacune de parties
prenantes »205(*), publiques et privées.MM. Dardot et Laval,
quant à eux, parlent de « coproduction
publique-privée des normes internationales »206(*). En effet, par le
règlement européen susvisé, le Parlement européen
et le Conseil n'ont pour la majeure partie fait que reprendre les principes qui
avaient été énoncées par l'OICV 6 ans plus
tôt. Il pose ainsi le principe d'impartialité des analystes,
reprend les règles concernant la prévention des conflits
d'intérêts (article 6), la compétence des membres (article
7), la qualité et la transparence de la notation (articles 8 et
10)...
Selon ce règlement, les agences de notation doivent
également faire l'objet d'une certification et d'un enregistrement pour
exercer leurs activités au sein de l'Union européenne.
Au-delà du fait que cette nouvelle contrainte - si c'en est une - n'aura
pas de grande incidence sur les plus grandes agences telles que Standard and
Poor's, il faut remarquer que l'activité même de celles-ci n'est
absolument pas concernée par le règlement. La question de la
pertinence des critères mis en oeuvre n'est par exemple jamais
évoquée. Ainsi, ce que le règlement de l'Union
européenne fait, c'est de fixer un cadre pour que les acteurs de la
finance exercent leurs fonctions ; elle ne fait que donner les
règles du jeu207(*).
Cette hybridation des règles internationales montre
bien que les règles édictées par l'Etat,
c'est-à-dire publiques, ne sont plus l'expression d'une volonté
transcendante et politique, puisqu'une entité privée peut
être à leur origine. Si l'Union européenne n'a fait que
reprendre le Code de conduite de Standard and Poor's, entre autres, il
s'agissait peut être de leur donner plus de force, mais leur contenu est
resté le même : les professionnels eux-mêmes sont mieux
placés pour édicter les règles qui les concernent, qui
seront les plus efficaces et porteuses du moins d'externalités
négatives possibles. Ainsi, l'Etat suit le marché et la
première victime, c'est la politique.On assiste ainsi à une
certaine dépolitisation du droit208(*). Le droit ne doit plus être l'expression d'une
volonté ou être à la recherche d'une certaine
finalité ; il doit laisser les acteurs
« jouer » au sein du cadre qu'il a contribué
à dessiner. L'Etat est donc réduit à un rôle
d'incitateur, qui « organise l'auto-organisation de la
société »209(*).
En adoptant de telles règles, l'Union européenne
n'a pas fait de Standard and Poor's son ennemie ; elle l'a plutôt
confortée à sa place. Elle a intégré à un
échelon de légitimité supérieure - quoique pas
optimal - les règles que Standard and Poor's avait elle-même
édicté, avec l'OICV. Le règlement du 16 septembre 2009 est
donc un exemple d'une réglementation néolibérale, qui
associe public et privé afin d'amenuiser les conflits potentiels et qui
annihile ainsi le rôle de la politique. Fondamentalement, c'est donc
l'Etat qui se transforme ; on parle, avec Foucault, d'« Etat
de droit économique »210(*), ce qui signifie que l'intervention de l'Etat dans
l'ordre économique n'est permise que si celle-ci « prend
la forme de l'introduction de principes formels »211(*). La loi formelle, qui
présuppose que l'Etat doit être aveugle à tout processus
économique, n'est pas une « décision qui est prise
par quelqu'un pour quelqu'un d'autre »212(*). Il semble qu'il n'y ait pas
de mots plus justes pour décrire, comprendre et théoriser le
règlement de l'Union européenne susvisé : l'Union
européenne, groupement d'Etats, s'est fait le relai de règles
édictées par Standard and Poor's, règles qui
s'appliqueront aux mêmes Etats et qui, vides de substance, se contentent
de dessiner un cadre dans lequel les acteurs du marché obligataire
seront plus libres d'interagir. L'Etat souverain et politique devient donc un
Etat de droit économique.
Conclusion
« Sur la dialectique public-privé dans la
production des biens publics aujourd'hui, on peut difficilement rêver
meilleur sujet de méditation ! »213(*)s'exclamaitJean-Bernard Auby
à propos des agences de notation financière. En effet, les
agences de notation, et notamment Standard and Poor's, contribuent à
bousculer les frontières, tant physiques que conceptuelles, du monde que
l'on connaissait sous l'empire de la souveraineté.
Standard and Poor's contribue indubitablement à forger
un peu plus la raison néolibérale : elle en est tant le
fruit que celle qui le nourrit. Elle prône donc d'une part la concurrence
comme axiome de pensée. Ainsi, soutenue par le processus de
globalisation, Standard and Poor's a gommé les
spécificités des différents acteurs du monde (et notamment
des Etats) afin que tous soient mis en concurrence : les Etats entre eux,
les Etats avec les entreprises... Mettre différentes entités en
concurrence a eu pour conséquence de placer Standard and Poor's dans une
relative situation de prééminence par rapport à ceux-ci,
si bien qu'elle a pu, en contribuant à l'objectivisation des relations
internationales et à la mise en concurrence des droits, exercer une
influence positive sur ceux-ci. Ainsi, si cette mise en concurrence est le
fruit du néolibéralisme de Standard and Poor's, elle permet aussi
à celui-ci de se renforcer.
Dans le même but d'efficacité, Standard and
Poor's instaure d'autre part la fuite du politique - idéologisée
et inefficace - comme axiome de fonctionnement. En tant que
société privée composée uniquement d'experts,
Standard and Poor's est par essence apolitique ; ce mouvement de
dépolitisation ayant été transmis aux Etats. Son
émancipation de la politique se retrouve également dans la
façon qu'elle a de réguler le marché obligataire, par la
technique de notation qui s'attache à évincer tout commandement
unilatéral et à anticiper un éventuel conflit, quel qu'il
soit. Par ailleurs, si pendant longtemps le fonctionnement de Standard and
Poor's n'était pas réglementé, on a assisté ces
dernières années à un basculement de
l'autorégulation vers la corégulation, ce qui n'est toutefois pas
le signe d'un abandon du néolibéralisme.
Même si l'ancrage de Standard and Poor's dans le
néolibéralisme n'est pas parfait - il ne le sera jamais, il est
indéniable.La portée la plus significative de son action se
trouve dans le fait que Standard and Poor's réussit à influencer
le comportement des Etats. C'est avant tout le pouvoir de Standard and Poor's
qui s'inscrit dans la raison néolibérale. En cela, Standard and
Poor's contribue à dissocier pouvoir et démocratie, couple qui
présidait dans les Etats occidentaux. Elle détient un certain
pouvoir sans être démocratique, en substituant le
« demos » par le « marché » et
tend à faire adopter la même stratégie à l'Etat.
D'un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, Standard and Poor's
désire s'orienter vers un gouvernement du marché, par le
marché, pour le marché.
Nous n'en sommes pas encore là et il existe des
solutions pour réinjecter de la démocratie, c'est-à-dire
du politique dans nos sociétés. L'avantage, si l'on peut dire, de
Standard and Poor's, est que son pouvoir, sa raison néolibérale,
a été décelée. C'est en ce sens, paradoxalement,
qu'elle ne s'inscrit pas totalement dans le néolibéralisme. Sa
lacune démocratique a été perçue au grand jour, et
c'est ainsi qu'elle pourra être résorbée, même si
aucun pas n'a pour l'instant été fait en ce sens.
Si Standard and Poor's a réussi à détenir
un tel pouvoir, c'est que les détenteurs initiaux de celui-ci y ont
consenti. Les Etats ont en quelque sorte permis à ce que Standard and
Poor's acquière tant d'importance sur la scène internationale, en
lui reconnaissant une légitimité et une raison sur les
marchés financiers. Sentinelle des marchés financiers, Standard
and Poor's a été considérée comme porteuse de la
vérité puisque le marché était
considéré comme une science exacte, où les choix
politiques n'avaient pas leur place. Le pouvoir n'est plus dès lors que
la raison ne l'accompagne plus. Le pouvoir sans la raison devient arbitraire,
il n'est plus que force et ne survit pas ; l'Histoire l'a
démontré. En effet, « nous ne reconnaissons le
pouvoir que s'il se réfère à un sens auquel nous
adhérons »214(*). Tant que les Etats continuent de croire que
Standard and Poor's ne reflète que la raison du marché et la
raison du monde, son pouvoir ne déchantera pas.
Rappelons alors comment le Rabbi Loew réussit à
anéantir son Golem, statue de glaise portant l'inscription EMETH
(« vérité » en hébreu) sur le front.
Bien qu'émergeant de la volonté de ce dernier, elle lui
échappa et s'émancipa de la raison et de la vérité,
ravagea tout Prague.Usant d'un subterfuge, le Rabbi demanda au Golem de refaire
ses lacets, et lui effaça la première lettre inscrite sur son
front : EMETH devenait METH (« mort » en
hébreu). Le monstre s'effondra.
Annexe
Source : Standard and Poor's, Sovereign Government Rating
Methodology And Assumptions, 30 juin 2011, p. 8
Bibliographie
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ligne :
http://www.youtube.com/watch?v=h5VFEzzd0eE
-
http://www.standardandpoors.com
Table des
matières
INTRODUCTION
1
SECTION 1. LES AGENCES DE NOTATION, FRUIT DE L'HISTOIRE
1
SECTION 2. LE NÉOLIBÉRALISME, FRUIT DE
L'HISTOIRE
2
SECTION 3. LES AGENCES DE NOTATION, FRUIT DU
NÉOLIBÉRALISME ?
4
CHAPITRE 1. STANDARD AND POOR'S : LA CONCURRENCE
COMME AXIOME DE PENSÉE
6
SECTION 1. LA MISE EN CONCURRENCE, PERMISE PAR LA
GLOBALISATION DE SON ACTION
6
PARAGRAPHE 1. UN CHAMP HORIZONTALEMENT ÉTENDU : UN
CHAMP MONDIALISÉ
6
A) L'action de Standard and Poor's dans un ordre
internationalisé
6
B) L'action de Standard and Poor's dans un ordre spontané
8
PARAGRAPHE 2. UN CHAMP VERTICALEMENT ÉTENDU : LA
CONCEPTION FONCTIONNELLE DES ACTEURS DU MONDE
10
A) La contribution de Standard and Poor's à la perte de
l'exorbitance de l'Etat
10
B) La survivance de l'Etat : du gouvernement à la
gouvernance
12
SECTION 2. LA MISE EN CONCURRENCE, MOYEN DE DIFFUSION DE
LA RAISON NÉOLIBÉRALE
14
PARAGRAPHE 1. L'EXTENSION DE LA MISE EN CONCURRENCE AUX DROITS
14
A) La mise en concurrence des droits, produit de
l'objectivisation de l'attractivité financière
14
B) La mise en concurrence des droits, facteur d'influence des
législations internes
17
PARAGRAPHE 2. L'EXTENSION DE LA MISE EN CONCURRENCE AUX ETATS
18
A) La mise en concurrence des Etats, produit de l'objectivisation
des relations internationales
19
B) La mise en concurrence des Etats, facteur d'acquisition du
pouvoir
20
CHAPITRE 2. STANDARD AND POOR'S : LA FUITE DU
POLITIQUE COMME AXIOME DE FONCTIONNEMENT
23
SECTION 1. LE STATUT DE STANDARD AND POOR'S, FACTEUR
D'INDÉPENDANCE VIS-À-VIS DU POLITIQUE
23
PARAGRAPHE 1. DE PAR SA NATURE : UNE SOCIÉTÉ
COMMERCIALE
23
A) L'indépendance de Standard and Poor's, facteur de fuite
du politique
23
B) La fuite du politique, facteur d'un désir
d'indépendance
26
PARAGRAPHE 2. DE PAR SA COMPOSITION : DES
« EXPERTS »
27
A) Un discours prétendument immunisé de la
politique
28
B) L'immunité politique et juridique de Standard and
Poor's
30
SECTION 2. L'ACTIVITÉ DE STANDARD AND POOR'S, UNE
RÉGULATION EN DEHORS DU POLITIQUE
31
PARAGRAPHE 1. LA TECHNIQUE DE NOTATION : EXEMPLE-TYPE DE LA
RÉGULATION NÉOLIBÉRALE
31
A) L'absence de commandement, moyen de détournement de la
politique
31
B) L'anticipation du conflit, moyen de fuite de la politique
33
PARAGRAPHE 2. D'UNE AUTORÉGULATION À UNE
CO-RÉGULATION : ILLUSTRATION PAR LE CODE DE BONNE CONDUITE
35
A) L'élaboration d'un Code de bonne conduite par les
acteurs eux-mêmes : le rêve d'une autorégulation
35
B) La reprise du Code par les entités publiques : la
marche vers un « Etat de droit économique »
36
CONCLUSION
39
ANNEXE
41
BIBLIOGRAPHIE
42
TABLE DES MATIÈRES
46
* 1Marx (Karl), OEuvres,
Economie II, Crédit et banque, Paris, Gallimard, 1968,
cité dans Lazzarato (Maurizio), La fabrique de l'Homme
endetté. Essai sur la condition néolibérale, Paris,
2011, ed. Amsterdam, p. 46
* 2Lazzarato (Maurizio),
La fabrique de l'Homme endetté. Essai sur la condition
néolibérale, Paris, 2011, ed. Amsterdam, p. 46
* 3Ibid. p. 39
* 4Idem.
* 5Ibid. p. 46
* 6 Lacoste (Olivier),
1945-2000 : la mutation des dettes et des crises, Alternatives
Economiques, La dette et ses crises, Hors-Série n°91,
2012, p. 21
* 7 Insee, Comptes nationaux
annuels - Base 2005
* 8Standard and Poor's,
Guide to Credit Rating Essential, 2011, p. 5
* 9 Standard and Poor's, A
history of Standard and Poor's 1981-1987, 2009, en ligne : <
http://www.standardandpoors.com/about-sp/timeline/en/us/>
* 10 Gérard(Jacques),
Comprendre la dette, Le Monde, 4 mai 2012
* 11Idem.
* 12Dardot (Pierre) et Laval
(Christian), La nouvelle raison du monde. Essai sur la
société néolibérale, Paris, La
découverte, 2010, p. 8
* 13Foucault (Michel),
Naissance la biopolitique. Cours au collège de France
(1978-1979), Paris, Le Seuil -Gallimard, coll. « Hautes études
», 2004, p. 137
* 14Ibid.,p. 136
* 15Ibid., p.
137
* 16Valentin (Vincent),
Les conceptions néolibérales du droit, Paris, Economica,
2002, p. 10 ; Denord François, Aux origines du
néo-libéralisme en France. Louis Rougier et le Colloque Walter
Lippmann de 1938, Le Mouvement Social, 2001/2 n° 195, p. 4
* 17Garapon (Antoine),
LaRaison du moindre État. Le néolibéralisme et la
justice, Paris, Odile Jacob, 2010, p. 15
* 18Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 5
* 19 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 17
* 20Ibid., p.
225
* 21 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 47
* 22Jeanpierre (Laurent),
Une sociologie foucaldienne du néolibéralisme est-elle
possible ?, Sociologie et sociétés, vol. 38, n° 2,
2006, p. 90
* 23 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 139
* 24 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 16
* 25 Jon Elster,
« Les économistes ont tendance à croire que le
marché est aussi omniscient que Dieu ! ».
Philosophie magazine, février 2012, n°56, p. 45
* 26 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit.,p. 224
* 27Ibid., p.225
* 28Ibid., p.
226
* 29 L'emploi de cette
formule ne signifie pas que les Etats ne sont plus souverains ; elle
renvoie à l'ère où les Etats étaient au centre du
monde, avant l'avènement du néolibéralisme.
* 30 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 156
* 31Supiot (Alain), Homo
juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Editions
du seuil, coll. « La couleur des idées », 2005, p.
224
* 32Ibid., p.
227
* 33 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 226
* 34Idem.
* 35Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p.122
* 36Ibid., p. 21
*
37Brunel(Sylvie), Qu'est-ce que la
mondialisation ?,Sciences humaines, n°180, mars 2007
* 38 Loi n°2011-1977 du
28 décembre 2011 de finances pour 2012
* 39Hypolite (Darmien),
Qui détient les dettes d'Etat ?, Le Figaro, 5 aout 2011
* 40Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit.,p. 153
* 41Ibid. p. 165
* 42Idem.
* 43Desrosières
(Alain), L'État, le marché et les statistiques Cinq
façons d'agir sur l'économie, Courrier des statistiques,
Insee, décembre 2000, n°95-96, p. 9
* 44 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p.42
* 45Standard and Poor's,
A history of Standard and Poor's, op. cit.
* 46Idem.
* 47Montagne Sabine, Des
évaluateurs financiers indépendants ? Un impératif de la
théorie économique soumis à l'enquête
sociologique, Cahiers internationaux de sociologie, 2009/1 n° 126, p.
140
* 48 Standard and Poor's,
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* 49Idem.
* 50 Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 245
* 51Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 24
* 52Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 245
* 53Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 202
* 54 Hayek (Friedrich),
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* 55Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit.,p. 40
* 56Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 120
* 57Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 217
* 58Bekmezian
(Helène), Triple A : du catastrophisme à la
résignation, Le Monde, 16 décembre 2011
* 59Idem.
* 60Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 47
* 61Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 32
* 62Ibid., p.36
* 63Idem.
* 64Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p.37
* 65 Brand (Thomas), Le
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l'économie, 2008/1, n° 3, p. 266
* 66Dardot (P.), La
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* 67 Le Nouveau Petit
Robert, « note », 2007, p. 1705
* 68 Gaillard (Norbert),
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* 69Standard &
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* 70 Standard and Poor's,
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* 71Dardot (P.), La
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* 72Ibid., p.
356
* 73Rothkopf (David), Do
States have a Right to Fail?, in Actes des Rencontres
Économiques d'Aix-en-Provence 2011, Le monde dans tous ses Etats, p.
294
* 74Idem.
* 75Bacache-Beauvallet
(Maya), Redéfinir les méthodes de gestion de l'État
employeur et producteur,in Actes des Rencontres
Économiques d'Aix-en-Provence 2011, Le monde dans tous ses Etats,
p.604
* 76Gaillard (Norbert),
Les agences de notation, op. cit., p. 22
* 77Ibid., p. 24
* 78Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 385
* 79 Standard and Poor's,
Standard & Poor's Reaffirms Its Commitment To The Goal Of Comparable
Ratings Across Sectors And Outlines Related Actions, 6 mai 2008
* 80Standard and Poor's,
Big Changes In Standard & Poor's Rating Criteria, 3 novembre
2009
* 81Standard and Poor's,
General Criteria: Principles Of Credit Ratings, 16 février
2011
* 82Crowley
(John),Usages de la gouvernance et de la gouvernementalité,
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* 83Borot(Luc),
Gouvernance, Cités 1/2002 (n° 9), p. 181
* 84Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 358
* 85Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 355
* 86Ibid., p.
356
* 87 Voir supra.
Chapitre 1, section 1, Paragraphe 2, B)
* 88Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p.121
* 89 Standard and Poor's,
Sovereign Government Rating Methodology And Assumptions, 30 juin 2011,
p.10
* 90 Banque mondiale,
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* 91Standard and Poor's,
Sovereign Government Rating Methodology And Assumptions, 30 juin 2011,
p. 13
* 92 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 259
* 93Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 258
* 94Standard and Poor's,
Sovereign Government Rating Methodology And Assumptions, 30 juin 2011,
p. 13
* 95Idem.
* 96 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 174
* 97Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 245
* 98Du Marais (Bertrand)
(Dir.), Agences de notation, immobilier et contrats publics. Contribution
sur l'attractivité économique du droit, La documentation
française, coll. Perspectives sur la justice, 2007, p. 55
* 99Standard and Poor's,
Communiqué de presse : République française :
note non-sollicitée à long terme abaissée à «
AA+ » ; la perspective est « négative », 13 janvier
2012
* 100 Le Monde avec AFP,
Sarkozy parlera aux Français « à la fin du
mois » pour présenter ses réformes, Le Monde, 15
janvier 2012
* 101 Du marais (B.),
Agences de notation, immobilier et contrats publics, op. cit., p.
56
* 102Ibid., p.
68
* 103Ibid., p. 61
s. : Bertrand Du Marais fait état d'une réforme
opérée par le législateur français afin de
consacrer légalement une règle jurisprudentielle, suite aux
pressions des agences de notation. Il s'agissait plus exactement d'une
réforme sur le compte à affectation spéciale dans les
opérations de titrisation française.
* 104Auby (Jean-Bernard),
À propos des agences de notation, Dr. Adm. n°10, Octobre
2011, repère 9, p. 1
* 105Idem.
* 106Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., leçon du 21
mars
* 107Auby (J-B),
À propos des agences de notation, op. cit., p. 2
* 108Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 406
* 109 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 38
* 110Idem.
* 111Idem.
* 112 En témoigne
peut être les relations qu'a entretenue la France avec la Libye, sous
l'empire de Kadhafi, ou avec la Syrie, sous la dictature de Bachar Al
Assad...
* 113Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 396
* 114Standard and Poor's,
Guide to Credit Rating Essentials - What arecredit
ratingsand howdo they work?, 2011, p. 6
* 115 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 157
* 116 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 231
* 117 Standard and Poor's,
Guide to Credit Rating Essentials - What arecredit
ratingsand howdo they work?, 2011, p. 3
* 118Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 232
* 119Echaudemaison
(Claude-Danièle) et autres, Dictionnaire d'Economie et de sciences
sociales, Nathan, 2006, « Homo oeconomicus », p.
244
* 120Chavagneux
(Christian), Le rôle ambigu des agences de notation,
Alternatives Economiques, La dette et ses crises, op. cit.,
p. 47
* 121 Le Monde, Agences
de notation : quelles réformes proposent les candidats pour 2012 ?,
18 janvier 2012
* 122 Commission de l'Union
européenne, La commission veut des notations de crédit de
meilleure qualité, IP/11/1355, 15 novembre 2011
* 123 Fonds
monétaire international, Global Financial Stability Report,
octobre 2010, Chapitre 3
* 124Gaillard (Norbert),
Les agences de notation, op. cit., p. 11
* 125 La Fontaine (Jean),
Le satyre et le passant, Livre V, Fable VII, GF Flammarion, Paris,
2007, p. 169
* 126PE et Cons.,
règl. (CE) n°513/2011, 11 mai 2011, modifiant le règlement
(CE) n°1060/2009 sur les agences de notation de crédit : JOUE
n°L.145-30, 31 mai 2011
* 127 Voir supra.
Introduction, section 3.
* 128Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p.225
* 129 Les
déclarations allant dans ce sens sont nombreuses :
« Notre influence va au-delà de ce que devrait être
notre rôle » : Sirou(Carole), 20 minutes, 14 janvier
2011 ; « un rôle totalement
disproportionné » : Dimitrijevic(Alexandra), Le
Monde, 21 novembre 2011 ; « Ces artisans du risque que sont
les agences n'expriment qu'une opinion, la leur. Elles font leur métier.
Ne leur demandez pas d'en faire un autre » : Bertin
(Sarah), Huffington post, 23 janvier 2012 ; « Au cours des
dernières années, la législation financière a
donné une place prépondérante aux notes des agences, ce
que nous sommes les premiers à déplorer
aujourd'hui » : Six (Jean-Michel), inÇa
vous regarde, La Chaine Parlementaire, mis en ligne le 1er janvier
2012
* 130 Bertin (Sarah),
Moi, J'ai été Experte Dans Une Agence De
Notation...,Huffington Post, 23 janvier 2012
* 131Standard and
Poor's,Guide to Credit Rating Essentials, 2011
* 132 Gauvin (Alain),
La responsabilité des agences de notation, in Le bien
commun, France culture, émission du 16 février 2012
* 133 Le Jalle
(Eleonore), Hayek lecteur des philosophes de l'ordre
spontané : Mandeville, Hume, Ferguson, Astérion,
2003, en ligne :<
http://asterion.revues.org/17>
* 134 Hayek (Friedrich),
L'erreur du socialisme, Entretien télévisé de F.
Hayek avec John O'Sullivan (1985) ; en ligne : <
http://www.youtube.com/watch?v=h5VFEzzd0eE>
*
135Dimitrijevic(Alexandra),Les agences de notation ne font pas
de la politique, Le Monde, 21 novembre 2011
* 136 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p .154
* 137Idem.
* 138Chavagneux
(Christian), Le rôle ambigu des agences de notation,
Alternatives Economiques, La dette et ses crises, op. cit.,
p. 47
* 139Auby (J-B),
À propos des agences de notation, op. cit., p. 2
* 140Idem.
* 141Cohen (Elie),
L'ordre économique mondial. Essai sur les autorités de
régulation, Fayard, 2001, p. 175
* 142Bacache-Beauvallet
(Maya), Redéfinir les méthodes de gestion de l'État
employeur et producteur, in Rencontres Aix, op. cit., p. 605
* 143 Lombard (Martine),
Institutions de régulation économique et démocratie
politique, AJDA 2005, p. 530
* 144 Voir supra.
Chapitre 1, section 1, Paragraphe 1, B.
* 145 Chevallier (Jacques),
L'Etat nation face à la mondialisation, Regards sur
l'actualité, sept-oct. 1997, p.7-15, cité dans Valentin (V.),
Les conceptions néo-libérales du droit, op. cit., p.
244
* 146Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 244
* 147 Conseil d'Etat,
Réflexions sur l'intérêt général,
Rapport public 1999
* 148Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p.24
* 149 Frison-Roche
(Marie-Anne), Les 100 mots de la régulation, P.U.F., Que
sais-je ?, 2011, p. 3
* 150Timsit(Gérard),
La régulation, Revue française d'administration
publique, 1/2004, no109, p. 10
* 151Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 24
* 152Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 236
* 153 Lombard
(Martine),Institutions de régulation économique et
démocratie politique, op. cit., p. 530 ; Zoller (Elisabeth),
Les agences fédérales américaines, la
régulation et la démocratie, RFDA 2004, p. 757
* 154Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 242
* 155 Standard and Poor's,
Communiqué de presse : République française :
note non-sollicitée à long terme abaissée à «
AA+ » ; la perspective est « négative », 13 janvier
2012
* 156 Standard and Poor's,
Guide to Credit Rating Essentials - What arecredit
ratingsand howdo they work?, 2011, p. 9
* 157Lemarié
(Alexandre), Agences de notation : quelles réformes proposent les
candidats pour 2012 ?, Le Monde 18 janvier 2012 ; Audit (Mathias),
Aspects internationaux de la responsabilité des agences de
notation, Revue critique de droit international privé 2011 p.
581 ; Auby (Jean-Bernard), À propos des agences de
notation, Dr. Adm. n°10, Octobre 2011, repère 9 ;
Gaillard (Norbert), Les agences de notation, La découverte,
Repère, 2010, p. 92 ...
* 158 Voir infra.
Chapitre 2, Section 2, Paragraphe 2.
* 159Pollin (Jean-Paul),
L'Etat dépossédé, in Actes des
Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence 2011, Le monde dans tous ses
Etats, p. 269
* 160 Voir annexe 1.
* 161Montagne (Sabine),
Des évaluateurs financiers indépendants ? Un impératif
de la théorie économique soumis à l'enquête
sociologique, Cahiers internationaux de sociologie, 2009/1 n° 126, p.
143
* 162Standard and Poor's,
Guide to Credit Rating Essentials - What arecredit
ratingsand howdo they work?, 2011, p. 3
* 163 Standard and Poor's,
Management profiles, 2012, en ligne : <
http://www.standardandpoors.com/about-sp/management-profiles/en/eu>
* 164 Bourdieu (Pierre),
Le néo-libéralisme, utopie (en voie de réalisation)
d'une exploitation sans limites, in Contre-feux, Raisons d'agir,
Paris, 1998, p. 108
* 165Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 315
* 166Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 249
* 167Idem.
* 168Pollin (Jean-Paul),
L'Etat dépossédé, in Rencontres
Économiques d'Aix-en-Provence 2011, op. cit., p. 265
* 169Supiot (Alain),
Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit,
op. cit., p. 230
* 170Ibid., p.
227
* 171 Le 2 septembre 2009,
un juge de New York a décidé que la protection sous le premier
amendement ne valait que pour les avis rendus publics : Ordonneau
(Pascal), Les agences de notation sont-elles enfin
condamnables ?, Les échos, 8 mai 2012
* 172Rapport Philippe
Houillon, Commission des lois, Assemblée nationale, n° 772, avr.
2003, p. 14, cité dans Couret (Alain),Les agences de notation :
observations sur un angle mort de la réglementation, Revue des
sociétés 2004, p. 765
* 173 « Le
Wall Street Reform and Consumer Protection Act, adopté le 29 juin 2010,
a expressément admis la possibilité d'introduire des actions en
responsabilité contre les agences » écrit
Audit (Mathias),Aspects internationaux de la responsabilité des
agences de notation, op. cit., p. 581
* 174 Article 1011 de la
loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et
financière, codifié aux articles L.544-1 et suivants du Code
monétaire et financier
* 175Montagne (Sabine),
Des évaluateurs financiers indépendants ?, op. cit., p.
143
* 176Idem.
* 177 Le Monde et AFP,
Standard and Poor's annonce par erreur la dégradation de la note de
la France, Le Monde, 11 novembre 2011
* 178 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit.,p. 286
* 179Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 29
* 180 Weber (Max), Le
savant et le politique
* 181Cornu (Gérard)
(Dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF,
8ème ed., Paris, 2007 , p. 844, « sanction »
* 182Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 175
* 183Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 175
* 184Ibid., p.
175
* 185 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 297
* 186Ibid., p.
297
* 187 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 205
* 188 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 31
* 189Ibid., p.
31
* 190Standard and Poor's,
How We Rate Sovereigns, 13 mars 2012, p. 6
* 191Idem.
* 192Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 179
* 193 Dans l'échelle
de Standard and Poor's, CCC correspond au 3ème échelon
au-dessus du « Défaut » ; elle correspond plus
précisément à un Etat « effectivement
vulnérable et dépendant d'un contexte économique favorable
permettant de répondre aux engagements financiers » in
Standard and Poor's,Guide to Credit Rating Essentials -
What arecredit ratingsand howdo theywork?, 2011, p. 10
* 194 Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 214
* 195Comité
technique de l'OICV, IOSCO statement of principles regarding the activities
of credit rating agencies, 25 septembre 2003, p. 2 s.
* 196 OICV, About
IOSCO ; en ligne : <
http://www.iosco.org/about/>
* 197Comité
technique de l'OICV, IOSCO statement of principles regarding the activities
of credit rating agencies,op. cit., p. 1
* 198Idem.
* 199Garapon (A.), La
raison du moindre Etat, op. cit., p. 58
* 200Idem.
* 201Ibid., p.
59
* 202Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 396
* 203Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 177
* 204 PE et Cons. UE,
règl. (CE) n°1060/2009,16 septembre 2009, sur les agences de
notation de crédit : JOUE n°L.302, 17 nov. 2009.
* 205Colson (Jean-Philippe)
et Idoux (Pascale), Droit public économique, Lextenso
éditions, L.G.D.J., 5ème ed., 2010, p. 644
* 206Dardot (P.), La
nouvelle raison du monde, op. cit., p. 359
* 207Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 179
* 208Valentin (V.), Les
conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 240
* 209Ibid., p.
249
* 210 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 177
* 211Idem.
* 212 Foucault (M.),
Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 178
* 213Auby (J-B),
À propos des agences de notation, op. cit., p. 2
* 214Supiot (Alain),
Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit,
op. cit., p. 223
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