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Le gouvernement et le processus législatif en Tunisie (avant la révolution de 2011)

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par Héla Boujneh
Faculté de Droit et des sciences Politiques de Sousse - Mastère en Droit Public 2010
  

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Section 2 les fondements techniques et pratiques

Le gouvernement est chargé de conduire et d'orienter la politique de la nation. Pour se faire il est habilité à élaborer des projets de lois.

L'Etat dispose d'un ensemble d'organes qui ont pour mission de prendre les décisions et concourir à la confection des lois.

En Tunisie, l'article 37 de la Constitution tunisienne dispose que "le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République92(*) assisté d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre".

Le gouvernement est composé du premier ministre, des ministres et des secrétaires d'Etat.

En effet, les conseillers propres du président de la république jouent un rôle important dans la fixation des idées politiques et stratégiques de ce dernier93(*).

Les membres du Gouvernement sont classés par référence à une hiérarchie fonctionnelle qui correspond à la nature des activités des divers départements ministériels.

Le gouvernement dispose donc de structures qui lui permettent de participer au travail de conception de la norme législative.

On s'intéresse principalement, aux conseils impliquant les ministres (I) à côté des collaborateurs du gouvernement(II).

Paragraphe I- LES FORMATIONS GOUVERNEMANTALES 

Les réunions des ministres prennent en général la forme d'un Conseil des ministres.

Comme le signale le professeur Yadh Ben Achour ; «  Un chef d'Etat...un conseil des ministres, un premier ministre, un bureau politique, sont des organes ou autorités politiques parce qu'il leur appartient de dire le dernier mot sur les affaires, ensemble ou séparément94(*) ».

D'autre part le Chef de l'Etat peut avoir recours à des instances de coordination ad-hoc95(*) « moins formalisées et restreintes » tels que les conseillers de la présidence.

Parmi ces organes, il y a des organes de coordination essentiels et qui permettent le suivi régulier des préparations de projets de loi ; tels que les conseils des ministres(A) et des conseils ministériels restreints (B).

A- Les Conseils ministériels

Le Conseil des ministres, présidé par le Président de la République, est le point de passage obligé des décisions importantes prises par le gouvernement.

Le conseil des ministres joue un rôle dans le processus législatif (1) à travers la portée de ses décisions(2).

Chaque ministère se charge en principe du projet de loi se rattachant au domaine de sa compétence.

Il prend connaissance des perspectives et horizons de l'idée du projet, en faisant appel à des experts (enseignants, ingénieurs...).

Chaque projet de loi est préparé, par les services du ministère compétent pour le sujet traité : il n'existe donc pas de service central chargé de la rédaction des projets, service auquel les différents ministères passeraient en quelque sorte commande. Si le sujet traité relève de la compétence de plusieurs ministères, un ministère est désigné pour conduire l'opération.

 

Lorsque des négociations ou arbitrages interministériels sont nécessaires, des réunions sont convoquées entre les ministères concernés. Il n'existe pas officiellement un organe régulateur de l'activité normative du Gouvernement qui suit le déroulement du processus législatif de la rédaction de l'avant-projet de loi à sa promulgation. L'adoption du texte se fait par le Conseil des ministres.

1- Le rôle du Conseil des Ministres 

L'article 54 de la constitution tunisienne dispose que : «  Les projets de lois sont délibérés en conseil des ministres. »

Les ministres exercent leurs attributions conformément aux décrets qui portent organisation de leurs départements. Ils ont une double fonction ; une fonction politique en tant que membres du gouvernement et une fonction administrative en tant que chefs de leurs départements ministériels.

Le conseil des ministres96(*) est l'organe de coordination politique le plus important au sein du gouvernement car les grandes directives et orientations sont arrêtées et fixées à ce niveau.

Les projets de lois sont fixés à l'ordre du jour du conseil ministériel conformément à la politique générale orientée par le chef d'Etat.

Les ordres du jour des réunions du Gouvernement sont présentés, dans leurs grandes lignes dans le Programme de travail du Gouvernement et dans le Plan des travaux législatifs du Gouvernement pour l'année considérée.

Les membres du Gouvernement et les chefs des autres organes centraux de l'administration peuvent proposer des points à faire figurer à l'ordre du jour.

En règle générale, les ordres du jour sont communiqués aux membres du Gouvernement et aux chefs des autres organes centraux de l'administration cinq jours avant les réunions.

Les réunions du Gouvernement peuvent comporter plusieurs parties, par exemple la partie où les décisions n'appellent pas de débat, la partie où un débat est nécessaire et les parties consacrées à des délibérations de caractère général ou à la communication d'informations.

Le président de la république préside les conseils ministériels et peut être supplée par le premier ministre (article 60 de la Constitution).

La politique générale a un sens très large ambigu qui ne fixe pas de frontières.

Son caractère variable fait qu'elle touche tous les domaines.

En général, le ministre intéressé présente le projet de loi lors de la réunion du conseil des ministres.

Ce projet de loi a été préalablement discuté lors du conseil ministériel restreint ou lors d'un conseil interministériel par les ministres intéressés et leurs collaborateurs lors des travaux préparatoires au sein des ministères.

2- Les décisions du conseil ministériel

Les décisions du conseil ministériel peuvent prendre la forme de projets de lois ou des décisions proprement dites.

Le président de la république est aussi le président des conseils ministériels,  « il dispose du secrétariat général du gouvernement pour la préparation de ces conseils et des divers actes de la procédure législative ou réglementaire97(*) ».

B- Les Conseils Ministériels restreints 

Le conseil ministériel restreint est décisif en matière d'élaboration des orientations et choix fondamentaux de la politique de la nation et la plus grande partie des décisions politiques y sont arrêtés.

Ce conseil fonctionne en étroite collaboration avec le Conseil des Ministres.

Avant d'être inscrits à l'ordre du jour d'une réunion du Gouvernement pour examen, les documents sont soumis à une procédure de consultation interministérielle. Ils sont aussi examinés par les organes consultatifs du Gouvernement ou par les ministères. Le ministère concerné organise des réunions préparatoires. L'objet de ces réunions préparatoires ou consultatives est de procéder à un examen approfondi et complet des textes ; il est indispensable de soumettre les documents à cet examen et de recueillir l'avis d'experts pour pouvoir les présenter aux réunions du Gouvernement, les modifier en fonction des commentaires formulés au cours de ces réunions ou en fonction des opinions exprimées par les organes consultatifs du Gouvernement.

Le Conseil Ministériel Restreint regroupe les représentants des départements ministériels intéressés par l'ordre du jour.

Il peut s'agir, en plus des ministres, des secrétaires d'Etat et des hauts fonctionnaires.

Une fois, l'idée de projet est acceptée au sein du conseil ministériel, le ministre renvoi le projet à son administration pour élaborer le texte du projet.

Le projet peut être horizontal ou vertical.

Le projet de loi horizontal fait appel à la collaboration de plusieurs ministères et le projet de loi vertical est conçu au sein d'un seul ministère.

L'élaboration d'un projet de loi renvoie à l'élaboration d'une action publique pour l'intérêt général.

Les projets de lois appellent plusieurs intervenants ; à titre d'exemple : un projet de loi relevant du secteur de l'enseignement supérieur nécessite la collaboration de trois ministères au moins : ministère de l'enseignement de base et l'enseignement secondaire, de l'emploi et de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur. Cet éclatement ne facilite pas l'élaboration d'un projet de loi commun, ni les négociations budgétaires, ni l'établissement de documents administratifs d'exécution des lois.

Au point de vue organique, le gouvernement est à la fois un organe politique et un organe administratif98(*) , les ministres se placent à la tête de l'administration ; le politique et l'administratif s'entremêlent, du coup il est parfois difficile de distinguer entre les taches purement administratives et celles purement politiques.

Guillaume Drago conteste le fait qu'on assiste à une véritable « mainmise »99(*) de l'appareil administratif et technocratique par le gouvernement.

Les services administratifs centraux dépendent hiérarchiquement des ministères, et sont soient spécialisés dans une tache définie soit des organes d'exécution100(*).

C'est ainsi que la volonté du pouvoir politique va se traduire à travers l'oeuvre administrative.

Tous les moyens techniques, pratiques et de ressources humaines doivent être mis à la disposition des responsables afin de réaliser ce projet, en harmonie, grâce aux « services législatifs » de l'exécutif.

Le gouvernement dispose à cet effet de plusieurs personnes qui jouent le rôle de collaborateurs au sein de l'administration.

* 92 Le Président de la République, entre autres fonctions, oriente la politique générale de l'Etat, en définit les options fondamentales et en informe la Chambre des Députés.

Il nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement en bénéficiant d'un large pouvoir d'appréciation.

* 93 Théodore Roosevelt disait en 1912 dans son programme électoral :

"Derrière le gouvernement visible siège un gouvernement invisible qui ne doit pas fidélité au peuple et ne se reconnaît aucune responsabilité. Anéantir ce gouvernement invisible, détruire le lien impie qui relie les affaires corrompues avec la politique, elle-même corrompue, tel est le devoir de l'homme d'Etat."

* 94 Ben Achour (Y.).Pouvoir gouvernemental et pouvoir administratif, page 28, précité.

* 95Hachicha (L.). La coordination du travail gouvernemental, précité, page 139

* 96 Voir, Chapus(R.). Droit administratif général », Tome1, 14ième édition, Montchrestien, page 204-208.

* 97Debbasch (C.), Fréderic Colin (F.). Droit Administratif, 7iéme édition, economica, 2004, page 132

* 98Peiser (G.). Droit administratif général, 20ième édition, Dalloz, page 5

* 99Drago (G.).La confection de la loi  sous la VIème république : pouvoir législatif ou fonction partagée, revue française de théorie, de philosophie et de culture juridique, PUF 2007, page 63

* 100idem

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry