CHAPITRE PREMIER :
LIMITES DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE
L'histoire de la théorie économique est
marquée par un grand mythe de l'amélioration (du bien-être
par accroissement du capital ou par l'échange) qui a longtemps
contribué à évincer les préoccupations
environnementales. Ainsi la plupart des modèles de croissance font
abstraction de l'environnement et de ses spécificités
(Harrod-Domar, Solow). WW.Rostow et son ouvrage « Les Etapes de la
croissance économique » en est un cas typique.
Il y décrit les cinq phases de l'évolution
économique par lesquelles doit passer toute société, et
considère la croissance comme un état naturel des
sociétés. Par suite le sous-développement constitue
uniquement à ses yeux un retard d'accumulation qui pourra être
résorbé en empruntant des voies de développement
similaires à celles des pays industriels. Sa référence
ultime reste implicitement la période des trente glorieuses, qui
effectivement a connu un essor de l'investissement et du capital bien
supérieur aux périodes de croissance précédentes ;
la mythologie devenait en quelque sorte réalité.
Toutefois de 1945 à 1974, la consommation
d'énergie dans le monde a très exactement accompagné la
croissance économique. Plus largement, cette croyance au progrès
basé sur un primat de l'économie fut effective depuis la
révolution industrielle, et contribua en un demi-siècle à
augmenter la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère plus
qu'elle ne s'était accrue depuis les origines. L'intensification de
l'activité industrielle et le développement sans
précédent de la consommation ont en l'espace d'environ deux
siècles modifié l'environnement de façon
équivalente aux millénaires qui les ont
précédés.
Les modèles de croissance libéraux ne sont pas
d'ailleurs les seuls tenants de cette promotion de l'accumulation
dénuée du souci de l'environnement. François Perroux, par
exemple, fut aussi un promoteur incontesté de l'industrialisation lourde
des pays sous-développés afin de recréer, par le biais
d'une planification très volontariste, les vertus que la
révolution industrielle avait pu avoir dans les pays
développés.
Il s'agissait plus exactement, pour lui, de privilégier
d'abord le développement de certains pôles de croissance (secteurs
de base) susceptibles d'engendrer des effets d'entraînement sur d'autres
secteurs.
Toutefois, cette mythologie de la croissance illimitée,
indépendante des conditions naturelles dans lesquelles elle s'inscrit,
était déjà présente chez les physiocrates et les
classiques, et était entièrement liée à une
conception de la nature équilibrée et éternelle,
création de dieu.
![](Exploitation-miniere-en-Mauritanie-et-protection-de-l-environnement-cas-de-la-SNIM47.png)
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Ainsi si les physiocrates, en rection à l'école
mercantiliste, confèrent à la terre le statut d'unique
fournisseur de richesses, leur modèle d'économie agricole ne se
base pas moins sur une vision de la nature généreuse et gratuite,
don de dieu, et par suite n'envisage pas la potentialité de son
épuisement.
De même Adam Smith et Ricardo envisagent certes la
possibilité d'un épuisement de la croissance au travers de la
figure de l'état stationnaire, mais celui-ci serait la
conséquence d'un épuisement de la rente et non de la destruction
de l'environnement.
Jean Baptiste Say était quant à lui encore plus
optimiste, comme l'évoque cette remarque dans son cours
d'économie politique pratique : « Les richesses naturelles sont
inépuisables car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas
gratuitement...Ne pouvant être multipliées ni
épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences
économiques. ». Marx n'en est aucunement exclu.
Certes il remarque que chaque progrès du capitalisme
constitue un progrès dans l'art de l'exploitation du travailleur, mais
aussi dans l'art de l'épuisement des sols et des terres. Mais, d'une
part, il envisage le développement des contradictions du capitalisme par
elles-mêmes, et par suite n'envisage aucun frein à son
développement en restant dans une optique pleinement productiviste,
d'autre part, il reste plus qu'optimiste en ce que, pour lui, la
société capitaliste est capable de créer un apport de
production qui serait adapté aux besoins d'une forme plus haute de
civilisation humaine.
Néanmoins cet optimisme, encore très actuel au
dix-neuvième siècle, s'estompa progressivement, incitant en cela
la théorie économique à prendre en compte la
fragilité propre à la nature au-delà des seules
différences de fertilité.
SECTION 1
CONSCIENCE ECLOGIQUE ET MONTEE DU CONCEPT DU DEVELOPPEMENT
DURABLE
Dans le cas d'une pollution il s'agit d'une action
dommageable, non volontaire d'un agent sur l'autre. Le même type
d'interactions, mais de nature positive peuvent également avoir lieu.
L'exemple fondateur est celui de l'arboriculteur et de l'apiculteur.
Les abeilles de l'apiculteur pollinisent les arbres de
l'arboriculteur qui font des fruits et les arbres de l'arboriculteur
nourrissent les abeilles avec le nectar et le pollen. Il s'agit d'un effet
bénéfique crois'e involontaire entre les deux
activités.
![](Exploitation-miniere-en-Mauritanie-et-protection-de-l-environnement-cas-de-la-SNIM48.png)
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En économie ces deux situations sont regroupées
dans un unique cadre conceptuel, celui des externalités, qui peuvent
être positives ou négatives. Toutes les actions involontaires d'un
agent sur l'autre ne sont pas sources d'externalités, celles qui passent
par un marche et par les prix sont exclues. En effet sur une marche les
quantités demandées par un agent vont avoir un effet sur le prix
et sur les autres agents, mais ce n'est pas une
externalité23.
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