Open data : à la recherche de standards communs pour la réutilisation de l'information publique( Télécharger le fichier original )par Josselin Henno Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) - Master 2 Droit des nouvelles technologies 2011 |
B - Les informations produites par les administrations dans l'exercice d'une mission de service public à caractère industriel ou commercial23 - Aux termes de l'article 10 b) de la loi du 17 juillet 1978, telle que modifiée par l'ordonnance du 6 juin 2005, « ne sont pas considérées comme des informations publiques (...) les informations contenues dans des documents élaborés ou détenus par les administrations mentionnées à l'article Ier dans l'exercice d'une mission de service public à caractère industriel ou commercial ». 25 Article 40 du décret du 30 décembre 2005 26 http://www.cada.fr : « La Commission d'accès aux documents administratifs a été créée en 1978 pour assurer la bonne application du droit d'accès. Elle est pour les citoyens comme pour les administrations, le premier interlocuteur en la matière. Elle rend des avis qui constituent une voie de recours précontentieuse » 14 24 - A la lecture de cette disposition, la réutilisation d'informations produites ou reçues à l'occasion d'un service public à caractère industriel et commercial (SPIC) semble prohibée par principe. Cette interdiction contraste avec la permissivité du régime d'accès sur ce point. En effet, l'article Ier de la loi du 17 juillet 1978 dispose que sont considérés comme documents administratifs (...) « les documents produits ou reçus, dans le cadre de leurs missions de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission », sans distinguer entre les services publics à caractère administratif et les services publics à caractère industriel et commercial. Là où la loi ne distingue pas... Dès lors, tous les établissements publics, nationaux ou locaux, et quel que soit leur caractère -administratif, industriel et commercial ou scientifique et culturel-, seraient assujettis à l'obligation de communication. 25 - Néanmoins il convient de nuancer cette astreinte au régime d'accès, qui ne vise en effet que les seuls documents détenus par les administrations susvisées dans le cadre de leur mission de service public. Ce critère de destination permet d'exclure du régime d'accès les documents administratifs27 dont l'intérêt général commande qu'ils demeurent occultes. Il en est par exemple ainsi en matière de marchés publics conclus par les établissements à caractère industriel ou commercial, où la vie des affaires s'accommode mal des regards indiscrets. Ainsi, certains documents élaborés ou détenus par les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC) ne revêtent pas un caractère administratif. La Commission d'accès aux documents administratifs précise que l'absence de caractère administratif d'un document correspond à l'absence de « lien avec l'organisation ou l'exécution de la mission de service public dévolue à ces établissements ». C'est ainsi que la CADA a rejeté le droit d'accès s'agissant de contrats conclus par la SNCF, ayant pour objet, notamment, la fabrication et la distribution des tenues des agents des gares28. 26 - Il résulte de ce qui précède 1) que certains documents administratifs produits ou reçus par les administrations dans l'exercice de leur mission de service public à caractère industriel et commercial peuvent être obtenus via le régime d'accès ; 2) que les informations contenues dans ces documents administratifs ne peuvent pas faire l'objet d'une réutilisation29. L'article 10 de la loi de 27 Ce sont en fait les informations contenues dans les documents administratifs qui sont visées. 28 CADA, avis n° 20090372 du 29 janvier 2009 29 Il en va de même pour les documents détenus par les organismes privés chargés d'une mission de service public. Ces documents ouvrent un droit d'accès dès lors qu'ils revêtent un caractère administratif mais ne peuvent aucunement faire l'objet d'une réutilisation. 15 1978 laissait pourtant, avec sa formulation sans ambages, entrevoir un destin chantant aux informations issues du régime d'accès : « Les limites et les conditions de cette réutilisation sont régies par le présent chapitre, même si ces informations ont été obtenues dans le cadre de l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs...». Mais c'était sans compter sur une exclusion expresse des informations issues des SPIC au b) du même article. 27 - L'exclusion du champ de la réutilisation des informations produites par les administrations dans le cadre de leur mission de SPIC est un choix opéré par le législateur national. En effet, la directive ISP ne marquait pas une telle distinction entre les différentes natures de services publics mais se contentait d'exclure de son champ les « documents dont la fourniture est une activité qui ne relève pas de la mission de service public dévolue aux organismes du secteur public concernés en vertu de la loi ou d'autres règles contraignantes en vigueur dans l'État membre ou, en l'absence de telles règles, en vertu des pratiques administratives courantes dans l'État membre concerné ». 28 - Cette restriction du champ d'application du régime de diffusion et de réutilisation est un frein au mouvement Open Data en ce qu'elle bride le potentiel économique des informations du secteur public. C'est ce constat qui a conduit le Conseil National du Numérique a proposer en juin 2012 un élargissement du périmètre des informations publiques30 en y incluant les informations publiques issues des SPIC. 29 - L'ouverture des informations produites par les EPIC participe à l'efficacité de ces établissements en créant les conditions de l'innovation ouverte31. C'est pour cette raison que certains EPIC tels que la SNCF32 ont pris l'initiative de mettre à disposition certaines de leurs informations de manière à tirer profit de l'ingéniosité des développeurs, les plus talentueux d'entre eux étant récompensés. Le concours de la société civile pour améliorer les services participe du phénomène crowdsourcing. Ce néologisme issu de la contraction des termes « crowd » (la foule) et « outsourcing » (externalisation), qui n'a pas d'équivalent en français, semble avoir été conçu par Mark Robinson et Jeff Howe, ce dernier l'ayant popularisé dans un article du Wired magazine 30 Conseil National du Numérique, avis du 5 juin 2012, proposition n° 1 31 Rapport « Pour une nouvelle vision de l'innovation », de Paul Morand et Delphine Manceau, rendu au Ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi en avril 2009 : www.industrie.gouv.fr/enjeux/innovation/rapport-morand-2009.pdf 16 publié en 200633. Selon l'encyclopédie libre Wikipédia34, « Le crowdsourcing (...) est l'utilisation de la créativité, de l'intelligence et du savoir -faire d'un grand nombre de personnes, en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur »35. Un bon exemple de crowdsourcing en matière d'Open Data nous est donné par le projet OpenStreetMap, qui a pour but de constituer une base de données cartographiques du monde, en utilisant notamment le système GPS des utilisateurs. La finalité d'un tel projet est de créer des cartes sous licence libre, afin d'en faciliter l'exploitation. 30 - Nous avons vu que les informations produites par les administrations dans le cadre de leur mission de SPIC ont été expressément exclues du régime de réutilisation par le législateur national, alors même que ces informations, du moins celles qui concernent l'activité de service public de ces établissements, peuvent être communiquées via le régime d'accès. Une fois communiquées via le régime d'accès, il semblerait que ces informations puissent faire l'objet d'une réutilisation, ce qui brouille la distinction entre régime d'accès et régime de réutilisation. Cette restriction du champ des informations publiques est préjudiciable pour le mouvement Open Data. Cependant on constate que des initiatives de mises à disposition sont prises par les EPIC, qui y voient l'opportunité d'améliorer la qualité de leurs services à moindre coût, notamment par le recours au crowdsourcing. En outre, il convient de rapprocher l'exclusion de ces informations du régime de réutilisation de l'exclusion des informations sur lesquelles des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle, qui se justifie par la protection des intérêts des ayants-droit. |
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