INTRODUCTION
Les maladies non transmissibles (MNT) sont les principales
causes de décès aujourd'hui et sont en augmentation, comme
l'indique l'Organisation Mondiale de la Santé dans son rapport sur la
situation mondiale des MNT. Les maladies chroniques étaient auparavant
le problème de santé majeur dans les pays à revenu
élevé alors que les pays à revenu faible et
intermédiaire se préoccupaient des maladies transmissibles. Mais
les changements socio-économiques de ces pays ont changé la
tendance. Selon les données de l'OMS, 80% des décès par
MNT se produisent dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire.
Sur les 57 millions de décès qui se sont
produits dans le monde en 2008, 36 millions, soit près des deux tiers,
étaient dus aux MNT, principalement les maladies cardiovasculaires, les
cancers, le diabète et les pneumopathies chroniques. Le Dr
Margaret Chan « Directeur général de l'OMS »,
estime que les MNT portent un double coup au développement, provoquant
des milliards de dollars de pertes pour le revenu national, et entraînent
chaque année des millions de personnes au-dessous du seuil de
pauvreté2.
Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de la
plupart des décès par MNT (17 millions de personnes chaque
année), suivies par le cancer (7,6 millions), les maladies respiratoires
(4,2 millions) et le diabète (1,3 million). Selon l'OMS, ces maladies
ont tous les mêmes facteurs de risque comportementaux : le tabagisme,
l'usage nocif de l'alcool et une alimentation
déséquilibrée.
Le Maroc a réalisé des avancées
remarquables dans le domaine sanitaire. Depuis son indépendance, il a
déployé des efforts pour améliorer la santé de la
population. L'amélioration de l'état de santé de la
population grâce à la disparition de certaines
épidémies (Poliomyélite, Diphtérie, Tétanos
néonatal, Rougeole, Trachome, Paludisme, Bilharziose) et la
généralisation de la campagne vaccinale (95% de la population en
1996)3 n'ont pas aidé à faire avancer les indicateurs
sanitaires. En effet, la santé au Maroc présente encore des
indicateurs alarmants avec un taux de mortalité maternelle (TMM) de
227 pour 100.000 naissances vivantes, un taux
de mortalité infantiles (TMI) de 40 pour 1000
ainsi qu'une couverture médicale ne dépassant pas les
30% de la population4.
2 Selon le rapport de la situation mondiale des maladies non
transmissibles, OMS 2010.
3 Selon le rapport du ministère de la santé «
stratégie 2008/2012 »
4 Des chiffres du ministère de la santé 2009
9
Trois des huit objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) sont destinés à la
santé :
- OMD 4 : Réduire la mortalité des enfants de moins
de cinq ans
- OMD 5 : Améliorer la santé maternelle
- OMD 6 : Combattre le VIH/ SIDA, le paludisme et la
tuberculose
Et à l'approche de la date butoir (2015), le Maroc se
voit loin dans la réalisation des OMD en matière de santé.
Ces derniers, sont en lien avec l'augmentation de l'épidémie des
maladies non transmissibles (MNT) dues aux facteurs de la transition
économique, l'urbanisation rapide et le mode de vie non sain. Les effets
socio-économiques des MNT freinent aussi la réalisation des OMD
qui ciblent les déterminants sociaux, tels que l'éducation pour
tous et l'élimination de la pauvreté.
Le royaume du Maroc est parmi les pays qui ont connu une
transition épidémiologique avec un intérêt
particulier aux maladies chroniques. Cette transition est due à une
modification dans l'âge de la population, des changements de style de vie
(accroissement de la consommation du tabac, de l'alcool, diminution dans
l'activité physique) ce qui tend à accroître la
prévalence des facteurs de risques et donc le risque de survenue d'un
AVC5.
On enregistre donc une augmentation dans les personnes
souffrant de facteurs de risques cardiovasculaire, plus de 33% des marocains
sont hypertendus, 29% ont un taux de cholestérol élevé et
plus de 13% de la population sont obèses. Les MNT deviennent donc un
problème majeur de la santé publique.
L'AVC est l'une des MNT constituant un problème de
santé publique. Le nombre de personnes souffrant d'accident vasculaire,
est en augmentation parallèlement que le vieillissement de la
population.
L'OMS définit l'AVC comme « un trouble focal aigu
du système nerveux central d'origine vasculaire ». Il correspond
à un arrêt brutal de la circulation sanguine au niveau du cerveau,
qui est dû soit à un caillot situé directement dans
l'artère soit à une hémorragie en sorte de rupture de
parois du vaisseau. A l'origine de cette pathologie, on trouve une perturbation
de l'irrigation sanguine du cerveau, dont quelques cellules meurent en manque
d'oxygène et autres composantes essentielles.
5 Le rapport « Le logement comme
déterminant socio-économique du risque d'accident vasculaire
cérébral au Maroc » BAGLIONE et ENGELS, Mai 2011, CERDI
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L'AVC est aussi la première cause d'handicap à
l'âge adulte, la deuxième cause de démence et la
troisième cause de mortalité. Il est donc clair que cette maladie
constitue un lourd fardeau humain, surtout financier.
La raison de la survenue d'un AVC est liée à
divers facteurs de risque. Ces derniers représentent des variables
associées à la probabilité de la survenue d'une maladie.
Un facteur de risque peut être modifiable par des interventions
cliniques, épidémiologiques et/ou écologiques ou bien non
modifiable.
Risques non évitables. Il s'agit principalement de
:
- L'âge
- Le sexe
- Les antécédents familiaux
Risques évitables. On identifie des
éléments de comportement de la vie courante
déclenchant ou aggravant la survenue de l'AVC. Parmi ces
comportements :
- Les maladies à grand risque : HTA, diabète,
maladies cardiaques
- Le tabac
- L'alcool
- Le surpoids
Pour le Maroc, il existe une enquête exhaustive qui
étudie la prévalence et l'incidence sur des données de
plus de 60 000 individus résident en milieu urbain et rural, avec
informations sur leurs caractéristiques socioéconomiques,
comportementales (hygiène de vie) et de morbidité.
L'enquête a été réalisée dans le cadre d'une
coopération entre le LASAARE et l'unité de neuropsychologie de
l'hôpital des spécialités avec le soutien de
l'académie Hassan II des sciences et techniques. Cette base a
donné lieu à plusieurs travaux sur la prévalence (Louis
Faye (2009), Hazzami (2009), et Sebgo (2009)) qui ont appliqué des
outils de statistique descriptive et de l'économétrie (notamment
le probit). Outre la mesure prenant en compte la normalisation, ils ont mis en
exergue les facteurs qui aggravent le risque AVC. Florian Léon (2011) a
recouru à la méthode des groupes appariés et a pu parvenir
à des résultats complémentaires des
précédents. Etant donné la faible fréquence des
AVC, il a pu styliser, notamment par référence aux variables
relatives au régime alimentaire.
Notre travail portera sur deux aspects en amont et en aval des
AVC. Nous étudierons d'un côté les déterminants
socioéconomiques et comportementaux des maladies qui agissent
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sur le risque AVC (en particulier l'HTA, les maladies
cardiaques et le diabète) ; de l'autre nous analyserons la
gravité des handicaps inhérents aux AVC. Nous tenterons
d'apprécier l'effet des variables démographiques, à
côté des variables précitées.
Ainsi le premier chapitre va être consacré
à l'effet des diverses variables qui caractérisent les individus
sur le risque qu'ils contractent une maladie à risque AVC.
Dans le deuxième chapitre, nous restreignons l'analyse
à l'échantillon des personnes ayant subi un AVC (127 cas), et
nous étudions la gravité des séquelles qu'elles en
gardent. Nous analyserons, à côté des facteurs ayant
précédé la survenance de l'AVC, l'âge et le niveau
d'éducation ainsi que d'autres comportements qui ont un impact sur la
gravité des handicaps que connaitront les individus.
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CHAPITRE I : LES DETERMINANTS SOCIO-ECONOMIQUES ET
COMPORTEMENTAUX DE LA SURVENUE DES MALADIES A RISQUE D'AVC.
Plusieurs études ont déjà traité
la relation qui existe entre le statut socio-économique, le comportement
individuel et l'état de santé des individus. Cette relation
diffère d'une MNT à l'autre, ce qui est le cas pour l'HTA, le
diabète et les maladies cardiaques. Concernant ces maladies, que nous
allons traiter dans notre étude, l'augmentation du revenu se traduit
directement par un changement de style de vie et d'alimentation. Ce nouveau
mode de vie (ex: forte consommation de protéines animales) accroit le
risque d'HTA et de diabète.
Nous allons présenter dans la section qui suit, les
résultats de certaines études qui se sont
intéressées, d'une part, à la relation entre les
déterminants socio-économiques et les maladies à risques
d'AVC. D'autre part, les déterminants comportementaux et les facteurs
médicaux évitables de l'AVC. Puis dans la deuxième
section, nous allons présenter la base de données utilisée
dans l'étude.
SECTION I : REVUE DE LA LITTERATURE ET PRESENTATION DE LA BASE DE
DONNEES
I.1. LES ENSEIGNEMENTS DE LA REVUE DES ECRITS
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