L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme( Télécharger le fichier original )par Augustin TALA WAKEU Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012 |
B- L'EXCLUSION CONSECUTIVE A LA MECONNAISSANCE DES MODALITES PRATIQUES ET AU PROBLEME DE RESIDENCELa méconnaissance des lois en matière électorale et précisément de la procédure d'inscription produit des effets néfastes sur le processus électoral selon les responsables de l'ONEL83(*). Cette situation fait de la vie politique « une jungle où chacun se débrouille sans vraiment maîtriser les règles de jeu84(*) ». Ce qui se matérialise par le fait que les partis politiques collectent parfois les cartes d'identité de leurs militants afin de les faire inscrire même après la convocation du corps électoral. Pourtant, la convocation du corps électoral signifie la fin des inscriptions sur les listes électorales85(*). En pratique, la méconnaissance des lois en matière électorale et de la procédure d'inscription éloignent de nombreux citoyens des bureaux d'inscription étant donné que certains ne savent pas souvent qu'ils ont déjà atteint l'âge requis pour s'inscrire sur les listes (Eboussi Boulaga, 1997 : 275). Ce qui les exclut du fichier électoral en compromettant leur paricipation aux élections. Les autres obstacles sont liés au fait que plusieurs citoyens ne savent pas parfois où les bureaux d'inscription se trouvent86(*) encore moins les heures de leurs ouvertures ou de leurs fermetures et plus intéressant, le fait que les heures de leurs fermetures ne soient pas suffisamment longues (Duval, 2007 : 92). De ce fait, si les bureaux d'inscription ne sont pas ouverts jusqu'à une heure tardive afin de permettre aux gens qui travaillent de se libérer pour se faire inscrire, il leur sera difficile d'abandonner leur travail à cet effet. Or, en pratique, les bureaux d'insciption ferment à 15h ayant ouverts à 08h. Ce qui ne facilite pas la tâche à ceux qui finissent le travail à 15h de s'inscrire puisqu'il peut advenir qu'à leur arrivée au lieu d'inscription le bureau soit déjà fermé ; sans négliger le fait que certains ferment avant l'heure officielle de fermeture. A titre d'illustration, la fermeture prématurée des bureaux d'inscription dans le Mayo- Kani a empêché les jeunes ayant atteint l'âge électoral de s'inscrire (Kees, 1992 : 117). De même, la mauvaise organisation des opérations d'inscription conduit généralement au découragement des citoyens87(*). On peut aussi reléver comme éléments supplémentaires de découragement pour les inscriptions sur les listes électorales la pénurie du matériel d'inscription (Eboussi Boulaga, 1997 : 274-275). Au-delà de cette méconnaissance des modalités pratiques, le lieu de résidence du citoyen est un facteur qui fragilise davantage l'inscription sur les listes. En effet, d'après le code électoral88(*), seuls les citoyens camerounais jouissant du droit de vote et ayant leur domicile réel ou résidant effectivement dans la commune ou dans la circonscription depuis au moins six (6) mois peuvent être inscrits sur une liste électorale. Cette disposition exclut d'office tous les citoyens ne résidant pas pendant cette période dans la commune ou la circonscription exception faite aux militaires et assimilés89(*), et aussi des citoyens qui justifient de leur inscription au rôle des contributions directes dans la commune pour la cinquième année consécutive à condition que les demandes d'inscription soient obligatoirement accompagnées des certificats de non inscription sur les listes ou de radiation90(*). Cette situation a fait l'objet de plusieurs débats au Cameroun surtout en ce qui concerne les camerounais vivant dans les pays étrangers qui ne pouvaient voter parce qu'ils n'étaient pas inscrits sur les listes électorales91(*). Ce qui n'était pas conforme à leur souhait et les amenaient à dénoncer leur mise à l'écart. Prennant exemple des diasporas des autres pays africains qui participent aux élections dans leur pays, celle du Cameroun se demande pourquoi elle ne participe pas aux élections ?92(*) Désormais, cette exclusion rélèvera du passé si l'on se réfère au projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale par le gouvernement le 06/07/2011 qui leur permet de prendre part à l'élection présidentielle et au référendum mais pas aux élections législatives et municipales93(*). Ainsi, la diaspora camerounaise prendra part à l'élection présidentielle et au référendum malgré son absence du territoire camerounais. Toutefois, cette situation constituera toujours un blocus à sa participation aux élections législatives et municipales. Ce qui n'est pas sans impact sur le potentiel électoral de ces deux dernières élections qui restera toujours moins important que celui de l'élection présidentielle surtout lorsqu'on sait que les camerounais sont des millions à vivre à l'étranger94(*). De même, les citoyens changeant régulièrement de résidence ou de domicile éprouveront d'énormes difficultés à s'inscrire sur les listes car s'ils étaient déjà inscrits sur des listes, ils auront du mal à se faire réinscrire dans leurs nouvelles communes (Duval, 2007 : 58) et s'ils ne s'étaient pas encore inscrits, ce n'est pas certain qu'ils le feront parfois à cause de leur forclusion95(*). Dans tous les cas, ils sont des milliers à être absents dans leurs lieux de résidence. Ainsi, d'après le dernier récensement, ils étaient un total de 682.532 résidents absents à leurs lieux de résidence dans l'ensemble du pays96(*). Suivant la même perspective, le fait de résider à une distance très éloignée du bureau d'inscription ou à une distance nécessitant un déplacement en véhicule peut constituer un argument supplémentaire pour les citoyens voulant s'inscrire car ceux-ci peuvent ne pas accepter de parcourir cette distance pour accomplir cette formalité ou de dépenser une certaine somme d'argent seulement pour aller s'inscrire. Par ailleurs, les actions de certains acteurs contribuent aussi à l'effritement du taux d'inscription. * 83 Ibid. P. 9. * 84 Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 15. * 85 Ibid. * 86 A ce propos le responsable communal d'ELECAM de Dschang, lors de notre entretien du 25/11/2010, a déclaré que : « Je suis d'accord avec vous que notre emplacement est un peu discret, nous négocions à cet effet un emplacement au centre administratif ». * 87 Rapport General de l'ONEL., Sur le déroulement des opérations de l'élection présidentielle, du 11/10/2004, 2004, p. 36. * 88 Lire à ce propos l'article 5 al 1. * 89 Ibid. al 3. * 90 Ibid. al 7. * 91 Lire à ce propos l'article 98 al 1. * 92 Position défendue par des Camerounais lors de la visite du chef de l'Etat en France en 2010. * 93 Information relayée par la CRTV-radio, en date du 06/07/2011, au journal de 6h. * 94 Ibid. * 95Lire à ce propos le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 15. * 96 Lire à ce sujet le journal Le Jour, op.cit., p. |
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