L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme( Télécharger le fichier original )par Augustin TALA WAKEU Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012 |
PARAGRAPHE 2 : LA DIVERSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALESPlusieurs campagnes d'inscription seront organisées dans le pays à travers une diversité de stratégies développées par des acteurs sociopolitiques de tous bords. Ces campagnes vont déboucher sur les mesures de persuasion au profit du vote. Ce qui nous conduit à présenter d'une part l'intensification des campagnes d'inscription sur les listes électorales et d'autre part, les tactiques incitatives mises en oeuvre au profit de la participation. A- L'INTENSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION En effet, plusieurs techniques sont développées. Concernant ELECAM, elle a mis sur pied une battérie de techniques qui sont déployées par le biais des « équipes mobiles » et des « équipes fixes ». En ce qui concerne les « équipes mobiles », elles contribuent à l'inscription de nombreux camerounais et se déploient essentiellement à travers la tactique du « porte à porte ». Ainsi, elles (équipes mobiles) facilitent l'inscription des personnes qui ne peuvent se déplacer dans les lieux agréés pour le faire à cause de la distance ou pour tout autre raison. C'est justement grâce à elles que les personnels des services publics, privés, parapublics et certains étudiants ont été inscrits dans la ville de Dschang et dans bien d'autres villes. Elles permettent à cette institution de se déplacer, de « se rendre à ceux qui ne viennent pas à elle », en sillonant les coins reculés et les lieux publics pour inscrire les gens. Le but visé étant de contourner le problème de distance qui constitue l'une des causes majeures de la non-inscription sur les listes. C'est grâce à elle que de nombreux commerçants et autres citoyens dans la ville de Yaoundé, ont été inscrits sur les listes électorales comme nous avons pu observer au marché central. De même, le personnel de la gendarmerie, du commissariat, du camp militaire, de l'Université de Dschang, du lycée classique, de l'ENIEG, d'autres services et institutions de la ville de Dschang227(*) se sont fait inscrits grâce au « porte à porte ». De plus, par cette tactique et en fonction d'un ordre de passage préalablement établi de nombreux villageois ont été inscrit sur les listes électorales dans la commune de Dschang, sans s'être rendus dans les bureaux d'inscription agréée par ELECAM. Cela implique que, les personnes qui normalement devaient se rendre en ville pour se faire inscrire ont été inscrites sur place, c'est-à-dire dans leurs villages ou lieux de résidence par les équipes mobiles d'ELECAM. Tableau n°21 : CALENDRIER DE DESCENTES SUR LE TERRAIN POUR LES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS LA COMMUNE DE DSCHANG
Source : Antenne Communale d'ELECAM-Dschang Cette stratégie a favorisée l'inscription de milliers de villageois sur les listes électorales. Il est donc clairement prouvé à partir de ce tableau que : « si les gens ne viennent pas à ELECAM, ELECAM, ira à eux228(*) ». Cependant, cette tactique s'est opérationalisée dans les villages avec parfois la contribution des chefs traditionnels, qui sont chargés de rassembler leurs sujets dans les lieux de marché selon le calendrier de passage qu'ELECAM arrête avec eux. Ce qui a permis l'inscription de plusieurs personnes dans les villages, comme nous l'a confirmé le responsable de l'antenne communal d'ELECAM de Dschang229(*). De même, les services publics, privés et para-publics seront mis à contribution, pour permettre l'inscription de leurs personnels sur les listes électorales. C'est l'objet de cette correspondance n°002/10/ELECAM/DGE/DRO/ADM/ACD que le chef d'antenne d'ELECAM-Dschang a transmis à Monsieur le délégué départemental des enseignements sécondaires. C'est également à travers le « porte à porte », que les communautés réligieuses et ethniques seront elles aussi mises à contribution. A titre d'illustration, l'assemblée traditionnelle Sawa, par le biais du « Ngondo » a lancé une caravane pour les inscriptions sur les listes. Celle-ci a sillonée les six (06) Cantons du Wouri et a facilité à l'inscription des centaines de personnes230(*). Par contre, les « équipes fixes » permettent d'inscrire les personnes dans les lieux agrées ou dans les sièges d'ELECAM. En réalité, ce sont des lieux permanents d'inscription sur les listes dont l'efficacité réside dans sa visibilité, c'est ce qui a motivé ELECAM-Dschang à déplacer son emplacement du quartier Foréké pour le centre administratif. Parallèlement à cette institution, le RDPC a mis sur pied une série de stratégie pour amener les populations à s'inscrire sur les listes électorales. Il a par exemple institué en son sein les comités régionaux, départementaux et communaux pour les inscriptions sur les listes électorales dans l'ensemble du pays231(*). Ces comités ont à leurs têtes des personnalités qui sont par ailleurs des membres soit du comité central, soit du bureau politique du parti. Ainsi, dans la région de l'Ouest à titre d'illustration, le président du comité régional est M. Mbombo Njoya alors que dans celle de l'Extrême-Nord, il s'agit de M. Cavayé Yeguié Djibril. Quant-aux comités départementaux, le président de celui du Mfoundi est M. Gilbert Tsimi Evouna tandis que celui du Moungo est M. Sigfried Etame Massoma232(*). Grâce à ces différents comités des milliers de personnes seront inscrites. A cet effet, le découpage des comités communaux en « Zones » dans le Noun selon M.Oumarou Mefiré, président du comité départemental du Noun a permis de « Quadriller le terrain » ce qui a favorisé l'augmentation des inscriptions sur les listes électorales à près de 10%, amenant le taux d'inscription dans le Noun à plus de 50 mille inscrits233(*). Globalement donc, ces comités ont permis l'inscription des milliers de camerounais sur les listes électorales dans l'ensemble du pays. En conséquence, à partir de l'augmentation des taux d'inscription dans certains départements du Cameroun, on peut déduire que ces commissions ont contribué significativement à la croissance des inscriptions sur les listes électorales dans l'ensemble du pays. Tableau n° 22 : LES NOUVEAUX INSCRITS SUITE A LA CAMPAGNE D'INTENSIFICATION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS 03 COMMISSIONS DEPARTEMENTALES DE 03 REGIONS.
Source : Compilation de l'auteur à partir des Sites : www.Scores2000.Info et Cameroon-Oline.Com. A partir du tableau ci-dessus dont les départements ont été choisis de façon arbitraire, on comprend que ces comités et l'ensemble des stratégies développées par le RDPC participent à l'augmentation du nombre des inscrits sur les listes électorales. C'est d'ailleurs ce que reconnait M. René SADI, lorsqu'il affirme que : « Les résultats que nous avons sur le terrain sont encourageants et démontrent que nous avons eu raison de lancer cette campagne, car des centaines des milliers de camerounais sont aujourd'hui inscrits234(*) ». De même, certaines associations ont aidé à l'inscription sur les listes électorales. C'est le cas de l'association « Cameroon Obosso », qui a facilité l'inscription des citoyens sur les listes électorales en organisant de façon régulière des « descentes sur le terrain » avec les « équipes mobiles » d'ELECAM afin de procéder à l'inscription des citoyens sur les listes et particulièrement des jeunes. En conséquence, le 11/02/2011 les équipes de cette association ont permis l'inscription sur les listes électorales dans cinq (05) départements du Cameroun de plus de trois mille (3000) jeunes235(*). De façon globale, les stratégies du RDPC, d'ELECAM et de bien d'autres acteurs ont contribué à l'augmentation du nombre des inscrits sur les listes électorales dans l'ensemble du pays. Tableau n°23 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES PAR REGION DE 2007 AU 10 JUIN 2011
Source : www.Elecam.Cm L'augmentation des taux d'inscription est donc liée à la combinaison des actions de certains acteurs sociopolitiques mais particulièrement d'ELECAM et du RDPC qui depuis octobre 2010, ont entrepris des actions de neutralisation de l'abstentionnisme. C'est ainsi qu'au mois de Juin 2011, on peut constater une nette évolution du nombre d'inscrits par rapport à ceux de 2007. Ce qui peut s'expliquer par le fait que les stratégies mises en oeuvre par les acteurs sociopolitiques pour booster les inscriptions sont régulièrement améliorées. C'est dans ce sens que M. René Sadi estime que : « Le RDPC est entrain de redéfinir des nouveaux axes de mobilisation pour stimuler les campagnes d'inscription sur les listes236(*). Ainsi, « les réunions d'évaluation à mis parcours » mises en oeuvre par le RDPC lui permettent d'ajuster ses stratégies, de voir ce qui ralentit les inscriptions et de l'améliorer. C'est Ainsi que, M. Adjibolo Philémon a profité de l'une d'elles pour menacer certains Maires-RDPC de la région de l'Est qui selon lui, ne faciliteraient pas le travail des comités d'inscription dans la région. De ce fait, il prétend que ceux des Maires qui n'aident pas les comités, doivent savoir qu'il n'est pas certain qu'aux prochaines élections municipales ils soient les candidats du parti237(*). L'autre stratégie de lutte contre l'abstentionnisme électoral bien qu'illégal a consisté pour certaines autorités administratives et commissions mixtes chargées des inscriptions sur les listes électorales à continuer les inscriptions malgré la convocation du corps électoral. C'est ce qu'avait constaté l'ONEL lors des élections législatives et municipales de 2002, en estimant que les inscriptions sur les listes électorales malgré la convocation du corps électoral, se sont poursuivies parfois jusqu'à la veille des élections238(*), en violation des dispositions légales en la matière. Elle a contribué à l'augmentation des inscriptions sur les listes malgré son caractère illégal. De même, il sera entrepris l'inscription des aveugles et mal voyant sur les listes électorales par M. Paul Tezano, président de l'Association des aveugles et mal voyants du Cameroun. Dès lors, il procédera à l'établissement des cartes nationales d'identité à ceux qui n'en possèdent pas et facilitera l'inscription de ceux déjà détenteurs239(*). Dans tous les cas, la nécessité de rendre efficace les inscriptions intensives sur les listes conduira à la prise d'un certain nombre d'actions incitatives au profit de la participation électorale. B- LA FACILITATION DE LA PARTICIPATION ELECTORALE La mise en confiance des citoyens est l'entreprise dans laquelle se sont investis l'ONEL et ELECAM. Ces institutions s'évertueront à rassurer les citoyens par rapport à leur crédibilité240(*). Or pour y parvenir, l'ONEL procédera par exemple à la délocalisation de nombreux bureaux de vote des domiciles privés, des commissariats et des gendarmeries considérés comme les lieux de répressions et d'intimidation au profit des établissements scolaires, des centres de santé et des hangars construits pour la circonstance. En conséquence, 1194 bureaux de vote seront délocalisés sur l'ensemble du territoire241(*). De même, l'ONEL organisera le retrait des cartes électorales avec la contribution des partis politiques, tout en accentuant les opérations de « porte à porte » liées à la distribution des cartes d'électeur pendant la campagne électorale. A titre d'illustration, M. Amadou Moustapha président de l'ANDP exhortera ses militants et sympathisants dans le Dja et Lobo à rétirer leurs cartes d'électeur afin de participer aux élections242(*). C'est pour le même objectif que le préfet du Wouri, M. Bernard Atede ordonnera le dépôt des cartes d'électeur dans toutes les sous-préfectures et chefferies de son unité de commandement jusqu'à 18h afin de permettre aux citoyens de s'en procurer avant ou le jour du vote. Il insistera pour que les cartes d'électeurs soient déposées dans les bureaux le jour du vote243(*). En outre, l'ONEL insistera auprès des autorités administratives afin que celles-ci distribuent un maximum de cartes d'électeur de la manière la plus rationnelle et a même parfois usé d'injonction pour que ces autorités les distribuent sans discrimination. Cette institution informera les citoyens dans les lieux de cultes et par voie d'affichage en les exhortant à retirer leurs cartes d'électeurs là où ils étaient inscrits244(*). Par cette technique l'ONEL visait ainsi à pallier aux accusations de « distributions sélectives » des cartes d'électeurs qui ont longtemps entravé la participation de nombreux citoyens. Car, pour plusieurs raisons de nombreux camerounais étaient privés de leurs cartes d'électeurs et par conséquent étaient tentés de s'abstenir, ignorant que l'on peut voter avec la carte nationale d'identité à condition que le nom figure sur la liste électorale. En tout état de cause, la participation électorale est aussi stimulée par la mobilisation des ressources redistributives et coercitives. * 227 Ce sont les stratégies misent en oeuvre par les responsables ELECAM de la MENOUA et principalement de DSCHANG. C'est à l'issue de l'entretien avec le responsable communal d'ELECAM-DSCHANG en date du 25/11/2010. * 228 Cette déclaration à été faite par le responsable d'ELECAM de NANGA-EBOKO, à Equinoxe-tv, le 06/11/2010, au journal de 20h. * 229 C'est à l'occasion de l'entretien (le 25/11/2010) que nous avons eu avec ce responsable qu'il nous a fait part de cette situation. * 230 Voir à ce sujet le site www.Camernews.Cm. Consulté le 27/06/2011. * 231 Voir à ce propos le Site du RDPC, www.rdpc.cm, consulté le 30/06/2011. * 232 Ibid. * 233 Information relayée par CRTV-Ouest, en date du 08/07/2010, au journal de 18h. * 234 Il est le Sécrétaire Général RDPC, ces propos ont été relayé dans Google analystic.Com, consulté le 29/06/2011. * 235 Voir à ce propos le site www.Cameroon Obosso.net. Consulté le 28/06/2011. * 236 Il é ténu ces propos lors d'une « réunion d'évaluation à mis parcours » des inscriptions sur les listes électorales au palais des congrès de Yaoundé le 10/02/2011, avec les membres des comités régionaux, départementaux et communaux des inscriptions sur les listes électorales. Voir le site Google-Analystics.Com, consulté le 28/06/2011. * 237Il est décédé quelque temps après avoir tenus ces propos, au moment où il les tenait il était député RDPC et présidait le comité régional de l'EST pour les inscriptions sur les listes électorales au courant du mois de novembre de 2011. Consulté sur le site de www.Cameroon.online.Cm, le 27/06/2011. * 238 Rapport Général de l'ONEL, 2002, op. cit., p. 15. * 239 Cette information a été relayée par la CRTV-télé, en date du 16/12/2010, dans le quotidien des régions. * 240Propos tenus par le responsable ELECAM de la région de l'ouest. * 241 Rapport Général de l'ONEL, 2004, Op.Cit, p. 90. * 242 Cameroon tribune n°8895/5094 du 20/07/2007 p. 7. * 243 Ibid. p. 5. * 244 Rapport Général de l'ONEL, 2004, Op. cit., p. 42. |
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