L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme( Télécharger le fichier original )par Augustin TALA WAKEU Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012 |
PARAGRAPHE 2 : L'AMENUISEMENT DES POSSIBILITES D'ALTERNANCE PAR LA VOIE ELECTORALELe suffrage universel est devenu l'une des caractéristiques des régimes démocratiques (Dahl, 1998 : 22) parce qu'il est susceptible d'assurer une alternance démocratique, conformemant à l'idéal démocratique et ne saurait être acquise une fois pour toute (Nna, 2009 : 344-345). Sinon, il y a risques de compromettre l'alternance au profit de la longévité des dirigeants engendrant de facto le confinement des partis dans une opposition longue. C'est pour cela que l'alternance est déterminante pour la démocratie puisqu'elle permet aux partis de se rivaliser avec l'espoir de se succéder au pouvoir. C'est d'ailleurs ce que pense M. Ibrahima Fall lorsqu'il la considère comme la faculté pour les partis politiques ayant des projets de société différent de se succéder au pouvoir par le jeu des règles démocratiques de dévolution et d'exercice du pouvoir fondé sur la souveraineté du peuple191(*). La démocratie ne peut donc survivre sans elle surtout lorsqu'elle n'est pas la manifestation de la volonté populaire qui suppose que le peuple est à même d'accepter ou d'écarter les hommes appelés à les gouverner192(*). Cependant, le parti au pouvoir plus que l'opposition mobilise mieux ses militants et sympathisants. Ce qui lui permet de fidèliser son électorat afin de contourner l'abstentionnisme ambiant contrairement à l'opposition peut-être faute de moyens, ou par simple tactique dont certains estiment qu'il n'y a pas de raison d'appeler leurs militants à se faire inscrire sur les listes électorales avec « Elecam dans sa configuration actuelle ». Or, cette incapacité de l'opposition à mobiliser ne galvanise pas les citoyens et traduit l'impossibilité pour celle-ci de fidéliser son électorat. Ce qui laisse le champ libre au parti au pouvoir qui fidélise son électorat en inscrivant surtout les gens susceptible de voter pour lui. D'où les scénaries d'inscription sélectives sur les listes électorales. A cet effet, M.Gilbert Tsimi Evouna estime : « Que les autres se débrouillent eux aussi de leur côté car nous travaillons pour nous-mêmes193(*) ». Ces propos traduisent bien la volonté du parti au pouvoir d'inscrire prioritairement celles des personnes susceptibles de voter pour lui. Ce parti a donc compris qu'on n'organise pas les élections pour perdre. Ce qui justifie les mesures prises à cet effet. D'ailleurs, M. Henri Eyebe Ayissi déclare que : « Nous sommes prêts à supporter les 2800f.cfa de frais d'établissement de la carte nationale d'identité à condition que nous soyons sûrs qu'ils vont voter pour Paul BIYA194(*) ». La conséquence logique est que cette situation est susceptible de garantir la victoire du RDPC en compromettant l'alternance démocratique car ces inscriptions sélectives sont censées profiter à ce parti. Il est donc fort probable que parce que la majorité des participants aux élections ayant été mobilisé par le parti au pouvoir, qu'elle soit tentée de voter en sa faveur. Ce qui n'est pas nécessairement avantageux pour l'alternance démocratique. En fait, certains responsables de ce parti estiment que : « Pendant que nous demandons à nos militants d'aller s'inscrire, certains démandent aux leurs de ne pas le faire et lorsque nous allons gagner ils vont s'étonner195(*) ». Ceci étant, le contexte de l'abstentionnisme a amené le parti au pouvoir, motivé par la conservation du pouvoir à faire inscrire prioritairement les couches sociales susceptibles de voter pour lui tout en developpant une certaine méfiance à l'égard des autres qu'il considère comme lui étant hostiles. C'est le cas des jeunes. A propos de ces derniers, M.Augustin Edjoa estime qu'« il faut se méfier des jeunes car si on prend cent jeunes dans le Mfoundi, je ne suis pas sûr que le RDPC ait trente. Nous sommes sûrs des anciens mais les jeunes là196(*) !». C'est une réalité qui est susceptible de bloquer l'alternance démocratique surtout lorsqu'elle est orientée contre la jeunesse qui constitue la couche sociale la plus importante parcequ'elle représente plus de la moitié de la population camerounaise197(*). Ce qui peut expliquer dans une certaine mesure pourquoi, l'alternance connait des difficultés dans son opérationalisation au Cameroun. Pourtant, elle est considérée comme le moment fort de la démocratie198(*). Par ailleurs, c'est une situation qui, à long terme, peut créer la frustration des partis politiques de l'opposition et les conduire à opter pour des formes de participation non-conventionnelles ou contestaires199(*) lorsqu'ils ne s'allient pas tout simplement au gouvernement face à la difficulté avérée de provoquer l'alternance. En effet, l'absence d'alternance est susceptible de remettre en cause le caractère pacifique de la compétition électorale et la loi des urnes qui visait justement à forclore la violence (Braud, 1998 : 204). C'est pour cette raison que Mme Henriette EKWE considère que : « La voie électorale ne convient plus aux camerounais200(*) ». on en conclut donc que la société démocratique est celle des alternances arbitrée par le peuple souverain ; c'est-à-dire une société où les renouvellements politiques répondent à des exigences du corps social (Kamto, 1993 : 142). L'abstentionnisme électoral est donc le résultat d'une série d'actions et d'interactions constructives qui engendrent une diversité d'impacts. Dans cette logique, on constate que c'est un phénomène qui débouche sur la lutte de la légitimité avec pour conséquence la consécration du vote de la minorité au détriment de la majorité puisqu'il traduit surtout les difficultés que connait le Cameroun dans la construction da sa démocratie. Dans tous les cas, l'abstentionnisme reste malgré tout l'expression de la démocratie car elle traduit le fait que le vote est avant tout un droit (Deloye et als : 1993 : 112) que chacun est libre d'user à sa guise sans une quelconque contrainte. Par ailleurs, ce n'est pas un phénomène qui laisse indifférents les acteurs sociopolitiques car ceux-ci entreprennent de façon énergique à travers leurs multiples actions et interactions des tentatives de sa neutralisation. CHAPITRE 2 : LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES D'ERADICATION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL Dans la plupart des constitutions et des lois, personne ne peut proclamer ou recommander l'abstention sous peine de sanctions (Gandolfi et Lambert, 1984 : 292) ; il n'est donc pas admis que des acteurs l'encouragent. D'où les multiples condamnations proférées contre sa pratique, mais surtout les stratégies de luttes orientées contre elle. Pour cette raison, ceux qui pratiquent l'abstentionnisme ou l'encouragent sont généralement considérés comme des hérétiques par rapport aux valeurs de la République. Il en ressort que, plusieurs Etats considèrent la pratique de l'abstention comme une faute juridique sanctionnable, doù la consécration du vote obligatoire dans les pays comme la Belgique et l'Australie. C'est ce qui fait dire à M. Delpérée qu'une fois la qualité d'électeur reconnu le citoyen doit exercer la charge qui lui est assignée201(*). En fait, refuser de prendre part au vote c'est refuser d'accomplir l'un de ses plus importants devoirs républicains. C'est ce qui justifie les stratégies développées pour lutter contre l'abstentionnisme électoral dans plusieurs pays. A titre d'illustration, en Belgique, si un électeur s'abstient quatre fois pendant 15 ans, il risque de perdre son droit de vote pour les dix prochaines années et être écarté des nominations, promotions et des distinctions officielles offertes par les autorités publiques durant ces dix années ; tandis que, les frais de transport sont remboursés pour les Belges qui vivent loin de leurs domiciles. Dans la même logique, concernant l'Egypte, les personnes qui ne votent pas, peuvent courir le risque d'être emprisonnées. Par ailleurs, l'Australie a institué les bureaux de vote mobiles pour faciliter le vote de ceux qui ne peuvent se déplacer. Toutefois, d'après une étude réalisée par les chercheurs de l'Université de Montréal et intitulée the paradox of compulsory voting : participation does not equal political knowledge, « le vote obligatoire ne crée pas nécessairement des citoyens informés des enjeux politiques... » (Couture, 2008 : 1-2) ce qui ne traduit forcément pas, une attention aux choses politiques. Ceci étant, la participation massive des citoyens aux élections est une préoccupation permanente dans plusieurs Etats du monde, conduisant à la mise en oeuvre d'une variété de stratégies diverses, fortement influencées par les conjonctures politiques (Gaxie, 2000 : 34), afin de stimuler la participation. A cet effet, au Cameroun contrairement à certains pays, le vote n'est pas obligatoire, il s'agit plutôt d'un droit. Ce qui a nécessité l'adoption des stratégies particulières d'incitation à la participation électorale dont les résultats restent relatifs. Nous présenterons à cet effet, d'une part la mobilisation des ressources expressives et incitatives et d'autre part les ressources rédistributives et coercitives. * 191Cité par HOLO, T. op. cit., p. 2 * 192Cette position est soutenue par M.SCHUMPETER, cité par HOLO, T. op. cit.. p. 2 * 193Il a tenu ces propos en tant que président de la commission départementale du RDPC pour les inscriptions sur les listes électorales dans le Mfoundi, ceci à l'occasion du bilan à mis parcours qu'il a ténu avec les membres de son équipe, en date du 08/02/2011 à Yaoundé. C'est par ailleurs le délégué de la Communauté Urbaine de la ville de Yaoundé. Voir à ce sujet le Site Cameroun-online.Com. * 194Il a tenu ces propos lors d'une campagne d'intensification des inscriptions sur les listes électorales oragnisée par le RDPC, dont il est le président de la commission départementale pour les inscriptions sur les listes électorales dans la Lékié en date du 24/03/2011. Il est par ailleurs ministre des rélations extérieures. Voir à ce sujet le site ww. Camer.Be, en date du 07/07/2011. * 195 Propos tenus par un responsable du RDPC lors d'un débat organisé sur Stv2 en date du 12/07/2011, à l'émission « Cartes sur table ». * 196Il a tenu ces propos en tant que membre de la commission départementale du RDPC pour les inscriptions sur les listes électorales dans le Mfoundi à l'occasion du bilan à mis parcours qu'il a ténu avec les membres de son équipe en date du 08/02/2011 à Yaoundé. C'est un ancien ministre des sports. Voir à ce sujet le Site Cameroun-online.Com. * 197 Lire à ce sujet le journal Le Jour n°669 du 15/04/2011, p. 2. * 198 M. Alain FOGUE TEDOM a tenu ces propos sur Equinoxe-tv à l'émission « La vérité en face » du 23/01/2011. * 199 Lire à ce propos séquence-6. op. cit., p. 88. * 200 Elle a tenu ces propos sur Equinoxe-tv en date du 16/07/2011 à l'émission « La grande Tribune ». * 201Cité par MONGOIN, D. op. cit., p. 2. |
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