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L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme

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par Augustin TALA WAKEU
Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012
  

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SECTION 1 : ABSTENTIONNISME ELECTORAL ET DELEGITIMATION

L'élection est considérée comme un puissant instrument de légitimation des dirigeants et comme un mode légitime de désignation des représentants (Bacot, 1994 : 103). Toutefois, la légitimité est le fait pour les institutions publiques et politiques d'être acceptées par les populations concernées comme conforme à leurs voeux et qui seront alors disposées à leur prêter leur concours (Michalon, 1984 : 51). Ce qui suppose que la démocratie ne saurait survivre longtemps sans que les citoyens donnent naissance à une culture politique de participation (Dahl, 1998 : 52) nécessaire à la construction de la démocratie. Ceci étant, le déficit de légitimité n'exclut pas le fait que, même en cas de faible participation électorale, les élus demeurent les représentants de tous les citoyens y compris de ceux qui n'ont pas pris part au vote. C'est le principe du « coup de force symbolique » de la représentation. D'ailleurs, un fort taux d'abstention n'est pas de nature à affecter en pratique la stabilité du régime politique (Lipset, 1963 : 5) qui fonctionnera comme si tout le peuple lui avait donné son onction. Il faut cependant noter qu'un régime qui n'a pas une grande légitimité populaire peut être confronté à de nombreuses opérations de remise en cause de la légitimité des dirigeants et des institutions politiques. Ce qui traduit le degré d'effritement de la représentativité des dirigeants politiques et fait du vote de la minorité l'expression de la volonté de la majorité.

PARAGRAPHE 1 : LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS ET DES INSTITUTIONS POLITIQUES

La légitimité en matière électorale est plus déterminante que la légalité175(*) et lorsque cette légalité ne cadre pas avec la volonté de la majorité des citoyens, il y a des risques qu'elle soit remise en cause. Or, c'est la situation dans laquelle les citoyens ne se sentent pas représentés étant donné que l'électeur non représenté est celui qui s'abstient lors du vote ou vote nul (Bacot, 1994 : 155). Le plus pertinent est que l'électeur qui refuse de se faire représenter refuse de facto que les autres le fassent en son nom. C'est pour cela qu'il a tendance à remettre en cause le choix de ceux qui ont décidé de voter. Dans tous les cas, l'abstention est l'un des fondements de la « crise de la représentation » (Subileau, 1997 : 258), la traduction concrète du divorce qui existe entre dirigeants, institutions politiques et citoyens. Dans cette optique, entre interactions, actions et interactions, la légitimité des dirigeants et des institutions politiques sera sérieusement remise en cause.

A- LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS

Un pouvoir illégitime est celui dans lequel le groupe social refuse de se reconnaître et de suivre ses initiatives. Il est alors très tenté de recourir à la force pour imposer son acceptation spontanée par la population (Michalon, 1984 : 51-52). C'est un pouvoir qui, suite à la faible participation électorale des citoyens, n'est pas suffisamment représentatif au sein de la population et fait face à une méfiance de la part de ceux-ci et même à un rejet perpétuel. Ce qui oblige souvent les gouvernants à faire usage de la force pour faire passer et accepter leurs décisions. Cependant, dans le cas du Cameroun, le déficit de légitimité est plus ressenti dans les zones connaissant généralement les plus grand taux d'abstention. Ce qui suppose que la problématique de la légitimité ne se pose pas dans l'ensemble du pays avec la même ardeur et de la même façon. En effet, elle se pose plus dans certaines localités que d'autres. C'est principalement le cas dans les zones souvent considérées comme des fiefs de l'opposition. Il s'agit par exemple du Wouri où le taux d'abstention aux élections municipales de 1996 était de 58,58%, et de la présidentielle de 1997 où il était de 40,73%176(*). A Foumban urbain, ce taux était de 61,68% (Elang Tchoumbia, 2004 : 41). Le problème ici est que les populations qui ne votent pas ont tendance à contester l'ordre politique établi. Ce qui se matérialise généralement à l'occasion des manifestations. Ce fut le cas en 2008 à l'occasion de ce qui a été qualifié « d'émeutes de la faim » auxquelles les manifestants ont plutôt contesté la révision constitutionnelle portant sur son article 6.2 particulièrement dans le Wouri qui est le département figurant depuis 1992 dans la liste de ceux qui votent le moins. Bien que la désaffection des citoyens pour la chose politique fasse de quelques professionnels de la politique les maîtres du destin national (Kamto, 1993 : 195), ils sont néanmoins confrontés à de véritables crises de représentativité et se voient souvent amenés à recourir soit à des moyens de séduction soit à la violence pour se faire accepter par les populations qui ont du mal à s'identifier à eux. En effet, lorsqu'une personne est élue avec un fort taux d'abstention, il ne représenterait qu'une partie infime de la population. Ce qui conduit non seulement à la détention du pouvoir par des dirigeants dotés d'une faible représentativité mais aussi leur place et leur élection perde de leur crédibilité même si sur le plan légal, leur élection est valable et leur permet d'exercer leur fonction au nom de tous et pour tous. En conséquence, seul le vote massif des citoyens fonde la démocratie représentative177(*) étant donné que la participation massive des citoyens au vote exprime leur attachement à la communauté à laquelle ils appartiennent et traduit leur confiance à l'égard du système politique en place d'où leur disponibilité à le soutenir parce qu'il est l'expression de leurs aspirations. En effet, tandis que la légalité parvient tout simplement à donner une explication formelle à l'établissement du pouvoir politique en montrant que ses détenteurs sont issus des urnes, la légitimité quant-à elle est conforme aux aspirations populaires et n'a la plénitude de son sens que si les résultats des élections reflètent le choix de la majorité des citoyens (Nna, 2009 : 344-345). Ainsi, à cause du boycott, les élections ont engendré dans une certaine mesure une crise de la représentativité des élus (Sindjoun, 1999 : 314). Ce qui a conduit à des contestations de la légitimité des élus sortis des urnes à l'issu des élections législatives de 1992 car les partis politiques ayant boycotté ne reconnaissaient aucune légitimité à ces élus vu le fort taux d'abstention que leur élection avait suscité à savoir officiellement 39,42%178(*). Dès lors, les partis politiques ayant pris part aux élections ne pouvaient en conséquence, parler en lieu et place du peuple qu'ils ont « trahi » (Nkainfon Perfura, 1994 :239). On comprend pourquoi les épreuves de représentativité sont l'objet de lutte pour l'interprétation des résultats (Gaxie, 2000 : 37). D'ailleurs, les résultats électoraux n'ont de réelle signification que si les gouvernés se sont présentés en masse aux élections179(*). A cet effet, les acteurs politiques s'efforcent toujours de démontrer leur légitimité en relativisant en permanence les taux d'abstention qui, pour eux, restent insignifiants.

Les partis politiques ayant respecté le mot d'ordre de boycott bien qu'absents à l'Assemblée Nationale mais conscients de leur audience liée au fort taux d'abstention continueront à contester la légitimité du pouvoir RDPC en brandissant non seulement le score obtenu par l'opposition parlementaire mais également le pourcentage d'abstention qu'ils croient leur revenir (Nkainfon Perfura, 1994 : 238-239). Dans cette logique, la vingtaine de députés RDPC élus par 10% des inscrits dans les zones Anglophones ne peuvent parler au nom de leur communauté (Owona Nguini, 1997 : 722). C'est pour cela que ceux élus par une minorité ne sont pas représentatifs et ne peuvent parler au nom de l'ensemble sans que ne leur soit rappelé la faiblesse de leurs bases électorales. Ceci étant, tout gouvernement choisi par un groupe restreint n'est pas démocratique (Elang Tchomba, 2004 : 56) parce que dépourvu de légitimité et de représentativité, il correspond plus à une oligarchie (Braud, 1998 : 580). En réalité, le déficit de légitimité des élus politiques est renforcé par le fait que les populations les considèrent comme des personnes qui ne sont là que pour leurs intérêts personnels et en ce qui concerne les parlementaires, elles les considèrent comme des gens peu lettrés politiquement et culturellement incompétents ne servant que de « faire-valoir » du gouvernement (Machikou, 2009 : 77 et 81). Les institutions aussi sont censées jouir d'une acceptation spontanée de la part des citoyens sinon leur stabilité sera en permanence menacée.

* 175 Cette déclaration a été faite par Magloire ONDOA, enseignant de droit à l'université de Yaoundé II-Soa, lors du cours magistral de droit électoral que nous avons eu avec lui en Janvier 2011 à l'université de Dschang.

* 176Lire à ce propos Cameroon Tribune n° 2751, p. 6.

* 177 Document consulté sur Google le 11/05/2011.

* 178 Lire à ce propos Cameroon Tribune n°5090 du, 12/03/1992, p. 14.

* 179 Lire à ce propos séquence-6, op. cit., p. 87.

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