LES SOINS PSYCHIATRIQUES SANS
CONSENTEMENT : LA REFORME DU 5
JUILLET 2011
Delphine ROUZO
Master 2 Droit de la responsabilité
médicale « Promotion 2012 »
2
Les opinions émises dans le présent
mémoire n'engagent que son auteur et non la Faculté Libre de
Droit
LES SOINS PSYCHIATRIQUES SANS
CONSENTEMENT : LA REFORME DU 5
JUILLET 2011
3
Delphine ROUZO
Master 2 Droit de la responsabilité
médicale « Promotion 2012 »
4
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d'abord à remercier vivement M. Nicolas
BRULE, responsable de la cellule juridique de l'agence régionale de
santé Nord - Pas-de-Calais, qui m'a accueilli en stage pendant cinq mois
et qui m'a permis de prendre part à des missions aussi variées
qu'intéressantes au sein de la cellule juridique, toujours avec
enthousiasme et vivacité.
Je souhaite également remercier Caroline PEROUTKA,
chargée de mission juridique à la cellule juridique, qui a pris
de son temps pour m'accompagner tout au long de ce stage et qui m'a beaucoup
appris, toujours avec patience et bonne humeur. Je n'oubli pas non plus Justine
DESVILLES, assistante juridique et Jennifer LEGER, stagiaire
élève avocate, avec lesquelles j'ai eu beaucoup de plaisir
à travailler et à partager.
J'adresse de vifs remerciements à Nicole DESMARECAUX,
responsable de la cellule des soins soumis à décision
administrative au sein de la Direction de la santé publique et
environnementale de l'ARS NPDC, qui m'a beaucoup aidé dans
l'élaboration de ce mémoire et qui a eu la gentillesse de prendre
de son temps pour me faire découvrir son travail quotidien, et me faire
part de ses réflexions sur la réforme de la nouvelle « loi
psychiatrie ».
Je remercie aussi Céline HELLAIN-ROSE, chargée
de mission adjointe Maisons et Pôles de santé au sein de la
Direction de l'offre de soin, avec qui j'ai eu un entretien passionnant au
sujet de l'accueil et de la mise en oeuvre de la réforme au sein des
établissements publics de santé mentale.
Je remercie vivement mon directeur de mémoire, M.
Frédéric ARCHER d'avoir accepté de me suivre sur ce
mémoire, pour ses encouragements et ses précieux conseils
toujours très avisés.
Je remercie enfin chaleureusement ma directrice de Master, Mme
Lina WILLIATTE-PELLITTERI, pour sa présence et sa gentillesse, et pour
cette année de Master 2, qui fut une année universitaire aussi
riche qu'intéressante.
5
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE :
PRESENTATION THEORIQUE DE LA REFORME DES SOINS SANS
CONSENTEMENT
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE GENERAL DES SOINS
PSYCHIATRIQUES
CHAPITRE II : LES DISPOSITIONS SPECIALES A CERTAINES CATEGORIES
DE
PATIENTS
DEUXIEME PARTIE :
LES DIFFICULTES PRATIQUES DE MISE EN OEUVRE DE LA LOI
DU 5 JUILLET 2011
CHAPITRE I: ETAT DES LIEUX DE L'EFFECTIVITE DE LA PROTECTION
DES DROITS DES PATIENTS EN SOINS SANS CONSENTEMENT
CHAPITRE II : LA JUDICIARISATION DU CONTROLE DES SOINS SANS
CONSENTEMENT
6
TABLE DES ABREVIATIONS
ARS : Agence régionale de santé
Ass : Assemblée
Ass.Plén. : Assemblée plénière de
la Cour de cassation
C.civ : Code civil
CA : Cour d'appel
Cass. : Cour de cassation
CDSP : Commission départementale des soins
psychiatriques
CE : Conseil d'Etat
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme
Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés
fondamentales
CGLPL : Contrôleur général des lieux de
privation de liberté
CNCDH : Commission nationale consultative des droits de
l'homme
CRUQPC : Commission des relations avec les usagers et de la
qualité de la prise en charge
CSP : Code de la santé publique
DGOS : Direction générale de l'offre de soins
EPSM : Etablissement public de santé mentale
HPST : Hôpital, Patients, Santé, Territoires
IGAS : Inspection générale des affaires
sociales
IGSJ : Inspection générale des services
judiciaires
JLD : Juge des libertés et de la détention
NPDC : Nord - Pas-de-Calais
OMS : Organisation mondiale de la santé
QPC : Question prioritaire de constitutionnalité
SDRE : Soins sur décision du représentant de
l'état
SDT : Soins sur demande d'un tiers
TGI : Tribunal de grande instance
UMD : Unité pour malades difficiles
USM : Union syndicale des magistrats
UHSA : Unité hospitalière spécialement
aménagée
7
« On juge du degré de civilisation d'une
société à la façon dont elle traite ses fous.
»
Lucien BONNAFE
8
INTRODUCTION
« Toutes les personnes atteintes de troubles mentaux
ont droit à un traitement et à des soins de bonne qualité
dispensés par des services de soins de santé compétents.
Elles doivent être protégées de toute forme de
discrimination et de tout traitement inhumain. »1
Plus que tout autre patient, la personne souffrant de troubles
mentaux doit bénéficier de soins appropriés à son
état, dans le respect de ses libertés et droits fondamentaux. En
France, l'évolution de la prise en compte médicale mais aussi
sociale de la maladie mentale a été lente et fastidieuse. Ce
qu'était auparavant appelée très largement « la folie
» était traitée en priorité par l'exclusion sociale :
il fallait cacher à la société ces êtres
déments, dépourvus d'intelligence, dangereux. Ces «
aliénés » étaient ainsi purement et simplement mis au
ban de la société et c'est au XVIIe siècle que
sont créés les premiers centres d'internement au sein même
des hôpitaux généraux2, mais sans pour autant
conférer à ces asiles une quelconque vocation médicale.
Les aliénés étaient pour la plupart enfermés dans
des cachots et enchainés, et les soins médicaux étaient
quelque peu radicaux : saignées qui avaient pour vocation de
dégager le cerveau de la surcharge de sang qui l'agressait et de ramener
le calme dans les idées ; les bains, purges et douches servant eux,
à évacuer les humeurs accumulées dans les viscères.
Afin de remédier aux conditions misérables d'enfermement des
aliénés et à l'absence totale de règles encadrant
l'internement, le roi Louis Philippe promulgue la loi dite « des
aliénés » le 30 juin 1838. Cette loi rend obligatoire la
construction d'un asile dans chaque département, et encadre
l'internement en créant le placement d'office sous condition d'un avis
médical et de l'autorisation du préfet. Elle créée
deux types de placement : le placement volontaire et le placement d'office.
1 Organisation mondiale de la santé,
Législation touchant la santé mentale et les droits de
l'homme, Guide des politiques et des services de santé mentale,
2005.
2 L'hôpital général est
créé en 1656. Il est à l'origine destiné aux
mendiants valides et invalides, puis des espaces sont dédiés aux
« fous ». Le terme d' « hôpital » n'a toutefois pas
le même sens qu'aujourd'hui : il s'agit en réalité d'un
lieu d'hébergement forcé, une sorte de prison où quasiment
aucuns soins ne sont prodigués.
9
Ce n'est qu'en 1990 que la législation relative au
régime des soins psychiatriques évolue, par la loi du 27 juin
1990 relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d'hospitalisation3. La réforme avait pour objectif de
dépasser les pratiques asilaires et de promouvoir les droits des malades
mentaux, tout en instaurant un meilleur contrôle des conditions
d'hospitalisation. L'hospitalisation sans consentement se décline alors
en deux procédures de contraintes : l'hospitalisation sur demande d'un
tiers, le tiers étant entendu comme un membre de la famille ou une
personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade, et
l'hospitalisation d'office qui est décidée par le préfet
lorsque les troubles mentaux de l'intéressé compromettent l'ordre
public et la sûreté des personnes.
Dès le début des années 2000 se dessine
la volonté de la part de l'ensemble des acteurs de soins et des pouvoirs
publics de faire évoluer le dispositif d'hospitalisation sans
consentement. L'on constate en effet une certaine insuffisance de la loi en
vigueur, notamment quant à l'accès aux soins ou encore par
rapport à l'évolution des conditions de prises en charge des
patients. Différents rapports sont alors présentés aux
gouvernements successifs visant à bâtir une réforme de la
loi du 27 juin 1990. Parmi eux, Le « Rapport sur les problèmes
de sécurité liés au régime d'hospitalisation sans
consentement » de l'Inspection générale de
l'administration, de l'Inspection générale de la police nationale
et de l'Inspection de la gendarmerie nationale (mai 2004) qui insiste sur la
nécessité de réformer l'hospitalisation d'office pour
remédier aux carences d'information du préfet et aux faiblesses
du suivi des personnes hospitalisées d'office bénéficiant
de sorties d'essai. Mais le véritable socle de réflexion de la
réforme est le rapport de l'Inspection générale des
affaires sociales et de l'Inspection générale des services
judiciaires4, présenté au ministre chargé de la
santé et au garde des sceaux en 2005, qui conclut à la
nécessité de réformer la loi du 27 juin 1990 afin de tenir
compte de la diversification des prises en charge en psychiatrie, de modifier
les procédures d'hospitalisation, de développer l'accès
aux soins psychiatriques même en l'absence de tiers demandeur et de
renforcer le contrôle des
3 Loi n°90-527 du 27 juin 1990 relative aux
droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison
de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
4Propositions de réforme de la loi du 27
juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d'hospitalisations, IGAS/IGSJ, mai 2005
10
hospitalisations sans consentement en confiant un
contrôle a posteriori au juge des libertés et de la
détention.
Le 5 mai 2010, un projet de réforme de la loi du 27
juin 1990 est alors adopté en Conseil des ministres et
déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale. Toutefois,
ce projet de réforme dû être régulièrement
modifié suite à différentes décisions du Conseil
constitutionnel, saisi de multiples questions prioritaires de
constitutionnalité relatives à l'hospitalisation sans
consentement.
La première décision que nous retiendrons
résulte d'une question prioritaire de constitutionnalité portant
sur l'intervention du juge des libertés et de la détention dans
le contrôle de l'hospitalisation à la demande d'un tiers. Par une
décision du 26 novembre 20105, le Conseil constitutionnel
décide que le maintien de l'hospitalisation sans consentement d'une
personne atteinte de troubles mentaux au-delà de 15 jours sans
intervention d'une juridiction judiciaire, méconnait les exigences de
l'article 66 de la Constitution6. Le Conseil considère «
qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une
part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles
mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public
nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur
constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la
liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée,
protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté
individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à
l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à
l'exercice de ces libertés doivent être adaptées,
nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.
» Le Conseil constitutionnel exige l'instauration d'un contrôle
de plein droit dans le délai maximum de quinze jours portant sur la
nécessité du maintien de l'hospitalisation complète sans
consentement. Les sages déclarent ainsi contraire à la
constitution l'article L.3212-7 du Code de la santé publique.
5 Conseil const., décision n°2010-71, QPC,
26 novembre 2010
6 Article 66 de la Constitution de la
République française : « Nul ne peut être
arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la
liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les
conditions prévues par la loi. »
11
La seconde décision ayant eu un écho
considérable dans la rédaction de la loi nouvelle est celle du 9
juin 20117 faisant suite à une question prioritaire de
constitutionnalité relative cette fois aux conditions de fond du
placement ainsi qu'aux garanties encadrant l'hospitalisation dite d'office,
c'est-à-dire par décision du représentant de l'Etat. Le
Conseil constitutionnel relève une première difficulté qui
résulte de la situation permise par l'article L.3213-1 du Code de la
santé publique dans laquelle le préfet ordonne ou maintient une
hospitalisation d'office alors même que le psychiatre de
l'établissement s'y oppose, sans qu'un réexamen du patient soit
prévu afin de déterminer si l'hospitalisation complète
doit être maintenue ou non. Le Conseil considère alors que
« seul un réexamen, s'il confirmait la nécessité
de soins en hospitalisation, serait de nature à permettre le maintien de
la mesure, nonobstant le premier avis médical contraire. En revanche, si
ce réexamen infirmait à nouveau la nécessité de
soins en hospitalisation, la mesure ne pourrait qu'être
levée. » L'article L.3213-1 ne présente donc pas les
garanties suffisantes et est déclaré contraire à la
Constitution.
S'agissant du maintien de l'hospitalisation d'office, le
Conseil adopte le même raisonnement que pour l'hospitalisation à
la demande d'un tiers exposé à l'occasion de la décision
du 26 novembre 2010. Le Conseil relève qu'aucune disposition
législative ne soumet le maintien en hospitalisation complète au
contrôle d'une juridiction judiciaire, dans des conditions
répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution. L'article
L.3213-4 est donc également déclaré contraire à la
Constitution.
Les décisions du Conseil constitutionnel
révélant des dispositions contraires à la Constitution
ainsi que les différents rapports concluant de façon unanime
à la nécessité d'amorcer une réforme, favorisent
l'émergence d'un contexte propre à la rédaction d'un
nouveau texte encadrant les soins sans consentement. Plusieurs objectifs font
consensus à ce stade de réflexion : élargir l'accès
aux soins psychiatriques et notamment permettre l'admission en soins
psychiatriques dans les cas il n'y a pas de tiers faisant la demande
d'admission ; adapter la loi aux évolutions des soins psychiatriques en
favorisant le suivi hors hospitalisation ; améliorer la surveillance des
patients susceptible de présenter un danger pour les tiers
(référence aux évènements dramatiques causés
par des patients sortis
7 Conseil const., décision n°2011-135/140,
QPC, 9 juin 2011.
12
d'établissements psychiatriques) ; enfin, renforcer les
droits et libertés individuelles des patients en insistant notamment sur
l'information régulière des patients sur leurs droits et voies de
recours et sur leur état de santé.
La rédaction de la loi du 5 juillet a par ailleurs
été très largement motivée par la
nécessité de mettre notre droit positif en conformité avec
les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui a
eu l'occasion de condamner la France a plusieurs reprises pour causes
d'irrégularité dans les procédures de soins sans
consentement. Dans son arrêt CEDH 18 avril 2010 Baudoin c/
France8, la Cour condamne la France sur le fondement de l'article
5§49 de la Convention européenne des droits de l'homme
au motif que « les actes successifs fondant la privation de
liberté du requérant ont été annulés par les
juges administratifs, sans que jamais l'intéressé n'obtienne une
décision des tribunaux judiciaires mettant fin à la mesure
d'hospitalisation. » Dans cette affaire, la CEDH se prononce sur le
dualisme juridictionnel français en matière de contentieux
d'hospitalisation sans consentement et considère que «
l'articulation entre la compétence du juge judiciaire et du juge
administratif quant aux voies de recours offertes n'a pas permis au
requérant d'obtenir une décision du tribunal pouvant statuer sur
la légalité de sa détention et ordonner sa
libération si la détention est illégale. » Ce
dualisme « à la française » ne permet donc pas au
requérant d'être en mesure d'obtenir une décision d'un juge
judiciaire mettant fin à la détention si celle-ci se trouvait
être illégale.
La France fait l'objet d'une nouvelle condamnation un an plus
tard, le 14 avril 2011 dans l'arrêt Patoux c/ France10 : la
CEDH constate à nouveau une violation de l'article 5§4 de la
Convention en vertu duquel le tribunal saisi doit statuer « à
bref délai » sur la légalité de la
détention du requérant. En l'espèce, le juge saisi d'une
requête en mainlevée immédiate d'une mesure
d'hospitalisation d'office s'est prononcé quarante-six jours
après sa saisine, ce qui constitue pour la Cour de Strasbourg un
délai excessif et par la même, une violation du droit au recours
effectif protégé par l'article 5§4 de la Convention.
8 CEDH 18 avril 2010, Baudoin c/ France,
n°35935/03, §108.
9 Article 5§4 de la Convention
européenne des droits de l'homme : « Toute personne
privée de sa liberté par arrestation ou détention a le
droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à
bref délai sur la légalité de sa détention et
ordonne sa libération si la détention est illégale.
»
10 CEDH 14 avril 2011, Patoux c/ France,
n°35079/06
13
Il parait également intéressant de citer
l'arrêt de la CEDH du 20 avril 2011 C.B c/ Roumanie à l'occasion
duquel les juges de Strasbourg prononcent la violation par la
Roumanie11 de l'article 5§1 e)12 : « Un
individu ne peut passer pour aliéné et subir une privation de
liberté que si son aliénation a été établie
de manière probante et que le trouble revêt un caractère ou
une ampleur légitimant l'internement ». La Cour
considère ici que l'internement du requérant a fait l'objet d'une
procédure irrégulière, celui-ci étant basé
sur les doutes des enquêteurs quant à la santé mentale du
requérant et sur l'attestation médicale d'un médecin
généraliste ne l'ayant jamais vu. Par ailleurs, la mesure
d'internement n'a été soumise à aucun contrôle
juridictionnel.
Par ces arrêts, la CEDH encourage ainsi la France
à oeuvrer en faveur d'une unification du contentieux en matière
de soins sans consentement au profit du juge judiciaire, à instaurer des
délais « raisonnables » dans le contrôle des mesures
d'hospitalisation complète et d'édicter de procédures
strictes d'admission en soins sans consentement, afin d'éviter des
internements illégitimes et abusifs.
Dans son projet de réforme de la « loi psychiatrie
», le gouvernement poursuit ainsi de nombreux objectifs
d'amélioration de la loi du 27 juin 1990. Il avait par ailleurs pour
leitmotiv de concilier à la fois l'objectif de réinsertion et de
maintien de ces patients dans la société, via par exemple les
soins ambulatoires, et l'objectif plus sécuritaire, à savoir
d'éviter un nouveau drame surmédiatisé causé par un
patient faisant ou ayant fait l'objet de soins sans consentement. Au sein du
projet de loi présenté à l'Assemblée nationale,
Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, alors ministre de la santé et des
sports, précise à cette occasion : « Divers
événements dramatiques survenus ces derniers temps attestent de
la nécessité, rappelée par le Président de la
République, de mieux encadrer les sorties des établissements de
santé et d'améliorer la surveillance de certains patients
susceptibles de présenter un danger pour autrui. Une vigilance accrue
des professionnels et des pouvoirs publics vis-à-vis de la faible part
des malades atteints de troubles mentaux
11 CEDH 20 avril 2011 C.B/ Roumanie, n°
n°21207/03
12 L'article 5 de la Convention européenne
des droits de l'homme est relatif au droit à la liberté et
à la sureté : « Toute personne a droit à la
liberté et à la sûreté, sauf dans les cas suivants,
et selon les voies légales : e) s'il s'agit de la détention
régulière d'une personne susceptible de propager une maladie
contagieuse, d'un aliéné,d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un
vagabond ; »
14
susceptibles d'actes graves de violence doit contribuer
à rendre la société plus accueillante et tolérante
vis-à-vis de l'ensemble des personnes présentant un trouble
mental. 13»
La réforme d'ensemble de la loi du 27 juin 1990 est
promulguée le 5 juillet 201114 et vient ainsi modifier les
dispositions du Code de la santé publique relatives au régime des
soins sans consentement ainsi qu'aux droits des patients faisant l'objet de
tels soins. La réforme est entrée en vigueur le 1er
août 2011, date d'échéance fixée par le Conseil
constitutionnel pour la mise en conformité du droit positif avec ses
exigences.15 L'une des principales innovations de la réforme
porte sur la modification des termes employés pour désigner
l'hospitalisation sans consentement : désormais, le patient fait l'objet
de « soins psychiatriques », terme moins étroit permettant
d'englober une prise en charge hors les murs de l'hôpital. En effet, le
patient peut aujourd'hui être pris en charge dans un autre cadre que
celui de l'hospitalisation complète. Il convient alors d'instaurer
« un programme de soins ». Ce programme peut prévoir diverses
formes de prises en charge telles que l'hospitalisation à temps partiel,
des consultations en ambulatoire, des soins à domicile ou encore des
activités thérapeutiques. Le programme de soins, simple document
administratif établi par un psychiatre de l'établissement,
précisera les types de soins, les lieux de leur réalisation ainsi
que leur périodicité. Cette nouvelle procédure s'aligne en
réalité sur une logique de soins entérinée depuis
longtemps par les soignants à savoir, une certaine
décentralisation des soins16en limitant au maximum la
détention et la contrainte au patient.
Par ailleurs, l'hospitalisation d'office disparait au profit
des « soins psychiatriques sur décision du représentant de
l'état », le représentant de l'Etat étant entendu
comme étant le maire ou le préfet. De même,
l'hospitalisation sur demande d'un tiers est substituée par les «
soins psychiatriques sur demande d'un tiers », le tiers étant
entendu comme étant un membre de la famille du malade ou toute personne
justifiant de l'existence de relations avec celui-ci, antérieures
à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans
13 Projet de loi n°2494 relatif aux droits et
à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et
aux modalités de leur prise en charge, présenté par Madame
Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de la santé et des sports.
14 Loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative
aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
15 Cons. const., 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC et
Cons. const., 9 juin 2011, n° 2011-135/140 QPC.
16 COUTURIER (M), La réforme des soins
psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la
psychiatrie de contrôle, Revue de droit sanitaire et social 2012,
p.97.
15
l'intérêt du malade. L'autre nouveauté
très attendue de la réforme est la création d'une mesure
de contrainte sans tiers : les soins psychiatriques en cas de péril
imminent pour la santé de la personne. Cette procédure permet
d'accueillir un patient en soins psychiatriques sous contrainte lorsque ses
troubles rendent impossible son consentement et que son état mental
requiert manifestement des soins immédiats. Elle permet ainsi de pallier
à une insuffisance de la loi du 27 juin 1990 pour les personnes seules
et désocialisées, pour lesquelles il est impossible d'obtenir la
demande d'un tiers. Le directeur de l'établissement est ici
compétent pour prononcer la décision d'admission en soins
psychiatriques, au vu d'un certificat médical établi par un
médecin exerçant dans l'établissement d'accueil.
La réforme a également pris le soin de mettre en
conformité les textes du Code de la santé publique aux
décisions du Conseil constitutionnel des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011
à l'occasion desquelles le Conseil des sages a considéré
que le maintien de l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte
de troubles mentaux au-delà de 15 jours sans intervention d'une
juridiction judiciaire, méconnaissait les exigences de l'article 66 de
la Constitution. Le Conseil impose ainsi l'intervention du juge judiciaire en
tant que garant de la liberté individuelle, exigence qui sera reprise
par la loi du 5 juillet 2011 par laquelle le juge des libertés et de la
détention en première instance, le premier président de la
Cour d'appel en appel, se voient ainsi conférer la mission de
contrôler a posteriori la légalité des mesures de soins
sans consentement privatives de liberté.
L'objet de notre présente étude portant sur
l'analyse de la réforme des soins psychiatriques sans consentement ainsi
que sur la protection des personnes souffrant de maladies mentales, il convient
au préalable d'en détailler les notions. La maladie mentale est
communément considérée comme étant une maladie du
cerveau dont les symptômes prédominants sont comportementaux. Elle
regroupe des maladies de la pensée ou de la personnalité, se
manifeste par des troubles du comportement social et se traduit par des
maladies psychiatriques diverses17. En psychiatrie, l'on parle aussi
fréquemment de troubles mentaux et du comportement. Selon une
définition proposée par l'Organisation mondiale de la
santé, il s'agit « d'affections cliniquement significatives qui
se caractérisent par un changement du mode de pensée, de l'humeur
(affects) ou du comportement associé
17 BERUBE (L), Terminologie de neuropsychologie
et de neurologie du comportement, Les Editions de la Chenelière,
1991
16
à une détresse psychique et/ou à une
altération des fonctions mentales. Les troubles mentaux et du
comportement ne sont pas de simples variations à l'intérieur des
limites de la « normalité », mais des phénomènes
manifestement anormaux ou pathologiques. Pour être
considérées comme telles, les anomalies doivent être
permanentes ou répétées et causer une souffrance ou
constituer un handicap dans un ou plusieurs domaines de la vie
courante.18 » Les soins psychiatriques sans consentement
constituent globalement une mesure d'obligations de soins à
l'égard des personnes souffrants de troubles psychiques mais refusant de
se faire soigner pour diverses raisons comme par exemple, le déni de
leur pathologie. La mesure, qui peut être privative de liberté,
est motivée le plus souvent par la nécessité de soulager
la personne de ses souffrances voire de la protéger contre
elle-même, ou pour des raisons d'ordre et de sécurité
publique lorsqu'elle est susceptible de présenter un danger pour autrui.
La mesure de soins sans consentement constitue une dérogation au
principe de consentement préalable du patient à toute prise en
charge thérapeutique, principe d'ordre public rappelé par la loi
du 4 mars 2002 et énoncé à l'article 16-3 du Code
civil.19
Nous n'aborderons pas ici l'hospitalisation dite « libre
», qui représente 80% des admissions en psychiatrie. Elle s'entend
de la situation dans laquelle une personne est hospitalisée en raison de
ses troubles mentaux, mais avec son consentement. Dans ce cas, le patient
choisi l'établissement dans lequel il souhaite bénéficier
de soins psychiatriques ainsi que les psychiatres qui le prendront en charge.
Ce patient est alors assimilé à tout autre patient
hospitalisé pour une pathologie autre que psychiatrique et
bénéficie des mêmes droits et des mêmes
devoirs20. Ce type d'hospitalisation ne posant pas de
difficultés majeures, il n'est pas opportun d'en approfondir
l'étude.
En revanche, les soins psychiatriques sans consentement posent
de réels enjeux pratiques, liés notamment aux nouvelles
procédures d'admission en soins psychiatriques et aux modalités
de prise en charge relatives au programme de soins. L'instauration du
18 Organisation mondiale de la santé, La
santé mentale : nouvelle conception, nouveaux espoirs, Rapport sur
la santé dans le monde, 2001.
19 Article 16-3 du Code civil : « Il ne
peut être porté atteinte à l'intégrité du
corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la
personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt
thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé
doit être recueilli préalablement hors le cas où son
état rend nécessaire une intervention thérapeutique
à laquelle il n'est pas à même de consentir. »
20 Article L.3211-2 du Code de la santé
publique.
17
contrôle de plein droit de la mesure de soins sous
contrainte en hospitalisation complète par le juge des libertés
et de la détention a aussi donné naissance à de
véritables difficultés quant à l'interprétation de
la loi nouvelle et à l'organisation des audiences devant le juge. Les
acteurs de soins et de la justice expriment ainsi de nombreuses
inquiétudes qu'il semble judicieux de signifier dans notre étude,
afin de pouvoir dans le même temps proposer des solutions qui
permettraient de pallier à ces difficultés.
Les agences régionales de santé (ARS),
créées par la loi HPST du 21 juillet 200921,
constituent un interlocuteur unique et privilégié des acteurs du
champ de la santé publique et de l'organisation de l'offre de soins. En
particulier, les ARS sont chargés de l'organisation des soins
psychiatriques à l'échelle régionale et doivent organiser
dans chaque territoire de santé un dispositif de réponse aux
urgences psychiatriques22. Dans le cadre des protocoles
départementaux relatifs aux modalités de coopération entre
les préfets et les directeurs généraux23,
doivent être prévues les actions et les prestations mises en
oeuvre par l'ARS pour le compte du préfet. En effet, le préfet
disposant de compétences en matière sanitaire, de
salubrité et d'hygiène publique, il a compétence pour
prononcer la décision d'admission d'une personne en soins sans
consentement24. L'ARS met à disposition du préfet ses
moyens en intervenant en tant que support pour préparer et mettre en
oeuvre les décisions préfectorales en matière de soins
sans consentement.25
Les directeurs généraux des ARS ont ainsi le
devoir de s'assurer que l'organisation interne des services concernés
permet la mise en oeuvre d'une réponse efficace aux demandes
préfectorales. Les services compétents26de l'ARS
doivent quant à eux veiller au respect des textes en vigueur quant
à la composition du dossier, et notamment au respect des délais
introduits par la loi du 5 juillet 201127.
21 Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant
réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires.
22 Articles L.3222-1 et suivants du Code de la
santé publique.
23 Article R.1435-2 du Code de la santé
publique.
24 Article L.3213-1 du Code de la santé
publique.
25 Article L.1435-1 du Code de la santé
publique.
26 La cellule des soins soumis à
décision administrative au sein de la Direction de la santé
publique et environnementale de l'ARS Nord - Pas-de-Calais.
27 Circulaire relative aux droits et à la
protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge, NOR : IOCD1122419C, 11 août
2011.
18
Les services instructeurs en matière de soins sans
consentement de l'ARS Nord - Pas-de-Calais font part de nombreuses
préoccupations quant au respect des procédures telles que
prévues par la loi du 5 juillet 2011, à l'interprétation
des nouveaux textes, à la collaboration des différents acteurs de
soins de la région ou encore quant à la future unification du
contentieux au profit du juge judiciaire prévue au 1er
janvier 2013. Dans le cadre de l'étude de ces problématiques au
sein de l'agence régionale de santé, nous proposons d'analyser de
manière plus approfondie la question de la judiciarisation du
contrôle des soins sans consentement et des problématiques
essentiellement d'ordre pratique que pose l'organisation des audiences devant
le juge des libertés et de la détention.
Notons que pour faire face aux profonds changements qu'impose
le nouveau dispositif du contrôle des soins sans consentement, l'agence
régionale de santé Nord - Pas-de-Calais a pris des mesures
tendant à favoriser un contexte de coopération des acteurs de
soins et de la justice de la région. Ainsi, un calendrier officiel a
été instauré au sein de l'agence, prévoyant la
rencontre entre les Présidents des tribunaux de grande instance de la
région Nord - Pas-de-Calais, la Première présidente de la
Cour d'appel de Douai, des juges des libertés et de la détention,
les Procureurs de la République, le directeur général de
l'ARS NPDC ainsi que les services compétents de l'agence afin de mettre
au point une certaine cohésion dans les procédures à
respecter. Il s'agit de parvenir à une meilleure application de la loi
sur le terrain, et de garantir aux patients la sécurité juridique
que la loi du 5 juillet 2011 avait justement pour but de renforcer, en vue
notamment de l'unification du contentieux en matière de soins
psychiatriques au profit du juge judiciaire au 1er janvier 2013. Les
établissements de santé mentale étant également
très demandeurs de ce type de réunions d'informations, l'ARS
poursuivra dans cette dynamique de coopération puisqu'elle
prévoit d'organiser fin 2012 deux réunions départementales
réunissant les établissements de santé mentale dans chacun
des départements, en lien avec les directeurs de cabinet des
préfectures du Nord et du Pas-de-Calais. Il s'agit de leur faire part
des solutions dégagées par le corps judiciaire et l'agence, de
recenser leurs propres difficultés d'application des procédures
sur le terrain et de tenter d'instaurer une sorte de guide de bonnes pratiques
régional qui constituerait une référence commune aux
établissements de santé.
19
L'objectif de notre démarche est ici d'analyser le
nouveau cadre juridique des soins sans consentement suite à la
réforme du 5 juillet 2011, d'envisager les difficultés
concrètes d'application que pose le nouveau texte, et d'apporter dans la
mesure du possible des propositions d'amélioration, voire de
modification de la loi.
Si les pouvoirs publics ont pu affirmer que « son
élaboration a été guidée par le souci de trouver le
meilleur équilibre possible entre la dispensation des soins
nécessaires et la privation de liberté que celle-ci peut
entrainer »28, qu'en est-il réellement de la
protection effective des droits fondamentaux des patients souffrant de troubles
mentaux ?
Un des volets principaux que l'on retiendra de la
réforme est celui du renforcement du contrôle des mesures de soins
sans consentement, avec notamment, le contrôle des mesures
d'hospitalisation complète sans consentement par le juge des
libertés et de la détention. Il s'agit de définir son
rôle dans la nouvelle organisation de contrôle des soins sans
consentement et d'insister plus particulièrement sur les
difficultés que ce juge rencontre dans l'exercice de sa mission. Plus
largement, nous envisagerons les difficultés rencontrées par
l'ensemble des acteurs de soins sur le terrain ainsi que les réponses
que l'on peut aujourd'hui formuler, compte tenu du mince recul que l'on peut
avoir sur l'application de la loi nouvelle.
La loi du 5 juillet 2011 marque un tournant décisif
dans l'appréciation et la prise en charge de la maladie mentale en
France en ce qu'elle consacre une diversification des prises en charge des
patients souffrant de troubles mentaux et renforce considérablement le
contrôle des mesures restrictives de liberté. Il convient ainsi de
présenter la réforme des soins psychiatriques sans consentement
dans une première partie.
Si la loi nouvelle montre un aspect novateur et moderne dans
la prise en charge des pathologies psychiatriques, sa mise en oeuvre
révèle néanmoins de sérieuses difficultés
pour les différents acteurs intervenant en ce domaine. En ce sens, notre
seconde partie sera consacrée aux difficultés concrètes
d'application de la loi du 5 juillet 2011.
28 Réponse du ministère du travail,
de l'emploi et de la santé à la question écrite
n°117020 de Monsieur le Député Guy DELCOURT, Journal
Officiel, 29 novembre 2011.
20
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION THEORIQUE DE LA
REFORME DES SOINS SANS CONSENTEMENT
21
Entrée en vigueur le 1er août 2011, la
loi du 5 juillet 2011 réforme en profondeur le régime des soins
psychiatriques sans consentement. Elle élargi l'accès aux soins
psychiatriques, tout en renforçant les procédures d'admission
afin de limiter les risques d'arbitraire. Le patient est placé au centre
des préoccupations éthiques, morales et juridiques puisque le
nouveau dispositif a entendu garantir la protection de ses libertés et
droits fondamentaux, notamment en instaurant un contrôle obligatoire et
systématique du juge judiciaire pour ceux faisant l'objet d'une mesure
de soins complètement privative de liberté (CHAPITRE
1). Si la loi nouvelle a considérablement bouleversé le
régime des soins sans consentement à l'égard des patients
« traditionnels », on ne peut en dire autant des patients
considérés comme les plus « dangereux ». Plusieurs
catégories de patient ayant un passé médical ou judiciaire
particulièrement lourd ou étant placé en détention
font l'objet d'un dispositif à part, composé de procédures
renforcées et dérogatoires. Pour autant, ces dispositions restent
insuffisantes. Si certaines feront l'objet d'un remaniement de manière
imminente, d'autres, comme celles relatives aux détenus, sont
maintenues, en dépit des nombreuses critiques formulées à
leur encontre (CHAPITRE 2).
22
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE GENERAL DES SOINS
PSYCHIATRIQUES
La loi du 5 juillet 2011 a modifié de manière
substantielle le dispositif des soins sans consentement tant au niveau des
procédures et des modalités de soins qu'au niveau du
contrôle exercé sur ces soins. La loi nouvelle ne remet nullement
en cause le principe des soins libres : les soins libres sont le principe, les
soins contraints restent l'exception. Elle révèle une
volonté nette d'encourager un traitement de la maladie mentale moins
invasif, moins contraint, et dans la mesure du possible, hors les murs de
l'hôpital. Les nouvelles procédures visent non seulement à
prévenir les risques d'abus en présentant davantage de garanties
par un dispositif plus complet mais aussi à permettre à toute
personne de bénéficier de soins psychiatriques quand ceux-ci sont
nécessaires (Section 1). Lorsque le patient est admis
en hospitalisation complète, le législateur impose de plus un
contrôle par le juge judiciaire, lequel doit être saisi dans un
délai relativement court afin de limiter une hospitalisation longue qui
s'avérerait in fine, injustifiée (Section
2).
Section 1 : Les procédures et modalités de
prise en charge des patients atteints de troubles mentaux
Si la réforme des soins sans consentement introduit de
profondes modifications dans les procédures d'admission et de maintien
dans le dispositif de soins sans consentement, elle préserve toutefois
les deux formes d'admissions parallèles : à la demande d'un tiers
et sur décision du préfet. L'innovation principale en
matière procédurale est sans doute la création de la
procédure de soins psychiatriques en cas de péril imminent, sans
demande de tiers (§1).
Autre novation attendue : le législateur a introduit
une alternative dans la prise en charge du patient, de manière à
ce que celle-ci soit la plus adaptée à son état. Alors
qu'antérieurement à la loi du 5 juillet 2011, le patient ne
pouvait être juridiquement placé que sous le régime de
l'hospitalisation, il peut aujourd'hui bénéficier d'une prise en
charge sous une autre forme, dans le cadre du suivi d'un programme de soins
(§2).
23
§1 - Les procédures d'admission des patients
en soins sans consentement
Le législateur a maintenu la dualité
procédurale en matière d'admission en soins psychiatriques sans
consentement : l'admission à la demande d'un tiers et l'admission sur
décision du représentant de l'Etat (A). Il
ajoute aux procédures existantes une procédure dite d'urgence
afin de prendre en compte les situations de personnes pour lesquelles il
n'existe pas de tiers demandeur mais dont l'état mental requiert une
prise en charge immédiate (B).
A. Maintien des procédures d'admission
antérieures
1. Les soins psychiatriques sur demande d'un tiers
Les soins psychiatriques sur demande d'un tiers remplacent
l'hospitalisation sur demande d'un tiers. Si le vocabulaire change, la
procédure reste sensiblement identique à quelques nuances
près. Le tiers demandeur doit être une personne proche du malade :
un membre de sa famille, ou une personne justifiant de l'existence de relations
avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant
qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci29.
Tout comme dans le dispositif antérieur, sont exclus de cette
catégorie les personnels soignants qui exercent dans
l'établissement d'accueil, ceci pour des raisons évidentes de
déontologie et d'impartialité.
La décision d'admission en soins psychiatriques sur
demande d'un tiers est prononcée par le directeur
d'établissement. Celui-ci est toutefois lié aux avis
médicaux des médecins qui auront examiné le patient. Il
est nécessaire de disposer de deux certificats médicaux
circonstanciés de moins de quinze jours. Le premier certificat ne doit
pas être établi par un médecin exerçant dans
l'établissement d'accueil, le second ne pose pas de conditions de ce
type. De même il n'est pas exigé que les médecins aient la
qualité de psychiatres pour établir ces certificats.
La loi pose deux critères cumulatifs d'entrée
dans ce dispositif de soins : les troubles de la personne rendent impossible
son consentement aux soins et son état mental impose des
29 Article L.3212-1 du Code de la santé
publique.
24
soins immédiats assortis d'une surveillance constance
en milieu hospitalier ou une surveillance médicale
régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme
qu'en hospitalisation complète.
Le patient sera maintenu dans le dispositif de soins sur
décision du directeur d'établissement, qui reste lié aux
certificats médicaux. La nouveauté de la loi du 5 juillet 2011
est d'insister sur le modèle de fractionnement de prise en charge du
patient, qui existait déjà sous l'empire de la loi du 27 juin
1990, et qui vise à garantir au mieux la liberté individuelle. En
effet, le dispositif prévoit l'élaboration de plusieurs
certificats médicaux à différents stades de la prise en
charge. Il s'agit d'évaluer si l'état du patient requiert ou non
une prise en charge en soins psychiatriques sans consentement. Ainsi, le
parcours du patient commence par une période d'observation et de soins
initiale de vingt-quatre heures, qui s'effectue obligatoirement en
hospitalisation complète. Pendant cette période, un psychiatre
exerçant dans l'établissement d'accueil30 doit
procéder à un examen somatique du patient afin d'exclure un
trouble d'origine purement somatique et à son issue, doit rédiger
un certificat établissant la nécessité ou non du maintien
d'une prise en charge sans consentement. Dans la négative, la
levée de la mesure est immédiate. Dans le cas contraire, le
patient reste hospitalisé.
Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau
certificat médical est établi par le psychiatre, visant à
constater l'état mental du patient et à donner un avis sur la
forme de la prise en charge la plus adaptée au patient. Le
médecin propose alors une hospitalisation complète ou une
alternative à celle-ci, consistant à soigner le patient hors les
murs de l'hôpital, prise en charge qui tend aujourd'hui à
être nettement favorisée.
Entre le cinquième et le huitième jour à
compter de la décision d'admission en soins psychiatriques, le
psychiatre réexamine le patient puis établie un nouveau
certificat médical circonstancié indiquant si les soins lui sont
toujours nécessaires compte tenu de l'évolution de son
état. Le psychiatre doit également se prononcer sur
l'adéquation de la prise en charge avec l'état du patient.
30 Ce psychiatre ne peut être l'auteur du
certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux ayant
justifié l'admission du patient.
25
En fonction de la teneur de ce certificat, les soins sont
maintenus ou non par le directeur de l'établissement. Lorsque le patient
est maintenu dans le dispositif de soins, le psychiatre procède tous les
mois31 à la rédaction d'un certificat et se prononce
sur l'état de santé du patient et sur la nécessité
de poursuivre la forme de prise en charge. S'il considère qu'il convient
de modifier la prise en charge du patient, il transmet immédiatement au
directeur de l'établissement un certificat médical
circonstancié proposant soit le passage à une hospitalisation
complète s'il s'avère qu'une forme alternative ne permet plus de
dispenser les soins nécessaires au patient (du fait par exemple du
comportement non coopérant du malade), soit le passage à une
autre forme de prise en charge détaillée dans le certificat.
A tout moment, un membre de la famille du malade ou toute
personne justifiant de relations antérieures à la demande de
soins avec le malade peut demander la levée de la mesure de soins
psychiatriques. Le directeur de l'établissement d'accueil a encore
compétence pour formaliser la décision de levée de la
mesure. Toutefois, le psychiatre peut s'opposer à cette levée,
s'il atteste que l'arrêt des soins entrainerait un péril imminent
pour la santé du patient ou que le patient remplit les critères
pour être placé en soins sur décision du préfet.
Parallèlement à la procédure de soins
à la demande d'un tiers, est maintenue la procédure de soins sur
décision du représentant de l'état.
2. Les soins psychiatriques sur décision du
représentant de l'Etat
L'admission en soins psychiatriques sur décision du
représentant de l'Etat qui succède au régime de
l'hospitalisation d'office ne révèle pas de profond changement
par rapport au dispositif antérieur. L'article L.3213-1 du Code de la
santé publique prévoit que le représentant de l'Etat,
c'est-à-dire le préfet, prononce par arrêté
l'admission « des personnes dont les troubles mentaux
nécessitent des soins et compromettent la sûreté des
personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre
public. » Le préfet devra établir un
31 Dans les trois derniers jours de la
période.
26
arrêté motivé en précisant les
raisons précises l'ayant poussé à prendre la
décision d'admission en soins sous contrainte.
Il se prononce au vu d'un certificat médical
circonstancié qui ne peut être établi par un psychiatre
exerçant dans l'établissement d'accueil, afin de prévenir
l'éventualité d'un conflit d'intérêt. Sur ce point,
les commentateurs soulignent l'inconvenance d'une telle rédaction car
celle-ci prête à une interprétation a contrario :
en effet, on pourrait en déduire que ce certificat peut être
établi par un médecin non psychiatre exerçant dans
l'établissement32. Or, cette interprétation irait
certainement contre l'esprit du texte qui vise bien à empêcher que
le certificat soit rédigé par un personnel soignant, qu'il soit
médecin ou psychiatre, exerçant dans l'établissement au
sein duquel est accueilli le patient.
Certains auteurs dénoncent par ailleurs un
déséquilibre entre le pouvoir médical et le pouvoir
administratif dans la prise de décision d'admission en soins sans
consentement.33Le préfet ne se base en effet que sur un seul
certificat médical, ce qui laisserait subsister une certaine
prédominance du pouvoir administratif dans le processus de
décision.
Le législateur a également prévu un
dispositif d'urgence, en cas de danger imminent pour la sûreté des
personnes : le maire (à Paris, les commissaires de police) peut
arrêter toutes les mesures provisoires nécessaires «
à l'égard des personnes dont le comportement
révèle des troubles mentaux manifestes ».34
A cet égard, le texte prévoyait qu'à défaut
d'être attesté par un avis médical, le danger imminent
pouvait être attesté par la « notoriété
publique ». Cette disposition a fait l'objet d'une question prioritaire de
constitutionnalité. La requérante contestait la
constitutionnalité notamment de l'article L.3213-2 du Code de la
santé publique en ce qu'il ne respectait pas les exigences de l'article
66 de la Constitution et considérait que les conditions permettant au
maire de prendre des mesures provisoires étaient trop peu
encadrées. Mais ce n'est pas la première fois que cette notion de
notoriété publique fait débat. En effet, le
sénateur Robert VIZET contestait déjà cette
possibilité de recourir à la notoriété publique
pour justifier de
32 COUTURIER (M), La réforme des soins
psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la
psychiatrie de contrôle, Revue de droit sanitaire et social 2012 p.
97
33 CASTAING (C), Pouvoir administratif versus
pouvoir médical, AJDA, 2011. 2055
34 Article L.3213-2 du Code la santé
publique.
27
l'admission en soins sans consentement lors des débats
parlementaires précédant le vote de la loi du 27 juin 1990. Selon
le sénateur VIZET, l'ancien article L.343 du Code de la santé
publique (aujourd'hui L.3213-2) donnait « le pouvoir au maire ou au
commissaire de police de prendre des mesures totalement discrétionnaires
à l'encontre de n'importe quel citoyen.(...) Cette notion,
éminemment vague, ne pourrait qu'entrainer des abus . »35
Saisi de cette question le 16 juillet 2011 par la Cour de
cassation, le Conseil constitutionnel considère dans sa décision
du 6 octobre 201136 qu'« en permettant qu'une telle mesure
puisse être prononcée sur le fondement de la seule
notoriété publique, les dispositions de cet article n'assurent
pas qu'une telle mesure est réservée aux cas dans lesquels elle
est adaptée, nécessaire et proportionnée à
l'état du malade ainsi qu'à la sureté des personnes ou la
préservation de l'ordre public.» Le Conseil constitutionnel
censure ainsi la notion de notoriété publique et les mots «
ou à défaut par la notoriété publique
» sont déclarés contraires à la Constitution.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend
effet dès la publication de la décision et la
référence à la notoriété publique est alors
supprimée de l'article L.3213-2.
Le maire doit signaler la mesure provisoire au
représentant de l'Etat dans le département dans les vingt quatre
heures, à charge pour ce dernier de prononcer s'il l'estime
nécessaire, un arrêté d'admission en soins psychiatriques.
A défaut d'une telle décision, ces mesures provisoires sont
caduques au terme d'un délai de quarante-huit heures.
Si le patient est admis en soins psychiatriques par
arrêté préfectoral, s'ensuit la même procédure
que celle précédemment exposée pour l'admission et le
maintien en soins psychiatriques à la demande d'un tiers : la
période initiale de vingt quatre heures d'observation et de soins
à l'issue de laquelle le psychiatre doit établir un certificat,
puis le certificat des soixante-douze heures et enfin le certificat devant
être établi entre le cinquième et le huitième jours
suivant l'admission confirmant ou non la nécessité des soins et
l'adaptation de la prise en charge37.
35 Commentaire aux Cahiers du Conseil, op. cit.,
p.3
36 Conseil const., décision n°2011-174,
QPC, 6 octobre 2011, AJDA 2011, p.1927.
37 Voir supra : 1. A. du
présent paragraphe.
28
Si un des certificats propose la levée de la mesure, le
préfet dispose de deux options : soit il suit l'avis du psychiatre et
lève la mesure de soins (il établi alors un nouvel
arrêté), soit il refuse de suivre l'avis du médecin. Dans
ce cas, il doit en informer sans délai le directeur de
l'établissement qui demande alors l'examen du patient par un second
psychiatre. Si ce dernier conclut à la possibilité de lever
l'hospitalisation du patient, le préfet est alors dans l'obligation de
lever la mesure. A contrario, si ce second avis ne confirme par le
premier, le préfet peut décider de maintenir la mesure de
soins.
Enfin, notons que dans le cadre de ses pouvoirs en
matière de sécurité publique, le préfet peut
décider de modifier le cadre juridique de soins psychiatriques sans
consentement d'un patient faisant l'objet d'une telle mesure suite à la
demande d'un tiers. En effet l'article L.3213-6 du Code de la santé
publique, tel que modifié par la loi du 5 juillet 2011, permet au
préfet de transformer une procédure de soins psychiatriques
à la demande d'un tiers en une procédure de soins psychiatriques
sur décision du représentant de l'Etat, sur la base d'un
certificat ou d'un avis médical d'un psychiatre de
l'établissement. Deux critères cumulatifs exigent toutefois
d'être réunis : l'état mental du patient doit
nécessiter des soins et, soit compromettre la sûreté des
personnes, soit porter atteinte de façon grave à l'ordre public.
Toute la procédure de maintien dans le dispositif de soins
rythmée par les différents certificats médicaux recommence
alors à nouveau.
B. Création d'un nouveau mode d'admission : la
procédure d'urgence en cas de péril imminent
La loi du 5 juillet 2011 révèle son ambition
d'élargir au maximum l'accès aux soins psychiatriques, et
notamment aux personnes se trouvant dans une situation d'isolement. En effet,
l'article L.3212-3 du Code de la santé publique introduit une nouvelle
procédure d'accès aux soins psychiatriques remédiant
à une difficulté identifiée par les établissements
de santé sous l'empire de la loi ancienne, à savoir,
l'impossibilité pour le directeur d'établissement d'admettre un
patient souffrant manifestement d'un trouble psychiatrique si aucun tiers n'en
fait la demande.
29
Aujourd'hui, en sus des critères exigés pour
l'entrée en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, il faut
identifier un risque grave d'atteinte à l'intégrité du
malade pour instaurer cette procédure dite d'urgence. Cette
décision d'admission est également prononcée par le
directeur d'établissement lorsque les troubles de
l'intéressé rendent impossible son consentement et que son
état mental requiert manifestement des soins immédiats. Dans ce
contexte d'urgence, le directeur d'établissement ne peut se prononcer
qu'au vu d'un seul certificat médical, contre deux dans la
procédure « normale ».
Afin d'encadrer au mieux cette procédure d'urgence, le
législateur a tout de même prévu que le directeur
d'établissement doit, dans les vingt quatre heures, et dans la mesure du
possible, informer une personne proche du malade : un membre de sa famille ou
le tuteur ou le curateur s'il y a lieu. Si le directeur se trouve dans
l'impossibilité de trouver ou de contacter une telle personne, il doit
informer toute personne justifiant de relations avec le malade
antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité
pour agir dans l'intérêt de celui-ci.38
Cette mesure d'urgence a un fondement exclusivement
médical : le directeur se trouve encore une fois lié par la
proposition formulée par le médecin39 qui a
examiné le patient. La nouvelle procédure d'urgence est
également étroitement encadrée par rapport au maintien
dans le dispositif de soins. En effet, les certificats de 24h et de
72h40doivent être établis par deux médecins
différents.
A noter que, conformément au nouvel article L.3222-5 du
Code de la santé publique, une commission départementale des
soins psychiatriques (CDSP)41 est chargée d'examiner la
situation des personnes admises en soins psychiatriques. La CDSP s'est vu
confiée des pouvoirs plus étendus avec la loi du 5 juillet 2011.
Parmi ses missions, elle doit notamment être informée, de toute
décision d'admission en soins psychiatriques, de toutes décisions
de maintien de ces soins et des levées de ces mesures. Elle est
également chargée d'examiner la situation des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques sous contrainte, et en particulier la situation
des personnes admises au titre de la procédure
38 Définition introduite par le Conseil
d'état dans l'arrêt CE 3déc. 2003, CHS Caen, n°244867,
Lebon, AJDA 2004.614, reprise par l'article L.3212-1, II, 1°
39 Et donc pas nécessairement d'un
psychiatre, ce qui pose le problème non résolu de l'insuffisance
de la motivation des certificats médicaux car les médecins d'une
spécialité autre que la psychiatrie, sont globalement moins bien
informés des exigences nouvelles nées de la réforme du 5
juillet 2011.
40 Voir supra : A. du présent
paragraphe.
41 Pour l'ensemble des missions de la CDSP, voir
ANNEXE n°1
30
d'urgence. Le directeur d'établissement doit quant
à lui informer sans délai la commission de toute décision
d`admission en spins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de
péril imminent.42 La CDSP dispose d'un pouvoir non
négligeable puisqu'elle a la possibilité de proposer au juge des
libertés et de la détention la levée d'une mesure de soins
sous contrainte, lorsqu'elle estime que cette mesure est infondée et
illégitime. Lorsque la CDSP obtient la levée de la mesure, le
directeur de l'établissement a dans ce cas compétence liée
pour formaliser cette levée.
§2 - Les modalités de prise en charge des
patients en soins sans consentement
Avant la loi du 5 juillet 2011, les patients
nécessitant des soins psychiatriques sous contrainte ne pouvaient
être pris en charge qu'en hospitalisation complète, dispositif
insuffisant mais pour autant maintenu par la loi nouvelle (A).
Le législateur a donc introduit une nouvelle modalité de prise en
charge en dehors de l'hôpital, afin d'adapter la loi aux
réalités des pratiques de soins psychiatriques : le programme de
soins (B).
A. L'hospitalisation complète
A l'issu de la période de soins et d'observation d'un
maximum de soixante douze heures (qui se déroule obligatoirement en
hospitalisation complète), le psychiatre décide de la meilleure
forme de prise en charge à adopter pour son patient. Il peut
décider de privilégier une hospitalisation complète.
Celle-ci se définit comme une prise en charge du patient à temps
plein dans l'établissement. Elle est utilisée lorsque
l'état de santé du patient nécessite des soins et une
surveillance 24h sur 24h.
L'hospitalisation psychiatrique à temps complet ne peut
se dérouler dans n'importe quelle structure : uniquement dans les
établissements psychiatriques liés par convention43 et
dans les établissements de santé autorisés en psychiatrie
par l'agence régionale de santé et chargés d'assurer une
mission de service public. En effet dans chaque territoire de
42 Article L.3212-5 du Code de la santé
publique.
43 Article L.3222-1-2 du Code de la santé
publique.
31
santé44, le directeur général
de l'agence régionale de santé désigne un ou plusieurs
établissements autorisés en psychiatrie chargés d'assurer
la mission de service public consistant en la prise en charge des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques.45 Ainsi, chacun des
établissements autorisés en psychiatrie doivent mettre à
disposition de la population des services et des équipements de
prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de
réinsertion sociale.46
Si l'hospitalisation complète signifie que le patient
est pris en charge 24 heures sur 24 dans l'établissement, il peut
néanmoins bénéficier de ce que l'on appelle « les
sorties de courte durée accompagnées »47, qui
remplacent les anciennes « sorties d'essai » prévues dans
l'ancien dispositif. Ces sorties de courte durée accompagnées
peuvent être accordées par le directeur de l'établissement
après avis favorable du psychiatre, pour motif thérapeutique ou
dans la nécessité d'effectuer des démarches
extérieures. Ces sorties ne peuvent toutefois excéder douze
heures. Le patient est alors accompagné par un ou plusieurs membres du
personnel de l'établissement d'accueil, par un membre de sa famille ou
par sa personne de confiance, et ce, pendant toute la durée de la
sortie. Sur ce point, il convient de souligner que la qualité de
l'accompagnant dépend de l'état du patient. En effet, dans le
cadre de soins à la demande du préfet, ce dernier doit être
informé du projet de sortie au moins quarante huit heures à
l'avance et est en droit d'exiger que la sortie se déroule avec un
personnel soignant, pour plus de sécurité et au cas où
l'état du patient vienne à se dégrader pendant la sortie.
Il peut également purement et simplement s'opposer à la
sortie.
B. Le programme de soins
La loi du 5 juillet 2011 a introduit la possibilité de
recourir à d'autres formes de prise en charge que la traditionnelle
hospitalisation complète. Il s'agit de la principale
44 Les territoires de santé sont
définis par chaque agence régionale de santé : «
Le territoire de santé constitue l'espace de référence
pour l'analyse des besoins de santé de la population et l'organisation
des moyens dédiés à la santé : activités de
santé publique, soins, équipements, établissements de
santé, prise en charge et accompagnement médico-social, soins de
premiers recours. » Définition proposée par le site de
l'agence régionale de santé Alsace.
45 Article L.3222-1 du Code de la santé
publique.
46 Article L.3221-4 du Code de la santé
publique.
47 Article L.3211-11-1 du Code de la santé
publique
32
innovation de la loi nouvelle concernant la prise en charge
des patients en soins sans consentement. L'idée était de mettre
en adéquation la loi avec l'évolution des modes de prise en
charge en psychiatrie. En effet, les pouvoirs publics se sont rendu compte que
d'autres formes de prise en charge avait en réalité vu le jour
sur le terrain, en l'absence de tout cadre juridique. Sous l'empire de la loi
du 27 juin 1990, les médecins utilisaient le dispositif des sorties
d'essai comme mode alternatif de prise en charge. La sortie d'essai constituait
un aménagement des conditions de traitement des patients en
hospitalisation complète dans le but de favoriser leur guérison,
leur réadaptation ou leur réinsertion sociale. Ne pouvant
excéder trois mois, la sortie d'essai était associée
à une surveillance médicale éventuellement au sein de
services ou d'équipements ne comportant pas d'hospitalisation à
temps complet.48Certains patients demeuraient ainsi plusieurs
années en sortie d'essai.
C'est la raison pour laquelle le législateur a
souhaité prévoir et encadrer les alternatives à
l'hospitalisation complète, afin de prendre en compte les
diversifications des modes de prise en charge depuis longtemps
entérinés sur le terrain.
Dès lors que le patient est pris en charge sous une
autre forme que l'hospitalisation complète, il bénéficie
alors d'un programme de soins élaboré par un psychiatre
participant à sa prise en charge. Le programme de soins est un document
administratif qui prévoit les types de soins, les lieux de leur
réalisation ainsi que leur périodicité.49
Toutefois, afin de préserver le secret médical, ce document ne
peut mentionner ni la pathologie dont souffre le patient, ni la nature ou le
détail du traitement, ni les formes que peut prendre le trouble mental,
ni la mention ou les résultats d'examens complémentaires. De
plus, étant un document médical, seul un psychiatre est en droit
de modifier son contenu.50 En effet, ce programme de soins peut
être modifié à tout moment, afin de tenir compte de
l'évolution de l'état de santé du patient.
48 Ancien article L.3211-11 du Code de la santé
publique
49 Article L.3211-2-1 du Code de la santé
publique.
50 PECHILLON (E), Publication de la loi sur le
soin sous contrainte - Un texte adopté en urgence avant
l'échéance fixée par le Conseil
constitutionnel, La Semaine Juridique Administrations et
Collectivités Territoriales n°29, 18 juillet 2011.
33
Le programme de soins indique donc quelle modalité de
prise en charge est la plus adaptée au patient. Voici les
différentes modalités que le psychiatre peut choisir d'appliquer
:
- une hospitalisation à temps partiel ;
- des soins ambulatoires ;
- des soins à domicile ;
- un traitement médicamenteux prescrit dans le cadre des
soins psychiatriques.
Notons que le psychiatre peut à tout moment revenir sur
sa décision, et proposer l'hospitalisation complète du patient si
celui-ci ne respecte pas le programme de soins et si cette inobservance est
susceptible d'entrainer une dégradation de son état de
santé, conformément à l'article R.3211-1 du Code de la
santé publique.
Le psychiatre doit par ailleurs transmettre ce programme de
soins ainsi que tout programme modificatif lorsque celui change de
manière substantielle la prise en charge du patient au directeur
d'établissement. Cette transmission est purement informative, car on
rappelle que le directeur d'établissement a compétence
liée pour toutes les décisions de modification de prise en charge
des patients comme pour toutes les décisions d'admission ou de
levée des mesures de soins sans consentement.
A noter que s'il s'agit d'une mesure de soins sur
décision du représentant de l'Etat, le psychiatre doit informer
le préfet car dans ce cas, la décision de modifier la forme de la
prise en charge relève de sa compétence. Il doit de même
être informé de toute modification du programme de soins lorsque
celle-ci a pour effet de modifier de manière substantielle la prise en
charge du patient, puisque dans ce cas, le préfet prendra un nouvel
arrêté. La circulaire du 11 août 201151
précise ce qu'il convient d'entendre par modification substantielle :
« une modification peut être considérée comme
substantielle dès lors qu'un des éléments constitutifs de
la décision (du préfet) évolue notablement par sa
fréquence, par sa nature ou par la durée de la prise en charge.
»
51Circulaire relative aux droits et à la
protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge, NOR : IOCD1122419C, 11 août
2011.
34
On en déduit que le préfet peut donc s'opposer
à la modification du programme de soins lorsque la modification est
d'une importance telle qu'elle pourrait induire des conséquences
notamment au regard de l'ordre public (par exemple, dans le cas ou un patient
passerait d'une hospitalisation partielle à une consultation
médicale mensuelle). Cette liberté d'appréciation
laissée au préfet est de l'avis de certains observateurs,
potentiellement source de contentieux52 : en effet, comment un
patient pourrait-il réagir lorsque le préfet s'oppose à un
allègement de sa prise en charge, alors même que son psychiatre
considère que médicalement, il n'y a plus lieu de poursuivre la
prise en charge initiale ?
Si le préfet refuse malgré tout la modification
du programme de soins, cela a pour effet de maintenir le protocole initialement
élaboré.
Section 2 : L'intervention du juge des libertés et
de la détention
Le contrôle systématique des mesures
d'hospitalisation complète par le juge des libertés et de la
détention constitue sans aucun doute un des apports majeurs de la loi du
5 juillet 2011 (§1). Ce contrôle vient s'ajouter
à la possibilité de saisir le juge des libertés et de la
détention à tout moment de la procédure et ce, pour
l'ensemble des mesures de soins sans consentement
(§2).
§1 - Le contrôle systématique des
hospitalisations complètes
L'institution d'un contrôle systématique des
mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète par le
juge des libertés et de la détention découle directement
de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre
201053. En effet, les sages considèrent à cette
occasion que le maintien d'une personne en hospitalisation complète sans
son consentement pour une période de plus de quinze jours, sans aucun
contrôle judiciaire, méconnait les exigences de l'article 66 de la
Constitution. Est instaurée une procédure
52 Rapport d'information déposé par
la Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prose en charge, 22 février 2012.
53 Cons. const., décision n°2010-71, QPC,
26 novembre 2010
35
stricte de saisine (A) puis de contrôle
de la mesure de soins par le juge des libertés et de la détention
(B).
A. Les modalités de la saisine de plein
droit
Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel,
la loi du 5 juillet 2011 prévoit que dorénavant,
l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre au
delà de quinze jours sans que le juge des libertés et de la
détention ne statue sur la mesure privative de liberté. Ce
contrôle s'applique à toutes les mesures d'hospitalisation
complète, peu important que la décision d'admission ait
été prise par le préfet (SDRE) ou par le directeur
d'établissement (SDT). Conformément au nouvel article L.3211-12-1
du Code de la santé publique, ce contrôle intervient avant
l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la
décision d'admission ou de la décision renouvelant
l'hospitalisation complète, puis à l'issu de chaque
période de six mois à compter de la dernière
décision judiciaire confirmant la mesure de soins.
Le décret du 18 juillet 201154 explicite
plus en détail la procédure qu'il convient d'appliquer devant le
juge des libertés et de la détention. Selon la nature de la
mesure d'admission, le préfet ou le directeur d'établissement
doivent saisir le juge par une requête « transmise par tout
moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande
instance »55. La saisine doit de plus s'effectuer au moins
trois jours avant l'expiration du délai de quinze jours et au moins huit
jours avant l'expiration du délai de six mois56. Ces
délais stricts sont imposés afin d'assurer une saisine
suffisamment anticipée de telle sorte que le juge soit en mesure de
statuer dans les délais légaux. Le directeur de
l'établissement d'accueil transmet au juge toutes les pièces du
dossier médical du patient depuis son admission, y compris le certificat
de huitaine, afin de permettre au juge de se prononcer en ayant connaissance de
« l'historique médical » de l'intéressé.
54 Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011
relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
55 Article R.3211-8 du Code de la santé
publique.
56On peut bien sûr saisir le juge avant, mais
l'idée reste quand même que ce dernier puisse statuer au vu de
certificats et d'avis médicaux les plus récents possibles.
36
La saisine doit être accompagnée d'un avis
conjoint57 rendu par deux psychiatres de l'établissement
désignés par le directeur, dont un seul participe à la
prise en charge du patient. Les psychiatres doivent par cet avis se prononcer
sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation
complète58. Attention, il ne s'agit pas de deux avis
individuels mais bien d'un seul avis cosigné par les psychiatres. Cette
modalité interpelle sur l'intérêt de cet avis conjoint qui
est de fournir au juge l'avis d'un psychiatre connaissant le patient et l'avis
d'un psychiatre qui ne l'a jamais vu, afin de garantir une certaine
objectivité dans l'appréciation de l'état du patient. Or,
suivant cette forme, on peut craindre que le psychiatre participant à la
prise en charge rédige cet avis seul, et le soumette simplement à
la signature du second, ce qui irait totalement à l'encontre de
l'intérêt premier de l'avis conjoint.59
Concernant les modalités de transmission au tribunal
des documents à verser au dossier, l'idéal reste la voie postale,
mais compte tenu des délais, il est possible d'utiliser la
télécopie ainsi que la voie électronique à
condition que ces documents numériques soient cryptés.
En outre, un projet de système d'information
dédié aux échanges entre les établissements de
santé et les tribunaux est en cours d'instruction.60Il s'agit
de mettre en place un échange sécurisé assurant la
confidentialité et l'imputabilité des documents versés au
dossier. Ce projet vise sans aucun doute à garantir davantage de
rapidité dans la transmission des pièces, afin d'optimiser les
délais très courts imposés par les textes.
Les services en charge des soins sans consentement de l'agence
régionale de santé interviennent ici en tant que services
instructeurs du préfet et constituent le dossier en vue de la saisine du
juge des libertés et de la détention. Les délais
étant particulièrement courts, les services compétents
insistent sur la nécessité de réactivité de la part
des directeurs d'établissement et des services préfectoraux qui
transmettent les pièces à l'agence. En effet, tout retard de
saisine entraine la levée immédiate de la mesure de soins sans
57 En pratique, les délais étant
très courts, l'avis conjoint est souvent rédigé au
même moment que le certificat de huitaine.
58 Article L.3211-12-1 II du Code de la santé
publique.
59 Réflexion tirée d'un mémoire
en défense dans le cadre d'un dossier de patient suivi et
préparé par les services de l'ARS NPDC.
60 Circulaire n°DGOS/R4/2011/312 du 29 juillet
2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en
charge.
37
consentement, de même lorsque le juge ne statue pas dans
les délais prévus. Dans ce cas, le juge constate que la
mainlevée est acquise de plein droit. La loi prévoit tout de
même un garde fou : le juge pourra statuer si deux conditions de droit et
de fait sont réunies : s'il est fait état de circonstances
exceptionnelles expliquant la saisine tardive et à condition que le
débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.
61
B. Le jugement et l'expertise
Au vu des éléments du dossier du patient, le
juge de la liberté et de la détention peut soit ordonner le
maintien du patient en hospitalisation complète, soit ordonner la
mainlevée de la mesure. En outre, la loi du 5 juillet 2011 introduit la
faculté pour le juge de différer de vingt quatre heures la prise
d'effet de sa décision62. Cet effet différé
vise à éviter un brusque arrêt des soins dans les cas
où la poursuite de soins en ambulatoire est malgré tout
nécessaire au patient. Il convient dès lors d'établir un
programme de soins. Toutefois, le juge n'a pas le pouvoir de contraindre
l'établissement de santé ou le préfet à instaurer
ce programme de soins63. Si ce dernier n'est pas établi, le
patient doit quand même se maintenir dans l'établissement pendant
vingt-quatre heures.64 A l'issu de ce délai, la mesure
d'hospitalisation complète prend fin et le patient peut sortir de
l'établissement.
S'est posée la question de la responsabilité
dans le cas où le patient, à défaut d'un programme de
soins ou lorsque le juge a levé la mesure, sort de l'hôpital et
récidive. Le psychiatre qui a refusé d'établir un
programme de soins ne peut pour sa part être tenu pour responsable
puisque la loi ne l'oblige pas explicitement à l'établir. Par
ailleurs, le patient peut aussi le refuser.
Pourrait-on engager la responsabilité du juge des
libertés et de la détention ? La faute du juge judiciaire a
été peu à peu absorbée par le «
dysfonctionnement du service de la justice ». En vertu de l'article
L.141-1 du Code de l'organisation judiciaire, il est possible
61 Article L.3211-12-1 IV du Code de la santé
publique.
62 Article L.3211-12 du Code de la santé
publique.
63 Circulaire du 21 juillet 2011 relative à
la présentation des principales dispositions de la loi n°2011-803
du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise
en charge et du décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 relatif
à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
64 En pratique, beaucoup de psychiatres refusent
d'élaborer un programme de soins dans le cadre de l'effet
différé de mainlevée, se sentant « contraints »
par le juge.
38
d'engager la responsabilité de l'Etat pour
fonctionnement défectueux du service de la justice, mais uniquement en
cas de faute lourde ou de déni de justice. En cas d'erreur
d'appréciation par le JLD, cette faute, bien que personnelle, est
rattachable à l'activité judiciaire de service public, l'action
doit donc être intentée contre l'Etat. Toutefois, cette erreur
d'appréciation ne saurait être considérée comme une
faute lourde, celle-ci étant défini par la Cour de cassation
comme « soit celle qui a été commise sous l'influence
d'une erreur tellement grossière qu'un magistrat normalement soucieux de
ses devoirs n'y aurait pas été normalement entraîné,
soit celle qui révèle l'animosité personnelle, l'intention
de nuire ou qui procède d'un comportement anormalement déficient
».65 Au vu de ces critères d'appréciation,
il nous semble peu probable de pouvoir engager la responsabilité de
l'Etat dans cette situation.
La loi prévoit néanmoins la possibilité
pour le juge de demander une expertise. Notons que la circulaire du 21 juillet
2011 insiste sur la subsidiarité des expertises, et sur la
prédominance des informations contenues dans les documents
médicaux figurant au dossier du patient. La circulaire se
réfère à l'article 147 du Code de procédure civile
relatif aux mesures d'instruction pouvant être ordonnées par le
juge et qui précise que « le juge doit limiter le choix de la
mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant
à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux. ».
Lorsque cela est possible, le juge doit donc privilégier
l'étude des certificats médicaux contenus au dossier. De plus,
les juges de la liberté et de la détention relèvent une
certaine difficulté à obtenir des expertises, les experts
étant souvent débordés et dans l'impossibilité de
rendre leur rapport dans les délais fixés par les textes. Il
arrive ainsi régulièrement que le juge contacte plusieurs experts
qui tous refusent la mission.66
Par ailleurs, pour des raisons d'impartialité et de
déontologie évidentes, les experts désignés par le
juge67 ne peuvent exercer dans l'établissement d'accueil du
patient.68
Dans le cadre de la saisine systématique du juge, les
experts ont dix jours pour remettre leur rapport, le juge
bénéficiant du même coup d'un délai de quatorze
jours pour statuer.
65 Ass.Pl. 23 février 2001 n°99-16165.
66 Informations recueillies auprès d'un JLD
du TGI de Lille. Exemple d'une ordonnance JLD du TGI de Lille en date du 20
juin 2012, dans laquelle le juge mentionne avoir contacté sept experts
psychiatres aux fins d'évaluer la persistance d'une pathologie
médicale et d'un éventuel danger pour la personne soignée
ou pour les tiers. Aucun psychiatre n'était disponible compte tenu des
délais imposés par la loi.
67 Les règles de droit commun sont applicables
à la désignation des experts.
68 Article L.3211-13 et L.3211-30 du Code de la
santé publique.
39
A l'audience, le patient est entendu dans le cadre d'un
débat contradictoire et public lorsque celui-ci est en mesure de se
déplacer.69Le patient est alors en droit d'être
assisté d'un avocat choisi par lui ou commis d'office. Le principe
étant que la personne qui fait l'objet d'une mesure de soins sans
consentement doit être entendue par le juge, si ce patient ne peut
être entendu en raison de son état de santé, il doit
impérativement être représenté par un avocat. De
même, si le patient n'a pu être transféré au
tribunal, le juge ne peut statuer en son absence, sauf si le patient a
expressément donné son accord pour être
représenté par un avocat.70
Enfin, l'ordonnance est notifiée aux parties
présentes à l'audience, à l'établissement, au
préfet dans le cas d'une SDRE, ainsi qu'au ministère public. Elle
est susceptible d'appel dans les dix jours à compter de sa notification,
devant le premier président de la cour d'appel qui doit rendre sa
décision dans les douze jours de l'appel, délai porté
à vingt-cinq jours en cas de demande d'expertise.
Toutefois, le ministère public peut demander à
ce que le recours soit suspensif : le patient étant alors maintenu dans
l'établissement jusqu'à ce que le président de la cour
d'appel statue sur la demande d'effet suspensif, le délai d'appel est
donc réduit à six heures. Le président de la cour d'appel
dispose ensuite d'un délai de trois jours pour examiner la question, et
de quatorze jours s'il a recours à une expertise.
§2 - Les autres cas de saisines du juge des
libertés et de la détention
Outre le contrôle systématique des mesures
d'hospitalisations complètes, le juge des libertés et de la
détention peut être saisi à tout moment aux fins de
contrôler les autres mesures de soins sans consentement
(A). Il a également vocation à être saisi
en cas de conflit entre le psychiatre et le préfet quant à la
nécessité de maintenir l'hospitalisation d'un patient en soins
sans consentement (B).
69 Sur les difficultés liées à la
tenue des audiences, voir infra : p.76
70 Sur les difficultés liées au refus de
représentation des avocats commis d'office, voir infra :
p.82
40
A. La saisine facultative du juge des libertés
et de la détention
Le recours facultatif devant le juge de la liberté et
de la détention est prévu par l'article L.3211-12 du Code de la
santé publique. Le juge peut être saisi à tout moment aux
fins d'ordonner la mainlevée immédiate de toute mesure de soins
sans consentement, qu'il s'agisse d'une hospitalisation complète ou de
soins ambulatoires. Il peut être saisi par toute personne ayant un
intérêt à agir, à savoir les personnes
mentionnées à l'article L.3211-12 et notamment, le patient lui
même, les titulaires de l'autorité parentale, le conjoint, ou
encore le Procureur de la République. Le juge peut également se
saisir d'office, à tout moment.
La saisine s'effectue par une simple requête transmise
par tout moyen au greffe du tribunal.71Pour garantir davantage de
facilité dans la saisine à l'égard des patients eux
mêmes, le décret du 18 juillet 201172 prévoit
que dans ce cas, la requête peut être déposée au
secrétariat de l'établissement dans lequel celui-ci est
accueilli. Si le patient n'est pas en état de procéder à
cette formalité, le décret lui donne aussi la possibilité
de former sa requête par simple déclaration verbale auprès
du directeur de l'établissement, qui devra alors établir un
procès verbal daté et signé par le patient. Puis, il
transmet la requête sans délai au greffe du tribunal.73
Les pièces que le directeur doit transmettre en sus de la requête
demeurent inchangées par rapport au droit
antérieur.74
Par ailleurs, la personne qui fait l'objet des soins doit
être avisée de son droit d'être assistée d'un avocat.
Si le patient n'est en mesure de couvrir les frais de sa défense, un
avocat sera alors commis d'office. Toutefois, au vu de l'avis médical
produit, le juge peut décider que son état fait obstacle à
son audition, il est alors obligatoirement représenté par un
avocat et en est avisé.
Comme dans le cas du contrôle systématique des
hospitalisations complètes, le juge peut faire appel à des
experts. Dans le cas de la saisine facultative, le délai offert aux
experts pour rendre leurs conclusions est légèrement plus long :
quinze jours, contre dix jours dans le cadre de la saisine systématique.
Dans le cas ou le juge a recours à une expertise, il
71 Article R.3211-8 du Code de la santé publique.
72 Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 relatif
à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
73 Article R.3211-9 du Code de la santé
publique.
74 Article R.3211-11 du Code de la santé
publique
41
dispose de vingt cinq jours pour rendre sa décision
(contre douze jours dans le cas contraire).
Les voies de recours contre l'ordonnance du juge sont
identiques à celles prévues pour le contrôle des
hospitalisations complètes.75
B. Saisine du JLD en cas de désaccord entre le
représentant de l'Etat et le psychiatre
C'est la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin
2011, dans laquelle les sages ont examiné la question du
désaccord entre le préfet et le psychiatre quant à la
nature ou la nécessité d'une mesure de soins psychiatriques, qui
a conduit le législateur à prévoir une procédure
particulière en cas de conflit. Le Conseil a considéré que
dans ce cas, il est nécessaire de procéder à un
réexamen du patient confirmant la nécessité des soins afin
de pouvoir maintenir la mesure. Dans le cas contraire, la mesure doit
être immédiatement levée.
L'article L.3213-5 du Code de la santé publique
prévoit la situation suivante : lorsque le psychiatre du patient
considère qu'au vu de l'évolution de l'état de
santé de celui-ci, une mesure de soins en hospitalisation
complète n'est plus nécessaire, et que la mesure de soins peut
être levée, il en informe le directeur de l'établissement
qui lui même en réfère dans les vingt quatre heures au
préfet. Ce dernier dispose alors de trois jours francs pour ordonner, ou
non, la levée de la mesure de soins. En effet, le préfet peut
décider qu'il n'est pas opportun, au vu de la dangerosité ou du
risque de troubles à l'ordre public, de lever la mesure. Dans ce cas,
l'article visé ci-dessus prévoit qu'il en informe le directeur
d'établissement, qui saisi directement le juge des libertés et de
la détention qui statue « à bref délai
» aux fins de décider si oui ou non la mesure doit être
maintenue. Il peut bien sûr ordonner une expertise psychiatrique afin de
l'aider à trancher le désaccord.
75 Voir supra : B. paragraphe 1 de la
présente Section.
42
Toutefois, on relève un problème au niveau de
l'articulation de cet article avec l'article L.3213-9-1 du même Code qui
prévoit une procédure administrative de résolution des
conflits entre psychiatre et représentant de l'état,
répondant à la décision du Conseil constitutionnel du 9
juin 2011. En effet, L.3213-9-1 dispose que si le préfet décide
de ne pas suivre l'avis du psychiatre, il en informe le directeur
d'établissement qui demande alors un second examen du patient par un
autre psychiatre. Ce deuxième avis doit être rendu dans un
délai maximal de soixante douze après la décision du
préfet.
Ainsi, si cet avis confirme le premier, à savoir, qu'il
est inutile de poursuivre les soins en hospitalisation complète, le
préfet se retrouve dans une situation de compétence liée
et prononce la levée de la mesure de soins ou sa transformation en une
autre forme de prise en charge. Si le second psychiatre rend un avis contraire
au premier, considérant que le patient doit être maintenu en
hospitalisation complète, dans le silence du texte, il semble ainsi que
l'hospitalisation complète soit automatiquement maintenue.
Cette procédure entre donc en concurrence avec celle de
l'article L.3213-5. Dès lors, comment concilier les deux
procédures ?
Le ministère chargée de la santé a
donné son interprétation concernant cette difficulté : il
considère que, dans le cas où le second psychiatre ayant
examiné le patient oppose un avis différent du premier (cas
prévu ni par L.3213-9-1 ni par L.3213-5), le directeur
d'établissement doit alors saisir le juge des libertés et de la
détention en application de L.3213-5.76Il est donc
demandé aux directeurs d'établissement de ne pas saisir le juge
avant qu'un second avis médical ne soit produit.77
76Ministère du travail, de l'emploi et de la
santé, La réforme des hospitalisations sans consentement,
Courrier juridique des Affaires sociales et des sports n°89, Rapport
2011.
77 Circulaire du 21 juillet 2011 relative à
la présentation des principales dispositions de la loi n°2011-803
du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise
en charge et du décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 relatif
à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques.
43
Le dispositif tel qu'instauré par la loi du 5 juillet
2011 démontre la volonté du législateur d'encadrer au
maximum les procédures d'admission et de prise en charge des patients en
soins sans consentement. Entre augmentation significative du nombre de
certificats médicaux exigés attestant de la
nécessité de soins psychiatriques et les contrôles
systématiques des mesures de soins les plus restrictives de
liberté par le juge judiciaire, jamais le régime de soins
contraints n'avait été aussi exigeant quant à la
protection des droits des patients. Pourtant, tous ne semblent pas
bénéficier des mêmes faveurs du législateur. Les
patients les plus vulnérables, les plus gravement atteints et les plus
démunis sont soumis à des procédures dites « de suivi
renforcé », qui pour certains observateurs, relèvent plus
d'une volonté sécuritaire de la part des pouvoirs publics que
d'un véritable souci des droits de ces patients particuliers.
44
CHAPITRE II : LES DISPOSITIONS SPECIALES A CERTAINES
CATEGORIES DE
PATIENTS
Le législateur a aménagé un dispositif
particulier pour les patients dont les troubles sont considérés
comme plus graves, engendrant des comportements violents et potentiellement
dangereux pour eux mêmes ou pour autrui (Section 1). Il
convient également d'analyser une autre catégorie de patients
faisant nécessairement l'objet d'un régime spécial : les
détenus (Section 2).
Section 1 : La prise en charge des patients
particuliers
Par patients « particuliers », il faut entendre les
patients qui présentent des troubles et des souffrances psychiatriques
plus intenses et plus graves que d'autres et qui de ce fait, doivent être
pris en charge dans des établissements spécialement
créés pour eux : les unités pour malades difficiles
(§1). Nous y inclurons également les patients dont
la mesure de soins psychiatriques sans consentement fait suite à une
déclaration d'irresponsabilité pénale prononcée par
le juge judiciaire ou par le préfet (§2). Il
convient de préciser préalablement à tout
développement, que ce régime spécial n'est pas applicable
aux patients qui font l'objet d'une mesure de soins psychiatriques à la
demande d'un tiers ou en cas de péril imminent.
§1 - Les patients séjournant ou ayant
séjournés en unité pour malades difficiles
Certaines personnes souffrent de troubles d'ordre
psychiatrique tels, qu'il est impossible de les soigner et les encadrer dans
les secteurs psychiatriques habituels. Potentiellement agressifs et violents
envers les autres, ces patients ont besoin de structures disposant de moyens
humains, matériels et médicaux renforcés permettant
d'assurer des soins adéquats à leur état extrêmement
instable et une sécurité suffisante tant pour eux que pour les
personnels soignants.
Ont donc été créées des structures
spécialisées : les unités pour malades difficiles (UMD)
qui peuvent se définir comme des « établissements
psychiatriques sécurisés où l'on prend
45
en charge les patients atteints de pathologies mentales
aiguës, en tout cas qui présentent des troubles du comportement
graves incompatibles avec leur maintien en service de psychiatrie classique, et
qui nécessitent des soins et une surveillance intensifs.
»78 L'article R.3222-1 du Code de la santé publique
présente les UMD comme des structures « spécialement
organisées à l'effet de mettre en oeuvre les protocoles
thérapeutiques intensifs et les mesures de sûreté
particulières adaptés à l'état des patients
». Les UMD s'adressent donc aux personnes qui font l'objet de soins
sans leur consentement se présentant nécessairement sous la forme
d'une hospitalisation complète.
L'admission du patient en UMD telle qu'elle est prévue
aujourd'hui est obligatoirement prononcée par arrêté du
préfet de département au sein duquel est située l'UMD, sur
proposition d'un psychiatre qui participe à sa prise en charge, avec
l'accord du psychiatre responsable de l'unité. Le préfet prend sa
décision en fonction du dossier médical du patient qui doit
comprendre le certificat médical détaillé établi
par le psychiatre dans lequel celui-ci explique les motifs de la demande en UMD
et précise si le patient a fait l'objet d'expertises psychiatriques. Le
dossier comprend aussi un volet administratif qui comporte l'engagement
signé du préfet « de faire à nouveau hospitaliser
ou incarcérer dans son département le patient dans un
délai de vingt jours à compter d'un arrêté de sortie
de l'unité pour malades difficiles ».79
Il peut arriver que le psychiatre responsable de l'UMD soit
opposé l'admission du patient au sein de son unité. Dans ce cas,
le préfet peut saisir la commission de suivi
médical80qui examine si les conditions d'admission en UMD
sont remplies. La commission de suivi médical peut d'ailleurs se saisir
à tout moment du dossier d'un patient hospitalisé dans une telle
unité et elle examine au moins tous les six mois les dossiers de ces
patients.
Si au vu d'une proposition du psychiatre participant à
la prise en charge du patient établie au cours des soins, et en tenant
compte des exigences liées à la sûreté des
personnes
78 Définition empruntée au site
http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/le-quotidien-des-soignants-en-unite-pour-malades-difficiles-umd.html.
79 Article R.3222-2 du Code de la santé
publique
80 Article R.3222-6 du Code de la santé
publique : « Dans chaque département d'implantation d'une
unité pour malades difficiles, il est créé une commission
du suivi médical, composée de quatre membres nommés par le
directeur de l'agence régionale de santé : 1° Un
médecin inspecteur de santé ;2° Trois psychiatres
hospitaliers n'exerçant pas leur activité dans l'unité
pour malades difficiles.(...) »
46
et à l'ordre public, le préfet décide
d'une prise en charge autre que l'hospitalisation complète, il doit
auparavant solliciter l'avis du collège de soignants81. Le
directeur d'établissement convoque alors le collège,
composé de trois membres appartenant au personnel de
l'établissement : un psychiatre et un représentant de
l'équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du
patient et un psychiatre ne participant pas à sa prise en charge. Le
collège ayant rendu son avis, le directeur en informe le préfet
et lui transmet cet avis ainsi que le certificat médical proposant la
prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète
assortie du programme de soins. Le préfet a alors le choix : soit il
prend sa décision au vu de ces éléments, soit il fait
appel à un ou deux experts mais, dans le cas où ces derniers
confirment la position du psychiatre traitant et du collège, le
préfet est dans l'obligation de suivre les avis médicaux et de
décider une prise en charge sous une forme alternative à
l'hospitalisation complète.
Notons que lorsque le patient est pris en charge sous la forme
de l'hospitalisation complète, le contrôle systématique par
le JLD est exercé dans les mêmes conditions que pour les patients
pris en charge dans des établissements psychiatriques « classiques
» et c'est le préfet de département dans lequel se trouve
l'établissement comportant l'UMD qui saisit alors le juge.
Une procédure particulière est également
prévue lorsque la levée de la mesure de soins est
envisagée pour le patient séjournant ou ayant
séjourné en UMD.82 En effet, le préfet doit au
préalable recueillir l'avis du collège de soignants ainsi que
l'avis concordant de deux psychiatres experts n'exerçant pas dans
l'établissement d'accueil, constatant que la mesure d'hospitalisation
complète n'est plus nécessaire. Le préfet peut alors lever
la mesure de soins ou modifier la forme de la prise en charge. Concernant la
qualité des certificats médicaux, l'article R.3213-3 du Code de
la santé publique prend le soin de préciser que ceux-ci doivent
être particulièrement motivés, précis et
dactylographiés. S'ils concluent à la nécessité de
lever la mesure de soins, ils doivent être motivés « au
regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la
personne intéressée et des incidences éventuelles de ces
troubles sur la sûreté des personnes. »
81 Article L.3211-9 du Code de la santé
publique.
82 Le patient doit avoir séjourné
dans une UMD pendant au moins un an, suite à une mesure datant de moins
de dix ans.
47
Toutefois, toutes ces procédures feront prochainement
l'objet d'un profond changement.
En effet, saisi de deux questions prioritaires de
constitutionnalité posées par l'Association Cercle de
réflexion et de propositions d'actions sur la psychiatrie (CRPA), le
Conseil constitutionnel a, par une décision du 20 avril
201283, censuré deux dispositions issues de la loi du 5
juillet 2011 dont l'une est relative aux patients pris en charge en
unités pour malades difficiles84. Le Conseil a
considéré que « la spécificité de la
situation des personnes (...) qui présentent, au cours de leur
hospitalisation, une particulière dangerosité »
justifie que le législateur adopte des « garanties contre le
risque d'arbitraire encadrant la mise en oeuvre de ce régime
particulier. » En l'absence de dispositions législatives
encadrant les formes et précisant les conditions d'admission en UMD,
alors même que cette admission engendre des mesures plus contraignantes
que celles applicables aux autres patients admis en hospitalisation
complète, les Sages ont considéré que les garanties
légales sont insuffisantes. Toutefois, le Conseil a laissé au
législateur jusqu'au 1er octobre 2013 pour remédier à
cette carence et prévoir des procédures plus
détaillées quant à l'admission et à la levée
des mesures de soins en UMD, considérant que « l'abrogation
immédiate de ces dispositions aurait eu des conséquences
manifestement excessives ».85
Des dispositions spécifiques sont également
prévues pour les patients hospitalisés suite à une
déclaration d'irresponsabilité pénale.
§2 - Les patients dont la mesure de soins
psychiatriques fait suite à une déclaration
d'irresponsabilité pénale
Les patients ayant fait l'objet d'une décision
d'irresponsabilité pénale par une autorité judiciaire se
voient appliquer un régime particulier quant au contrôle de la
mesure de soins sans consentement et à sa mainlevée. Mais qu'est
ce que l'irresponsabilité pénale ? Elle est définie par
l'article 122-1 du Code pénal lequel énonce que « n'est
pas
83 Conseil const. décision n°2012-235
QPC du 20 avril 2012 Association Cercle de réflexion et de proposition
d'actions sur la psychiatrie
84 L'article L.3213-8 du Code de la santé
publique.
85 Communiqué de presse du Conseil
constitutionnel - 2012-235 QPC.
48
pénalement responsable la personne qui était
atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » L'article
poursuit en précisant que la personne atteinte d'un tel trouble demeure
punissable, mais que la juridiction prend en compte son état psychique
lors de la détermination de la peine. Il faut donc que la personne
subisse un trouble lié à une pathologie psychiatrique
avérée, ou au moins, des troubles tels qu'ils sont de nature
à perturber son jugement ou le contrôle de ses actes. Ensuite, il
faut pouvoir discerner ce trouble au moment des faits, ce qui n'est pas
évident pour les experts, si l'on tient aussi compte du fait que la
plupart du temps, les crimes sont commis lors d'un contexte environnemental et
donc émotionnel particulier, qu'on ne retrouve pas forcément au
moment de l'examen du sujet.86
Ainsi, lorsqu'un jugement ou un arrêt prononce
l'irresponsabilité pénale d'un individu pour cause de troubles
mentaux, il peut dans le même temps ordonner l'admission de celui-ci en
soins psychiatriques sous la forme de l'hospitalisation
complète87. Une expertise doit toutefois confirmer que la
personne nécessite des soins en raison de la nature de ses troubles et
qu'elle est susceptible, du fait de ceux-ci, de porter atteinte à la
sûreté des personnes ou à l'ordre public.
Les autorités judiciaires avertissent alors la
commission départementale des soins psychiatriques ainsi que le
préfet. Ce dernier ordonne sans délai la production d'un
certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel
de la personne au vu duquel il pourra décider de prononcer son admission
en soins psychiatriques. 88
La procédure est également particulière
concernant la levée de la mesure : le psychiatre qui a connaissance que
son patient fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité
pénale ou qu'il a fait l'objet d'une telle déclaration depuis
moins de dix ans en informe le directeur de l'établissement qui transmet
l'information au préfet. Comme dans le cas des patients
séjournant ou ayant séjourné en UMD, le préfet ne
peut lever la
86 JONAS (C), Majeurs protégés -
Dispositions communes à toutes les protections - Rôle du
médecin, V. JCl. Civil Code, Art. 414-1 à 414-3, fasc. 10
87 Article 706-135 du Code de procédure
pénale.
88 Article L.3213-7 du Code de la santé
publique.
49
mesure avant d'avoir obtenu l'avis du collège de
soignants89complété par deux avis concordants de deux
psychiatres qui n'appartiennent pas à l'établissement d'accueil.
Le préfet doit aussi faire appel au collège de soignants lorsque
le psychiatre traitant propose une prise en charge sous une autre forme que
l'hospitalisation complète et même lorsque celui-ci n'envisage que
la modification du programme de soins.
Dans le cadre du contrôle de la mesure de soins faisant
suite à une déclaration d'irresponsabilité pénale
d'un patient, que l'on se trouve dans le cadre d'un recours facultatif ou
systématique, le JLD doit disposer de davantage de pièces que
lors d'un contrôle commun. En effet, il fonde sa décision sur
l'avis motivé du collège de soignants (qui doit soigner sa
motivation et faire preuve de rigueur et de précision) ainsi que des
conclusions de deux experts en psychiatrie dans le cas où il envisage de
lever la mesure d'hospitalisation complète.
La décision du Conseil constitutionnel du 20 avril
201290 emporte aussi des conséquences sur le régime
renforcé applicable aux personnes ayant été
déclarées pénalement irresponsables. Si le nouveau
régime créé par la loi du 5 juillet 2011a pu être
contesté en ce qu'il soumet à des règles
différentes des patients se trouvant dans une même situation, le
Conseil n'a pas pour autant remis en cause cette différence de
traitement dans sa décision du 20 avril 2012. En effet, il affirme
« qu'en raison de la spécificité de la situation des
personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble
mental ou qui présentent, au cours de la hospitalisation, une
particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir
de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans
consentement dont ces personnes font l'objet. » Si le Conseil
approuve le renforcement du régime en raison de la potentielle
dangerosité de ces personnes, il relève néanmoins
l'insuffisance de garanties légales encadrant ce dispositif.
Toutefois le Conseil fait une distinction entre la situation
des personnes faisant l'objet de soins sans consentement ordonnés par
une juridiction d'instruction ou de jugement et la situation des personnes
faisant l'objet de soins sans consentement ordonnés par
l'autorité administrative. Dans le premier cas, les Sages ont
considéré qu'il n'y avait pas lieu de
89 Voir supra : §1 de la présente
Section.
90 Cons.constit. décision n°2012-235
QPC du 20 avril 2012 Association Cercle de réflexion et de proposition
d'actions sur la psychiatrie
50
prononcer l'inconstitutionnalité du texte qui le
prévoit puisque l'hospitalisation est prononcée à l'issu
d'un débat contradictoire et susceptible de recours.
En revanche, en ce qui concerne la seconde situation,
l'autorité judiciaire informe le préfet que tel individu fait
l'objet d'une irresponsabilité pénale, ce qui constitue un simple
« dispositif d'alerte », à charge pour le préfet de
prononcer par la suite une admission en soins psychiatriques. Selon
l'association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la
psychiatre, ce régime juridique particulier prévu par l'article
L.3213-7 n'est déterminé que par la simple transmission de
l'autorité judiciaire à l'autorité administrative. Le
problème, c'est qu'il n'existe en réalité aucune
véritable procédure établie et adaptée à la
situation, qui formaliserait plus clairement la différence de traitement
91. Le Conseil relève par conséquent l'absence de
garanties légales suffisantes et considère que cette transmission
engendre de fait « des règles plus rigoureuses que celles
applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins
psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins.
» Il en résulte que le paragraphe II de l'article L.3211-12 du Code
de la santé publique est déclaré contraire à la
Constitution.92
Un régime dérogatoire s'applique ainsi aux
patients séjournant en unité pour malades difficiles ainsi qu'aux
patients pénalement irresponsables. Il existe une autre catégorie
de patients particuliers pour lesquels il est intéressant d'aborder la
question de la prise en charge psychiatrique, celle des personnes
détenues.
Section 2 : Les soins psychiatriques aux personnes
détenues
La question des soins psychiatriques et plus largement des
(nombreux) cas de maladies mentales en prison n'est pas nouvelle. La France,
pays des droits de l'Homme, peine à répondre à la
problématique de la prise en charge des pathologies psychiatriques
91 Commentaire Association Cercle de
réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatre sur la
décision n°2012-235 QPC du 20 avril 2012.
92 Date d'abrogation reportée au 1er
octobre 2013.
51
des détenus (§1), et la loi du 5
juillet 2011 n'a pas dégagé de solutions remarquables, se bornant
à renforcer l'aspect sécuritaire et punitif du système
(§2).
§1 - Le problème de la prise en charge des
maladies mentales en prison
Sujet à controverses, la problématique des
détenus souffrant de troubles psychiatriques en prison, du respect de
leur dignité et de leurs droits, a toujours fait couler beaucoup
d'encre. La difficile alliance entre la détention et la
nécessité de soins psychiatriques n'a jamais vraiment
rencontré de solution viable, les meilleures intentions se heurtant
systématiquement au manque de moyens financiers permettant de
dégager un compromis.
Dès 2004, le Comité des ministres du Conseil de
l'Europe, a adopté une recommandation93 relative à la
protection et à la dignité des personnes atteintes de troubles
mentaux. Le Comité enjoint aux Etats membres d'adapter leur
législation et de revoir l'allocation de leurs ressources
destinées à la santé mentale afin d'être en mesure
de répondre aux différentes lignes directrices de la
recommandation. Concernant les détenus, le Comité
préconisait déjà le respect du principe de
l'équivalence des soins prodigués aux détenus avec les
soins assurés en dehors des établissements pénitentiaires
et condamnait la discrimination dont les détenus atteints de troubles
mentaux peuvent faire l'objet au sein des prisons. Il considère par
ailleurs que le traitement involontaire des troubles mentaux ne saurait avoir
lieu en prison, mais au sein de services hospitaliers spécialement
affecté à cette fin.
C'était précisément dans cet objectif
qu'ont été créées les unités
hospitalières spécialement aménagées (UHSA) qui ont
vocation à accueillir les personnes détenues souffrant de
troubles psychiatriques et nécessitant une hospitalisation avec ou sans
consentement. D'ailleurs, l'article L.3214-1 du Code de la santé
publique précise bien que « l'hospitalisation, avec ou sans son
consentement, d'une personne détenue atteinte de
93 Recommandation Rec (2004) 10 du Comité
des Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de
l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux
adoptée par le Comité des Ministres le 22 septembre 2004, lors de
la 89e réunion des Délégués des
Ministres.
52
troubles mentaux est réalisée dans un
établissement de santé, au sein d'une unité
spécialement aménagée. »
La circulaire interministérielle du 18 mars 2011
relative à l'ouverture et au fonctionnement des UHSA94
précise que celles-ci reposent sur deux principes fondamentaux :
même si la personne soignée est en l'occurrence détenue et
que de ce fait, elle est soumise à des restrictions concernant notamment
sa liberté d'aller et venir, le soin prime sa qualité de
détenue ; ce dont il découle le second principe, la
nécessité de mettre en oeuvre une prise en charge à la
fois sanitaire mais aussi sécuritaire de façon à garantir
des soins dans un cadre sécurisé.
Si elles apparaissent comme une solution convenable alliant
des objectifs de sécurité et de soins, elles ne sont
malheureusement pas en nombre suffisant pour pouvoir accueillir tous les
détenus candidats à une telle prise en charge. En effet, la loi
d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre
200295 avait pour objectif la création de neuf UHSA avant
l'année 2011 et de huit autres après. Aujourd'hui en 2012, seules
trois UHSA ont été créées dans les villes de Lyon,
Toulouse et Nancy, comptant une capacité totale de seulement cent
quarante lits, ce qui est très insuffisant par rapport à la
demande. Les raisons en sont d'une part, le coût très important de
la construction et du fonctionnement d'une telle structure (qui se compte en
millions d'euros) et d'autre part, l'idéologie populaire (et
médiatique) qui tend à assimiler les personnes souffrant de
troubles mentaux aux criminels, dont il faut privilégier l'internement
et la surveillance plutôt que le soin et la
réinsertion.96Notons toutefois qu'une UHSA est en cours de
construction dans la région Nord - Pas-de-Calais, qui devrait voir le
jour au premier semestre 2013. Celle-ci aura comme les autres un rayonnement
interrégional : des détenus du Nord - Pas-de-Calais mais aussi de
la Haute Normandie et de la Picardie pourront y être admis. On
relève immédiatement que le nombre de places prévues sera
très insuffisant : 60 lits pour des détenus se comptant par
milliers.
94Circulaire interministérielle
DGOS/R4/PMJ2/2011/105 du 18 mars 2011 relative à l'ouverture et au
fonctionnement des unités hospitalières spécialement
aménagées (UHSA).
95 Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002
d'orientation et de programmation pour la justice.
96 HENNION-JACQUET (P), La prise en charge des
maladies mentales en prison : un problème systémique et
perdurant, Revue de droit sanitaire et sociale 2012, p.678.
53
Dès lors, comment faire face à l'exigence de la
loi du 5 juillet 2011 prévoyant la prise en charge de ces détenus
dans des unités spécialement aménagées ? Dans leurs
réponses aux questions concernant la loi nouvelle, les pouvoirs publics
considèrent que l'article 48 de la loi du 9 septembre 2002 continue de
s'appliquer : il prévoit qu'en l'absence d'UHSA sur certains
territoires, l'hospitalisation des personnes détenues souffrant de
troubles mentaux est assurée par un service médico-psychologique
régional ou un établissement de santé autorisé en
psychiatrie.
Il semble ainsi que tant qu'une prise de conscience populaire
et politique de la nécessité de prévoir des structures
particulières permettant de soigner dans le respect des droits et de la
dignité des personnes détenues n'aura pas été
acquise, ces dernières ne pourront guère bénéficier
de soins appropriés au sein d'un lieu approprié à leur
état, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe.
Cette prise de conscience pourrait toutefois être
déclenchée par les instances supra nationales : la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu son rapport
d'activité le 26 janvier dernier. Il nous semble pertinent de rapporter
ici les mots de M. BRATZA, président de la CEDH, lors de la
conférence de presse annuelle : « Il semble que les droits de
l'homme, l'Etat de droit et la justice perdent de l'importance au sein des
priorités politiques dans le climat économique actuel. Or, en ces
temps incertains, il importe justement de ne pas oublier que les droits de
l'homme ne sont pas un luxe et que leur protection relève de la
responsabilité commune. » Ce n'est certes pas la
première fois que les conditions de détention en France sont
condamnées par les autorités nationales et internationales, si
bien que de nombreux textes97 ont tenté d'améliorer la
situation des détenus et particulièrement ceux souffrant de
troubles mentaux, allant même jusqu'à inscrire au Code de
procédure pénale que « les détenus atteints de
troubles mentaux visés à l'article L.3214-4 du Code de la
santé publique ne peuvent être maintenus dans un
établissement pénitentiaire »98. La pratique
n'a manifestement pas suivie la règle.
97 Par exemple, la loi pénitentiaire
n°2009-1436 du 24 novembre 2004 (article 22).
98 Article D398 du Code de procédure
pénale.
54
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a de
nouveau99 récemment condamné la France pour
traitements inhumains et dégradants, sur le fondement de l'article 3 de
la Convention européenne des droits de l'homme portant interdiction de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Cour
considère que, conformément aux règles
pénitentiaires européennes100 (RPE) telles
qu'adoptées en 1973 et révisées en 2006, les
détenus souffrant de troubles mentaux doivent être placés
et soignés dans un service hospitalier doté de
l'équipement adéquat et disposant d'un personnel qualifié.
La Cour considère qu'en l'espèce, le détenu atteint de
psychose chronique de type schizophrénique et qui a fait d'incessants
allers retours entre la prison et l'hôpital psychiatrique n'a pas
été pris en charge par des « mesures aptes à ne
pas aggraver son état mental », l'hospitalisation étant
ordonnée chaque fois que l'état de santé du détenu
n'était plus compatible avec la détention. De plus, la Cour
relève que le requérant n'a pas été
hospitalisé dans des structures adaptées à son
état, et insiste du même coup sur l'urgence qu'il y en France
à créer des structures adaptées afin d'être en
mesure d'hospitaliser des personnes en détention.
Il semble ainsi que le problème de la prise en charge
des troubles psychiatriques des personnes détenues perdure,
malgré l'appel de la CEDH aux Etats membres à prendre leur
responsabilité et à tout mettre en oeuvre pour assurer une prise
en charge respectueuse de leurs droits et de leur dignité.
§2 - Les modalités d'admission et de
contrôle des soins psychiatriques aux personnes détenues
Si la loi du 5 juillet 2011 n'a pas réformé la
prise en charge psychiatrique des détenus en profondeur, elle
prévoit toutefois de nouvelles dispositions particulières afin de
tenir compte de leur situation juridique qui est de fait, incompatible avec le
régime de droit commun.
99 La CEDH a été, à de
nombreuses reprises, saisie de litiges concernant la compatibilité du
maintien en détention des personnes souffrant de troubles mentaux : voir
en ce sens et pour exemple l'arrêt CEDH 5e Sect. 3 novembre 2011 Cocaign
c. France Req. N°32010/07.
100 Les règles pénitentiaires européennes
visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des Etats
membres du Conseil de l'Europe et à faire adopter des pratiques et des
normes communes. Au nombre de 108, elles portent sur les droits fondamentaux
des personnes détenues, et notamment sur leur santé. Elles n'ont
aucune valeur contraignante mais leur respect constitue pour la France un
objectif prioritaire.
55
L'article L.3214-1 du Code de la santé publique
prévoit d'emblée que la prise en charge des détenus en
soins psychiatriques ne peut s'effectuer que sous la forme de l'hospitalisation
complète : les détenus ne peuvent donc pas faire l'objet d'un
programme de soins, restriction rendue nécessaire par leur situation de
personnes privées de liberté. Or, l'objet des modes alternatifs
de prise en charge est précisément de proposer des soins en
ambulatoire ou encore à domicile, afin de permettre aux patients de
vivre à l'extérieur de l'hôpital et de favoriser peu
à peu leur réinsertion sociale. Le détenu est admissible
en soins psychiatriques hors les murs de la prison lorsqu'il nécessite
des soins immédiats sous surveillance constante en milieu hospitalier.
La personne doit manifester des troubles mentaux qui d'une part constituent un
danger pour elle même et pour autrui, et qui d'autre part, rendent
impossible son consentement aux soins101.
Le préfet de département dans lequel se trouve
l'établissement pénitentiaire du détenu a
compétence pour prononcer l'admission en soins psychiatriques par
arrêté. Il doit disposer d'un certificat médical
circonstancié émanant d'un psychiatre qui ne doit pas exercer
dans l'établissement d'accueil. L'arrêté du préfet
doit être particulièrement motivé et énoncer avec la
plus grande précision les circonstances ayant contribué à
l'hospitalisation du détenu. Le préfet désigne enfin
l'établissement qui prendra en charge le détenu : il peut s'agir
de tout établissement autorisé en psychiatrie par le directeur
général de l'agence régionale de santé, d'une
UHSA102 ou encore d'une UMD103.
Le juge des libertés et de la détention a bien
évidemment le même rôle de contrôle
systématique des mesures de soins en hospitalisation complète
concernant les détenus : il doit être saisi dans les quinze jours
à compter de l'arrêté d'admission du préfet puis
tous les six mois, lorsque l'hospitalisation se poursuit.104
Tout comme les patients séjournant en UMD ou ayant fait
l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale, les
détenus sont considérés comme étant des patients
« à risque ». Le juge doit donc disposer de l'avis conjoint
rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil
désigné par le directeur et participant à la prise en
charge du
101 Article L.3214-3 du Code de la santé publique.
102 Voir les développements consacrés aux UHSA au
§1 de la présente section.
103 Voir supra : §1 Section 1 du présent
Chapitre.
104 Procédure de contrôle des hospitalisations
complètes développée §1 Section 2 du Chapitre
1er.
56
patient, et par un psychiatre consulté par tout moyen
qui intervient au sein de l'établissement pénitentiaire auquel
est affecté le détenu.
Si le juge décide de la mainlevée de la mesure
d'hospitalisation complète, sa décision est immédiatement
notifiée à l'établissement pénitentiaire par le
Procureur de la République.
Se pose nécessairement la question logistique du
transport des détenus de l'établissement pénitentiaire
à l'établissement hospitalier et au tribunal de grande instance
lorsqu'ils doivent être entendus par le JLD. Concernant le premier
transport, il est pris en charge par les infirmiers de l'hôpital
d'accueil. Si le détenu qui va être hospitalisé est
considéré comme étant dangereux, le préfet peut
ordonner une escorte afin d'assurer la sécurité du personnel
soignant. Pour le trajet du retour, c'est l'administration pénitentiaire
qui vient chercher le détenu à l'hôpital et qui le
ramène au sein de la prison.
Concernant le transport de l'établissement hospitalier
au TGI : aussi étonnant que cela puisse paraitre, la question n'a en
réalité pas été définitivement
résolue. L'article L.3214-5 du CSP nous apprend que les modalités
d'escorte et de transport des détenus hospitalisés sont
fixés par décret en Conseil d'Etat, décret que l'on attend
encore. Dans le silence de la loi, il faut s'en remettre à un
communiqué du ministre de l'intérieur mis en ligne sur le site du
ministère de la santé dédié à la loi du 5
juillet 2011.105 Ce communiqué précise ainsi que
« la répartition des responsabilités entre
l'administration pénitentiaire et les forces de sécurité
fait (fera ?) l'objet d'une expertise interministérielle
complémentaire ». Un an après la promulgation de la loi
nouvelle, aucune disposition législative ou règlementaire n'a
encore vue le jour concernant cette question qui ne paraît pourtant pas
être d'une grande complexité, mais qui a toutefois son importance.
Ainsi, le ministère de l'intérieur fait-il savoir que le Premier
ministre a décidé que le transport relève de la
responsabilité de l'établissement de santé (donc
assuré par les infirmiers comme pour n'importe quel autre patient), et
non de l'établissement pénitentiaire106. Toutefois, en
fonction de la dangerosité du patient détenu, et sur certificat
d'un médecin prenant en charge le patient, l'agence régionale de
santé peut demander au préfet de mettre à disposition une
escorte assurée par les forces de police ou de gendarmerie. La
dangerosité est évaluée en fonction des
antécédents judiciaires et médicaux du détenu,
ce
105
http://www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques.html
106 Il s'agit toujours de « dispositions transitoires
».
57
que les services de l'ARS appellent « sa fiche
pénale ». Les services de l'ARS NPDC interrogés sur la
problématique liée au transport du patient détenu
insistent sur le risque élevé d'évasion à
l'occasion de ce transport. En effet, il est fort probable que les
procédures et nouveaux délais de comparution obligatoire devant
le JLD soient devenus relativement « clairs » pour ceux qui en font
l'objet. Organiser une évasion à l'aide de complices
extérieurs alors que le patient détenu n'est accompagné
que par deux infirmiers (quand ce n'est pas qu'un seul) ne relève pas de
la fiction et il s'agit d'une éventualité dont les pouvoirs
publics devraient aujourd'hui prendre conscience. Des escortes
policières ou de gendarmerie systématiques pour cette
catégorie de population particulière seraient une solution afin
d'éviter ce risque. Une alternative devra dans tous les cas être
mise en oeuvre un jour : face à cette insécurité, des
infirmiers travaillant dans le secteur psychiatrique ont d'ores et
déjà menacé à plusieurs reprises d'exercer leur
droit de retrait107. Dans son communiqué, le ministre insiste
toutefois sur la nécessité de limiter l'intervention des forces
de sécurité, « afin de limiter l'engagement des forces
de sécurité dans des missions ne relevant pas de leur coeur de
métier » et sur la nécessité de
développer au maximum les audiences foraines ou le système des
visioconférences. Cette bonne volonté était sans compter
sur les difficultés majeures auxquelles nous sommes aujourd'hui
confrontés concernant les modalités des audiences devant le JLD,
qui sont l'oeuvre tant de ces derniers que des acteurs de soins,
établissements de santé et soignants confondus.108
107 Le droit de retrait est prévu par l'article
L.4131-1 du Code du travail. Lorsque le salarié est confronté
à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, il peut
arrêter son travail et même quitter les lieux afin de se
protéger. Notons qu'il n'est pas nécessaire que la situation ait
été effectivement dangereuse pour le salarié : il
suffit que celui-ci ait pu raisonnablement croire à son existence.
108 Pour nos développements consacrés aux
difficultés liées aux lieux des audiences devant le JLD, voir
infra : p.76.
58
La loi nouvelle organisant les soins psychiatriques sous
contrainte maintient un certains nombres de procédures issues de la loi
du 27 juin 1990. Ainsi demeurent les deux types d'admission en soins sans
consentement : l'admission sur décision du représentant de l'Etat
et l'admission à la demande d'un tiers. Mais les rédacteurs ont
aussi tenu compte des insuffisances relevées notamment par le Conseil
constitutionnel et la CEDH et des critiques formulées par les acteurs de
soins. Parmi les innovations de la loi du 5 juillet 2011, on retiendra tout
particulièrement la création très attendue de la
procédure d'admission d'urgence sans demande d'un tiers, l'instauration
de modes de prise en charge alternatifs à l'hospitalisation
complète et enfin le contrôle systématique des mesures
d'hospitalisation complète par le juge des libertés et de la
détention.
59
La loi du 5 juillet 2011 a donc instauré un certain
nombre de nouveautés quant aux procédures d'admission en soins
psychiatriques sans consentement et aux modes de prise en charge des patients
souffrant de troubles mentaux. L'intervention du juge des libertés et de
la détention a été sans aucun doute un des
éléments clés de la réforme visant à
renforcer les droits fondamentaux des patients les plus vulnérables. Si
sur le papier, la loi nouvelle paraît claire et relativement «
fonctionnelle », qu'en est-il réellement sur le terrain ? Comment
la réforme a-t-elle été accueillie par les acteurs de
soins et ceux de la justice ? Quelles difficultés concrètes
engendre-elle et quelles solutions peuvent être envisagées ? Nous
nous attacherons dans la seconde partie à l'étude de deux
problématiques essentielles découlant directement de la
réforme : l'effectivité du renforcement des droits des patients
en soins psychiatriques contraints et l'unification du contentieux
psychiatrique dont devra se charger le juge judiciaire à partir du
1er janvier 2013.
60
DEUXIEME PARTIE : LES DIFFICULTES PRATIQUES DE MISE
EN OEUVRE DE LA LOI DU 5 JUILLET 2011
61
L'objectif affiché de la réforme des soins
psychiatriques était de renforcer les droits fondamentaux et la
liberté individuelle des patients faisant l'objet de soins sans
consentement. Afin notamment de prévenir le risque d'arbitraire, le
législateur a confié le rôle de contrôle des
décisions administratives au juge judiciaire. Ce contrôle fait
l'objet de vives critiques notamment ce qu'il n'est systématique
qu'à l'égard des mesures d'hospitalisation complète,
considérant que « l'internement » est la seule modalité
réellement liberticide. Pour autant, nombreux sont ceux qui
s'interrogent sur la potentielle atteinte à la liberté des
mesures de soins alternatives qui ne font, elles, l'objet d'aucune garantie
(CHAPITRE I). Par ailleurs, si le renforcement du rôle
du juge des libertés et de la détention est louable, la mise en
oeuvre pratique des nouvelles dispositions s'avère plus
compliquée que prévue. De nombreux obstacles essentiellement
d'ordre pratique viennent en effet contrarier l'application des textes. Pour
autant, des solutions existent que nous nous emploierons à proposer dans
la présente étude (CHAPITRE II).
62
CHAPITRE I : ETAT DES LIEUX DE L'EFFECTIVITE DE LA
PROTECTION DES DROITS DES PATIENTS EN SOINS SANS CONSENTEMENT
Un an après la promulgation de la loi du 5 juillet
2011, le nouveau régime juridique des soins sans consentement en dehors
des murs de l'hôpital fait l'objet de beaucoup d'interrogations. La
majorité des auteurs considère que, même si ces modes de
soins alternatifs ne sont certes pas complètement privatifs de
liberté, ils emportent quand même une certaine restriction des
droits de ceux qui en font l'objet. Or, cette modalité n'est pas soumise
au contrôle systématique de l'autorité judiciaire, ce qui
pourrait selon certains observateurs, constituer une sérieuse lacune
dans l'arsenal législatif mis en oeuvre pour renforcer les droits et la
protection des patients faisant l'objet de soins sans consentement
(Section 1). En outre, hors les cas d'hospitalisation
complète pour lesquels les droits du patient sont nécessairement
restreints, l'esprit de la loi veut que les mêmes droits soient
accordés au patient en soins psychiatriques sans consentement
qu'à n'importe quel autre patient. Or, il s'avère très
difficile en pratique d'assurer le respect des droits d'un patient atteint de
troubles mentaux, et en particulier du sacrosaint droit à l'information
que la loi nouvelle a entendu réaffirmer avec force (Section
2).
Section 1 : Les modes de soins alternatifs, sujets à
critiques
L'accès aux modes alternatifs à
l'hospitalisation complète constitue sans nul doute un progrès
majeur dans la prise en charge des patients en soins psychiatriques. Pour
autant, dans sa grande majorité, la doctrine dénonce une certaine
atteinte aux libertés du patient alors même que ces mesures de
soins hors de l'hôpital ne font pas l'objet d'un contrôle
systématique par le JLD (§1). S'est
également posée la question de la nature et des aspects concrets
de la contrainte dans le cadre du programme de soins, incertitude à
laquelle le Conseil constitutionnel a récemment mis fin par une
décision qui a fait naître de nouveaux enjeux pour la pratique des
soins (§2).
63
§1 - Les limites du programme de soins
Les modes de soins alternatifs, tout comme l'hospitalisation
complète, constituent une forme de soins sans consentement,
c'est-à-dire, des soins contraints (en théorie)109.
Pour autant, la loi ne prévoit pas de dispositif de contrôle ni de
protection contre les risques de dérives qui menacent cette forme
particulière de prise en charge.
Il est vrai que la vision commune que nous avons des soins
psychiatriques, a fortiori sans consentement, est celle d'individus
forcenés enfermés dans des centres ayant plus l'allure de prisons
que d'hôpitaux psychiatriques. Ces postulats sont au
21ème siècle, bien évidemment,
dépassés. Les établissements de santé mentaux sont
bien loin du centre de détention, et les personnes faisant l'objet de
soins restent bien des patients, et non des détenus. En outre, tous ne
sont pas « internés » dans l'établissement, la
majorité des patients bénéficie même de soins en
dehors de l'hôpital. Dans le cadre du programme de soins, les patients
peuvent n'être placés que sous hospitalisation partielle (de nuit
ou de jour, ou à certaines heures de la journée), soit venir
faire leurs soins et des activités dans les locaux de l'hôpital,
ou encore bénéficier de soins à domicile. Il existe ainsi
une large palette de possibilités, qui induisent une restriction de
liberté plus ou moins importante.
Le problème, c'est que certains professionnels de
santé contournent le principe même du programme de soins, qui est
bien de préserver au maximum la liberté d'aller et venir du
patient. En effet, on dénonce une pratique certes peu recommandable,
mais dont on comprend l'intérêt d'un point de vue administratif :
certains médecins élaborent un programme de soins en choisissant
l'hospitalisation à temps partiel mais en prévoyant que le
patient ne peut sortir que quelques heures pendant la journée. Il s'agit
ainsi d'esquiver purement et simplement le contrôle du juge des
libertés et de la détention puisque nous sommes dans le cadre
d'un programme de soins, non soumis à son contrôle. Cette pratique
permet à l'établissement et au personnel soignant un gain de
temps et d'argent considérable puisqu'il évite ainsi l'ensemble
des formalités administratives en vue de l'audience devant le JLD ainsi
que le transport du patient jusqu'au TGI qui requiert la présence de
deux infirmiers. Toutefois, ceci va totalement à l'encontre de l'esprit
de la loi
109 Voir infra : §2 de la présente Section
pour l'interprétation de la contrainte dans les soins ambulatoires.
64
du 5 juillet 2011 qui vise d'une part, à mieux garantir
le respect des libertés et droits fondamentaux des patients, et d'autre
part, à favoriser leur réinsertion sociale via le programme de
soins.
Différents syndicats de psychiatres et de magistrats
dénoncent ainsi une réforme « rétrograde
» et « inapplicable ». S'exprimant sur la
réforme alors que celle-ci n'était encore qu'à
l'état de projet, une organisation professionnelle de psychiatres
considéra que « sans contrôle direct du juge et telle
qu'elle est présentée, imposée par protocole et
jusqu'à l'intérieur du domicile, cette forme de soins constitue
une extension inadmissible du contrôle étatique des populations
par une instrumentalisation de la psychiatrie. »110Ce
postulat serait toujours d'actualité, puisque les dispositions du projet
de loi relatives au programme de soins n'ont guère changé dans
leur essence.
Dans son avis sur les premiers effets de la réforme des
soins psychiatriques sans consentement sur les droits des malades mentaux, la
Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)111
s'inquiète de la mise en oeuvre de la réforme, notamment quant
à l'innovation que constituent les soins ambulatoires. Celle-ci reste
selon la commission « imprécise et comme inachevée
». Elle dénonce un certain flou entourant l'instauration des
modes alternatifs de prise en charge, flou qui pourrait bien présenter
un risque sérieux de dérives, comme nous l'avons exposé
précédemment. La commission craint ainsi que ne s'opère un
contournement des garanties prévues pour les hospitalisations
complètes. D'ailleurs, elle préconise l'instauration d'un
système de garanties identique à celui prévu pour ces
dernières, à savoir, un contrôle a posteriori par
le juge judiciaire du bien-fondé des mesures de soins psychiatriques
dans le cadre du programme de soins.
D'une manière réaliste, quoiqu'un peu
pessimiste, la CNCDH conclut son avis en constatant que la loi du 5 juillet
2011 a échoué dans son effort « de mettre fin au primat
de
110 Projet de loi AN, 1re lecture, 22 mars 2011, TA
n°623 Syndicats de psychiatres, USM, SM, 12 mars, communiqué.
111 Avis sur les premiers effets de la réforme des
soins psychiatriques sans consentement sur les droits des malades mentaux,
CNCDH, 22 mars 2012. La CNCDH est une institution nationale de promotion et de
protection des droits de l'homme. Elle assure auprès du gouvernement un
rôle de conseil et de propositions dans le domaine du droits de l'homme
et du respect des garanties fondamentales.
65
l'enfermement » sur les modes alternatifs de
soins psychiatriques et que les droits des malades mentaux sont encore loin de
pouvoir s'exercer de manière satisfaisante.
La CNCDH n'est pas la seule organisation à s'interroger
sur les enjeux que posent les soins psychiatriques en ambulatoire. En effet,
l'Association Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la
psychiatrie (CRPA) a posé deux QPC au Conseil constitutionnel relatives
notamment au régime des séjours en hospitalisation imposés
dans le cadre de soins en ambulatoire issu de la loi du 5 juillet 2011.
L'association conteste le fait que l'article L.3211-2-1 du CSP ne soumet au
contrôle systématique du JLD que les mesures d'hospitalisation
complète et non les mesures prenant une autre forme. Or, cela veut dire
en pratique que l'on peut obliger un malade à effectuer des
séjours forcés dans un établissement psychiatrique,
séjour qui en théorie, peut parfaitement durer jusqu'à
vingt trois heures par jour, sans qu'aucun contrôle ne soit
effectué par l'autorité judiciaire. Il s'agit en effet de prendre
en considération les situations abusives qui, au regard de l'état
actuel des textes, sont permises et en pratique très certainement
pratiquées.
Toutefois, tout ceci dépend de l'interprétation
qu'il convient de donner à la contrainte dans le cadre des modes de
soins alternatifs. Peut-on forcer un malade à exécuter les
prescriptions que son psychiatre a prévu dans le cadre du programme de
soins ? C'est également l'objet de la question prioritaire de
constitutionnalité présentée par la CRPA.
§2 - Les aspects de la contrainte dans le
programme de soins : l'interprétation du Conseil constitutionnel
Parmi les dispositions contestées par la CRPA, le
régime des séjours en hospitalisation imposée dans le
cadre du programme de soins posait la question de la contrainte. La question
était la suivante : peut-on utiliser des mesures d'exécution
forcée sur le patient afin qu'il se soumette aux prescriptions contenues
dans le programme de soins ? Concrètement, on se demande si l'on peut
forcer un patient à suivre une psychothérapie, à prendre
un traitement ou à se maintenir en hospitalisation un certain nombre
d'heures dans la journée. S'il est acquis que la personne prise en
charge en
66
hospitalisation complète ne peut refuser les soins que
ses troubles requièrent, il n'en va pas nécessairement de
même pour la personne en soins ambulatoires, d'autant plus que les
mesures de soins alternatives ne font pas l'objet d'aucun contrôle de la
part du JLD.
Dans sa décision du 20 avril 2012112, le
Conseil considère que les dispositions de l'article L.3211-2-1 du Code
de la santé publique ne sauraient autoriser l'exécution du
programme de soins sous la contrainte. Qui plus est, le législateur a
prévu que l'avis du patient doit être recueilli avant la
définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci
: il s'agit donc bien de rechercher l'adhésion du patient aux soins.
L'esprit du texte, et plus largement de la réforme qui a permis
d'instaurer des modalités de soins plus respectueux de la volonté
et de la liberté du patient, n'est pas d'imposer les soins par la force.
Il s'agit plutôt d'établir une relation thérapeutique de
confiance, et d'amener le patient à se responsabiliser face à sa
maladie.
Il ressort de cette interprétation que certes, le
régime des soins psychiatriques ambulatoires constitue une obligation de
soins, mais ne permet pas une obligation de soins par la contrainte. Le Conseil
constitutionnel estime ainsi que cette obligation de soins « a
été conçue pour passer outre l'incapacité du malade
à consentir à un protocole de soins, mais non pour briser par la
force son éventuel refus de s'y soumettre. » Il s'agit en
quelque sorte de poser une limite au caractère obligatoire des soins :
on se passe de la volonté et du consentement du patient de faire l'objet
de soins, mais on n'utilise pas pour autant la contrainte physique pour mettre
en oeuvre ces soins. C'est le motif par lequel le Conseil justifie l'absence
des mêmes garanties que celles prévues pour l'hospitalisation
complète, qui elle peut être mise en oeuvre par la force physique.
La seule possibilité de réellement contraindre le patient
à se soigner est donc de préalablement transformer la prise en
charge en hospitalisation complète qui permettra alors d'administrer les
soins par la contrainte113. C'est d'ailleurs dans ce sens que vont
les dispositions règlementaires qui du même coup, confortent
l'idée selon laquelle on ne peut imposer les soins par la force dans le
cadre d'un programme de soins. L'article R.3211-1 du CSP prévoit en
effet que le psychiatre peut demander le passage du programme de soins à
l'hospitalisation complète « notamment en
112 Cons. const., décision n°2012-235 QPC du 20 avril
2012 CRPA.
113 Article L.3211-11 du Code de la santé publique.
67
cas d'une inobservance de ce programme susceptible
d'entrainer une dégradation » de l'état de santé
du patient.
Le seul problème concret qui se pose d'ores et
déjà aux établissements de santé est de parvenir
à réintégrer un patient en hospitalisation complète
lorsque son comportement ne permet plus de prodiguer les soins
nécessaires à son état, quand ce même patient s'est
volatilisé. En effet, il arrive que des patients ne se présentent
pas aux rendez-vous avec leur psychiatre ou refusent de recevoir les soins
à leur domicile. Dès lors, comment faire pour les obliger
à revenir à l'hôpital afin de décider si la
réhospitalisation est nécessaire et d'ailleurs, peut-on vraiment
le transporter jusqu'à l'établissement en utilisant la contrainte
alors que justement, celle-ci est exclue à l'égard des patients
pris en charge dans le cadre d'un programme de soins ?114 Autant de
questions devenues sans réponse depuis la décision du Conseil
constitutionnel du 20 avril 2012, sources d'insécurité juridique.
Celles-ci mériteraient de faire l'objet d'une intervention
législative ou règlementaire dans le cadre des quelques «
retouches » qui devront être apportées à la loi du 5
juillet 2011.
En outre, on peut se demander si la formule « soins sous
contrainte » pour désigner le programme de soins est bien
adaptée. Il semble en effet contradictoire de parler d'obligation de
soins alors même qu'on ne peut obliger le patient à se soumettre
aux soins. Une obligation ne laisse-t-elle pas supposer la contrainte ? C'est
pour cette raison que certains auteurs proposent de faire basculer le
dispositif des soins alternatifs dans le régime des soins libres, afin
de clarifier sa nature. En effet, étant donné qu'il s'agit
finalement de mesures de soins ne pouvant être exécutées
par la force, et donc a contrario, à laquelle les patients
doivent consentir, il paraîtrait logique de les intégrer dans le
corpus législatif consacré aux soins psychiatriques libres.
La majorité des commentateurs saluent néanmoins
la décision du Conseil constitutionnel, notamment en ce que cette
exclusion de la contrainte dans le cadre du programme de soins permet de
solutionner quelques inquiétudes telles que l'atteinte à la vie
privée. En effet, le programme de soins pouvant prévoir les soins
à domicile, accepter
114 PANFILI (JM), Une première lecture juridique de la
décision du 20 avril 2012, site internet de l'association CRPA, 6
mai 2012.
68
l'utilisation de la force par les soignants revenait à
admettre la violation de domicile et de la vie privée du patient, ce qui
aurait laissé présager une infinie quantité de recours de
la part des patients...
Ainsi, l'avenir du dispositif des soins ambulatoires sans
consentement semble aujourd'hui quelque peu incertain. Il reste très
critiqué par de nombreux professionnels de la santé, pour
lesquels il paraît irréaliste et inefficace d'un point de vue
thérapeutique de concilier absence de consentement et soins
ambulatoires. Pour autant il est tout de même admis que ces modes
alternatifs de soins psychiatriques constituent une avancée
spectaculaire au regard de la protection des droits et libertés des
patients, que la loi du 5 juillet 2011 a entendu renforcer.
Section 2 : Les droits fondamentaux reconnus aux patients
souffrant de troubles mentaux
Parmi les objectifs de la loi du 5 juillet 2011, figurent en
première ligne le renforcement des droits des patients et la garantie du
respect de leurs libertés individuelles. Si la diversification des
modalités de prise en charge avec l'instauration du programme de soins
ont permis d'offrir aux patients la possibilité de se faire soigner tout
en préservant au maximum leur liberté d'aller et venir, comment
assurer le respect des droits individuels du patient en dans le cadre des soins
psychiatriques (§1) ? La loi nouvelle a surtout mis
l'accent sur la délivrance d'informations au patient autant sur les
décisions relatives à ses soins auxquelles il doit participer,
que sur sa situation juridique et voies de recours
(§2).
§1 - Respect des droits individuels de la personne
souffrant de troubles mentaux
En 2000 a été signée la Charte de
l'usager en santé mentale115 : ce texte non contraignant
porte toutefois des valeurs qui paraissent importantes à rappeler pour
la prise en charge des patients en psychiatre, ceux-ci étant du fait de
leur état d'extrême vulnérabilité, plus enclins
à se trouver lésés dans leurs droits que les autres
patients. La
115 Charte de l'usager en santé mentale, signée
à Paris le 8 décembre 2000. Voir annexe II.
69
Charte rappelle en premier lieu que « l'usager en
santé mentale est une personne qui doit être traitée avec
le respect et la sollicitude dus à la dignité de la personne
humaine. (...) C'est une personne qui ne doit pas être
infantilisée ou considérée comme handicapée
physique ou mentale. »
La loi du 5 juillet 2011 a pour sa part tenté de
concrétiser les grands principes énoncés dans la Charte et
de les adapter à la situation très particulière des
patients hospitalisés sans leur consentement. Précisons au
préalable que la plupart des droits des personnes soignées en
hospitalisation psychiatrique libre s'appliquent aux patients en soins sous
contrainte. Ces droits ont notamment été consacrés par la
loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, dite « loi Kouchner
».116Cette loi a considérablement renforcé les
droits de la personne malade en exigeant notamment le respect de sa
dignité, le respect du droit à la vie privée, le secret
médical et le droit à l'information du patient.
Les droits garantis à la personne en soins sans
consentement ont donc été codifiés à l'article
L.3211-3 du Code de la santé publique. Conformément aux principes
posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26
octobre 2010, les restrictions à l'exercice des libertés
individuelles de la personne malade « doivent être
adaptées, nécessaires et proportionnées à son
état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis.
» Le texte ajoute que, quelles que soient les circonstances, la
dignité de la personne doit être respectée, sa
réinsertion, recherchée (d'où l'intérêt de
privilégier le programme de soins à l'hospitalisation
complète). Le texte détaille ensuite les droits de la personne
faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement. Il insiste sur
l'information de la personne sur les modalités de soins mises en oeuvre
et sur la situation juridique qui en découle.117
Par ailleurs, le patient dispose du droit de communiquer sur
sa situation, à tout moment, avec le préfet ou son
représentant, le président du tribunal de grande instance, le
procureur de la République ou encore le maire. Ces différentes
autorités doivent donc être à même de recevoir les
réclamations de ces patients et de procéder si besoin est,
à toute
116 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé.
117 Pour le développement consacré à
l'information du patient en soins sans consentement, voir le §2 de la
présente Section.
70
vérification utile, notamment sur le respect des droits
garantis par les textes législatifs et règlementaires.
Le patient a également la possibilité de saisir
la Commission des relations avec les usagers de la qualité et de la
prise en charge (CRUQPC).118 Celle-ci « a pour mission de
veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à
l'amélioration de la qualité de l'accueil des personnes malades
et de leurs proches et de la prise en charge. »119 Lorsque
la Commission est saisie par une personne faisant l'objet de soins
psychiatriques sans consentement, elle peut alors transférer la demande
à une commission spécialisée : la commission
départementale des soins psychiatriques.120Implantée
dans chaque département, elle est chargée d'examiner la situation
des personnes en soins psychiatriques, et plus spécifiquement du respect
de leur dignité et de leurs libertés individuelles. Le patient
peut d'ailleurs saisir directement cette commission qui a, depuis la loi du 5
juillet 2011, un large pouvoir en matière de protection et
d'investigation sur le déroulement des soins psychiatriques sans
consentement.121
Autre autorité susceptible d'intervenir auprès
du patient faisant l'objet d'une hospitalisation complète : le
Contrôleur général des lieux de privation de
liberté, autorité indépendante, qui a également
compétence en matière de respect de droits fondamentaux des
personnes privées de liberté, ce qui incluent les personnes
hospitalisées sans leur consentement. Le Contrôleur
général veille ainsi à ce que ces dernières soient
traitées avec humanité et dignité. Suite à la
saisine d'un patient, il peut ainsi procéder à des visites et
investigations de l'établissement visé par la saisine, et ce
à tout moment, sans que l'établissement ne puisse lui refuser
l'accès à ses locaux et à ses documents. Il peut
également porter à la connaissance du procureur de la
République les faits laissant présumer l'existence d'une
infraction pénale.
Demeurant un citoyen à part entière, le patient
dispose des droits fondamentaux reconnus à toute personne
physique122 ainsi qu'à tout malade hospitalisée. Les
personnels
118 Les commissions des relations avec les usagers de la
qualité et de la prise en charge (CRUQPC) ont été
créées par la loi du 4 mars 2002 et sont implantées dans
chaque établissement de santé public ou privé.
119 Article L.1112-3 du Code de la santé publique.
120 Article L.3222-5 du Code de la santé publique.
121 Voir annexe I pour les missions de la CDSP.
122 Article 9 du Code civil : « Chacun a droit au
respect de sa vie privée. »
71
soignants sont donc dans l'obligation de respecter la vie
privée du patient, même si cela n'est pas simple, compte tenu des
impératifs d'ordre et de sûreté publics et de la
nécessité de protéger la santé physique et mentale,
parfois contre la volonté du patient. Concrètement, plusieurs
droits entrent dans la sphère de la vie privée. Le respect de
l'intimité et de la vie affective et sexuelle du patient, qui se heurte
à la problématique du degré d'intimité que l'on
peut obtenir au sein d'un hôpital ou d'un service psychiatrique :
rappelons que la chambre du patient a été assimilée par la
jurisprudence au domicile privé.123 Toutefois, le droit
à la protection de la vie privée se confronte en pratique aux
nécessités médicales de la prise en charge d'un patient
contre sa volonté. Celui-ci ne peut pas dans ce cadre refuser
l'accès du personnel soignant à sa chambre ou faire ce que bon
lui semble dans sa chambre d'hôpital. Il s'agit bien ici d'une
conciliation, d'une balance, entre d'un côté les droits du
patient, et de l'autre, les impératifs de protection de la personne
malade mais aussi des tiers qu'impose son état de santé mental.
Le trouble mental fausse ainsi considérablement les relations entre le
patient et les praticiens qui se voient dans l'obligation de porter atteinte
à ses droits fondamentaux et à sa liberté d'aller et
venir... pour le protéger contre lui-même.
Malgré le contexte très particulier du soin en
psychiatrie, les personnels soignants doivent poursuivre la recherche de cet
équilibre. En quelque sorte, la liberté du patient
s'arrête, lorsqu'elle commence à mettre en péril sa
santé mentale et physique. D'autres droits et libertés sont
également à protéger : on peut citer le droit
d'émettre ou de recevoir des courriers ; le droit de prendre conseil
d'un avocat ou d'un médecin extérieur à
l'établissement ; la liberté de culte ; le droit de recevoir des
visites ; le droit de librement disposer de ses biens personnels ; le droit
d'exercer ses droits et devoirs citoyens (sous réserve de l'existence
d'une mesure de protection des majeurs) etc. Il convient autant que faire se
peut de respecter la personne dans son intégrité morale et
physique, dans sa culture et son histoire et de ne pas la réduire
à une maladie mentale. La personne souffrant d'une maladie mentale reste
avant tout une personne, et l'atteinte à ses droits ne doit pouvoir
se
123 CA Paris 17 mars 1986 Affaire « Chantal Nobel »
: « Une chambre d'hôpital occupée par un malade constitue
pour lui au sens de l'article 184 du code pénal [article 226-4 du
code pénal actuel] un domicile protégé en tant que tel
par la loi, qu'il occupe à titre temporaire mais certain et privatif et
où, à partir du moment où cette chambre lui est
affectée, il a le droit, sous la seule réserve des
nécessités du service, de se dire chez lui et notamment
d'être défendu de la curiosité publique. »
72
justifier que dans la mesure où cette atteinte est
nécessaire à la protection de la santé du patient.
Il en résulte que cette personne doit également
être informée de son état de santé, d'une
façon adaptée, claire, loyale et régulière et elle
doit être en mesure de donner son avis sur ses soins, autant que son
état mental le lui permet.
§2 - Le droit à l'information du patient
souffrant de troubles mentaux
La loi du 5 juillet 2011 a placé le malade, et non plus
sa maladie uniquement, au centre des soins et en a fait un véritable
acteur de sa santé comme n'importe quel autre patient. Il en
résulte que le patient doit participer aux décisions concernant
sa prise en charge et être en mesure de donner son avis sur celle-ci. La
loi nouvelle se place en effet dans la continuité de la loi du 4 mars
2002 qui est venue consacrer le droit général du patient à
être informé sur son état de santé. L'objectif
était ainsi de permettre au patient de disposer de toutes les
informations concernant sa santé telles que les investigations et
traitements proposés, leur utilité, leurs risques, leurs
conséquences, les alternatives, afin d'être en mesure de
délivrer un consentement libre et éclairé. La loi du 11
juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et
à l'amélioration des relations entre l'administration et le
public124 prévoyait déjà que toute
décision administrative individuelle faisant grief devait être
motivée. Par un revirement de jurisprudence, le Conseil d'Etat a
confirmé ce principe avant même la promulgation de la loi du 5
juillet 2011 dans un arrêt du 27 mai 2011125. Dans cet
arrêt, le CE annule plusieurs arrêtés prononçant le
maintien en hospitalisation d'office d'une patiente au motif que « ces
arrêtés ont été pris sans que celle-ci ait
été mise en mesure de présenter des observations
écrites ou, le cas échéant, des observations orales.
» Censure similaire a été opérée dans un
arrêt du 3 novembre 2011 de la Cour administrative d'appel de Lyon : la
Cour annule un arrêté d'hospitalisation d'office
124 Article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979
relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public :
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être
informées sans délai des motifs des décisions
administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet
effet, doivent être motivées les décisions qui (...)
restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière
générale, constituent une mesure de police ».
125 CE 27 mai 2011 n°330267.
73
au motif que les observations préalables de
l'intéressée n'avaient pas été recueillies, alors
même qu'il ne ressortait du dossier aucune situation d'urgence ou
circonstances exceptionnelles qui eurent permis à l'administration de
déroger aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril
2000.126
Certes, dans le cas des soins psychiatriques sans
consentement, la différence majeure est que précisément,
le patient ne donne pas son consentement aux soins. Pour autant, la loi du 5
juillet 2011 a pris le parti d'associer le patient à sa prise en charge,
afin peut être de l'inciter à réaliser l'existence de leur
maladie (le déni de la maladie mentale fait justement partie
intégrante de celle-ci) et à les responsabiliser face à
leur pathologie.
Ainsi l'article L.3211-3 du Code de la santé publique
insiste sur la nécessité de rechercher et de prendre en
considération l'avis de la personne sur les modalités des soins
avant et pendant leur mise en oeuvre. Le patient est informé
préalablement à chaque décision prononçant le
maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge, de ce
projet de décision et il est mis en mesure de faire valoir ses
observations.
Lorsque le patient est admis en soins sous contrainte, il doit
être informé de la décision d'admission dont il fait
l'objet et des raisons qui ont motivé cette décision ainsi que
celles maintenant ou définissant la prise en charge. Il doit aussi et
surtout être informé de sa situation juridique, de ses droits, des
voies de recours qui lui sont ouvertes ainsi que des garanties dont il
bénéficie. Les médecins doivent ainsi tenir compte de
l'avis du patient concernant la forme de la prise en charge initiale,
l'élaboration du programme de soins ou encore la modification de
celui-ci. Par ailleurs, le patient doit pouvoir, à tout moment,
accéder à son dossier médical.
126 Article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
: « Exception faite des cas où il est statué sur une
demande, les décisions individuelles qui doivent être
motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587
du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et
à l'amélioration des relations entre l'administration et le
public n'interviennent qu'après que la personne intéressée
a été mise à même de présenter des
observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande,
des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil
ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité
administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives,
notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou
systématique. Les dispositions de l'alinéa
précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou
de circonstances exceptionnelles ; (...) »
74
Si les intentions du texte sont louables, compte tenu de
l'état mental du patient, il peut s'avérer très difficile
pour les soignants de faire passer l'information et de s'assurer que le patient
a bien compris sa situation. Parfois, la personne est dans
l'impossibilité de recueillir ces informations médicales et
juridiques qui en plus, peuvent être d'une complexité
extrême, et dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté. Il
parait utile dans les situations les plus difficiles de faire intervenir la
famille du patient, un proche ou sa personne de confiance127, qui
pourront être informés du dossier du patient et des voies de
recours qui peuvent être mises en oeuvre. Rappelons que le JLD peut
être saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée
de la mesure de soins psychiatriques par le conjoint ou le concubin du patient
ou encore par un parent ou une personne susceptible d'agir dans son
intérêt.128
On voit bien ici tout l'intérêt du contrôle
systématique des hospitalisations complètes par le juge des
libertés et de la détention (modalité mise en oeuvre pour
les pathologies psychiatriques les plus graves) puisqu'il s'agit dans ce cas
des patients peut -être les moins à même de comprendre leur
situation et de faire valoir leurs droits devant un juge dans le cadre d'un
recours facultatif. Qui plus est alors qu'il s'agit d'une modalité de
prise en charge complètement privative de liberté.
Toutefois, le texte ne précise pas à qui incombe
l'obligation de délivrer l'ensemble de ces informations au malade. La
Commission des affaires sociales, dans son rapport sur le projet de loi
enregistrée en mars 2011,129précise de manière
très sensée que « la responsabilité de la
délivrance de l'information devrait appartenir : aux psychiatres pour
les informations à caractère médical ; au préfet ou
au directeur d'établissement (selon que la procédure est une
admission en SDRE ou en SDT) pour les informations à
caractère administratif. »
127 L.1111-6 du Code de la santé publique : «
Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance (PC)
qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui
sera consultée au cas où elle-même serait hors
d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information
nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par
écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le
souhaite, la PC l'accompagne dans ses démarches et assiste aux
entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions. Le secret
médical est dans ce cas partagé. Cependant le secret
médical demeure si le patient souhaite que certaines informations
demeurent secrètes. Le but est d'aider le patient à choisir le
traitement le mieux approprié au regard de ses convictions. (...)
»
128 Article L.3211-12 du Code de la santé publique.
129 Rapport fait au nom de la Commission des affaires sociales
sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise
en charge, enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 2 mars 2011.
75
Dans la « foire aux questions » consultable sur le
site du ministère chargé de la santé130, les
autorités publiques précisent qu'il appartient in fine
aux établissements de santé de mettre en place des
protocoles internes concernant la délivrance des informations aux
patients. Celles-ci sont la plupart du temps délivrées au cours
des entretiens entre le psychiatre traitant et la patient, ce qui, concernant
les informations juridiques et administratives, ne posent pas tellement de
difficultés, les psychiatres étant nécessairement bien
informés des modalités de soins mais aussi des droits et des
recours du patient, puisqu'ils font partie intégrante du nouveau
dispositif de contrôle des soins sans consentement (notamment avec la
production en nombre des certificats médicaux). Toutefois, il est
rappelé que lors de cet entretien, il ne s'agit pas de se borner
à exposer les décisions médicales prises à
l'égard du patient, mais aussi et surtout d'expliquer les motifs ayant
conduit à cette décision. Il faut tenir un discours adapté
à l'état et aux facultés mentales du patient au moment
où l'information est délivrée. Le psychiatre se doit
également de solliciter l'avis et les observations de son patient quant
à ces décisions (et d'en tenir compte).
Même si la personne prise en charge en soins
psychiatriques a été admise dans le cadre d'une mesure
contraignante, la contrainte ne remet nullement en cause son droit au respect
de sa vie privée, et plus largement, de l'ensemble de ses droits
fondamentaux. La loi du 5 juillet 2011 a plus spécifiquement
insisté sur le respect de son droit à l'information sur son
état de santé et sur sa situation juridique afin que le patient
soit en mesure de contester une mesure qu'il considérerait comme
étant abusive. Tout a été fait pour que celui-ci participe
activement au processus de soins, comme une tentative de «
déstigmatiser » ces personnes parfois mises au ban de la
société civile. Toutefois trop de décisions et de
démarches médicales sont encore menées sans que le patient
en soit informé ou ait pu donner son avis : il semble qu'un travail de
sensibilisation des psychiatres reste encore à mener sur le terrain. En
effet, cette démarche est particulièrement importante en
psychiatrie, l'adhésion au traitement conditionnant en grande part
l'efficacité de celui-ci.
130
http://www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques.html
76
CHAPITRE II : LA JUDICIARISATION DU CONTROLE DES SOINS
SANS CONSENTEMENT
L'ensemble des acteurs de santé et de la justice
évoquent encore aujourd'hui, un an après la promulgation de la
loi du 5 juillet 2011, la problématique de l'organisation des audiences
devant le JLD. A l'heure où nous écrivons ces lignes, aucune
solution pérenne n'a été dégagée au niveau
national. Débordés par les bouleversements massifs surtout
d'ordre procéduraux qu'a engendré la réforme des soins en
psychiatrie, ni les établissements de santé ni les acteurs
judiciaires n'ont véritablement étudié le problème
et surtout les enjeux que posait et pose toujours l'audience du patient devant
le juge. L'ARS Nord -Pas-de-Calais a quant à elle, pris l'initiative de
réunir d'une part les présidents des TGI, les JLD, les services
juridiques de la préfecture et ceux de la cellule des soins soumis
à décision administrative de l'ARS, et d'autre part les
établissements de santé accueillant des patients soumis à
des soins psychiatriques. L'objectif est de parvenir à dégager un
consensus régional notamment à cette problématique des
audiences (Section 1), mais aussi de prévoir le
transfert de compétences au niveau des contentieux en matière de
soins psychiatriques au juge judiciaire à compter du 1er
janvier 2013. En effet, cette unification du contentieux, qui est encore de la
compétence du juge administratif, n'est pas sans poser bon nombre de
problèmes qu'il convient d'anticiper afin d'éviter la
désorganisation complète d'un système d'ores et
déjà sur le fil (Section 2).
Section 1 : Les difficultés pratiques d'organisation
des audiences devant le juge judiciaire
La tenue des audiences devant le JLD n'est pas sans poser
certaines difficultés d'ordre matériel et organisationnel qui
elles-mêmes ont de sérieuses conséquences quant à la
sécurité et aux droits de la défense des patients
(§1). L'investissement des acteurs du monde judiciaire et
de la santé est essentiel afin de parvenir à établir des
solutions viables
77
ainsi que des protocoles qui permettraient de fluidifier les
procédures imposées par la loi nouvelle
(§2).
§1 - Les difficultés liées à
la tenue des audiences
La cellule des soins soumis à décision
administrative de l'ARS NPDC nous a signalé plusieurs difficultés
d'organisation liée au lieu de l'audience, à son
déroulement ainsi qu'au transport des patients jusqu'au tribunal.
Celles-ci révèlent des conséquences préoccupantes
pour la sécurité et les droits des patients.
D'après les chiffres transmis par le ministère
de la justice trois mois après la promulgation de la loi du 5 juillet
2011, 73% des audiences JLD se tiennent au sein du TGI. Pourtant, le
législateur a prévu trois modalités de déroulement
des audiences : soit le patient se présente devant le JLD au tribunal,
soit le juge se déplace à l'hôpital, soit on utilise le
système de la visioconférence. Mais la plus grande
majorité des JLD imposent l'organisation des audiences au tribunal,
refusant catégoriquement de se déplacer dans les
établissements de santé. Le principe des audiences foraines est
dans l'ensemble bien mal accepté par les juges. Ainsi, la loi n'imposant
pas de modalité d'audience à l'égard des patients
souffrant de troubles mentaux, le lieu des audiences dépend de la
volonté du juge. D'un tribunal à l'autre, la conception de la
mise en oeuvre de la loi nouvelle est radicalement différente. Ainsi par
exemple, les juges du tribunal de la ville de Pontoise située en
Ile-de-France se déplacent systématiquement dans les
hôpitaux de son ressort131. Chacun des hôpitaux se doit
de réserver une salle spécialement aménagée pour
accueillir le tribunal qui entendra les patients. Les « salles d'audiences
» doivent faire l'objet d'un aménagement spécial, permettant
notamment la tenue d'audiences publiques. Pour autant, il est fréquent
que les juges demandent le huit clos, afin de préserver le secret
médical.
Si la plupart des juges ne se déplacent pas, l'audience
foraine à l'hôpital est largement plébiscitée par
les psychiatres : un chef de secteur de l'hôpital d'Esquirol à
Saint Maurice (Val de Marne) résume bien l'opinion
générale des médecins : « Il faut un chauffeur,
deux aides-soignants. C'est une dépense stupide. Je trouve qu'il vaut
mieux
131 Voir article du journal Libération du 25 octobre 2011
en annexe III.
78
transporter des magistrats en bonne santé à
l'hôpital que d'accompagner des malades en souffrance au palais de
justice.»
M. SELTENSPERGER, premier vice-président en charge de
la coordination des juges des libertés et de la détention estime
a contrario que « les audiences foraines ne sont pas
justifiées au plan professionnel et ne sont pas compatibles, aux plans
intellectuel et juridique, avec l'esprit de la récente loi. »
Nombreux sont ainsi les magistrats qui aujourd'hui, passent outre l'aspect
pratique mais aussi et surtout humaniste, au profit d'une pure question de
principe et de symbolique : une audience se déroule dans un tribunal.
Qui plus est, cette position porte atteinte aux droits de la défense,
puisque lorsque le magistrat impose la tenue de l'audience au tribunal, de
nombreux patients ne sont pas en état de s'y présenter ou ne sont
pas transportables. Dans ce cas, un avocat commis d'office est bien sûr
appelé à représenter le patient. Sauf que l'avocat n'a pas
toujours le temps et la possibilité de rencontrer le patient avant
l`audience, et ne peut de ce fait, qu'assurer une défense sur dossier,
c'est-à-dire somme toute, insuffisante.
Or, cette position n'est pas du tout celle tenue par la
plupart des observateurs de la mise en oeuvre de la réforme : par
exemple, MM. BLISKO et LEFRAND, députés et auteurs du rapport
d'information sur la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet
2011132recommandent fortement la généralisation de la
pratique des audiences à l'hôpital. Il faut demander (imposer ?)
aux JLD de se déplacer à l'hôpital. Ce point de vue est
également partagé par une autorité de poids qu'est le
Contrôleur général des lieux de privation de
liberté133 : ce dernier considère que le palais de
justice n'est pas un lieu adapté aux audiences de patients soumis
à des soins psychiatriques, car ceux-ci ne sont alors ni
requérant, ni cités à comparaitre.
132 Rapport d'information déposé par la
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prose en charge, 22 février 2012.
133 La loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007 a
institué le Contrôleur général des lieux de
privation de liberté. Il s'agit d'une « autorité
indépendante, chargée, sans préjudice des
prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou
juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de
transfèrement des personnes privées de liberté, afin de
s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux. Dans la limite de ses
attributions, il ne reçoit d'instructions d'aucune autorité.
»
79
Autre argument plaidant en faveur des audiences à
l'hôpital : le problème de l'accueil des patients au TGI. En
effet, rares sont les tribunaux ayant eu les moyens (ou même la
volonté ?) d'aménager des salles d'audiences ainsi que des
créneaux horaires spécialement dédiés aux patients
comparaissant suite à une admission en soins psychiatriques sous
contrainte. Or, il est évident qu'il s'agit d'une population
particulièrement fragile et instable, qui requiert des locaux (ce ne
sont pas des délinquants mais des patient) et une surveillance
particulière en attendant d'être entendu par le juge. Ils ne
sauraient être mélangés avec prévenus et autres
gardés à vue souvent menottés et accompagnés par
les forces de l'ordre. Il en va de leur sécurité physique mais
aussi mentale.
En outre, si le patient est dans l'obligation de se
déplacer au TGI, se pose nécessairement le problème de son
transport. En effet, au moins deux infirmiers doivent assurer le transport du
patient jusqu'au tribunal, puis sa surveillance en attendant l'audience, puis
son retour jusqu'à l'établissement de santé. Parfois, un
patient peut ainsi monopoliser deux soignants pendant une demi-journée
entière, ce dont il résulte deux personnels en moins qui
procurent les soins aux patients, ce qui constitue tout de même le coeur
d'activité.
Le Contrôleur général des lieux de
privation de liberté s'est également prononcé sur la
troisième modalité d'audience que constitue la
visioconférence. Evidemment, la quasi-totalité des services de
psychiatrie ont refusé en bloc cette modalité, au regard des
risques évidents des réactions de patients atteints de certaines
pathologies telles que la paranoïa ou la schizophrénie. Dans un
avis du 14 octobre 2011 relatif à l'emploi de la visioconférence
à l'égard des personnes privées de
liberté134, le CGLPL relève tout d'abord les avantages
que présente le recours à la visioconférence : gain de
temps pour les personnels soignants, réduction des risques liés
au déplacement de personnes potentiellement dangereuses. Pour autant, il
souligne aussi les répercussions du contact virtuel sur les droits de la
défense. En premier lieu, se pose le problème du lieu où
doit se trouver l'avocat du patient. Il doit en effet forcément choisir
entre être matériellement présent auprès du patient
ou auprès du juge. Dans les deux cas, il semble compliqué
d'assurer une défense efficace en ne pouvant
134 Contrôleur général des lieux de
privation de liberté, Avis du 14 octobre 2011 relatif à l'emploi
de la visioconférence à l'égard des personnes
privées de liberté, Journal Officiel n°0260 du 9 novembre
2011.
80
communiquer directement avec le patient ou avec le juge. Dans
un second temps, le contrôleur prend en compte la potentielle
difficulté d'expression devant une caméra et un micro :
s'exprimer de manière intelligible et sans appréhension pour un
patient souffrant d'une maladie mentale relève de l'utopie. Il s'agit
d'un cadre qui peut être extrêmement inconfortable et
anxiogène pour eux. L'appréciation du juge risque donc
d'être faussée. Dans ses recommandations, le CGLPL rappelle donc
que le face-à-face en audience « normale » ou foraine est la
règle et que la visioconférence ne doit être que
l'exception.
Loin de faciliter l'exercice des droits de la défense,
la pratique de la visioconférence semble donc plutôt les
réduire. Enfin, le CGLPL précise que cette pratique ne doit en
aucun cas intervenir pour des questions de « simple commodité
» ou pour des raisons d'économie.
Face à ces difficultés organisationnelles, seule
une collaboration accrue entre les différents protagonistes permettra de
dégager des pistes de réflexions et à terme, des solutions
pérennes afin de préserver les droits des malades.
§2 -Vers une collaboration renforcée des
acteurs concourant aux soins psychiatriques et à leur contrôle
Les modalités d'organisation des audiences, le
transport des patients, les exigences des JLD notamment quant à la
composition des dossiers des patients, autant de thèmes posant
aujourd'hui des difficultés non encore résolues. L'ARS NPDC
souhaite impulser une dynamique de concertation entre les acteurs du monde
médical et judiciaire afin de mettre en place une réflexion puis
des solutions durables. C'est d'ailleurs la recommandation des
députés BLISKO et LEFRAND, auteurs du rapport d'information sur
la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011135 : il faudrait ainsi
« rendre obligatoire la signature de protocoles entre les
juridictions, les établissements psychiatriques situés dans leur
ressort, et, le cas échéant, les services préfectoraux
prévoyant les modalités
135 Rapport d'information déposé par la Commission
des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi n°2011-803 du 5
juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes
faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prose
en charge, 22 février 2012.
81
d'organisation des audiences. » En effet, depuis
l'entrée en vigueur de la réforme, il semble que chaque tribunal
a en quelque sorte « bricolé » dans son coin, et imposé
ses exigences aux hôpitaux, qui se démenaient déjà
tant bien que mal avec la surcharge de travail considérable qu'a induit
la loi nouvelle. On ne peut ainsi que regretter l'absence de directives
législatives ou règlementaires ou même des directives plus
« informelles » émanant des ministères
concernés, qui auraient permis d'établir un cadre plus clair et
des procédures plus strictes. Il s'agit aujourd'hui de
fédérer les pratiques, sinon au niveau national, au niveau
régional et les agences régionales de santé semblent
être de par leurs missions et leur rayonnement, les mieux placées
pour assumer cette mission.
Plusieurs difficultés doivent ainsi être
abordées et faire l'objet d'une véritable réflexion.
Concernant l'organisation des audiences, on ne peut que conseiller la
généralisation de la tenue des audiences au sein même des
établissements de santé, pour la préservation de la
santé, de la dignité, et des droits de la défense des
patients. De plus, la sécurité des audiences au TGI laisse encore
à désirer : on compte déjà deux évasions de
patients du TGI de Lille, à défaut de forces de
sécurité encadrant les audiences JLD. Ce point doit toutefois
faire l'objet d'un consensus entre tous les présidents de TGI ainsi que
les JLD. En effet, l'établissement doit alors financer une salle
spécialement dédiée aux audiences. Or, si aujourd'hui,
très peu d'établissement ont pris l'initiative d'un tel
aménagement136, c'est bien parce qu'ils ne peuvent être
certains que celui-ci sera « rentabilisé » : si à un
moment donné, le juge alors en poste accepte de se déplacer, il
n'est pas certain que le prochain acceptera. Chaque tribunal doit ainsi prendre
la responsabilité de décider une fois pour toute si oui ou non
les JLD accepteront de se tenir leurs audiences à l'hôpital afin
que ceux-ci puissent faire le nécessaire afin de les accueillir. Le
problème est que même si un président de TGI est favorable
au déplacement des juges, ceux-ci peuvent se retrancher derrière
le principe d'indépendance des magistrats, pour refuser de se plier
à une quelconque consigne. Dès lors, l'idéal serait que
le
136 De plus, l'organisation d'une salle d'audience est
relativement complexe pour les établissements de santé : la
circulaire du 29 juillet 2011 comporte un cahier des charges présentant
l'aménagement type d'une salle d'audience. Selon la Commission des
affaires sociales, ces normes présentent un niveau d'exigence trop
élevée, ce qui pourrait dissuader les établissements qui
en plus, doit prendre en charge tous les frais liés au fonctionnement de
cette salle d'audience (entretien des locaux, maintenance, équipement de
visioconférence etc)
82
législateur modifie les dispositions de l'alinéa
3 de l'article L.3211-12-2 afin que celui-ci rende obligatoire l'audience au
sein de l'établissement de santé.
D'autres difficultés tenant également à
la revendication par les juges de leur indépendance : les pièces
exigées par ceux-ci dans les dossiers des patients faisant l'objet d'une
mesure de soins sans consentement. Les services de l'ARS et de la
préfecture observent que les JLD demandent fréquemment davantage
de pièces que ce qu'imposent les textes. Le problème est que
là encore, chaque juge demande des pièces différentes, ce
dont il résulte nécessairement une incapacité chronique
pour les services en charge des soins psychiatriques de constituer des dossiers
considérés comme complets par le juge. En outre, il arrive que la
mesure soit purement et simplement levée sans que le juge ne
réclame les pièces qu'il considère comme manquantes au
dossier. Il convient ici encore d'unifier les exigences des JLD afin que les
services compétents soient en mesure de constituer des dossiers
convenables.
Autre interrogation relevée par les services de la
préfecture et de l'ARS : il arrive qu'au cours des audiences, le juge
interroge de façon informelle le personnel soignant qui accompagne le
patient au tribunal. Or, il apparait que les infirmiers et aides-soignants
n'ont pas vocation à répondre aux questions concernant les soins,
le comportement, l'évolution de l'état de santé du patient
ou encore à interpréter les certificats médicaux. Au
demeurant, il n'est pas rare que l'ordonnance reprenne l'identité du
soignant interrogé, ce qui constitue clairement une situation
délicate vis-à-vis du patient, et risque de compromettre une
relation thérapeutique souvent fragile. Cette question a
été posée au ministère de la santé, dans le
cadre de la « foire aux questions »137qui ici opère
une analyse étonnante : « En l'absence de dispositions
spéciales du code de la santé publique en la matière,
c'est aux règles du code de procédure civile, applicables par
défaut, qu'il convient de se référer. Une personne
présente à l'audience sans être partie, tel un cadre de
santé accompagnateur, est considéré comme un tiers
à la procédure. Or les déclarations orales faites par les
tiers constituent des mesures d'instruction que le juge peut ordonner d'office
ou à la demande des parties. Il est donc permis à un JLD
d'interroger un cadre de santé (...). Un cadre de santé dont les
déclarations seraient requises par le juge est en principe
137
http://www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques.html
83
tenu d'apporter son concours. » Or, cela
signifie que le personnel soignant doit passer outre son devoir de secret
professionnel138. De plus, l'article R.3211-31 du Code de la
santé publique qui prévoit la possibilité pour le juge de
procéder à des auditions, ne mentionne guère le personnel
soignant accompagnateur dans les personnes susceptibles d'être
interrogées. Il serait donc souhaitable que le ministère revoit
sa position en privilégiant à la fois le respect du secret
professionnel mais aussi la relation thérapeutique entre le soignant et
le patient qui risque ici d'être remise en cause.
Enfin, subsiste un problème considérable : la
situation des avocats de Lille. Alors même que 95% des patients relevant
du TGI de Lille bénéficient de l'aide juridictionnelle, le
barreau lillois139 refuse depuis le mois de février 2012
d'assurer la défense des patients hospitalisés sans consentement.
Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Lille dénonce une loi sans
moyens et a décidé d'alerter les pouvoirs publics en «
boycottant » le dispositif140. Il en résulte que les
avocats n'assistent plus les patients au motif qu'il leur est impossible
d'assurer une défense de qualité en étant
rémunéré 92 euros au titre de l'aide juridictionnelle,
sans frais d'astreinte ni de transport, alors qu'un dossier correctement
traité reviendrait au minimum à 500 euros... Les avocats refusent
ainsi d'effectuer un travail bâclé en passant cinq minutes sur
chaque dossier de patient, et maintiendront leur « grève »
jusqu'à ce que « l'Etat assume ses responsabilités
».
Mais le barreau de Lille n'est pas le seul à avoir
réagi au manque de moyens alloués aux avocats : d'autres barreaux
comme celui du Val de Marne ont protesté contre les mauvaises conditions
de travail des avocats dans ce contentieux. Ainsi le Conseil de l'Ordre du
barreau du Val de Marne a voté une motion portant refus de
représenter les patients absents à l'audience.141
Cette absence de défense est évidemment extrêmement
préjudiciable au patient qui ne peut se rendre à l'audience,
puisque le juge ne pourra entendre ni le patient ni son représentant et
devra statuer uniquement sur dossier. Ce procédé est contraire
aux
138 Protégé par l'article 226-13 du Code
pénal.
139 Alors même que le barreau lillois était
particulièrement impliqué dans la défense des patients
hospitalisés sans consentement en psychiatrie : déplacements et
permanences dans les EPSM, formations juridique, déontologique et en
psychiatrie des avocats, plus de quarante-cinq dossiers par semaine
étudiés par vingt avocats spécialisés.
140 Interview d'Emmanuel MASSON, bâtonnier de l'ordre des
avocats de Lille, Hospimedia, 31 juillet 2012.
141 Rapport d'information déposé par la
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prose en charge, 22 février 2012.
84
dispositions de l'article L.3211-12-2 du Code de la
santé publique qui prévoit que le patient doit être entendu
par le JLD, et le cas échéant représenté par son
avocat.
Ainsi, l'ARS NPDC ayant pleinement conscience des enjeux qui
découlent de ces problématiques, favorise actuellement un
contexte de coopération entre les différents acteurs concourant
aux soins psychiatriques et à leur contrôle.
Plusieurs réunions ont déjà été
organisées en présence des établissements de santé
concernés et de quelques magistrats afin d'expliquer les changements
intervenus suite à la réforme puis de connaitre les attentes et
autres exigences de chacun. Malheureusement, ces réunions n'ont
guère eu le succès escompté, notamment du fait de
l'absence de certains magistrats qui eut pourtant permis de clarifier leurs
attentes à l'égard des établissements de santé et
des services de la préfecture (toujours accompagnés des ceux de
l'ARS qui préparent les arrêtés du préfet et
dossiers JLD pour son compte). Il conviendrait ainsi d'élaborer des
protocoles clairs entre les JLD et les établissements de santé
qui recenseraient les procédures applicables et approuvées par
tous.
Un calendrier de réunions a néanmoins
été entériné par l'ARS NPDC, afin de poursuivre ces
réflexions mais aussi d'anticiper le transfert de compétence en
matière de soins psychiatriques au juge judiciaire à compter du
1er janvier 2013.
Section 2 : L'unification du contentieux au profit du juge
judiciaire au 1er janvier 2013
La solution tenant à l'unification du contentieux de
soins psychiatriques sans consentement au profit du juge judiciaire
résulte de la nécessité d'offrir des garanties
juridictionnelles aux personnes faisant l'objet de tels soins. La loi du 5
juillet 2011 répond en réalité à la condamnation de
la France par la CEDH par son arrêt du 18 avril 2010 Baudoin c/
France142dans lequel la Cour considère que «
l'articulation entre la compétence du juge judiciaire et celle du
juge administratif quant aux voies de recours offertes » en France,
ne permettait pas à la personne ayant fait l'objet d'une mesure
d'hospitalisation
142 CEDH 18 avril 2010, Baudoin c/ France, n°35935/03
85
d'office, d'exercer un recours effectif afin d'obtenir la
levée de cette mesure. Si aujourd'hui le juge judiciaire est globalement
compétent pour apprécier la régularité de la
décision administrative fondant l'admission en soins sans consentement,
deux juges différents sont toujours susceptibles d'être saisis par
le requérant (§1). Par ailleurs, si le
législateur a confié au juge judiciaire la mission d'un tel
contrôle, a-t-il pour autant prévu les moyens nécessaires
à l'exercice de celui-ci ? (§2)
§1 - Le maintien d'une dualité au sein
même de l'ordre judiciaire
La loi du 5 juillet 2011 n'est pas parvenue à supprimer
le dualisme juridictionnel qui ressort aujourd'hui de l'attribution des
compétences en matière de soins psychiatriques sans consentement.
Si le juge des libertés et de la détention est compétent
pour contrôler le bien fondé et la régularité
formelle de la mesure de soins (A), il n'est pas
compétent pour l'indemnisation des préjudices liés
à une mesure de soins sans consentement illégales
(B).
A. Contrôle de la légalité externe
de la mesure de soins : la compétence du juge des libertés et de
la détention
Même s'ils saluent dans l'ensemble l'unification d'un
contentieux qui solutionne en partie le problème de la complexité
de la répartition des compétences juridictionnelles, certains
auteurs n'hésitent pas à parler « d'unification
inachevée. »143En effet, tous les litiges relatifs aux
soins sans consentement ne relèvent pas du JLD. Celui-ci a tout de
même hérité du premier rôle puisqu'il est
chargé du contrôle de la légalité externe et interne
des décisions administratives en matière de soins sans
consentement. Le juge doit ainsi vérifier que la décision a bien
été prise par l'autorité compétente et qu'il est
exempt de vices de forme. Il doit aussi apprécier le bien fondé
de la mesure de soins, en vérifiant notamment qu'il n'existe pas
d'erreur de droit (comme une mauvaise interprétation de la loi du 5
juillet 2011 ou de ses décrets d'application) ou de fait.
143 FARINETTI (A), L'unification du
contentieux des soins psychiatriques sans consentement par la loi du 5 juillet
2011, Revue de droit sanitaire et social 2012, p.111
86
Concernant le contrôle de la légalité
externe, la loi du 5 juillet 2011 a toutefois prévu qu'une
irrégularité purement formelle n'emportant aucune
conséquence sur le bien fondé de la décision, n'est pas de
nature à justifier la mainlevée de la mesure de soins. Le juge
n'ordonne en effet la mainlevée de la mesure que s'il constate une
atteinte aux droits de la personne. Il s'agit d'éviter de lever une
mesure de soins justifiée au regard de l'état psychologique du
patient, simplement à cause d'une pure erreur de forme de la part de
l'administration.
Le tribunal de grande instance est dans certains cas
également compétent en matière de contentieux en soins
sans consentement.
B. Contentieux de l'annulation de la mesure : la
compétence du tribunal de grande instance
Le tribunal de grande instance est pour sa part
compétent pour statuer sur les demandes d'indemnisation des
préjudices résultant de l'irrégularité de la
décision de la mesure de soins. Le patient estimant avoir fait l'objet
d'une mesure d'internement illégal ne pourra donc obtenir la
décision de mainlevée et la décision de réparation
des préjudices subis du fait de cette mesure d'un seul et même
juge. Si certains auteurs considère qu'il est donc permis de douter de
la satisfaction des exigences des juges de Strasbourg quant à
l'accès aux voies de recours des personnes hospitalisées sans
leur consentement, il demeure que la CEDH s'est limitée à exiger
que soient respectées les dispositions de l'article 5§4 de la
Conv.EDH qui garantie que toute personne privée de liberté soit
en mesure d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue
à bref délai sur la légalité de la détention
et qu'il prononce sa levée si celle-ci est illégale. Or, avec le
nouveau dispositif introduit par la loi du 5 juillet 2011, cette exigence a
bien été traduite en droit français puisqu'il
décomplexifie considérablement la répartition des
compétences entres juridictions. Aujourd'hui, un seul et même juge
est compétent pour à la fois considérer la mesure comme
étant illégale et ordonner la mainlevée de cette
mesure.
Parmi les préjudices susceptibles de faire l'objet
d'une réparation pécuniaire, on peut citer en premier lieu le
préjudice moral qui découle de la privation de liberté que
le malade a subi en cas d'hospitalisation complète, le préjudice
lié à l'atteinte à la liberté individuelle
87
en raison des conditions de vie résultant de
l'internement en hôpital psychiatrique (prise de médicaments sous
la contrainte par exemple). Le requérant peut de même
alléguer le préjudice lié à l'atteinte à la
vie privée, dans les cas ou par exemple, la vie de famille mais aussi
sociale du patient ont été bouleversées. Certains patients
évoquent aussi l'existence traitements inhumains et dégradants du
fait des conditions de vie à l'hôpital : port d'un pyjama,
enfermement, parfois immobilisation du patient etc).144
Si d'un point de vue strictement théorique,
l'unification du contentieux au bénéfice du juge judiciaire
facilite les démarches pour les patients, il semble que le juge
judiciaire devra faire face à de multiples difficultés,
principalement liées à la surcharge de travail provoquée
par la réforme des soins sans consentement.
§2 - Les conditions d'intervention du juge
judiciaire
L'entrée en vigueur de l'unification du contentieux des
soins sans consentement a été repoussée au 1er
janvier 2013 afin de permettre aux juges et aux services administratifs
compétents de se préparer à ce bouleversement. Pour
autant, ce délai visant à mettre en place une meilleure
organisation et à permettre aux juges de se former suffira-t-il à
pallier le manque de moyens si souvent dénoncé ?
(A) De plus, le juge judiciaire doit aujourd'hui affronter de
nombreux obstacles à l'accomplissement de son contrôle, qui ne
sont pourtant pas de nature financière (B).
A. L'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour le
juge
La loi du 5 juillet 2011 a confié au juge judiciaire,
et en particulier au JLD, une mission de contrôle lourde tant en
matière de responsabilité que de charge de travail. 80 000
hospitalisations contraintes étant réalisées chaque
année dans notre pays, on entrevoit à quel point les JLD vont
être à l'avenir, débordés.
144 TGI de Paris, jugement du 8 février 2012,
n°11/01631.
88
Certains syndicats de magistrats ont pu ainsi souligner que
« les efforts initialement et temporairement consentis pour faire en
sorte que la loi soit appliquée, ne pourraient perdurer durablement sans
moyens nouveaux. »145Par moyens nouveaux, on entend les
moyens financiers accordés afin de renforcer les effectifs de la justice
(magistrats et greffiers). Le ministère de la justice a toutefois mis en
place des concours exceptionnels en vue de recruter davantage de magistrats et
de greffiers. 90 nouveaux magistrats devraient ainsi entrer en fonction en
septembre 2013, puis 350 de l'Ecole nationale de la magistrature deux ans plus
tard. Cela signifie qu'il faudra encore attendre au moins un an avant de voir
arriver des « renforts » au sein des tribunaux. Or, la crispation des
magistrats est déjà palpable tant la réforme des soins
sans consentement a contribué à désorganiser les TGI. En
effet, les délais de saisine étant extrêmement courts dans
ce contentieux, celui-ci s'est révélé être
prioritaire, au détriment d'autres contentieux civils qui restent donc
en attente. La situation de certains TGI est donc très tendue
aujourd'hui.
Des moyens supplémentaires sont aussi attendus depuis
le 1er août 2011 (date d'entrée en vigueur de la loi)
afin d'aménager des salles d'attente et d'audience spéciales pour
les patients devant être entendus par le JLD. Ne voyant venir aucune aide
de la part de l'Etat, les tribunaux se sont pour la plupart organisé
avec les moyens dont ils disposaient déjà, mais comme nous
l'avons vu précédemment146, les conditions de
sécurité à l'égard des patients sont encore loin
d'être acceptables.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme,
bien qu'approuvant l'instauration du contrôle systématique des
hospitalisations complètes par le juge judiciaire, s'inquiète
elle aussi de la mise en oeuvre de la réforme. La CNCDH relève
sans surprise qu'un « manque de moyens » est «
dénoncé de tous côtés »147.
Se pose dès lors la question de la « pérennité
des dispositifs mis en place » si aucuns moyens
supplémentaires ne sont accordés rapidement par les pouvoirs
publics à l'application efficace de cette loi.
145 BLISKO (S) et LEFRAND (G), Rapport d'information de
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge, 22 février 2012.
146 Voir supra : §1 de la Section 1 du présent
Chapitre.
147 Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme,
Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques sans
consentement sur les droits des malades mentaux, Rapport 2012.
89
B. Les difficultés relatives à
l'appréciation par le juge des certificats médicaux
Le juge n'étant par définition pas
médecin, les seuls éléments lui permettant de se faire une
opinion sur le bien fondé de la mesure de soins sont les certificats
médicaux figurant au dossier du patient. Or, le problème majeur
des JLD est la motivation très insuffisante, voire inexistante, d'une
grande partie des certificats médicaux148. Il est dans ce cas
très difficile pour le juge d'évaluer la pertinence de la mesure
de soins pour un patient déterminé et de procéder à
un contrôle approfondi de la situation du patient. A motivation
insuffisante, contrôle superficiel. Face à des certificats
médicaux ne mentionnant pas avec précision les troubles de la
personne, et en quoi ces troubles peuvent être dangereux pour elle ou
pour les tiers, les juges auront davantage tendance à prononcer la
mainlevée de soins, faute d'avoir assez d'éléments leur
permettant de se faire une idée. De plus, certains magistrats peuvent se
laisser influencer par l'attitude du patient lorsque celui-ci se
présente à l'audience. Grâce au comportement, à la
gestuelle, à la cohérence dans les idées et du discours,
certains juges affirment pouvoir se faire rapidement une opinion sur un malade,
en le voyant quelques minutes... inutile de préciser que ce genre de
pratique va à l'encontre de tout bon sens, comme des règles
déontologiques et professionnelles des magistrats. Un magistrat n'est
pas médecin et ne peut se permettre de faire le diagnostic du patient
à sa place, même face à un certificat médical
incomplet.
Souvent, les certificats se bornent en effet à
mentionner que le patient est dangereux, mais sans expliquer en quoi et
pourquoi se patient est dangereux. Les psychiatres doivent prendre le temps
d'établir un véritable raisonnement, et surtout de dresser des
éléments factuels concernant par exemple le comportement du
patient, ses actes ou encore son investissement dans les soins. Il faut
expliquer en quoi le trouble psychologique du patient est susceptible de
caractériser un danger pour lui ou pour l'ordre public. Autre mise en
garde : les médecins doivent être vigilants dans la
rédaction de leurs certificats médicaux à utiliser des
termes aisément compréhensibles pour les non initiés. Un
certificat médical rédigé en termes exclusivement
scientifiques ne sera d'aucun secours pour le juge. Il y a là un effort
de vulgarisation à mener, afin de délivrer des certificats
exploitables par les magistrats.
148 D'après le témoignage d'un JLD recueilli au TGI
de Lille.
90
La raison régulièrement avancée par les
médecins pour justifier ces certificats « bâclés
» est un cruel manque de temps, dû en partie au fait que la
réforme des soins psychiatriques sans consentement a
considérablement augmenté la charge de travail des soignants d'un
point de vu administratif. En effet, la question du nombre de certificats
médicaux reste pour la plupart des médecins un problème
majeur, source d'une surcharge de travail trop importante. Ce qui est
étonnant, c'est que le projet de loi initial prévoyait au
contraire un allègement du nombre de certificats médicaux, dans
l'idée de simplifier les procédures. Mais c'était sans
compter l'intervention du Conseil constitutionnel qui dans sa décision
du 26 novembre 2010149, a considéré ces certificats
médicaux comme autant de garanties à l'égard des patients.
Leur nombre a donc finalement été augmenté.
Il semble toutefois qu'on ne passera pas outre une
réflexion quant à la possibilité de supprimer un ou
plusieurs de ces certificats. Les rédacteurs du rapport d'information
sur la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011150 S.BLISKO et
G.LEFRAND propose en ce sens la constitution d'un groupe de travail sur les
certificats médicaux, en vue de proposer une réduction de leur
nombre. Ils précisent cependant qu'il sera nécessaire de faire en
sorte qu'une telle suppression ne mette pas en péril les droits des
patients que la loi du 5 juillet 2011, encouragée par les
décisions du Conseil constitutionnel, a entendu renforcer.
Les nouvelles missions du juge judiciaire se heurtent d'ores
et déjà à de multiples difficultés que le
législateur n'avait pas anticipées. Hors les problèmes
organisationnels liés aux audiences du JLD, celui-ci rencontre aussi des
conditions de travail difficiles, qui ne seront pas pour contribuer à la
bonne application de la loi du 5 juillet 2011. De l'avis de chacun, les
pouvoirs publics doivent maintenant prendre leurs responsabilités afin
de soutenir financièrement une réforme qui ne saurait produire
toutes ses améliorations sans l'octroi d'un minimum de moyens.
149Cons. const., décision n° 2010-71, QPC,
26 novembre 2010.
150 BLISKO (S) et LEFRAND (G), Rapport d'information de la
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge, 22 février 2012.
91
CONCLUSION
Le pari de la loi du 5 juillet 2011 a été de
concilier une approche des soins psychiatriques sous contrainte davantage
respectueuse de la liberté des patients tout en encadrant très
strictement les procédures d'admission et de maintien en soins de
façon à garantir la sécurité publique. Taxée
de « loi de circonstances » ou encore de « loi
sécuritaire », en référence à des faits divers
ayant marqué l'opinion publique, la réforme des soins
psychiatriques sans consentement a néanmoins marqué une
étape cruciale, tant dans l'évolution des modes de prise en
charge « officiels » que dans le renforcement de la lutte contre
l'internement arbitraire.
On peut toutefois regretter que cette loi n'ait pas
insisté sur l'organisation territoriale de l'offre de soins en
psychiatrie, et notamment sur la coordination des actions des différents
acteurs comme les juges de la liberté et de la détention, les
agences régionales de santé et les préfectures. Il aurait
été bienvenu que la loi prévoie des modalités de
coopération dans ce secteur si fragile qu'est celui de la psychiatrie,
aujourd'hui à la croisée des domaines médical et
juridique.
Il est bien sûr impossible de connaitre le devenir d'une
loi avant sa mise en oeuvre, mais la loi du 5 juillet 2011 a
révélé ses incohérences et ses difficultés
dans la pratique. Plusieurs propositions voient déjà le jour. La
réforme d'ampleur étant aujourd'hui achevée, il semble que
quelques révisions ponctuelles soient rendues nécessaires. Toute
la difficulté reste de parvenir à un consensus satisfaisant les
personnels soignants, les services compétents des ARS et ceux des
préfectures et les magistrats chargés du contrôle des
mesures de soins sans consentement. L'objectif recherché devra dans tous
les cas contribuer à assurer le respect de la dignité, et de
manière générale, des droits des malades mentaux, et en
particulier lutter contre la facilité de l'enfermement.
L'hospitalisation psychiatrique est libre par principe et n'est contrainte que
par exception.
92
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE I
Fiche relative aux missions et à la composition de la
Commission départementale des soins
psychiatriques (CDSP) établie par le service juridique
de l'APHP, mars 2012 p.92
ANNEXE II
Charte de l'usager en santé mentale, signée
à Paris le 8 décembre 2000 p.94
ANNEXE III
En pyjama devant monsieur le juge, Article de
FAVEREAU (E) du journal Libération, 25
octobre 2011 ..p.100
93
ANNEXE I
Fiche relative aux missions et à la composition de la
Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) établie
par le service juridique de l'APHP, mars 2012
Direction des affaires juridiques
Commission départementale des soins psychiatriques
(CDSP)
(fiche établie en mars 2012)
La commission départementale des hospitalisations
psychiatriques (CDHP) devient, avec la loi
du 5 juillet 2011, la commission départementale des soins
psychiatriques (CDSP) avec un rôle accru et des pouvoirs
étendus.
La CDSP a 8 missions principales :
elle doit être informée, selon les cas, , de toute
décision d'admission en soins psychiatriques, de toutes décisions
de maintien de ces soins et des levées de ces mesures
elle reçoit les réclamations des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques sous contrainte, ou de leur conseil et examine
leur situation ;
elle est chargée d'examiner, en tant que de besoin, la
situation de ces personnes et, obligatoirement, sous certaines conditions, :
celle de toutes les personnes admises en cas de péril
imminent
celle de toutes les personnes dont les soins se prolongent
au-delà d'une durée d'un an ;
elle saisit, en tant que de besoin, le préfet ou le
procureur de la République de la situation des
personnes qui font l'objet de soins psychiatriques sans leur
consentement ; elle visite les établissements habilités,
vérifie les informations figurant sur le registre et
s'assure que toutes les mentions prescrites par la loi y sont
portées ; elle adresse, chaque année, son rapport
d'activité, au juge des libertés et de la détention
compétent dans son ressort, au préfet, au directeur
général de l'agence régionale de santé, au
procureur de la République et au Contrôleur général
des lieux de privation de liberté ;
elle peut proposer au JLD du tribunal de grande instance dans le
ressort duquel se situe
l'établissement d'accueil d'une personne admise en soins
psychiatriques sous contrainte,
d'ordonner, dans les conditions relative à la
mainlevée judiciaire facultative, la levée de la mesure de soins
psychiatriques dont cette personne fait l'objet ;
elle statue sur les modalités d'accès aux
informations médicales détenues par les
professionnels ou établissements de santé de toute
personne admise en soins psychiatriques sans consentement.
Les personnels des établissements de santé
sont tenus de répondre à toutes les demandes d'information
formulées par la CDSP.
Les médecins membres de la CDSP ont accès
à toutes les données médicales relatives aux personnes
dont la situation est examinée.
La CDSP est composée de :
2 psychiatres, l'un désigné par le
procureur général près la cour d'appel, l'autre par le
préfet ;
d'un magistrat désigné par le
premier président de la cour d'appel ;
2 représentants d'associations
agréées respectivement de personnes malades et de
familles de personnes atteintes de troubles mentaux,
désignés par le représentant de l'Etat dans le
département ;
d'un médecin généraliste
désigné par le préfet.
En cas d'impossibilité de désigner un ou plusieurs
membres de la commission, des personnalités d'autres départements
peuvent être nommées.
|
ANNEXE II
95
Charte de l'usager en santé mentale, signée
à Paris le 8 décembre 2000
96
CHARTE DE L'USAGER EN SANTE MENTALE
Une personne à part entière
L'usager en santé mentale est une personne qui doit
être traitée avec le respect et la sollicitude dus à la
dignité de la personne humaine.
C'est une personne qui a le droit au respect de son
intimité (effets personnels, courrier, soins, toilette, espace
personnel, etc.), de sa vie privée, ainsi qu'à la
confidentialité des informations personnelles, médicales et
sociales la concernant.
Le secret professionnel lui est garanti par des moyens mis en
oeuvre à cet effet.
Tout ce que le malade a dit au psychiatre et tout ce que
celui-ci a remarqué pendant son examen ou le traitement, doit être
couvert par le secret, à moins qu'il apparaisse nécessaire de
rompre le secret pour éviter des dommages graves au malade
lui-même ou à des tiers. Dans ce cas toutefois, le malade doit
être informé de la rupture du secret.
C'est une personne qui ne doit pas être
infantilisée ou considérée comme handicapée
physique ou mentale.
C'est une personne dont on doit respecter les croyances et qui
peut faire appel au ministre du culte de son choix.
Une personne qui souffre
L'usager en santé mentale est une personne qui ne se
réduit pas à une maladie, mais souffre d'une maladie.
Cette maladie n'est pas une maladie honteuse mais une maladie qui
se soigne et se vit.
La prise en compte de la dimension douloureuse, physique et
psychologique des usagers e santé mentale doit être une
préoccupation constante de tous les intervenants.
Le psychiatre doit proposer aux usagers la meilleure
thérapeutique existant à sa connaissance.
Les professionnels de santé mentale doivent travailler
en réseau afin d'échanger les informations utiles concernant
l'usager et d'optimiser ainsi la prise en charge médicale et sociale.
Sera notamment assurée une bonne coordination psychiatre-médecin
généraliste (le lien psychiatre-médecin de famille est en
effet l'un des maillons essentiels d'une prise en charge de qualité au
plus près du lieu de vie du patient). Ce nécessaire travail en
réseau doit être particulièrement vigilant au respect du
secret professionnel.
Compte-tenu des liens organiques entre sanitaire et social dans
le domaine de la santé mentale, les projets élaborés au
bénéfice des usagers ne doivent pas pâtir de divisions
artificielles des champs d'intervention.
L'accessibilité aux soins doit être
assurée et l'usager doit être accueilli chaleureusement dans les
délais raisonnables et dans les locaux aménagés pour son
bien-être.
En cas d'hospitalisation, l'usager dispose de ses effets
personnels durant son séjour sauf si des raisons de
sécurité s'y opposent.
97
Il doit lui être remis un livret d'accueil exposant les
informations pratiques concernant son séjour et le lieu de son
hospitalisation et l'informant de ses droits et de ses devoirs.
Les communications téléphoniques, les visites et
les sorties dans l'enceinte de l'établissement feront l'objet d'un
contrat qui sera discuté régulièrement entre le patient et
le médecin, et devront se faire dans le respect de l'intimité des
autres patients.
Une attention particulière sera accordée
à l'organisation de soins de qualité lorsqu'ils sont
nécessaires après une hospitalisation.
Une personne informée de façon
adaptée, claire et loyale
L'usager a le droit au libre choix de son praticien et de son
établissement, principe fondamental dans notre législation
sanitaire de libre engagement réciproque dans une relation
contractuelle, hors le cas d'urgence et celui où le médecin
manquerait à ses devoirs d'humanité (Article L.1111-1 du code de
la santé publique et Article 47 du code de déontologie
médicale).
Il est informé de la fonction, de l'identité des
personnes intervenant auprès de lui et de l'organisation du dispositif
de soins (structures du secteur et intersectorielles, etc.).
Toute personne peut avoir accès aux informations
contenues dans ses dossiers médical et administratif, selon les
modalités définies par la loi.
Le secret médical ne peut s'exercer à
l'égard du patient ; le médecin doit donner une information
simple, loyale, intelligible et accessible sur l'état de santé,
les soins proposés (notamment sur les effets dits "secondaires" du
traitement appliqué) et sur les éventuelles alternatives
thérapeutiques.
Hors situation d'urgence, tout usager peut estimer ne pas
être suffisamment informé, souhaiter un délai de
réflexion ou l'obtention d'un autre avis médical.
Préalablement à la recherche biomédicale,
son consentement libre, éclairé et exprès doit être
recueilli dans le strict respect de la loi.
Les patients donnent leur consentement préalable s'ils
sont amenés à faire l'objet d'actions de formation (initiale et
continue) du personnel soignant. Il ne peut être passé outre
à un refus du patient.
Les mineurs sont informés en fonction de leur âge et
de leurs facultés de compréhension dans la mesure du possible et
indépendamment de l'indispensable information de leurs
représentants légaux.
Avec l'accord préalable du patient si son état
de santé le permet, et si possible en présence de celui-ci, les
proches doivent pouvoir disposer d'un temps suffisant pour avoir un dialogue
avec le médecin responsable et les soignants.
L'usager a la possibilité de rencontrer une assistante
sociale.
Si une hospitalisation s'avère nécessaire, les
patients reçoivent aussitôt une information claire et
adaptée sur les modalités de cette hospitalisation et les voies
de recours. Cette information qui risque d'être mal comprise en raison de
la gravité du tableau clinique initial, sera reprise
ultérieurement autant que nécessaire.
L'usager reçoit une information claire,
compréhensible et adaptée sur les conditions d'accueil et de
séjour.
98
Une personne qui participe activement aux
décisions la concernant
La participation active de l'usager à toute
décision le concernant doit toujours être sollicitée en le
resituant au centre de la démarche de soins dans un processus continu
d'adhésion.
Hors les cas d'hospitalisation sous contrainte définis par
la loi, un patient hospitalisé peut, à tout moment, quitter
l'établissement après avoir été informé des
risques possibles pour son état et après avoir signé une
décharge.
Aucune démarche ne doit être engagée et
aucun traitement ne doit être donné contre ou sans sa
volonté, à moins que, en raison de sa maladie mentale, il ne
puisse porter un jugement sur ce qui est sont intérêt, ou à
moins que l'absence de traitement puisse avoir des conséquences graves
pour lui ou pour des tiers.
Le patient ne peut être retenu dans
l'établissement, hormis les cas de la législation où son
état nécessite des soins sans son consentement. Il doit alors
être informé de sa situation juridique et de ses droits.
Compte-tenu des enjeux liant (particulièrement en
santé mentale) efficacité et adhésion au traitement,
même dans ce cas où son état nécessite des soins
sans son consentement, sera néanmoins toujours recherché le plus
haut degré d'information et de participation à tout ce qui le
concerne dans ses soins ou sa vie quotidienne.
Toutefois, la construction d'une véritable alliance
thérapeutique ne peut être confondue avec une simple transparence
réciproque.
Dès que disparaissent les circonstances qui ont rendu
nécessaire l'hospitalisation de l'usager contre sa volonté, le
psychiatre doit interrompre les mesures appliquées contre cette
volonté.
Le mineur ne pouvant prendre de décisions graves le
concernant, il revient aux détenteurs de l'autorité parentale
d'exprimer leur consentement. Toutefois, lorsque la santé d'un mineur
risque d'être compromise par le refus du représentant légal
ou l'impossibilité de recueillir le consentement de celui-ci, le
praticien peut saisir le Procureur de la République afin de, pouvoir
donner les soins qui s'imposent. On sera néanmoins attentif à ce
que ces mesures ne puissent en aucun cas être prolongées
au-delà de ce qui est médicalement indiqué. Si l'avis du
mineur peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans
toute la mesure du possible.
Le médecin doit tenir compte de l'avis de l'incapable
majeur de ses représentants légaux.
Une personne responsable qui peut s'estimer
lésée
Indépendamment d'observations exprimées dans le
cadre de questionnaires évaluatifs de satisfaction (remis avec le livret
d'accueil à chaque patient), l'usager ou ses ayants droit peuvent faire
part directement au directeur de l'établissement de leurs avis, de leurs
voeux ou de leurs doléances.
S'ils souhaitent se plaindre d'un dysfonctionnement ou s'ils
estiment avoir subi un préjudice, ils peuvent saisir le directeur de
l'hôpital, les commissions départementales des hospitalisations
psychiatriques, les commissions locales de conciliation chargées de les
assister et de les orienter en leur indiquant les voies de conciliation et de
recours dont ils disposent (dans des délais suffisamment rapides pour ne
pas les pénaliser).
99
Une personne dont l'environnement socio-familial et
professionnel est pris en compte
Les actions menées auprès des usagers veillent
à s'inscrire dans une politique visant à véhiculer une
image moins dévalorisante de la maladie mentale afin de favoriser leur
insertion en milieu socioprofessionnel où ils sont encore trop souvent
victimes de discrimination.
Les équipes soignantes ont le souci tout au long du
traitement, de mobiliser le patient de façon positive autour, de ses
capacités, connaissances, savoir-faire pour les exploiter afin qu'il
puisse se reconstruire en favorisant une réinsertion sociale par
paliers. Chaque étape sera discutée avec le patient, pour
respecter ainsi le rythme de chacun.
Dans le strict respect de l'accord du patient, la famille peut
être associée au projet thérapeutique, informée de
la maladie afin d'adopter l'attitude la plus juste et être soutenue dans
ses difficultés.
Une personne qui sort de son isolement
Le patient doit recevoir une information sur les associations
d'usagers qu'il peut contacter, et qui ont pour fonction de créer une
chaîne de solidarité ; lieux d'informations, d'écoute, de
rencontre, d'échange, de convivialité et de réconfort, qui
pourront l'aider à tisser des liens sociaux en bonne coordination avec
les professionnels des champs sanitaire et social.
Une personne citoyenne, actrice à part
entière de la politique de santé, et dont la parole influence
l'évolution des dispositifs de soins et de
prévention.
La satisfaction de l'usager en santé mentale doit
être régulièrement évaluée par des
enquêtes portant notamment sur les conditions d'accueil et de
séjour, enquêtes qui servent de base à
l'amélioration de la qualité de l'information et des soins.
Dans le cadre d'un dialogue dont le développement
s'avère particulièrement fécond, les usagers apportent
à travers leur expérience, leur contribution à la
réflexion et aux décisions des instances concernant la
santé mentale, par leur participation active à chacun des niveaux
de leur élaboration :
- niveau local : (Conseil d'administration,
Commission de conciliation, C.L.I.N., C.D.H.P., Conseil de secteur, groupes de
travail notamment ceux en lien avec la démarche qualité et
l'accréditation des établissements, etc.)
- niveau régional : (Conférence
régionale de santé, S.R.O.S.S. et Carte sanitaire, groupes de
travail mis en place par l'A.R.H. et la D.R.A.S.S., etc.)
- niveau national : (Conférence nationale
de santé, etc.)
Dans une démarche d'amélioration constante de la
qualité de l'information, de l'accueil, des soins et de la
prévention, les professionnels facilitent les conditions de la mise en
place de la représentation des usagers, en soutenant leurs initiatives
de création d'associations qui leur permettent de sortir de leur
isolement et d'exprimer leurs besoins, avis et propositions aux personnels et
aux décideurs du système de santé. Dans la marche
vivifiante d'une véritable démocratie sanitaire, les usagers en
santé mentale apportent ainsi par leur participation active et avertie,
une contribution citoyenne décisive pour une évolution positive
à visage humain des dispositifs de soins et de prévention de
notre pays.
100
Cette charte a été signée à Paris le
8 décembre 2000 en présence de :
Mme Dominique GILLOT : Secrétaire d'Etat à la
Santé et aux Handicapés
Mme Claude FINKELSTEIN : Présidente de la F.N.A.P. Psy
M. le Docteur Alain PIDOLLE : Président de la
conférence
M. Jacques LOMBARD : Président d'honneur de la F.N.A.P.
Psy
M. le Docteur Yvan HALIMI : Vice-Président de la
conférence (relations avec les usagers et les
familles)
F.N.A.P. Psy -24 Rue de Maubeuge - 75009 Paris
Conférence des Présidents de C.M.E. de C.H.S. -
Clinique de psychologie médicale - 57370 PHALSBOURG
101
ANNEXE III
En pyjama devant monsieur le juge, Article de FAVEREAU
(E) du journal Libération, 25
octobre 2011
102
SOCIÉTÉ
En pyjama devant monsieur le juge
25 octobre 2011 à 00:00
REPORTAGE Voilà plus de deux mois que la loi
oblige la justice à se prononcer sur la prolongation des
hospitalisations psychiatriques sous contrainte. Le bilan est
mitigé.
Par ÉRIC FAVEREAU
C'est une révolution dans le monde de l'hospitalisation
psychiatrique. Depuis le 1er août, une loi oblige le juge des
libertés et de la détention (JLD) à intervenir lors d'une
hospitalisation contre la volonté du patient. Au bout de deux semaines,
il doit décider de la prolongation ou non de l'hospitalisation
(Libération du 2 août). Ce changement, voulu par le
Conseil constitutionnel, est hautement symbolique car il ouvre la porte
à la judiciarisation de la psychiatrie, une évolution largement
souhaitée par les uns, violemment critiquée par d'autres.
Deux mois après son entrée en vigueur, le bilan
est mitigé. Avec, d'un côté, des juges qui semblent se
prendre au jeu, et, de l'autre, des psychiatres qui font le dos rond.
«Un regard extérieur ? Pourquoi pas ! Cela ne nous fait pas de
mal», lâche le Dr Mesure, chef du pôle de
psychiatrie à l'hôpital d'Eaubonne (Val-d'Oise). En l'occurrence,
il parle du regard de Jean-Marc Heller, vice-président du tribunal de
Pontoise et JLD. Avec sa collègue Isabelle Rome, il a pris cette loi
à coeur.«Toute privation de liberté mérite un
regard juridique. Et cela me paraît entrer tout à fait dans mes
fonctions. Ce n'est pas parce que l'on est malade que l'on doit être
traité différemment», analyse-t-il.
Drap blanc. Le législateur a
prévu trois possibilités pour les audiences : soit le juge se
déplace à l'hôpital, soit le patient se rend au palais de
justice, soit on utilise un système de vidéoconférence.
«C'était vraiment plus simple que nous nous
déplacions», estime Jean-Marc Heller. Alors il vient. Une fois
par semaine. «Avec ma collègue, nous nous sommes réparti
tous les hôpitaux qui dépendent de nous. Il y en a sept, et donc,
toutes les semaines, nous nous y rendons, cela nous prend à chaque fois
une demi-journée pour l'audience.»
Ce mardi matin, le tribunal de Pontoise a donc pris place
salle Africa, un lieu habituellement réservé à
l'ergothérapie, dans l'hôpital de jour du secteur de psychiatrie.
La salle est prête. Un drap blanc a été posé sur une
table, et des chaises ont été disposées pour accueillir un
hypothétique public. «J'ai décidé que ce serait
à huis clos, explique le juge qui vient d'arriver avec sa
greffière. Il y a le secret médical, et la Cour
européenne des droits de l'homme nous attaquerait si les audiences
étaient publiques.» Dans d'autres endroits, les audiences sont
publiques.
Ce matin-là, cinq «cas» sont
étudiés. Chaque patient arrive, accompagné, pour ne pas
dire surveillé, par deux aides-soignantes. Un détail ? Ils sont
tous habillés de la même façon. En
103
pyjama. Marron. Un pyjama moche comme tout. Bizarrement, nul
ne le remarque. Le juge a fait, lui, bien attention à mettre sa robe de
magistrat.
Surgit un homme âgé d'une soixantaine
d'années. Il attend patiemment son tour, se plaint de ne pas avoir
d'argent, de ne pas pouvoir s'acheter des cigarettes. L'audience va durer un
petit quart d'heure, puis le juge délibère. Retour du malade. Le
juge lui notifie «en public» que son hospitalisation est
prolongée. «Cela veut dire que je
reste»,maugrée-t-il. L'homme se lève aussitôt,
furieux, ne discute plus, refuse de signer le papier qu'on lui tend. Le juge,
à l'adresse du cadre de santé : «C'est bien qu'il
s'exprime, même par la colère. En tout cas, vous lui direz qu'il a
la possibilité de nous ressaisir.»
Le juge, encore : «Je ne suis pas médecin.
Durant l'audience, j'essaye de comprendre le diagnostic, puis je discute avec
le malade. Ce dialogue est fondamental, j'essaye de sortir de la contradiction
et de l'amener à accepter le soin plutôt que de le
subir.»
Dehors, un patient traîne dans le couloir. Il est venu
pour soutenir une «collègue», une jeune fille
hospitalisée qui va passer devant le juge.«La voir, c'est un
rayon de soleil. Regardez comme elle est maintenant, totalement éteinte.
J'aimerais qu'elle soit libre, ce serait un moment de beauté.»
La jeune fille attend la fin du délibéré, puis
retourne dans la salle. Le juge : «J'ai décidé de
maintenir à votre encontre l'hospitalisation sous contrainte.»
«Mais pourquoi ?» articule-t-elle. «C'est sur la base
des traitements, l'équipe médicale estime que cela vous est
nécessaire, je ne suis pas médecin»,
répète-t-il, avant de lui dire qu'elle peut écrire
pour un recours. Puis il lâche, sans ironie aucune : «Il ne me
reste plus qu'à vous souhaiter un prompt rétablissement.»
«Je peux faire appel ?» l'interroge-t-elle. «Oui, vous
avez dix jours.»
«Sous-effectif». Ainsi passe la
matinée. A l'hôpital d'Eaubonne, cela ne marche pas trop mal.
Ailleurs, c'est à la carte. A l'hôpital de Ville-Evrard, à
Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), un des plus gros établissements
psychiatriques de France, la situation est tendue. Les juges refusent de se
déplacer, et bon nombre de psychiatres estiment que le transfert de
leurs malades vers le tribunal n'est pas «thérapeutique».
«C'est une loi épouvantable, déclare le Dr Evelyne
Lechener, qui dirige un secteur à Ville-Evrard. Elle occasionne une
surcharge de travail, on multiplie le nombre de certificats, sans aucun
bénéficie pour le patient, alors que l'on est déjà
en sous-effectif.» Ici, les médecins écrivent sur le
dossier que leurs patients «ne sont pas
transportables».«Beaucoup, surtout ceux qui ont un passé
judiciaire, ont peur. Alors je dis "auditionnable et non transportable"»,
insiste Evelyne Lechener. L'audience se tient au tribunal, mais sans les
malades et en présence d'un avocat commis d'office. Le juge tranche ou
demande une expertise.
A l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, on conduit les
malades au Palais de justice. A l'hôpital d'Esquirol, à
Saint-Maurice (Val-de-Marne), le malade se déplace aussi : «Il
faut un chauffeur, deux aides-soignants, raconte le Dr Vidon, chef
de secteur. C'est une dépense stupide. Je trouve
104
qu'il vaut mieux transporter des magistrats en bonne
santé à l'hôpital que d'accompagner des malades en
souffrance au palais de justice.»
A Marseille, les malades doivent eux aussi se
déplacer, accompagnés par deux aides-soignants. Et l'audience se
déroule dans un bâtiment judiciaire en préfabriqué,
accolé au centre de rétention des étrangers. «C'est
toute l'estime qu'on leur porte», lâche un psychiatre de
secteur.
Pourtant, les JLD, au départ plutôt
opposés à la loi, se mettent presque à la défendre.
A l'image de Claire Hoareau, vice-présidente du tribunal de grande
instance d'Evry (Essonne) : «Ici, on fait venir les malades au palais,
pas seulement pour des raisons pratiques, mais aussi symboliques. Il faut que
les malades sachent précisément où ils sont.»
Son avis sur son nouveau travail ? «Je trouve que ce n'est pas si
mal. On arrive à trouver notre place comme juge. On écoute les
malades, qui sont contents de venir parler, et c'est une bonne surprise.»
A-t-elle déjà fait des mainlevées ? «Ce
n'est pas très fréquent. Une fois, c'était un jeune qui
avait été hospitalisé pour un épisode
délirant. En le voyant et en l'écoutant, on se disait que ce
n'était pas franchement idéal pour un jeune de 20 ans de rester
à l'hôpital psychiatrique. Je l'ai fait sortir, mais c'est
rare.»
Délire. Dernière
possibilité, la vidéoconférence. La quasi-totalité
des secteurs de psychiatrie l'ont refusée, mettant en avant que le monde
des caméras n'était pas très utile au regard du
délire des grands malades mentaux. «Imaginer un grand
paranoïaque devant une caméra, c'est une folie»,
lâche le Dr Alain Mercuel (Sainte-Anne). A
l'hôpital psychiatrique de Prémontré (Aisne), la direction
est passée outre. «Ce n'est pas un choix, c'est une obligation
pour nous, nous sommes très excentrés. Le tribunal est trop
loin», explique Mme Julien, directrice
clientèle.
La loi s'applique, vaille que vaille, dépendant
beaucoup du bon vouloir des acteurs. Mais à Evry, comme à Paris
ou Marseille, aucun nouveau moyen n'a été dégagé.
«On est en train de s'adapter, note avec inquiétude
Virginie Duval, secrétaire générale de l'Union syndicale
des magistrats. Pour l'instant, la surcharge de travail est
absorbée... Mais jusqu'à quand ? Ce sont tous les autres dossiers
qui vont prendre du retard.»
105
BIBLIOGRAPHIE
Les ouvrages spécialisés :
DUPUY (O), Droit et psychiatrie . · La
réforme du 5 juillet 2011 expliquée, Heures de France,
Collection Guides d'exercice professionnel des établissements sociaux et
médico-sociaux, 2011
Les répertoires et encyclopédies :
CORNU (G), Vocabulaire juridique, 8e
édition, PUF
Les études doctrinales et les articles
:
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communes à toutes les protections - Rôle du médecin,
V. JCl. Civil Code, Art. 414-1 à 414-3, fasc. 10
ASSOCIATION CERCLE DE REFLEXION ET DE PROPOSITION D'ACTIONS
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du 20 avril 2012
HENNION-JACQUET (P), La prise en charge des maladies
mentales en prison . · un problème systémique et
perdurant, Revue de droit sanitaire et sociale 2012, p.678
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consentement . · de la rénovation à l'imperfection,
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consentement . · après la loi du 5 juillet 2011,
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fixée par le Conseil constitutionnel, La Semaine Juridique
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INTERVIEW DE VERONIQUE DAGONET, Hospitalisations d'office
: le juge doit-il se déplacer ?, Gazette du Palais 8 mai 2012
n°129 p.9
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Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques
sans consentement sur les droits des malades mentaux, Rapport 2012
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et de la détention depuis la loi du 5 juillet 2011 : les premiers
obstacles rencontrés, Information psychiatrique Volume 87 n°10
p.763-768
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des modifications mineurs pour une problématique de santé
publique majeure, RDSS 2011, p.107
CASTAING (C), Pouvoir administratif versus pouvoir
médical ?, AJDA 2011, p.2055
FAVEREAU (E), En pyjama devant monsieur le juge,
Libération, 25 octobre 2011
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décision du 20 avril 2012, site internet de l'association CRPA, 6
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107
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psychiatriques sans consentement par la loi du 5 juillet 2011, Revue de
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d'Antony, 2 décembre 2008, Le Monde, 4 décembre 2008
Les rapports et les documents officiels :
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à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles
mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation
Loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et
à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et
aux modalités de leur prise en charge
Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme
de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires
Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de
programmation pour la justice
Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 relatif
à la procédure judiciaire de mainlevée ou de
contrôle des mesures de soins psychiatriques
Décret n°2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux
droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Circulaire relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de
leur prise en charge, 11 août 2011
Circulaire n°DGOS/R4/2011/312 du 29 juillet 2011 relative
aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
108
Circulaire interministérielle DGOS/R4/PMJ2/2011/105 du
18 mars 2011 relative à l'ouverture et au fonctionnement des
unités hospitalières spécialement aménagées
(UHSA)
Projet de loi n°2494 relatif aux droits et à la
protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge, présenté par Madame
Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de la santé et des sports
Ministère du travail, de l'emploi et de la
santé, La réforme des hospitalisations sans
consentement, Courrier juridique des Affaires sociales et des sports
n°89, Rapport 2011.
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES, Rapport sur le projet de
loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet
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enregistré à la Présidence de l'Assemblée Nationale
le 2 mars 2011.
BLISKO (S) et LEFRAND (G), Rapport d'information de
Commission des affaires sociales sur la mise en oeuvre de la loi
n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités
de leur prise en charge, 22 février 2012
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, Législation
touchant la santé mentale et les droits de l'homme, Guide des
politiques et des services de santé mentale, 2005
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE, La santé mentale :
nouvelle conception, nouveaux espoirs, Rapport sur la santé dans le
monde, 2001
ASSEMBLEE MONDIALE DE LA SANTE, Charge mondiale des troubles
mentaux et nécessité d'une réponse globale
coordonnée du secteur de la santé et des secteurs sociaux au
niveau des pays, 25 mai 2012
109
IGAS/IGSJ, Propositions de réforme de la loi du 27 juin
1990 relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d'hospitalisations, mai 2005
Réponse du ministère du travail, de l'emploi et
de la santé à la question écrite n°117020 de Monsieur
le Député Guy DELCOURT, Journal Officiel, 29 novembre 2011
Réponse ministérielle du 29 novembre 2011,
Assemblée Nationale, santé, maladies psychiatriques, prise en
charge
Réponse ministérielle du 13 décembre
2011, Assemblée Nationale, santé, maladies psychiatriques, prise
en charge, réforme
COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME,
Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques
sans consentement sur les droits des malades mentaux, Rapport 2012
ROELANDT (JL), La démocratie sanitaire dans le
champ de la santé mentale, Rapport au ministre
délégué à la santé, 12 avril 2002
MILON (A), Rapport sur la prise en charge psychiatrique en
France, Office parlementaire d'évaluation des politiques de
santé, 2009
Recommandation Rec (2004) 10 du Comité des Ministres
aux Etats membres relative à la protection des droits de l'homme et de
la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux adoptée
par le Comité des Ministres le 22 septembre 2004, lors de la 89e
réunion des Délégués des Ministres
Dossier documentaire du Conseil constitutionnel sur la
décision n° 2012 - 235 QPC, Dispositions relatives aux soins
psychiatriques sans consentement, 2012
110
LE CONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE,
Rapport d'activité 2011, Editions Dalloz
UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS, Bilan de la réforme
des soins sans consentement - Observations de l'USM, 31 janvier 2012
Les décisions de jurisprudence :
Cons. const., décision n° 2010-71, QPC, 26 novembre
2010
Cons. const., décision n°2011-135/140, QPC, 9 juin
2011
Cons. const., décision n°2011-174, QPC, 6 octobre
2011
Cons. const., décision n°2012-235 QPC du 20 avril
2012
CE 3 déc. 2003, CHS Caen, n°244867, Lebon, AJDA
2004.614
CEDH 3 novembre 2011 Cocaign c. France Req. N°32010/07
CEDH 18 avril 2010, Baudoin c/ France, n°35935/03
CEDH 14 avril 2011, Patoux c/ France, n°35079/06
CEDH 20 avril 2011 C.B/ Roumanie, n°21207/03
CE 27 mai 2011 n°330267
CAA Lyon 3 novembre 2011, n°10LY01690
CA Paris 17 mars 1986
TGI de Paris, 8 février 2012, n°11/01631
Sites internet :
http://www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques.html
http://www.conseil-constitutionnel.fr/
http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/le-quotidien-des-soignants-en-unite-pour-malades-difficiles-umd.html
http://abonnes.hospimedia.fr
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
http://www.ars.nordpasdecalais.sante.fr/Internet.nordpasdecalais.0.html
111
http://psychiatrie.crpa.asso.fr/ http://www.cglpl.fr/
http://www.dalloz.fr/ http://www.infirmiers.com/ http://www.lexisnexis.fr/
http://www.cncdh.fr/
112
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS p.4
SOMMAIRE p.5
TABLE DES ABREVIATIONS p.6
INTRODUCTION p.8
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION THEORIQUE DE LA REFORME
DES
SOINS SANS CONSENTEMENT p.20
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE GENERAL DES SOINS
PSYCHIATRIQUES p.22
Section 1 : Les procédures et modalités de prise
en charge des patients atteints de
troubles mentaux p.22
§1 : Les procédures d'admission des patients en
soins sans consentement . p.23
A.Maintien des procédures d'admission
antérieures p.23
1.Les soins psychiatriques sur demande d'un tiers .. p.23
2.Les soins psychiatriques sur décision du
représentant de l'Etat p.25
B.Création d'un nouveau mode d'admission : la
procédure d'urgence en cas de péril
imminent p.28
§2 : Les modalités de prise en charge des patients
en soins sans consentement p.30
A.L'hospitalisation complète p.30
B.Le programme de soins . p.31
Section 2 : L'intervention du juge des libertés et de
la détention p.34
§1 : Le contrôle systématique des
hospitalisations complètes . p.34
113
A.Les modalités de la saisine de plein droit p.35
B.Le jugement et l'expertise p.37
§2 : Les autres cas de saisines du juge des
libertés et de la détention p.39
A.La saisine facultative du juge des libertés et de la
détention p.40
B.Saisine du JLD en cas de désaccord entre le
représentant de l'Etat et le psychiatre p.41
CHAPITRE II : LES DISPOSITIONS SPECIALES A CERTAINES
CATEGORIES DE
PATIENTS . p.43
Section 1 : La prise en charge des patients particuliers p.43
§1 : Les patients séjournant ou ayant
séjournés en unité pour malades difficiles p.44
§2 : Les patients dont la mesure de soins psychiatriques
fait suite à une déclaration
d'irresponsabilité pénale ..
|
p.47
|
Section 2 : Les soins psychiatriques aux personnes
détenues .. p.50
§1 : Le problème de la prise en charge des
maladies mentales en prison p.50
§2 : Les modalités d'admission et de
contrôle des soins psychiatriques aux personnes
détenues p.54
DEUXIEME PARTIE : LES DIFFICULTES PRATIQUES DE MISE EN
OEUVRE
DE LA LOI DU 5 JUILLET 2011 p.59
CHAPITRE I : ETAT DES LIEUX DE L'EFFECTIVITE DE LA
PROTECTION DES DROITS DES
PATIENTS EN SOINS SANS CONSENTEMENT . p.61
Section 1 : Les modes de soins alternatifs, sujets à
critiques p.61
§1 : Les limites du programme de soins .. p.62
§2 : Les aspects de la contrainte dans le programme de
soins : l'interprétation du Conseil
constitutionnel .. p.64
Section 2 : Les droits fondamentaux reconnus aux patients
souffrant de troubles
mentaux p.67
§1 : Respect des droits individuels de la personne
souffrant de troubles mentaux .. p.67
114
§2 : Le droit à l'information du patient souffrant
de troubles mentaux p.71
CHAPITRE II : LA JUDICIARISATION DU CONTROLE DES SOINS
SANS
CONSENTEMENT p.75
Section 1 : Les difficultés pratiques d'organisation
des audiences devant le juge
judiciaire .. p.75
§1 : Les difficultés liées à la
tenue des audiences p.76
§2 : Vers une collaboration renforcée des acteurs
concourant aux soins psychiatriques et
à leur contrôle ..
|
p.79
|
Section 2 :L'unification du contentieux au profit du juge
judiciaire au 1er janvier 2013... p.83
§1:Le maintien d'une dualité au sein même de
l'ordre judiciaire p.84
A. Contrôle de la légalité externe de la
mesure de soins : la compétence du juge des
libertés et de la détention . p.84
B.Contentieux de l'annulation de la mesure : la
compétence du tribunal de grande
instance . p.85
§2 : Les conditions d'intervention du juge judiciaire
p.86
A.L'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour le juge
p.86
B.Les difficultés relatives à
l'appréciation par le juge des certificats
médicaux p.88
CONCLUSION p.90
TABLE DES ANNEXES p.91
ANNEXE I p.92
ANNEXE II . p.94
ANNEXE III p.100
BIBLIOGRAPHIE p.107
115
TABLE DES MATIERES p.113
116
|