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L'interventionnisme public dans le développement contemporain du capital-risque français

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par Pascal MOLINELLI
Université Panthéon Assas - Magistère de juriste d'affaires - DJCE 2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS PARIS II
MAGISTERE DE JURISTE D'AFFAIRES Ð D.J.C.E.
MASTER 2 DE DROIT DES AFFAIRES

Année 2011/2012

L'interventionnisme public dans le développement contemporain du capital-risque français

Pascal Molinelli

Sous la direction de
Monsieur François Barrière

*

* *

L'Université Panthéon-Assas Paris II - Droit, Economie, Sciences Sociales - n'entend donner
aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur auteur.

* *

*

A Huitzilopotchli,

Sommaire

Introduction ..7

PARTIE I - L'influence de l'interventionnisme public sur la structuration des

opérations de capital-risque .11

Section 1 : Interventionnisme étatique et incitativité du paysage juridique, la nécessaire

compensation à l'incertitude de l'investissement .11

§1. Incitativité et adéquation des structures 11

A. Diversité des types de fonds communs de placement 11

1. Un système juridique en quête d'adaptabilité .11

2. Flexibilité croissante des fonds communs de placement 14
- Du fonds commun de placement à risque agréé au fonds commun de

placement allégé 14

- La contractualisation du fonds commun de placement à risque ..15

3. Le coût économique de la diversité juridique .16

B. Le renforcement du rôle des structures sociétaires 18

1. L'existence de véhicules d'investissement sous forme sociale 18

2. L'apparition progressive de formes sociales dédiées à l'innovation 18

- Le statut de jeune entreprise innovante 19

- Le statut de jeune entreprise universitaire 19

§2. Incitativité et fiscalité des structures 19

A. Un système fondé sur l'attractivité fiscale 19

B. Des dispositifs fiscaux affectés par la conjoncture économique 21

1. La réorientation des ressources vers des investissements plus sécurisés 21

2. De l'incitativité à l'austérité 24

Section 2 : Interventionnisme public européen et internationalisation des opérations de

capital-risque 25

§1. Les prémices de l'européanisation du capital-risque 25

A. Directive OPCVM : l'exclusion des véhicules de capital-investissement du champ

d'application de la directive 25

B. Directive AIFM : les premiers pas du capital-risque européen 27

1. La notion classique de fonds alternatifs 27

2. Champ d'application de la directive 27

3. Le passeport européen 28

4. Incidences de la transposition 29

5. Les insuffisances de la directive AIFM au regard des spécificités du capital-

risque 31

§2. Le « fonds de capital-risque européen » : vers une structuration européenne des

opérations de capital-risque 32

A. Le contexte de l'initiative de la Commission 32

B. L'influence potentielle du règlement sur la structuration des opérations de capital-

risque 34

1. L'européanisation des levées de fonds : la création d'un label 34

2. Articulation entre label et véhicules français de capital-risque ..35

3. Les prémices d'une institutionnalisation des activités de capital-risque en

Europe 36

C. Harmonisation fiscale, prochaine étape de la politique des petits pas 39

PARTIE II Ð L'influence de l'interventionnisme public sur le financement des

opérations de capital-risque ..41

Section 1 : Les conséquences de la crise sur les sources privées de financement ..41

§1. Le financement par capital-risque fragilisé par la crise 41

§2. La diminution des financements d'origine institutionnelle 43

A. Les conséquences de la crise sur les investisseurs institutionnels 43

1. L'importance des investisseurs institutionnels sur le paysage du capital-

risque 43

2. L'influence des restrictions imposées aux investisseurs institutionnels sur le

financement du capital-risque : de Solvabilité II à Bâle III 44

B. Le prêt bancaire, coûteuse alternative aux déficiences du financement par capital-

risque 45

§3. L'insuffisance des sources alternatives de financement .46

A. Le développement limité du « venture loan » 46

B. Le capital-risque d'entreprise, victime de la réaffectation des liquidités au sein des

grandes sociétés 47

Section 2 : L'émergence d'un modèle alternatif de financement 49

§1. La nécessité d'une impulsion étatique 49

A. Dynamiser le capital-risque 49

B. Initier un changement de mentalité 49

C. Générer un effet de levier 50

D. Une politique publique pouvant s'émanciper des règles du marché 50

§2. L'interventionnisme par le financement 51

A. L'interventionnisme par le prêt et la garantie 51

B. L'interventionnisme par l'investissement 52

1. Caisse des Dépôts et Fonds Européen d'Investissement, acteurs majeurs de

l'activisme public ..52

2. Les fonds publics pour le capital-risque 53

- Le développement des fonds de fonds publics 53

- Un potentiel effet de levier en aval de la création des fonds 54

3. Un modèle potentiel de développement : l'investissement mixte 54

- Le développement de fonds de fonds mixtes 54

- La promotion du co-investissement par le Fonds Stratégique

d'Investissement 54
- L'émergence d'un partenariat public-privé : le programme FSI France-

Investissement 55

- Un potentiel effet de levier dès la création des fonds 57

4. Un interventionnisme protéiforme 57

C. Le modèle Israélien : le programme Yozma 58

Conclusion . .59

Bibliographie ...61

A

Liste des abréviations

- AIFM : Alternative Investment Fund Managers.

- AFIC : Association des investisseurs en capital

- AMF : Autorité des marchés financiers.

- CDC : Caisse des dépôts et consignation.

- FCPI : Fonds commun de placement dans l'innovation.

- FCPR : Fonds commun de placement à risque.

- FCRE : fonds de capital-risque européen.

- FIP : Fonds d'investissement de proximité.

- FSI : Fonds stratégique d'investissement.

- OPCVM : organisme de placement collectif en valeurs mobilières.

- PME : petites et moyennes entreprises.

- SCR : société de capital-risque.

- SBIC : Small Business Investment Corporations.

- VMDAC : valeur mobilière donnant accès au capital.

7

Introduction

« La transformation de l'outillage, la mise en place de nouvelles méthodes de production, la conquête de nouveaux marchés et, plus généralement, le recours à de nouveaux procédés dans les affaires introduisent, avec la dimension du pari, le risque de l'erreur et se heurtent à des obstacles que l'on ne rencontre pas lorsqu'on s'en tient à une gestion routinière », Joseph Aloïs Schumpeter 1.

Véritable force motrice de toute dynamique économique, l'innovation telle que conceptualisée par Joseph Aloïs Schumpeter résulte de la vitalité intellectuelle d'une certaine catégorie d'individus, les entrepreneurs innovateurs. Ce processus revêt deux aspects diamétralement opposés, un aspect créateur d'une part, avec l'émergence de nouveaux domaines d'activités, et un aspect destructeur d'autre part, avec la disparition des secteurs ou des moyens de production empreints d'obsolescence. Cette dynamique oxymorique, théorisée par Schumpeter sous le terme de « destruction créatrice »2, est ainsi perceptible à différentes époques. La révolution industrielle ou encore l'apparition des nouvelles technologies de l'information et de la communication en constituent les illustrations les plus flagrantes.

Au stade le plus primaire de sa conception l'innovation est assimilable à une simple idée susceptible de n'atteindre maturité que dans les rares hypothèses où cette pensée, immatérielle par nature, se concrétise. Le capital-risque constitue dans ce contexte un connecteur logique entre l'idée innovante d'une part et sa réalisation d'autre part. Ce dernier se définit ainsi comme un mode de financement spécifique consistant en un apport en capital à de jeunes entreprises innovantes et à fort potentiel de croissance.

La « dimension du pari et le risque de l'erreur3 » influencent inéluctablement les sources de financement d'un projet innovant. Plus le risque est élevé, plus le spectre d'investisseurs potentiels se restreint, et ce malgré des perspectives de rentabilité incitatives en cas de réussite. Frank Knight, économiste américain, distinguait dès 1921 dans son ouvrage « Risk, Uncertainty and Profit » la notion de risque de celle d'incertitude. Contrairement au risque, où la réalisation d'événements futurs peut faire l'objet d'une évaluation, l'incertitude radicale ne présente pas un caractère probabilisable. Or les activités de capital-risque s'orientent principalement vers le développement d'innovations radicales plutôt qu'incrémentales, à savoir à l'origine de percées nouvelles et non uniquement relatives à l'amélioration des performances de produits existants. L'environnement du capital-risque n'est donc pas simplement risqué, il est par nature empreint d'incertitude.

1 J. A. Schumpeter, économiste autrichien (1883 - 1950), Impéria(isme et c(asses s.cia(es.

2 J. A. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie (1942)

3 J. A. Schumpeter, économiste autrichien (1883 - 1950), Impéria(isme et c(asses s.cia(es.

Q

L'incertitude Knightienne pèse sur la décision d'investissement des acteurs, laquelle est alors fondée sur un exercice de jugement bien plus que sur un véritable calcul précis du risque. Par essence, le capital-risque n'est donc pas destiné à connaître un développement exponentiel mais tend plutôt à se limiter à un faible nombre d'investisseurs.

Face à cette limite inhérente au capital-risque, l'interventionnisme étatique peut avoir un rôle crucial. Conscients de l'importance du financement de jeunes sociétés innovantes dans le dynamisme économique d'un pays, les pouvoirs publics ont un intérêt certain à favoriser l'émergence et le développement du capital-risque. L'Etat dispose de la faculté de stimuler ce levier potentiel de financement et de lui faire atteindre des niveaux de développement difficilement accessibles dans le cadre d'une évolution autonome. Il s'agit dans cette optique d'influencer la rationalité des acteurs en intervenant directement sur la logique « coûts et avantages » gouvernant tout processus décisionnel. L'attractivité des activités de capital-risque peut ainsi être renforcée par la création d'un cadre juridique et fiscal incitatif destiné à compenser cette notion d'incertitude.

Il semble en ce sens intéressant de noter que les pays considérés comme les plus avancés en matière de capital-risque sont ceux qui ont, le plus tôt, mis en oeuvre des politiques publiques destinées à encourager le développement du capital-risque. Il s'agit d'Etat tels qu'Israël, la Corée du Sud ou encore les Etats-Unis. Aux Etats-Unis par exemple, l'émergence du capital-risque moderne résulte certes d'une initiative privée menée par le Général Georges Doriot au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création d'une firme de capital-risque indépendante, l'American Research & Development Corporation (ARD), mais c'est principalement l'Etat, par le biais de la Small Business Administration4, qui est à l'origine du véritable essor du capital-risque américain. Des structures locales nommées « Small Business Investment Corporations » (SBIC) ont ainsi été créées dès 1958 avec pour vocation le financement de petites entreprises. Ces entités, subventionnées et pourvues de divers avantages fiscaux furent créées par centaines. Entre 1958 et 1969, approximativement 3 milliards de dollars furent investis par ces dernières5. En 1980 fut également mis en place un programme public de soutien aux jeunes entreprises innovantes, le « Small Business Innovation Research program» (SBIR). De plus, la règle du « prudent man » qui interdisait aux fonds de pension d'investir dans des sociétés non cotées fut levée. Le capital-risque américain connut dès lors un essor considérable, les montants investis passant de 570 millions de dollars en 1980 à quelques 3000 millions en 19836.

Les différentes expériences analysables à l'échelle internationale permettent de distinguer différents moyens d'intervention. Cette théorisation de l'interventionnisme public revêt deux aspects principaux. Le premier concerne la « structuration » des opérations, à savoir les instruments juridiques utilisés dans les opérations de capital-risque, leur régime juridique et fiscal, et l'environnement au sein duquel ils s'insèrent. Le second est relatif au « financement » des opérations et concerne l'Etat en tant qu'investisseur.

4 The Small Business Administration (SBA) is a United States government agency that provides support to entrepreneurs and small businesses. www.sba.gov

5 « Le capital-risque, mécanisme de financement de l'innovation », Bernard Guilhon, Sandra Montchaud.

6 National Venture Capital Association, YearBook 2006, Arlington 2006.

a

- Interventionnisme relatif à la structuration des opérations.

La création d'un cadre juridique flexible et adapté au capital-risque constitue une étape fondatrice. L'objectif est de créer un environnement accessible et compréhensible pour les différents acteurs du capital-risque, quelle que soit leur nature.

Ce cadre juridique doit être pourvu d'un régime fiscal incitatif. L'idée est alors de compenser l'incertitude inhérente au capital-risque. L'Etat peut ainsi influencer la rationalité des acteurs en intervenant dans la balance « avantages et inconvénients » inhérente à chaque décision d'investissement. Une situation fiscale avantageuse influe inéluctablement sur le processus décisionnel des investisseurs et permet d'accroître le recours à ce domaine d'activités. Le spectre des investisseurs potentiels du capital-risque peut donc être élargi par l'intermédiaire d'une politique fiscale incitative.

Des structures publiques peuvent également avoir un rôle d'accompagnement. Il s'agit de favoriser l'innovation en facilitant l'accès aux ressources financières et matérielles, à l'image d'incubateurs publics ou encore de services d'accompagnement juridique.

- Interventionnisme relatif au financement.

Le soutien à l'innovation peut également être de nature financière par le biais de prêts et garanties, mais surtout, s'agissant du capital-risque, par l'intermédiaire d'investissements publics. Favoriser l'investissement public dans des fonds de capital-risque ou directement dans des sociétés innovantes est ainsi susceptible de générer un effet de levier en incitant les financements privés à se joindre à l'initiative. Cette forme d'interventionnisme peut aboutir sur un véritable modèle de développement du capital-risque fondé sur un partenariat entre fonds privés et fonds publics. Ce soutien financier n'a pas nécessairement à revêtir un caractère permanent. Rien n'empêche le maintien d'un tel dispositif dans le temps si l'Etat dispose de ressources conséquentes. Cependant, une fois l'effet recherché atteint, à savoir la stimulation d'un capital-risque privé suffisamment conséquent, ce soutien financier peut diminuer, voire disparaître et ainsi permettre une réallocation des ressources publiques vers d'autres secteurs. Ce fut le cas s'agissant du programme Yozma en Israël.

- La situation en France.

L'interventionnisme public en matière de capital-risque commence véritablement à se manifester en France en 1972 avec la création des sociétés financières d'innovation (SFI). Aujourd'hui peu usité, ce modèle sociétaire s'avérait à l'époque novateur car destiné à « faciliter en France la mise en oeuvre industrielle de la recherche technologique ainsi que la promotion et l'exploitation d'inventions (É)7 ». La SFI, sous réserve de respecter certaines conditions légalement prévues telles que l'obligation d'investir 60% de son capital dans des sociétés innovatrices ou de technologie au bout de trois ans, bénéficie d'un régime fiscal de faveur8.

7 Loi du 11 juillet 1972 (loi n°72-650)

8 Possibilité d'avoir un amortissement exceptionnel d'un montant correspondant à 50% des montants souscrits au capital de la SFI, ou encore une exonération partielle des plus-values sur cession d'actions de la SFI en certaines circonstances.

Les SFI constituèrent ainsi les premières manifestations d'un interventionnisme étatique dont l'importance dans le développement du capital-risque allait être grandissante. Quelles sont donc les manifestations de la théorie de l'interventionnisme étatique dans le cadre du développement du capital-risque français ? Comment se concrétise-t-il en France ? C'est précisément ce mouvement interventionniste, protéiforme, qui sera analysé dans le cadre de ce mémoire.

L'interventionnisme public perceptible en France influence tout d'abord la structuration des opérations de capital-risque (I). Si la création d'instruments juridiques incitatifs relève essentiellement de prérogatives étatiques, force est de constater que les institutions européennes jouent également un rôle crucial dans l'internationalisation des opérations, notamment en permettant la commercialisation de véhicules d'investissement dans l'ensemble de l'Union.

L'interventionnisme public est également perceptible dans le cadre du financement des opérations de capital-risque (II). La crise économique a en effet bouleversé le paysage des investisseurs en capital-risque, diminuant considérablement les ressources disponibles. Dans ce contexte nouveau, l'Etat joue un rôle crucial non seulement dans le financement de fonds de capital-risque et de sociétés innovantes, mais également dans l'émergence d'un nouveau modèle de financement fondé sur des partenariats entre secteurs privé et public dans le cadre de fonds mixtes.

11

PARTIE I - L'influence de l'interventionnisme public sur la structuration
des opérations de capital-risque.

Section 1 : Interventionnisme étatique et incitativité du paysage juridique, la nécessaire compensation à l'incertitude de l'investissement.

L'incertitude inhérente aux opérations de capital-risque tend à restreindre le nombre d'investisseurs potentiels. Conscient du rôle prépondérant du financement intermédié en la matière, l'Etat tente de dynamiser le financement des jeunes sociétés innovantes en créant des instruments juridiques adaptés aux spécificités et nécessités du capital-risque (§1) et bénéficiant d'un régime fiscal attractif (§2).

§1. Incitativité et adéquation des structures.

La stimulation du financement des entreprises par l'intermédiaire du capital-risque nécessite la création de véhicules juridiques adaptés et flexibles. Le paysage juridique français se caractérise par la diversité des fonds communs de placement pouvant être utilisés (A) ainsi que par un renforcement du rôle des structures sociétaires (B).

A. Diversité des types de fonds communs de placement.

1. Un système juridique en quête d'adaptabilité.

L'étape fondatrice dans l'instauration d'un système de financement par capital-risque efficient consiste en la création de structures juridiques d'investissement adaptées aux besoins des investisseurs et à ceux des entrepreneurs. Le financement des entreprises à fort potentiel passe en effet par la mise en place préalable de structures organisées juridiquement et spécialisées dans l'investissement. L'objet d'une telle démarche est de créer un environnement juridique permettant d'orienter les fonds des investisseurs vers le financement des sociétés innovantes.

Le cadre juridique français s'est progressivement développé dans cette perspective. Composé initialement de structures destinées à investir dans des sociétés non cotées sans distinction relative au potentiel d'innovation de l'entreprise, ce cadre s'est affiné et revêt désormais un caractère plus spécialisé, avec des fonds dédiés au capital-risque, et une dimension plus locale, avec des fonds destinés au développement régional du capital-investissement.

Ces instruments divers sont fondés sur un modèle commun, le fonds commun de placement (FCP). Les FCP sont des structures originales puisqu'il s'agit de copropriétés de valeurs mobilières dépourvues de personnalité morale. Malgré cette absence de personnalité juridique, la loi confère au fonds la capacité de donner mandat à une société de gestion, laquelle est soumise au contrôle de l'AMF et sera notamment chargée d'effectuer les investissements nécessaires à la constitution du portefeuille du fonds9. Les fonds levés auprès

9 L'activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers constitue un service d'investissement au sens de l'article L321-1 du Code monétaire et financier et nécessite de ce fait l'agrément de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Dès lors, en tant que prestataire de services d'investissement, la société,

12

des investisseurs sont pour leur part confiés à un dépositaire10. Gestionnaire et dépositaire établissent le règlement du fonds.

Cet organisme de placement collectif en valeurs mobilières11 (OPCVM) constitue donc la référence à partir de laquelle furent élaborés différents dérivés utilisés pour structurer les opérations de capital-risque : fonds communs de placement à risque (FCPR), fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ou encore fonds d'investissement de proximité (FIP).

Chacun de ces dérivés autonomes, doté d'un régime fiscal incitatif, est fondé sur une logique économique sous-jacente.

Créés par la loi du 3 janvier 1983, les FCPR sont des véhicules destinés aux investissements portant sur des actions de sociétés non cotées. Ce qui distingue un FCPR d'un FCP classique est en effet la composition de son portefeuille, l'actif d'un FCPR devant être constitué pour au moins 50% de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital de sociétés non cotées12. Ces véhicules sont donc susceptibles d'être utilisés pour l'ensemble des opérations de capital-investissement, sans se limiter aux opérations de capital-risque. Cette capacité d'emploi très générale attire un champ très large d'investisseurs. Les FCPR représentent les véhicules levant et investissant le plus de fonds en matière de capital-investissement. Sans être spécialisés en matière de capital-risque, ces fonds financent néanmoins également de jeunes sociétés innovantes à fort potentiel. Une récente étude menée par Grant Thornton pour le compte de l'AFIC révèle qu'en 2011, 62% des montants investis dans le cadre du capital-risque le furent par l'intermédiaire de FCPR13. Même si la quote-part de ce type d'investissement dans la composition globale du portefeuille du fonds est faible, les montants investis par les FCPR dans le cadre du capital-risque sont, en valeur absolue, supérieurs à ceux de fonds plus spécialisés tels que les FCPI.

Les FCPI furent créés par la loi de finances pour 1997. Ils constituent à proprement parler les véhicules d'investissement les plus orientés vers les financements par capital-risque. Il s'agit d'une catégorie particulière de FCPR, spécifiquement destinée au financement des sociétés non cotées présentant un caractère innovant. Les conditions de composition d'actifs d'un FCPI s'avèrent plus contraignantes que celles d'un FCPR puisque 60% au moins de l'actif doit être constitué de titres de sociétés non cotées dites « innovantes », dont le siège se situe au sein de l'Espace Economique Européen, soumises à l'impôt sur les sociétés ou le seraient si elles étaient établies en France et qui comptent entre 2 et 2000 salariés. Le caractère innovant s'apprécie au regard de deux critères alternatifs, un critère relatif aux

quelque soit sa forme sociale , doit agir avec loyauté, équité, diligence et doit toujours privilégier l'intérêt de ses clients. (Le capital-investissement, Guide juridique et fiscal, François-Denis Poitrinal)

10 Quant au dépositaire, il est choisi par la société de gestion sur une liste établie par le ministre chargé de l'économie. Il a pour mission la conservation des actifs du fonds . (Le capital-investissement, Guide juridique et fiscal, François-Denis Poitrinal)

11 Les OPCVM peuvent prendre la forme d'une société d'investissement à capital variable (SICAV), dotée de la personnalité morale, ou encore d'un fonds commun placement (FCP), qui est une copropriété de valeurs mobilières.

12 L214-28 CMF.

13 Grant Thornton - AFIC DATA

12

dépenses de recherche14, l'autre relatif à la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant a été reconnu par l'OSEO15.

Modèle de structuration.

Appel de fonds

Investisseurs institutionnels .

compagnies d'assurances et mutuelles, banques, caisses de retraite, entités du secteur public, industriels.

Société de gestion

Agrément AMF nécessaire

OSEO

Mandat permis par la loi

Pacte

d'actionnaires

Label « société innovante »

Dirigeants

(Fonds possibles : FCPR - FCPI - FIP)

Approbation règlement par AMF

Fonds de fonds Personnes physiques

Société innovante

Parts

FCPI

Actions ou VMDAC

Fonds propres

Dépositaire

Versement des

fonds

Magistère de Juriste d'Affaires - DCJE, 2012

Enfin, les FIP, issus de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, introduisent une

dimension régionale au financement des sociétés non cotées. Les FIP sont qualifiés de FCPR
et, malgré des exigences de composition de portefeuille différentes, demeurent orientés vers le

14 Ces dépenses de recherche sont définies aux a à g du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et doivent représenter au moins 15 % des charges fiscalement déductibles au titre de cet exercice ou, pour les entreprises industrielles, au moins 10 % de ces mêmes charges. L214-30 CMF.

15 Banque publique chargée de sélectionner et d'apporter une aide financière aux projets de recherche dans les entreprises innovantes.

14

financement de sociétés non cotées européennes. Leur actif doit être constitué à 60 % au moins de titres de sociétés non cotées répondant à la définition européenne de PME16 et exerçant leur activité principalement dans une zone géographique choisie par le fonds et limitée à au plus quatre régions limitrophes.

Les investisseurs au sein de ces structures bénéficient d'un régime fiscal spécifique (voir infra). Surtout, le cadre juridique ainsi créé permet aux investisseurs potentiels de disposer d'un ensemble de structures variées présentant un profil d'investissement et un degré de risque différents. A l'inverse, les entrepreneurs bénéficient de sources financement organisées pouvant intervenir aux différents stades d'évolution de leur société.

Cette panoplie de structures juridiques susceptibles d'intervenir en matière de capital-risque constitue un avantage comparatif par rapport à d'autres pays dépourvus de systèmes similaires. Ces structures constituent ainsi la base d'une organisation des financements de PME, et plus particulièrement des jeunes sociétés innovantes. Les personnes ou entités disposant de liquidités bénéficient ainsi d'une option juridiquement organisée leur permettant de financer de jeunes sociétés à fort potentiel. Cette étape de l'interventionnisme étatique constitue l'étape fondatrice d'une politique de stimulation des financements.

2. Flexibilité croissante des fonds communs de placement.

Parallèlement à l'émergence des FCPI et FIP, le FCPR a lui aussi subi d'importantes évolutions destinées à aboutir sur des versions de FCPR plus flexibles pour les gestionnaires et les investisseurs.

- Du fonds commun de placement à risque agréé au fonds commun de placement à risque allégé.

Par principe, le règlement du FCPR doit être soumis à l'agrément de l'AMF. Conscient des enjeux économiques sous-jacents et de la nécessité de fournir un outil plus efficient aux praticiens, le législateur a, par une loi du 25 juin 1999, créé les FCPR à procédure allégée. Ces fonds n'ont pas vocation à supplanter les FCPR agréés mais constituent uniquement une alternative dont la mise en oeuvre est simplifiée. En effet, ces fonds allégés ne sont pas soumis à agrément préalable de l'AMF. L'obligation d'agrément est remplacée par une obligation de nature déclarative auprès de l'autorité de contrôle17. La nature du contrôle opéré est modifiée, le contrôle a posteriori étant préféré à un contrôle a priori.

L'agrément préalable de l'AMF dans le cadre des fonds dits agréés a notamment pour objet d'assurer la protection des investisseurs potentiels du fonds. La suppression de ce contrôle a priori n'est donc possible, selon le législateur, que si le fonds dit « allégé » est destiné à des investisseurs qualifiés18. Il doit être clairement précisé dans le règlement que seuls les investisseurs qualifiés ont qualité pour y souscrire.

Le critère de distinction entre ces deux types de fonds est donc fondé sur la qualité des investisseurs visés. L'article 411-2 du CMF précise : « Un investisseur qualifié est une

16 définition des petites et moyennes entreprises figurant à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008

17 L214-37 C. mon. fin.

18 L214-38 CMF

1~

personne ou une entité disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers. La liste des catégories d'investisseurs reconnus comme qualifiés est fixée par décret ». Cette liste comprend des membres de droit, à condition qu'ils agissent pour leur propre compte, tels que les établissements de crédit, l'Etat, les entreprises d'investissement ou encore les entreprises d'assurances, mais également des membres pouvant opter pour une telle qualification, à condition de remplir deux des trois conditions suivantes : effectifs annuels moyens inférieurs à 250 personnes, total du bilan inférieur à 43 millions d'euros, chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Des personnes physiques peuvent également opter pour cette qualification, sous réserve du respect des conditions mentionnées à l'article D411-1 CMF19. Les fonds agréés sont pour leur part destinés à tous les investisseurs.

Les FCPR à procédure « allégée » simplifient donc les démarches nécessaires à une levée de fonds. Cela ne signifie pas pour autant que le FCPR est exonéré des obligations légales inhérentes à son statut de FCPR, mais simplement que le contrôle opéré par l'AMF s'effectuera a posteriori. Ce changement génère donc potentiellement des gains de temps pour les levées de fonds effectuées auprès d'investisseurs qualifiés.

- La contractualisation du fonds commun de placement à risque.

Dans un contexte international très concurrentiel, le manque de souplesse des FCPR français s'est révélé être un frein au développement du capital-investissement français, notamment face aux limited partnership anglo-saxons20. Pour pallier cette lacune, le droit français s'est doté d'un instrument plus flexible : le FCPR contractuel.

Réservé aux investisseurs qualifiés, le FCPR contractuel est également destiné aux investissements au sein de sociétés non cotées (ou exposés à un risque afférent à de tels titres ou parts par le biais d'instruments financiers à terme), mais offre une plus grande souplesse aux acteurs économiques. En effet, les contraintes juridiques auxquelles il demeure soumis sont réduites au profit d'une plus grande liberté contractuelle. Ainsi, les règles de dispersion des risques des FCPR agréés et à procédure allégée ne sont pas applicables, de même que le respect du quota de 50%. Il n'est pas non plus tenu par les plafonds légaux et réglementaires en termes d'endettement (d'où la possibilité de mettre en place des stratégies à fort effet de levier, ce qui était jusque-là impossible). Cette prépondérance de l'aspect contractuel confère au règlement du FCPR contractuel un rôle fondamental, ce dernier déterminant notamment les règles d'investissement et d'engagement adoptées par le fonds. Le système de la déclaration obligatoire a posteriori fut privilégié à celui d'un agrément préalable du règlement, et ce toujours dans l'optique de favoriser la souplesse du système.

Autre aspect de cette souplesse ainsi instaurée ; dans le cadre des FCPR contractuels, la durée de blocage applicable aux rachats des parts des souscripteurs n'est nullement limitée à

19 Personnes physiques remplissant au moins 2 des 3 critères suivants : détention d'un portefeuille d'instruments financiers d'une valeur supérieure à 500 000e, réalisation d'opérations d'un montant supérieur à 600e par opération sur des instruments financiers, à raison d'au moins 10 par trimestre en moyenne sur les quatre trimestre précédents ; occupation pendant au moins un an, dans le secteur financier, d'une position professionnelle exigeant une connaissance de l'investissement en instruments financiers.

20 « Le capital-investissement, guide juridique et fiscal » François-Denis Poitrinal, Revue Banque Edition, 2008.

1A

dix ans, durée qui marquait jusqu'ici l'horizon de vie de tout FCPR. Comme l'ensemble des conditions et modalités de rachat, cette durée sera librement fixée dans le règlement du fonds.

En outre, et cela répond à une demande des professionnels intervenant en matière de fonds de fonds, le FCPR contractuel aura la possibilité d'investir dans des fonds sous-jacents français ou étrangers, sans limitation géographique et sans restriction quant à la nature des actifs sous-jacents détenus par ces entités.

La souplesse est également de rigueur en matière de distribution d'actifs, puisque des distributions pourront intervenir à tout moment pendant la durée de vie du FCPR contractuel. Ainsi, le règlement du fonds pourrait prévoir qu'une fraction des actifs soit distribuable avant la fin de la période de souscription initiale ou avant l'ouverture des périodes de souscription ultérieures. Les distributions pourront par ailleurs être effectuées en numéraire ou en titres détenus en portefeuille.

Comme le soulignent les praticiens Bruno Bertrand, F. Moulin et F.X. Naime : « Le FCPR contractuel bénéficie de la possibilité d'adopter de nombreuses règles de fonctionnement dérogatoires au droit commun qui ne connaissent guère d'autres limites que le respect du principe général d'égalité des porteurs de parts. Revers de cette liberté, la société de gestion devra veiller à détailler scrupuleusement et avec clarté les règles applicables aux souscriptions, aux investissements et aux distributions d'actifs dans le règlement du fonds, à défaut de quoi les parties risquent de se trouver dans une situation de blocage, source éventuelle de contentieux21 ».

D'un point de vue fiscal en revanche, aucun statut particulier n'a été prévu. Les personnes physiques demeurent pleinement imposables au titre de l'impôt sur le revenu sur les distributions issues du fonds ainsi que sur les plus-values réalisées, et la solution est similaire s'agissant des sociétés soumises à l'IS. L'octroi d'une certaine souplesse à ce véhicule a donc pour conséquence logique de le faire sortir du champ d'application d'autres véhicules disposant d'un régime fiscal plus favorable.

Le FCPR permet donc une plus grande liberté d'action. Néanmoins, ce véhicule semble s'éloigner des spécificités du capital-risque au point qu'il n'est pas certain qu'il soit utilisé en ce domaine. En effet, l'intérêt du FCPR classique est lié aux avantages de nature fiscale qu'il engendre. Le FCPR contractuel confère certes une grande liberté d'action mais ne comprend aucun volet incitatif, notamment fiscal, de nature à favoriser les investissements de capital-risque. Dès lors, il s'imposera potentiellement comme un instrument modulable en matière de capital-investissement, mais ne semble pas destiné à une utilisation similaire à celle d'outils plus spécifiques tel que le FCPR classique ou, mieux encore, le FCPI. Ce constat n'empêchera évidemment pas le gestionnaire de procéder à certains investissements dans des sociétés innovantes, mais probablement à des seuils très en deçà d'autres véhicules dédiés.

3. Le coût économique de la diversité juridique.

Dans un rapport d'information en date du 24 mars 2009, la Commission des finances, de l'économie générale et du plan relatif au financement en fonds propres des PME décrit un système français de financement complexe, caractérisé par une profusion de dispositifs. Et

21 FCPR contractuel : Un nouveau véhicule d'investissement en private equity », Fusion et Acquisitions Magazine, Bruno Bertrand, F. Moulin, F.X. Naime, 5 mars 2009.

17

d'ajouter : « A cette profusion s'ajoute la complexité des dispositions réglementaires d'application, que l'investisseur ou le contribuable sont pourtant supposés connaître ! ».

Diversité n'est pas nécessairement synonyme de flexibilité. L'existence de différents véhicules d'investissement semble suggérer une certaine flexibilité permettant aux investisseurs potentiels d'utiliser l'instrument qu'ils jugent le plus adéquat. Néanmoins, cette apparente souplesse doit être tempérée par la rigidité des conditions d'emploi inhérentes à chacun de ces véhicules nommés. Du calcul des quotas aux différentes conditions nécessaires pour bénéficier des régimes de faveur en matière fiscale, le régime applicable est empreint de complexité et de technicité.

Cette fragmentation de l'outillage juridique mis à disposition des investisseurs risque de nuire à la visibilité globale du système. La réalisation de tels investissements nécessite au préalable d'importants efforts de recherche d'information. Il est nécessaire pour les acteurs d'envisager la structure la plus adaptée à leur besoin et donc d'effectuer un arbitrage entre les différentes formes envisageables. Avoir le choix n'est pas en soi critiquable, en revanche la grande complexité des dispositions légales et réglementaires en la matière engendre une forte consommation de temps et de savoir pour pouvoir effectuer les choix les plus appropriés. Ce raisonnement peut s'appliquer aux investisseurs comme aux gestionnaires eux-mêmes. De nombreux économistes contemporains soulignent l'importance de ces « coûts » dans le processus rationnel des acteurs. Dans sa théorie des coûts de transaction, Olivier Williamson22 considère que toute transaction économique engendre des coûts préalables à sa réalisation, coûts liés à la recherche d'information par exemple. Ce constat s'avère ici pertinent, les opérations de capital-risque engendrant un coût élevé, notamment au niveau de leur structuration. Ces coûts sont bien sûr pris en considération par les acteurs économiques qui peuvent, de ce fait, se détourner des activités de capital-risque au profit d'activités moins complexes.

Certains efforts semblent néanmoins avoir été réalisés dans cette optique, comme nous l'avons analysé (Cf. supra : la flexibilité croissante des fonds communs de placement).

Si la critique relative à la complexité inhérente à chaque véhicule n'est pas dépourvue de fondements, celle relative au trop grand nombre de véhicules doit néanmoins être tempérée. Il semble en effet possible d'affirmer que chaque véhicule est lié à une réalité économique distincte. Le FCPR permet des investissements moins ciblés que les FCPI, mais favorise tout de même les investissements dans les sociétés non cotées. Les FCPI ont un périmètre d'application plus restreint, potentiellement plus risqué, et donc bénéficiant d'un régime plus favorable. Les FIP sont destinés à favoriser les investissements à une échelle régionale tandis que les sociétés de capital-risque furent conçues dans l'optique de ne pas délaisser les sociétés ayant une activité relative à l'acquisition d'actions de sociétés non cotées. Ce paysage juridique donne certes l'impression d'une superposition d'instruments dépourvue de cohérence et d'harmonie, mais l'analyse séparée de chaque véhicule semble pourtant faire émerger une logique économique sous-jacente. La diversité juridique est donc peut-être un moindre mal en comparaison de la rigidité que pourrait engendrer un système de structuration uniforme.

22 Economiste américain, prix Nobel d'économie le 12 octobre 2009 pour ses travaux sur la gouvernance économique.

1S2

B. Le renforcement du rôle des structures sociétaires dans le cadre juridique du capital-risque.

La prise en considération des sociétés dans le cadre du capital-risque s'est effectuée sous deux aspects différents. Tout d'abord, et c'est là une évolution déjà ancienne, le législateur a permis d'utiliser une société en tant que véhicule d'investissement (1). Puis fut progressivement pris en considération le statut des sociétés innovantes elles-mêmes, l'idée étant de ne plus seulement conférer des avantages aux structurations intermédiées d'opérations de capital-risque, mais également de favoriser le financement direct de sociétés innovantes (2).

1. L'existence de véhicules d'investissement sous forme sociale.

Deux modèles de sociétés constituèrent les premières formes de véhicules pouvant être mis en oeuvre en matière de capital-investissement, et donc de capital-risque. Respectivement créées en 1955 et en 1972, les sociétés régionales de développement (SDR) et les sociétés financières d'innovation (SFI) constituent des types de sociétés peu utilisés aujourd'hui.

Puis les « Sociétés de capital-risque » (SCR) furent créées par la loi du 11 juillet 1985. Il s'agit de sociétés de droit commun bénéficiant d'un régime fiscal de faveur tant pour leurs actionnaires que pour elles-mêmes en raison de leur activité23. Les sociétés doivent opter pour l'application de ce régime fiscal, à condition de remplir les conditions liées à ce dernier. Apparaissant quelques années après la création du FCPR, ces SCR attestent de la volonté de ne pas exclure les sociétés des modèles de structuration d'opérations de capital-risque

Les SCR ont pour objet essentiel de concourir au renforcement des fonds propres des sociétés non cotées24. L'actif de la société doit être composé d'au moins 50% d'actions ou VMDAC de sociétés non cotées exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale et dont le siège se situe au sein de l'Union européenne.

Les SCR constituent donc une alternative aux différentes déclinaisons de FCP. Pourvues de nombreux avantages fiscaux, elle représente un modèle de structuration radicalement différent de celui lié aux FCP, la société étant dotée d'une personnalité morale, aucun recours à une société de gestion ou à un dépositaire à proprement parler n'est nécessaire.

2. L'apparition progressive de formes sociales dédiées à l'innovation.

De façon plus récente, furent créés des statuts de sociétés dont l'objet n'est pas uniquement de favoriser l'orientation des investissements vers l'innovation, mais également d'inciter les entrepreneurs à innover. La subtilité consiste à fournir aux créateurs d'entreprises innovantes eux-mêmes, puis aux investisseurs qui prendront des participations au sein de ces entreprises, un cadre juridique et fiscal attractif. Ces sociétés ne constituent plus à proprement parler des véhicules intermédiaires d'investissement.

23 « Le capital-investissement, guide juridique et fiscal » François-Denis Poitrinal, Revue Banque, 2010

24 BOI 4 H-2-92, 14 janvier 1992 : instruction de la direction générale des impôts en date du 14 janvier 1992

1Q

- Le statut de jeune entreprise innovante.

Créé par la loi de finances pour 2004, le statut de jeune entreprise innovante (JEI) concerne les petites et moyennes entreprises qui, peu importe leur forme sociale, ont été créées depuis moins de 8 ans, exercent une activité nouvelle25 et engagent des dépenses de R&D représentant au moins 15% du total des charges fiscalement déductibles engagées au titres de l'exercice au titre duquel le statut JEI est demandé.

L'idée est de mettre ici à la disposition des entrepreneurs un outil juridique adapté à leurs besoins. Surtout, les JEI se distinguent d'autres modèles de sociétés par leur fiscalité particulièrement incitative, laquelle se manifeste tant au niveau des résultats de la société elle-même que des distributions ultérieurement effectuées.

- Le statut de jeune entreprise universitaire.

Inspirée du statut de la JEI, la JEU fut créée par la loi de finances pour 2008 dans l'optique de favoriser la création d'entreprises dans le secteur universitaire. Toute entreprise, quelle que soit sa forme sociale, peut solliciter le statut de JEU dès lors qu'elle a moins de 8 ans d'existence, est dirigée ou détenue directement à hauteur de 10% au moins de son capital par des étudiants, des personnes titulaires depuis moins de 5 ans d'un Master ou d'un doctorat ou par des personnes affectées à des activités d'enseignement ou de recherche. Cette société doit avoir pour activité principale la valorisation de travaux de recherche auxquels dirigeants ou associés ont participé.

Afin de pouvoir exercer le droit d'option en faveur de ce statut, une convention doit être signée entre l'entreprise et l'établissement d'enseignement supérieur, cette dernière fixant notamment la nature des travaux de recherche envisagés et les modalités de rémunération de l'établissement.

Quant au régime juridique incitatif, il est largement inspiré de celui applicable aux JEI (voir supra).

§2. Incitativité et fiscalité des structures.

L'Etat dispose d'un autre moyen de stimulation du capital-risque, la fiscalité. Pour pallier la désaffection naturelle des investisseurs pour les prises de risque accrues, le législateur a progressivement créé un régime fiscal incitatif destiné à attirer les investisseurs et donc les capitaux nécessaires au développement de ces sociétés (A). La dégradation de la situation économique et la raréfaction des ressources de l'Etat tendent néanmoins à remettre en question ces dispositifs fiscaux (B).

A. Un système fondé sur l'attractivité fiscale.

L'incitativité fiscale est perceptible à deux niveaux. Au niveau des structures elles-mêmes tout d'abord. En effet, s'agissant des FCP, comme le souligne M. Storck : « Le fonds n'a pas la personnalité morale, même s'il est doté d'un nom et d'un patrimoine propre, distincts de

25 Activité nouvelle signifie qu'il ne doit pas s'agir d'une entreprise créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activité préexistante ou d'une reprise.

20

ceux de la société de gestion et des porteurs de parts. La qualification retenue par la majorité de la doctrine est celle de patrimoine d'affectation: le FCP est une universalité structurée sous forme de patrimoine d'affectation porté par les souscripteurs de parts26 ». Dépourvus de personnalité morale, les FCPR, FCPI et FIP ne sont donc soumis à aucune imposition. Quant aux structures sociétaires, les bénéfices réalisés peuvent être exonérés d'impôt sur les sociétés, et ce aussi bien s'agissant des SCR que des JEI ou JEU27.

L'incitativité est également perceptible au niveau des investisseurs. Certains véhicules disposent d'avantages fiscaux à l'entrée. Ainsi, FCPI et FIP, les deux véhicules les plus spécialisés, permettent une réduction d'impôt sur le revenu correspondant à 18%28 du montant des souscriptions, le montant maximum des souscriptions pouvant être pris en compte étant de 12 000e par personne célibataire et 24 000e pour un couple, soit une réduction d'impôt maximale de 2160e pour un célibataire et 4320e pour un couple. Alternativement à la réduction d'IR, les FCPI et FIP peuvent faire bénéficier leurs investisseurs d'une réduction de leur ISF correspondant à 45% de la quote-part investie par le fonds sur des PME éligibles à la réduction ISF (ce montant étant limité à 18 000e).

S'agissant des plus-values, des dividendes et autres revenus distribués, FCPR, FCPI, FIP et SCR permettent aux investisseurs personnes physiques d'être exonérés (sous réserve de conserver les titres pendant au moins 5 ans et de réinvestir les distributions opérées pendant cette période).

Analyse comparative des principaux véhicules.

 

FCPR

FCPI

FIP

SCR

Transparence
fiscale

Oui

Oui

Oui

Non

(Mais exonération
d'IS)

Réduction d'IR
à la souscription

Non

Oui si pas d'option

pour la réduction

ISF. 18% du

montant des
souscriptions prises en compte dans la

limite de 12000e
pour une personne

célibataire et 24

000e pour un
couple.

18% du montant

des souscriptions

prises en compte

dans la limite de

12000e pour une
personne célibataire et 24 000e pour un couple.

Non

Réduction ISF
à la souscription

Non

Oui si pas d'option

pour la réduction

IR. 45% de la

quote-part investie
par le fonds sur des PME éligibles dans la limite de 18 000e.

Oui si pas d'option

pour la réduction
IR. 45% de la quote part investie par le fonds sur des PME

éligibles dans la
limite de 18 000e.

Non

26 V. Pr. Storck, De la nature juridique des fonds communs de placement, Mélanges Gilles Goubeaux, Dalloz-LGDJ, 2009, p. 509

27 Depuis le 01 janvier 2012, l'exonération d'IS est de 100% concernant le premier exercice bénéficiaire, puis 50% s'agissant du second.

28 Et ce via la loi de finances pour 2012. ( 2011 : 22%, 2010 : 25%).

Exonération
d'impôts sur les
dividendes.

 

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les dividendes

sont réinvestis
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les dividendes

sont réinvestis
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les dividendes

sont réinvestis
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si l'actionnaire

est une personne

physique, si les

dividendes sont

réinvestis pendant

la période de

blocage (mais

soumis aux

prélèvements sociaux).

Exonération sur
les plus-values
encaissées par le
véhicule et
redistribuées.

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les distributions

sont réinvesties
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les distributions

sont réinvesties
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si le porteur de

parts est une
personne physique ,

si les distributions

sont réinvesties
pendant la période

de blocage (mais

soumis aux
prélèvements sociaux).

Oui si l'actionnaire

est une personne

physique , si les

distributions sont
réinvesties pendant

la période de

blocage (mais

soumis aux

prélèvements sociaux).

Exonération
d'impôts sur les
plus-values
réalisées lors de la
cession des parts
du fonds

Oui pour le FCPR

fiscal si est une

personne physique
(mais prélèvements sociaux)

Oui si le porteur est

une personne

physique (mais

prélèvements sociaux)

Oui si le porteur est

une personne

physique (mais

prélèvements sociaux)

Oui si l'actionnaire

est une personne

physique (mais
prélèvements sociaux)

Contrainte de
conservation des
titres

5 ans

5 ans

5 ans

5 ans

Magistère de juriste d'affaires - DJCE, Paris II Panthéon-Assas.

B. Des dispositifs fiscaux affectés par la conjoncture économique.

1. La réorientation des ressources vers des investissements plus sécurisés.

La logique, appréciée dans l'abstrait, semble aisément compréhensible : plus l'investissement est dédié au financement de jeunes sociétés innovantes, plus le régime fiscal est favorable. C'est ce facteur qui explique la différence de régime entre le FCPR d'une part et le FCPI d'autre part. Pourtant, 63% des investissements en capital-risque réalisés en 2011, soit 371 millions d'euros, s'effectuent par l'intermédiaire de FCPR. Le FCPR est un outil qui certes peut être utilisé en matière de capital-risque, mais dont le champ d'action s'étend à l'ensemble des opérations de capital-investissement, et non uniquement aux sociétés innovantes. Il ne constitue donc pas à proprement parler le véhicule le plus spécialisé en la matière, ce rôle revenant très certainement au FCPI. Plus étonnant encore, cette quote-part est en hausse par rapport à 2010, date à laquelle ce chiffre ne représentait que 43% des investissements.

FCPR
262 MC

43%

FCPR

371

(62%)

Autres 56 MC

9%

Autres

46

(8%)

FCPI
139 MC

23%

FCPI

129

(21%)

FIP
148 MC

25%

FIP

51

(9%)

CAPITAL RISQUE

2010:
605 MC

458 entreprises

2011:
597 MC

371 entreprises

Source AFIC-data - Grant Thornton

Ce constat démontre non seulement un certain éclatement dans l'utilisation des formes juridiques, mais également une réaffirmation de la prépondérance des FCPR dans le paysage des véhicules d'investissement, brisant ainsi la dynamique initiée par les véhicules spécifiquement dédiés au capital-risque durant l'ère ante-crise (FCPI/FIP). La part des investissements réalisés par des véhicules spécialement dédiés au capital-risque diminue donc progressivement.

Les raisons d'une telle désaffection semblent perceptibles. Dans un contexte économique difficile, les investisseurs ont tendance à limiter les risques inhérents à leurs investissements. La rationalité des acteurs les conduit à favoriser des placements plus sécurisés, même si moins rentables. La théorie des vases communicants entre sécurité et rentabilité semble ici parfaitement applicable. Or l'incertitude inhérente au capital-risque accroît la dangerosité d'un tel investissement. Cette incertitude, inéluctablement teintée d'un a priori négatif en période de crise puisque le contexte économique nécessaire au bon démarrage d'une société innovante n'est pas favorable, conduit les acteurs à réorienter leurs investissements. Des véhicules tels que les FCPI, dont l'actif doit être composé à hauteur de 60% d'actions de sociétés non cotées innovantes, sont alors directement exposés aux fluctuations économiques. A l'inverse, les véhicules permettant d'investir dans des sociétés qui bien que non cotées ont potentiellement déjà démontré leur viabilité font l'objet d'un traitement différencié et peuvent même constituer une alternative. L'analyse des levées de fonds effectuées en 2010 et 2011 semble confirmer cette tendance puisque les levées réalisées par des FCPR ont augmenté de 42,3% en 2011, tandis que celles réalisées par des FCPI ont diminué de 69%. La réduction de l'avantage fiscal lié aux FCPI en 2011 n'explique pas, à lui seul, de telles variations. La

collecte des FCPI a subi une baisse de près de 20 % en 2011, à 358 millions d'€. Elle marque d'ailleurs le pas depuis le plus haut atteint en 2008 (567 millions d'€ collectés, contre 471

()*+,-*/

3millions d'€ en 2009 et 446 millions d'€ en 2010) 1(+*/ +3 /

I'??

(2010)

EFGpH

; <=; >€

3(4

(" 043 ()*$+$,

'! en 2010)

FCPR

5 370

294

45

237!

FCPI

426

324

IR

ISF

102

FIP

ISF

115

412

251

26

IR

IS

ISF

IR

161

32

158

SCR

Holding
financier
Français et
Etranger

F IR

179

39

3 773

111

340

294

F IR

194

ISF

100

?@& ABCDEFG$H

(204 véhicules en 2010)

66

63 3

ISF

10

ISF

15

37

IR

52

46

IR

36

ISF

26

ISF

12

37

IR

49

58

(,

IR

32

7

6

9

3 25

Autres véhicules Fonds retails

Grant Thornton - Afic-data.

F

H$K Sur le fond, rien n'empêche des FCPR d'investir dans des sociétés innovantes au stade de leur création, mais le fait de ne pas passer par des FCPI pour procéder à des tels

S M24. ERKDOF$OK N$ L$EG$LT S M24. EROKDOFpOK Np LpEFpL
investissements démontre que la part correspondant à ces investissements sera limitée. L'attractivité du FCPI est ainsi très dépendante de la conjoncture. Le paysage structurel

Cdc

français du capital-risque ne comporte pas de véhicule susceptible d'atténuer la volatilité des

!"#$ &' $ &'

investissements pleinement dédiés au capital-risque. Cependant, la problématique de la baisse !"#p &'

des investissements et des levées de fonds semble difficilement soluble par l'intermédiaire d'une structure adéquate. En effet, c'est l'incertitude qui conduit à cette désaffection pour les FCPI en période de crise. Or l'incertitude résulte de facteurs en grande partie exogènes au véhicule employé lui-même. Seule une incitation fiscale accrue pourrait susciter un certain engouement des investisseurs en rééquilibrant la balance existante entre risque de perte d'un côté et avantages inhérents à l'investissement de l'autre. Mais ce moyen d'action ne diminuerait pas pour autant l'incertitude de l'opération, tout juste aurait-il pour effet de rendre le risque de perte plus supportable. Pourtant, c'est une tendance inverse qui est nettement perceptible aujourd'hui avec la réduction de la plupart des dispositifs fiscaux incitatifs.

24

2. De l'incitativité à l'austérité.

Face à la nécessité d'augmenter les ressources publiques, de nombreux dispositifs fiscaux inhérents au capital-investissement ont fait l'objet de modifications. Ces réformes fiscales s'inscrivent dans une tendance plus générale de réduction des avantages fiscaux liée à un contexte de crise. Antoine Colboc, Responsable de l'activité Capital Risque de Crédit Agricole Private Equity, constate dans cette optique : « Toutes les niches fiscales étant rabotées, cette évolution ne devrait pas être de nature à modifier profondément la collecte. l'avantage fiscal reste suffisamment significatif pour le souscripteur »29. Néanmoins, le rôle joué par l'incitativité fiscale dans l'orientation des liquidités vers le financement de jeunes sociétés innovantes, en tant que moyen de compensation de l'incertitude, confère à ces réformes une ampleur considérable.

Ce mouvement s'est concrétisé sous différentes formes ces dernières années. En effet, la réduction d'ISF liée à la souscription de parts de FCPR a été supprimée. Le statut favorable des JEI et JEU a été considérablement revu à la baisse par la loi de finances pour 2011 et demeure bien moins incitatif qu'initialement, malgré une amélioration en 2012. Quant aux FCPI, il n'est plus possible depuis le 01 janvier 2011 de cumuler la réduction d'IR et celle d'ISF par le biais d'un seul véhicule. De surcroit, le montant des réductions a progressivement diminué, passant de 25% à 22% puis 18% du montant des souscriptions s'agissant de la réduction d'IR, et de 75% à 50% puis à 45% s'agissant des réductions d'ISF. Plus encore, l'ensemble du dispositif fiscal lié aux FCPI/FIP peut être amené à disparaître. En effet, si la loi de finances pour 2011 a procédé à une reconduction du dispositif FCPI pour une durée de 2 ans, n'en demeure pas moins le fait que ce dernier arrivera à expiration le 31 décembre 2012. De nombreuses voix s'élèvent déjà pour que le dispositif soit prorogé. Le président de l'AFIC, Hervé Schricke, parle d'une « inévitable reconduction des dispositifs FIP (Fonds d'investissement de proximité) ou FCPI (Fonds communs de placement dans l'innovation) »30. L'AFIC, dans son livre blanc du capital-investissement d'avril 2012 prône également une pérennisation du dispositif FCPI, déplorant les conséquences qu'aurait la disparition de ce dispositif prévue fin 2012.

De façon plus générale, le récent plafonnement global des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, prévu à l'article 200-0 A du Code général des impôts, limite également la portée de l'incitativité fiscale de ces véhicules. En effet, le montant total des avantages ne peut excéder 18.000 euros majoré de 4% du revenu imposable selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu.

Les nouvelles orientations politiques nationales, notamment au regard de ce qui est parfois considéré comme des « niches fiscales », joueront à ce titre un rôle majeur dans l'évolution de l'incitativité fiscale française.

29 « Quel avenir pour les FCPI ? » Antoine Colboc, 2011. http://www.ca-

privateequity.com/sites/default/files/LETT018.pdf

30Entretien à l'Agefi. 12/04/2012 http://www.lerevenu.com/vos-placements/actualites-
placements/201204120192636/une-reconduction-inevitable-des-dispositifs-fip-et-fcpi-.html

La structuration des opérations de capital-risque se heurte également à d'autres types de problèmes ne pouvant être solutionnés par l'intervention unilatérale d'un Etat.

L'hétérogénéité des systèmes juridiques à l'échelle internationale peut par exemple constituer une entrave à la réalisation d'opérations transfrontières. La commercialisation de fonds à l'étranger peut nécessiter une adaptation aux règles juridiques des pays concernés. Il en est de même s'agissant des activités de gestion de fonds.

Ces barrières peuvent s'avérer d'autant plus contestables que l'Europe souffre, par rapport à d'autres pays comme les Etats-Unis, d'un déficit de structures de grande taille susceptibles de dynamiser les activités de capital-risque. Cette problématique a progressivement été prise en considération et l'internationalisation des opérations de capital-risque a été initiée à l'échelle européen avec, cette fois-ci, l'interventionnisme des pouvoirs publics européens.

Section 2 : Interventionnisme public européen et internationalisation des opérations de capital-risque.

La structuration des opérations de capital-risque est également influencée par les initiatives du législateur européen, lesquelles trouvent, rappelons-le, application en France soit de façon directe dans le cadre d'un règlement, soit par le biais d'une transposition s'agissant des directives. L'interventionnisme public peut donc provenir des instances européennes.

Ainsi, face à la nécessité de permettre l'émergence d'un capital-risque suffisamment conséquent, l'Union européenne tend à favoriser le développement d'opérations structurées à l'échelle européenne en permettant des levées de fonds sur l'ensemble du territoire, mais également des opérations de gestion de fonds.

§1. Les prémices de l'européanisation du capital-risque

A. Directive OPCVM : l'exclusion des véhicules de capital-investissement du champ d'application de la directive.

La directive Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) 85/611/CEE intervînt dès 1985 dans l'optique de favoriser le développement de ces entités à l'échelle européenne. Cette directive fut modifiée à de multiples reprises, jusqu'à être remplacée par la directive 2009/65/CE, par souci de clarté.

Ces organismes sont ainsi soumis à des exigences similaires au sein de l'Union, exigences nécessaires à l'obtention d'un agrément, lui-même indispensable afin de permettre une commercialisation des fonds au sein des autres Etats membres. Les OPCVM ainsi agréés sont désignés sous le vocable d'OPCVM coordonnés.

Deux types de passeports sont mentionnés par la directive. Tout d'abord, un premier passeport permet la commercialisation d'un OPCVM dans l'ensemble de l'Union européenne dès lors qu'il s'agit d'un OPCMV coordonné. La société en charge de la gestion de l'OPCVM peut alors procéder à la commercialisation de ce dernier dans l'ensemble des Etats-membres de l'Union, sous réserve d'une notification préalable à l'autorité de contrôle de l'Etat d'origine du fonds. Pour un fonds français, il s'agira donc de l'AMF. Un second passeport peut concerner les sociétés de gestion s'agissant de leurs activités de gestion d'OPCVM coordonnés. Gestion du portefeuille et des risques notamment. Une société de gestion dûment

2'

agréée dans un État membre peut exercer de manière transfrontalière, par la voie du passeport européen, l'activité de gestion pour un OPCVM coordonné constitué dans un autre État membre31. Concrètement, cela signifie que les sociétés de gestion françaises peuvent désormais créer des OPCVM dans d'autres pays de l'Union européenne.

Cette directive constitue donc une avancée notable pour la commercialisation et la gestion des OPCVM au sein de l'UE. Ce progrès fut néanmoins limité par un champ d'application strictement défini. En effet, ce « passeport européen » ne s'applique pas à l'ensemble des OPCVM.

En France, la notion d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières désigne deux types d'entités, les fonds communs de placement et les sociétés d'investissement à capital variable. Les fonds communs de placement incluent notamment les fonds utilisés en matière de capital-risque, à savoir les FCPR, les FCPI ou encore les FIP. Néanmoins, le champ d'application de la directive 2009/65/CE ne concerne pas l'ensemble des OPCVM ainsi définis.

L'ordonnance de transposition de la directive OPCVM IV distingue clairement la catégorie des OPCVM coordonnés de celles des organismes non coordonnés. Au sein des OPCVM non coordonnés est introduite une distinction entre les dispositions communes à tous les OPCVM non coordonnés et les dispositions spécifiques à certains d'entre eux. Les dispositions communes posent un principe : les dispositions législatives relatives aux OPCVM coordonnés sont applicables aux OPCVM non coordonnés, à l'exception des dispositions expressément visées par l'article L214-24-1 du CMF. Or les renvois effectués par cet article précisent clairement que les sociétés de gestion ne peuvent pas bénéficier du passeport leur permettant d'exercer une activité de gestion dans d'autres Etats membres lorsque cette gestion porte sur des fonds non coordonnés.

Selon la directive, seuls certains types d'OPCVM à vocation générale peuvent être coordonnés. Ces organismes se distinguent des OPCVM à vocation spécifique, ces derniers étant spécialisés dans un certain type d'investissement ou destinés à une catégorie particulière d'investisseurs. Ils résultent souvent de politiques économiques précises et peuvent être assortis de dispositions fiscales incitatives.

Ainsi, si un FCP présente une vocation pouvant être qualifiée de générale, il n'en est pas de même s'agissant des déclinaisons spécialisées de ce dernier telles que les FCPR, FCPI ou FIP. Les fonds de capital-investissement ne font donc pas partie du champ de la directive, ce qui signifie que les sociétés gestionnaires de ces fonds ne bénéficient pas d'un passeport leur permettant d'exercer cette activité de gestion dans toute l'Europe. Un OPCVM non coordonné français doit être géré par une société de gestion dont le siège social et l'administration centrale sont situés en France

Au final, ni le « passeport produit » permettant une libre commercialisation des parts de fonds communs de placement, ni le « passeport société de gestion » permettant aux sociétés de gestion d'exercer leur activité de gestion dans l'ensemble de l'Union ne trouvent application dans le cadre des OPCVM non coordonnés tels que les FCPR, FCPI ou FIP. L'article L214-24-1 exclut clairement les dispositions relatives à ces passeports des

31 Transposition en droit français de la directive OPCVM IV par Michel Storck 12/11/2011. RTD Corn. 2011 p. 593

27

dispositions applicables aux OPCVM non coordonnés32.

Ces limites inhérentes au champ d'application de la directive OPCVM et des modifications dont elle a ultérieurement fait l'objet furent prises en considération par le législateur européen. Les fonds dits « alternatifs » furent donc à leur tour traités.

B. Directive AIFM : les premiers pas du capital-risque européen.

1. La notion classique de fonds alternatifs.

La notion de fonds alternatifs désigne généralement les hedge funds, à savoir des véhicules d'investissement spécifiques dont l'objectif premier est d'atteindre une rentabilité maximale décorrélée des performances des indices boursiers traditionnels. Selon Daniel Haguet, Professeur de finance à l'Edhec Business School, ces fonds se caractérisent par plusieurs éléments essentiels : une structure juridique très souple souvent domiciliée dans un Etat tiers, un recours à l'effet de levier dans l'optique de maximiser la rentabilité potentielle, une implication financière du gérant, ou encore une forte sélectivité des clients. Ces fonds offrent ainsi une gestion dite « alternative », à savoir un mode de gestion de portefeuille différencié et fondé sur les caractéristiques précédemment citées (Instruments risqués, effet de levier...).

Dans l'optique de poursuivre le mouvement initié quelques années plus tôt et ainsi couvrir le champ des fonds alternatifs, la directive Alternative Investment Fund Managers (AIFM) fut adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 8 juin 2011, sa transposition devant intervenir en 2013.

2. Champ d'application.

La directive est supposée aboutir sur une réglementation harmonisée en matière de gestion et de commercialisation des fonds d'investissement alternatifs.

Les principaux destinataires de cette directive sont donc les gestionnaires de « fonds d'investissement alternatifs ». Le champ d'application adopté par la directive ne se limite pas aux hedge funds traditionnels mais couvre un spectre plus large d'entités. Sont concernés par cette directive les organismes non soumis à agrément en vertu de la directive 2009/65/CE, il s'agit donc des fonds dits « non-coordonnés ». Si les hedge funds sont bien concernés par cette directive, il en est de même des fonds dits spécialisés tels que les FCPR, FCPI et FIP. Les fonds de capital-investissement relèvent donc de la directive AIMF.33

La directive AIFM vise non seulement les gestionnaires européens qui gèrent ou commercialisent des fonds alternatifs européens ou non européens dans l'Union européenne, mais aussi les gestionnaires non européens qui gèrent des fonds alternatifs européens ou qui commercialisent des fonds alternatifs européens ou non-européens dans l'Union européenne.

Tous les gestionnaires dont les actifs sous gestion excèdent 500 millions d'euros (pour les

32 L214-24-1 CMF : « Sauf dispositions particulières de la présente sous-section, les dispositions des articles L. 214-3 à L. 214-23-1, à l'exception des dispositions du troisième alinéa des articles L. 214-7-1 et L. 214-8-1, des articles L. 214-16 et L. 214-22 et du II de l'article L. 214-23, sont applicables aux organismes de placement collectifs en valeurs mobilières mentionnés à l'article L. 214-24 ». Or le passeport produit se trouve à l'article L214-1-1 et le passeport gestion à l'article L214-7-1.

33 http://www.blackrock.fr/content/groups/frenchsite/documents/literature/1111142293.pdf

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fonds alternatifs de type fermé ne recourant pas à l'effet de levier et ne permettant pas un droit de rachat des parts avant au moins 5 ans, à l'image des FCPR, FCPI et FIP) sont tenus d'obtenir l'agrément initial de l'autorité compétente de leur Etat membre d'origine; ils devront pour ce faire fournir des informations sur eux-mêmes et sur la nature des fonds d'investissement alternatifs gérés. Les gestionnaires dont les actifs alternatifs gérés n'atteignent pas ce seuil pourront néanmoins choisir de se voir appliquer la directive dans son intégralité.

Application du nouveau régime de commercialisation

 

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3. Le passeport européen.

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- Les conditions d'agrément.

Les exigences liées à l'obtention de l'agrément sont diverses. Le dossier d'agrément devra comprendre des informations sur l'identité et l'honorabilité des dirigeants, le capital initial et les fonds propres, l'identité des actionnaires directs ou indirects, le respect des principes d'indépendance et de gestion saine et prudente, le programme d'activité, les politiques de rémunération des membres de l'équipe de gestion, la délégation éventuelle de certaines activités ou encore la mise en place de procédures de résolution des conflits d'intérêts. La société de gestion devra, en outre, fournir des informations relatives aux fonds qu'elle entend gérer, notamment : la stratégie d'investissement, le lieu de constitution du fonds, le règlement du fonds, les modalités de désignation du dépositaire34.

- Le passeport relatif à l'exercice de l'activité de gestion.

Les gestionnaires de fonds alternatifs devront, lorsque les actifs sous gestion excèdent 500 millions d'euros obtenir un agrément préalable auprès de l'autorité compétente de leur Etat membre d'origine pour pouvoir exercer leur activité de gestion de fonds alternatifs au sein de toute l'Union. À titre de rappel, si l'on prend l'exemple de la France, il n'est aujourd'hui pas permis aux sociétés de gestion de fonds alternatifs, contrairement aux gestionnaires de fonds coordonnés répondant aux conditions de la directive UCITS IV, de gérer un fonds d'investissement non coordonné situé dans un autre État membre de l'Union européenne.

- Le passeport relatif à la commercialisation.

Une fois agréé pour la gestion de fonds alternatifs, le gestionnaire pourra commercialiser auprès de professionnels35 un fonds alternatif dans l'Union européenne sur la base du passeport européen. À ce titre, le gestionnaire devra obtenir un agrément pour chaque fonds qu'il souhaite commercialiser.

Il convient de noter que la notion de commercialisation est définie par la directive AIFM comme étant l'offre ou le placement, à l'initiative du gestionnaire ou pour son compte, de parts ou unités d'un fonds alternatif qu'il gère. Elle ne recouvre donc pas, a contrario, la « commercialisation passive » des parts ou actions de fonds, c'est-à-dire l'investissement dans un fonds à l'initiative de l'investisseur. Il ne sera donc pas interdit, pour un investisseur étranger, de souscrire des parts de FCPR, FCPI ou FIP alors que ces fonds ne bénéficient pas du passeport.

4. Incidences de la transposition.

Comme le constate nombre d'observateurs36, s'agissant des obligations imposées aux sociétés de gestion, « de nombreux principes et règles énoncés par la Directive AIFM, s'ils apparaissent novateurs à l'échelle européenne, notamment pour des États membres comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et les pays du nord de l'Europe, sont déjà largement intégrés au sein du cadre réglementaire français de la gestion alternative, en particulier les obligations

34 Voir annexe 1 pour l'ensemble des conditions relatives à l'obtention de l'agrément.

35 La notion d'investisseur professionnel est définie par référence à la directive concernant les marchés d'instruments financiers

36 Revue Banque, Stéphane Puel, Arnaud Pince : Banque & Stratégie n°297 : « Gestion alternative : les hedge funds dans la tourmente »

d'agrément mises à la charge des gestionnaires et les règles organisationnelles qui leur seront imposées (recours à un valorisateur, obligation d'avoir un dépositaire...) ».

Notons néanmoins que la directive implique que la commercialisation de fonds alternatifs nécessite un agrément préalable lorsque la société de gestion concernée est dans le champ d'application de la directive (voir seuil des actifs gérés supra). Or précisément en droit français, les FCPR à procédure allégée ou FCPR contractuels ne sont pas soumis en l'état actuel du droit positif à une autorisation préalable à leur commercialisation. Ils devront donc faire l'objet, sous l'empire de la directive AIFM, d'un agrément afin d'être commercialisés, y compris en France37. La directive AIFM, alors même qu'elle a pour objectif de favoriser l'émergence d'un capital-risque de taille européenne, pourrait indirectement porter atteinte à l'attractivité du système juridique français. En effet, les spécificités de régimes tels que les FCPR allégés ou contractuels résident essentiellement dans la flexibilité qu'ils offrent, notamment au niveau de leur constitution avec un système de contrôle a posteriori. Or en rendant nécessaire un agrément préalable, la directive AIFM affecte un pan entier du droit du capital-risque et rend la structuration des opérations moins flexible. Reste à savoir si ce mécanisme d'agrément pourra faire l'objet d'aménagements. Un compromis pourrait être trouvé à ce sujet en n'imposant un agrément à ces fonds que dans l'hypothèse ou ces derniers souhaiteraient se prévaloir du passeport européen.

Autre enjeu essentiel de la transposition de la directive AIFM, le caractère professionnel des investisseurs est susceptible d'engendrer des problèmes de compatibilité avec les structures françaises existantes. La directive AIFM précise en effet que les fonds alternatifs ne peuvent être commercialisés qu'auprès d'investisseurs professionnels. La notion d'investisseur professionnel est définie par référence à la directive concernant les marchés d'instruments financiers (Directive MIF). Un tel champ de la commercialisation constituerait alors une restriction en comparaison du champ existant aujourd'hui dans nombre de pays de l'Union en matière de fonds de capital-investissement, et notamment en France. FCPI et FIP ne sont pas réservés à certaines catégories d'investisseurs. C'est d'ailleurs là l'un des facteurs de développement de ces fonds. S'agissant des FCPR allégés et contractuels, leur commercialisation est réservée aux investisseurs dits « qualifiés », notion plus large que celle d'investisseur professionnel. Il est ainsi possible d'avoir la qualité d'investisseur qualifié sans pour autant faire partie de la catégorie des clients professionnels. Il est donc possible que les gestionnaires de ces fonds, dont l'actif n'excède que rarement les 500 millions d'euros prévus pour l'application obligatoire de la directive, n'optent pas volontairement pour l'application de cette dernière afin que les fonds concernés demeurent commercialisables auprès d'une palette plus large de clients en France. Notons également que la directive AIFM réserve une certaine marge de manoeuvre aux Etat membres en leur permettant d'autoriser la commercialisation des fonds alternatifs auprès d'investisseurs non professionnels. Il est possible que la France use de cette faculté dans l'optique de préserver son système juridique en la matière.

Dans une autre optique, le bénéfice des passeports européens facilitera l'émergence d'un capital-risque à l'échelle européenne. Cette directive s'impose donc comme une incitation à l'internationalisation des structurations d'opérations de capital-risque. En effet, il deviendra potentiellement plus aisé de lever des fonds sur l'ensemble de l'Union. Cette faculté de

37 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, chapitre VI, « droit des gestionnaires établis dans l'Union à commercialiser et à gérer des FIA dans l'Union ».

commercialiser des fonds de capital-investissement sans démarche administrative longue et coûteuse, ni même sans avoir à respecter des conditions de commercialisation différentes selon les Etats membres, démultiplie le nombre d'investisseurs pouvant être visé dans le cadre d'une levée de fonds. Les structures de grande taille, peu nombreuses en Europe en l'état actuel du droit, pourront être plus facilement constituables. La faculté des gestionnaires de bénéficier d'un passeport s'inscrit dans une logique similaire.

5. Les insuffisances de la directive AIFM au regard des spécificités du capital-risque.

- Des exigences contraignantes.

FCPR, FCPI et FIP se trouvent bien dans le champ d'application de cette directive. Ces fonds, utilisés en matière de capital-risque, ne font donc pas l'objet d'un traitement différencié. Les lacunes de ce traitement indifférencié deviennent perceptibles grâce aux dernières publications de l'Association européenne des sociétés de capital-risque (EVCA) selon lesquelles 98 % des gestionnaires de fonds de capital-risque européens gèrent un portefeuille inférieur au seuil de 500 millions d'euros défini par la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (directive AIFM).

Or la directive, dans son article 3 consacré aux dérogations, précise que les gestionnaires de fonds alternatifs dont l'actif est inférieur à 500 millions d'euros, qui n'utilisent pas d'effet de levier et qui ne confèrent aucun droit au remboursement avant 5 ans ne sont pas soumis aux dispositions de la directive. Seule une obligation d'enregistrement et d'information périodique demeure auprès de leur autorité compétente. L'article 3.4 précise en ce sens que les gestionnaires ainsi visés ne bénéficient d'aucun des droits accordés en vertu de la présente directive à moins qu'ils ne choisissent volontairement de relever de cette dernière, auquel cas cette directive sera appliquée dans son intégralité.

Par conséquent, la plupart des gestionnaires de fonds de capital-risque sont susceptibles de ne pas bénéficier des passeports prévus par la directive, sauf à opter pour une pleine application de cette dernière. Néanmoins, les exigences mentionnées par la directive furent justement prévues pour être appliquées à des gestionnaires de fonds de grande taille (ou de nombreux fonds).

Or en optant pour une pleine application de la directive, les gestionnaires de fonds de capital-risque doivent respecter certaines exigences plus difficilement accessibles compte-tenu des capacités qui sont leurs. La directive ne prévoit pas de mesures allégées ou spécifiques pour les gestionnaires de capital risque.

Ce constat doit cependant être tempéré dans le cas de cadres juridiques déjà très réglementés, à l'image du cadre juridique français. Les fonds utilisés en matière de capital-risque, au premier rang desquels figurent les FCPR, les FCPI ou encore les FIP sont soumis à de nombreuses obligations déjà fortement similaires à celles imposées par la directive AIFM. En effet, les fonds non coordonnés sont par principe soumis aux mêmes exigences que les fonds coordonnés. Des exigences qui auraient pu s'avérer dissuasives existent en réalité déjà au sein de l'environnement juridique français.

C'est par exemple le cas avec la nécessité de disposer d'un capital initial et de fonds propres suffisants. La directive AIFM calque les exigences de fonds propres applicables aux

37

gestionnaires de fonds alternatifs sur celles existantes pour les gestionnaires d'OPCVM coordonnés (Directive 2009/65/CE). Or le droit français des fonds alternatifs (dits fonds non coordonnés) renvoie précisément aux dispositions applicables aux fonds coordonnés pour déterminer le montant du capital initial applicable. Par conséquent, le capital initial prévu pour les gestionnaires alternatifs par la directive AIFM existe déjà en droit interne.

Les seuils et les obligations prévus par la directive AIFM ne constituent donc pas un problème insurmontable pour les gestionnaires français. Ces derniers pourront donc potentiellement opter pour l'application de la directive et ainsi bénéficier des passeports inhérents à l'agrément. Ils bénéficient donc d'un avantage comparatif par rapport à d'autres gestionnaires étrangers qui devront s'adapter aux nouvelles exigences imposées par la directive.

En revanche, si ces contraintes techniques ne révolutionnent pas l'environnement juridique français, elles peuvent s'avérer très novatrices pour nombre d'autres systèmes juridiques européens, notamment pour ceux n'ayant pas volontairement aligné le régime juridique applicable à leurs fonds alternatifs sur le régime issu de la directive OPCVM. Les obligations ainsi créées pour l'ensemble des fonds alternatifs peuvent s'avérer très contraignantes pour les gestionnaires étrangers et entraver le développement d'un capital-risque efficient à l'échelle européenne. Or l'accroissement des investissements d'origine étrangère est un enjeu important pour le développement des sociétés innovantes françaises.

- Des exigences inadaptées.

Un traitement indifférencié des véhicules de capital-risque et d'autres fonds alternatifs aboutit sur certaines obligations communes qui ne s'avèrent pas adaptées aux particularismes du capital-risque. C'est par exemple le cas s'agissant de certaines obligations de transparence.

De même, l'exclusion systématique des clients non professionnels du champ des investisseurs potentiels s'adapte mal aux réalités observées en matière d'investissement de capital-risque. En effet, comme le souligne une récente étude menée par Grant Thornton au profit de l'AFIC, les personnes physiques et les « family office » jouent un rôle primordial en matière de financement38.

L'idée de mieux prendre en considération les spécificités du capital-risque dans le cadre de l'internationalisation de la structuration des opérations de capital-risque est donc progressivement apparue.

§2. Le « fonds de capital-risque européen » : vers une structuration européenne des opérations de capital-risque.

A. Le contexte de l'initiative de la Commission.

La Commission européenne a adopté une stratégie, un plan d'action dont l'un des volets comprend une proposition de règlement visant à établir des règles uniformes relatives à la commercialisation de fonds de capital-risque. L'essor du marché européen du capital-risque fait d'ailleurs partie des objectifs de la stratégie globale «Europe 2020»39. Ce nouveau

38 Afic Data, Grant thornton : www.afic.fr

39 http://ec.europa.eu/europe2020/index_fr.htm (3 mars 2010); cet objectif est aussi repris par l'initiative «Une

règlement, destiné aux gestionnaires gérant des portefeuilles de fonds de capital-risque éligibles dont les actifs gérés ne dépassent pas, au total, un seuil de 500 millions d'euros, permettrait une facilitation de la mobilisation des capitaux dans l'ensemble de l'Europe.

La stratégie adoptée par la Commission européenne est fondée sur un constat : les fonds de capital-risque existants au sein de l'Union européenne ne disposent pas des moyens nécessaires pour avoir une incidence économique majeure et être pleinement efficients. De récentes études économiques démontrent ainsi la corrélation existante entre la taille des fonds et leur incidence économique, le seuil de 280 millions d'euros étant, selon un rapport de recherche rendu par Josh Lerner, Yannis Pierrakis, Liam Collins et Albert Bravo Biosca («Atlantic Drift - Venture Capital performance in the UK and the US», juin 2011), le pallier à partir duquel un fonds isolé peut avoir une influence nettement perceptible sur l'économie.

Ce constat résulte d'une analyse comparative entre les fonds existants aux Etats-Unis et ceux présents au sein de l'Union. Le secteur du capital-risque européen s'avère bien plus fragmenté et dispersé que celui existant aux Etats-Unis. La taille des fonds européens est bien moins importante que celle de leurs équivalents américains. La Commission constate : « Alors que les fonds de capital-risque dans l'Union européenne tournent en moyenne autour de 60 millions d'EUR, la taille moyenne de leurs équivalents américains est de 130 millions d'EUR. (É) De plus, les fonds de capital-risque américains investissent en moyenne environ 4 millions d'EUR dans chaque entreprise, alors que les volumes d'investissement réunis par les fonds européens ne dépassent pas une moyenne de 2 millions d'EUR par entreprise. Pour ce qui est des apports en capital de démarrage, la moyenne par entreprise est de 2,2 millions d'EUR aux États-Unis contre 400 000 EUR dans l'UE ».

La création de fonds de capital-risque de plus grande ampleur à l'échelle européenne est entravée par des conditions de commercialisation restrictives. Les FCPR, FCPI et FIP constituent des véhicules de capital-investissement et ne relèvent donc pas du champ de la directive OPCVM. Ils ne peuvent donc pas bénéficier d'un quelconque passeport européen à ce titre. La commercialisation de ces fonds à l'étranger nécessite donc le respect des conditions et démarches prévues dans l'Etat concerné. La directive AIFM, relative aux fonds alternatifs, permettra potentiellement aux fonds utilisés en matière de capital-risque une commercialisation à l'étranger par l'intermédiaire d'un unique agrément dans l'Etat d'origine. Cependant, le traitement indifférencié de fonds de capital-investissement (et donc de capital-risque) et de fonds tels que les hedge funds pourrait conduire à imposer aux fonds de capital-investissement des conditions plus restrictives et parfois inadaptées. Le seuil de 500M € en dessous duquel l'application de la directive et donc de l'agrément unique ne serait qu'optionnelle constitue également une indication de la faible prise en considération des spécificités du capital-risque dans l'élaboration de ce système.

Dans l'optique de remédier à ces lacunes, plusieurs alternatives furent envisagées par la Commission européenne.

- La création d'un nouveau passeport pour le capital-risque dans le cadre de la directive 2011/61/CE (directive AIFM).

- L'abaissement ou la suppression des seuils de la directive AIFM.

- La définition de règles spécifiques pour le capital-risque dans le cadre des mesures

Union de l'innovation» http://ec.europa.eu/research/innovation-union/index_en.cfm?pg=keydocs (6 octobre 2010).

2d

d'application de la directive AIFM.

- La création d'un passeport pour le capital-risque dans le cadre d'un instrument juridique distinct.

- La création d'un réseau administratif pour assurer le respect des obligations de reconnaissance mutuelle des règles nationales régissant le capital-risque ou les «placements privés».

Après une consultation publique initiée le 15 juin 2011 par les services de la Commission, la solution retenue fut celle consistant en la création d'un instrument distinct, le fonds de capital risque européen, ainsi qu'un agrément distinct pour les sociétés de gestion40. Les conditions d'agrément des sociétés de gestion de ces nouveaux fonds étant reconsidérées par rapport à celles résultant de la directive AIFM dans l'optique de favoriser le capital-risque européen. La revue « Capital Finance », dans une publication en date du 12 décembre 2011, voit dans cette proposition de règlement une forme de « mea-culpaÉà demi-mot » de la Commission européenne, laquelle n'aurait pas pris en considération suffisamment tôt les particularités du capital-risque.

B. L'influence potentielle du règlement sur la structuration des opérations de capital-risque.

1. L'européanisation des levées de fonds : la création d'un label.

La proposition de règlement engendrerait, en cas d'adoption, la création d'un label européen nommé : « fonds de capital-risque européen ». Sous réserve d'exigences définies par la directive, au premier rang desquelles figure la nécessité de gérer un fonds dont 70% des apports en capital et du capital souscrit non appelé est investi dans des PME, les sociétés de gestion pourront obtenir un agrément unique leur permettant notamment de commercialiser les fonds concernés au sein de toute l'Union européenne, mais également d'effectuer leur activité de gestion sur le territoire de l'Union.

Ce passeport européen spécialement conçu pour les fonds de capital-risque faciliterait considérablement les levées de fonds à l'échelle européenne. Entravée par la nécessité de respecter les conditions restrictives imposées par la directive AIFM, ou, à défaut, par le nécessaire respect des conditions édictées par l'Etat dans lequel la société de gestion souhaite commercialiser son fonds, les levées de fonds effectuées au sein de l'Union européenne sont empreintes de complexité, de coûts économiques et de risques. Ces facteurs se révèlent particulièrement dissuasifs dans un domaine déjà fortement empreint d'incertitude.

La suppression de ces barrières juridiques favoriserait donc l'émergence de fonds de plus grande taille, le champ de levée de fonds étant élargi d'autant. Ce périmètre de levée potentielle de fonds n'est cependant pas incommensurable. La proposition de règlement délimite en effet clairement les investisseurs susceptibles de souscrire à ce type de fonds. Soucieuse de préserver l'investisseur peu informé ou considéré comme vulnérable de par sa taille, la Commission européenne, dans sa proposition, réserve la commercialisation des fonds à deux types d'investisseurs.

Tout d'abord, les investisseurs dits « professionnels » seront seuls admissibles. Le terme de

40 Proposition de règlement relatif aux fonds de CR européens, Commission européenne, 7 décembre 2011.

2~

«professionnels» est entendu au sens de la directive de 2004 concernant les marchés d'instruments financiers41. Il s'agit donc des entités tenues d'être agréées ou réglementées pour opérer sur les marchés financier, la directive précisant certaines catégories présumées professionnelles : établissements de crédit, entreprises d'investissement, autres établissements financiers agréés ou réglementés, entreprises d'assurance, organismes de placement collectif et leurs sociétés de gestion, fonds de retraite et leurs sociétés de gestion, négociant en matières premières et instruments dérivés sur celles-ci, entreprises locales, autres investisseurs institutionnels, mais également les gouvernements nationaux et régionaux, les banques centrales, les organismes publics gérant la dette, les institutions internationales, mais aussi des personnes ou entités pouvant opter pour une telle qualification.

Mais certains autres investisseurs sont également concernés, contrairement à la directive AIMF, tels que des particuliers fortunés ou des business angels. L'idée est de veiller à ce que les fonds bénéficient d'une clientèle suffisante. Ces particuliers devront investir un montant minimum de 100 000€ et reconnaître par écrit dans un document séparé être informés des risques associés à leur investissement. De plus, le gérant du Fonds de Capital-Risque Européen concerné devra s'être assuré de l'adéquation de l'investissement proposé à l'expérience de l'investisseur avec confirmation écrite du gérant d'avoir procédé à ces vérifications.

Il est également prévu que « à tout moment, les gestionnaires de fonds de capital-risque détiennent des fonds propres suffisants et recourent à des ressources humaines et techniques adéquates suffisantes pour assurer la bonne gestion des fonds de capital-risque éligibles ». La proposition de règlement ne mentionne donc pas de montant précisément défini. Cette condition constitue ainsi une exigence potentiellement plus souple que la directive AIMF qui prévoit pour sa part des montants chiffrés. S'il est probable que les fonds de capital-risque français (fonds non coordonnés) demeurent soumis aux exigences de fonds propres applicables aux OPCVM coordonnés, ce qui ne modifierait donc pas la situation, les termes adoptés par la proposition de règlement pourraient néanmoins constituer un assouplissement dans les autres Etats membres. Notons cependant que la Commission disposera en vertu du règlement de la faculté d'édicter des normes techniques en vue de la bonne application du règlement. Reste à savoir si cette dernière concrétisera ces termes peu précis ou si elle laissera l'appréciation de ces derniers aux autorités nationales. S'il revient effectivement aux autorités nationales d'apprécier, en résulterait une certaine insécurité juridique, à défaut de montants explicitement fixés.

2. Articulation entre label et véhicules français de capital-risque.

Le règlement envisagé ne crée pas à proprement parler un véhicule dédié au capital-risque mais opte pour une solution plus subtile. Au lieu d'imposer la création d'un véhicule spécifique, le règlement propose un label. Ce système suggère le maintien des véhicules nationaux de capital-investissement, leur dénomination resterait ainsi inchangée. En revanche, sous réserve du respect de certaines exigences, ces véhicules pourraient exercer un droit d'option et ainsi bénéficier du label « FCRE ». Il y a aurait donc une superposition de qualificatifs, avec un véhicule de droit national à l'origine, et l'octroi possible d'un label « FCRE » en supplément. Cette idée évite la création, par les Etats, d'un régime fiscal dédié aux fonds de capital-risque européen. Une telle acception de la notion de label pourrait

41 Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers

permettre aux gestionnaires d'envisager la création d'un véhicule national disposant d'un régime fiscalement incitatif, tel qu'un FCPI, pour permettre aux souscripteurs soumis à imposition française de bénéficier des dispositifs fiscaux du véhicule, et par la suite d'obtenir le label FCRE dans l'optique de procéder à une commercialisation du fonds dans toute l'Union. Chaque pays de commercialisation réservera alors l'accueil fiscal qu'il souhaite à ces fonds. Toute la difficulté de l'opération consisterait alors pour le gestionnaire à faire coïncider les exigences liées au maintien de la qualification de véhicule national (FCPI en l'occurrence) avec celles liées au FCRE. A tel point que les gestionnaires de fonds de capital-risque pourraient préférer opter pour l'agrément lié à directive AIFM, dont les exigences sont déjà largement appliquées en droit français.

La principale contrainte inhérente à l'octroi du label concerne la composition de l'actif du fonds. En effet, 70% des apports en capital et du capital souscrit non appelé doit être investi dans des PME. Plus précisément, l'actif éligible est défini comme suit : « entreprise de portefeuille éligible»: une entreprise qui, à la date où elle fait l'objet d'un investissement par le fonds de capital-risque éligible, n'est pas cotée sur un marché réglementé au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 14), de la directive 2004/39/CE, emploie moins de 250 personnes, a un chiffre d'affaires annuel qui n'excède pas 50 millions d'EUR ou un total du bilan annuel qui n'excède pas 43 millions d'euros, et qui n'est pas elle-même un organisme de placement collectif ».

L'actif éligible n'est donc pas strictement similaire à celui pris en considération dans le cadre de certains véhicules français tels que les FCPI, les FCPR ou encore les FIP. En effet, le FCPI vise certes des PME, mais ces dernières doivent présenter un caractère innovant, lequel est apprécié soit par un organisme spécifique (OSEO), soit par appréciation des dépenses de recherche et développement. De plus, les critères relatifs à la taille de la société ne s'appliquent pas aux FCPI, contrairement au calcul lié au label. Les sociétés composant le portefeuille des FCPI ne sont donc pas nécessairement prises en considération dans le calcul du seuil nécessaire à l'obtention du label. Donc, outre des seuils différents (60% dans un cas et 70% dans l'autre), le calcul de ces derniers s'opère à partir de données différentes.

FCPI

FCRE

Seuil : 60%

Composition de l'actif éligible : Société non

cotées issues de l'UE et présentant un
caractère innovant.

Investisseurs : toutes qualités.

Seuil : 70%

Composition de l'actif éligible : Société non cotée employant moins de 250 personnes, ayant un CA inférieur à 50M ou un total de bilan annuel inférieur à 43M.

Investisseurs : professionnels.

Par conséquent, le label FCRE s'apprécie indépendamment des qualifications juridiques nationales et des conditions qui leur sont propres. Le risque étant que le respect des critères nécessaires au label ne soit pas compatible avec le respect des critères du FCPI, auquel cas l'obtention du label ne pourrait s'effectuer qu'au détriment de la qualification de FCPI. Tout sera alors question de composition de portefeuille, mais également de qualité des souscripteurs. En effet, les FCRE sont réservés à des investisseurs professionnels et, en

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27

certaines hypothèses, à des personnes fortunées, tandis que les FCPI ne distinguent pas selon

la qualité de l'investisseur.

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Modélisation réalisée par Hiram-Finance42

Un autre cas de figure semble envisageable. Il concerne l'hypothèse où les Etats opteraient

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impliquerait la création d'un cadre fiscal attractif, sur la base des modèles FCPR ou FCPI. Ce

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nouveau véhicule, non coordonné par nature, sera de toute façon soumis à la plupart des

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exigences applicables aux OPCVM coordonnés, et évoluera donc dans un cadre réglementaire

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national exigeant.

Cette comparaison entre véhicules nationaux et FCRE démontre également une différence de perception pouvant exister sur la notion de capital-risque. Les critères de l'actif éligible en vue de bénéficier de la qualification de FCRE sont principalement liés à la taille de l'entreprise. La notion de capital-risque semble ainsi à première vue déconnectée de celle d'innovation. Investir dans une PME relève dès lors de la notion de capital-risque. Une telle conception s'émancipe d'une définition fondée sur l'innovation et le potentiel de développement. Conceptuellement, le FCRE semble plus proche du FCPR que du FCPI, l'idée étant de favoriser le financement de PME. Le capital-risque européen semble donc avant tout se définir comme une source financement pour les PME, généralement jeunes. Ces fonds de capital-risque pourraient donc être utilisés aussi bien en matière de capital-risque qu'en matière de capital-développement.

Ce constat peut néanmoins être tempéré. Cette définition adoptée par la commission n'atteste pas nécessairement d'une différence de conception.

Les critères retenus par la Commission dans sa proposition ne mentionnent pas la nécessité

42 Hiram Finance, Revue technique, régulation des marchés financiers, Janvier 2012, n°9, publication du 16 janvier 2012

3S2

d'investir dans de jeunes sociétés innovantes. Néanmoins, ce choix ne signifie pas pour autant que la Commission s'éloigne d'une conception du capital-risque fondée sur l'innovation. D'ailleurs, dans le premier considérant de la proposition de règlement, le capital-risque est ainsi défini : « Le capital-risque constitue un mode de financement d'entreprises, généralement de très petite taille, qui se trouvent aux premiers stades de leur existence et qui présentent un fort potentiel de croissance et de développement ». En fixant des critères fondés uniquement sur la taille de l'entreprise, et sur un investissement direct au sein de cette dernière, la proposition de règlement confère en réalité aux investisseurs une grande liberté d'appréciation. Le critère d'innovation ne disparaît pas nécessairement, il est simplement fondé sur la libre appréciation des investisseurs, et non sur l'appréciation d'un tiers (OSEO par exemple dans le cas de la France). Par définition, l'attrait inhérent à une PME est inéluctablement lié au potentiel offert par cette dernière. On pourrait dès lors considérer qu'un investissement dans une PME relève souvent du capital-risque.

Une telle conception du capital-risque peut surtout être liée à des considérations pratiques. Il semble en effet difficile d'apprécier le caractère innovant d'une société in abstracto. Les critères liés au montant des dépenses de recherche et développement pourraient s'avérer arbitraires, notamment au sein d'une Union européenne dont les cultures sont considérablement variables, certains pays favorisant de telles dépenses, d'autres moins. Un tel critère pourrait donc pénaliser les sociétés de certains Etats. Quant à la création d'une agence spécialisée dans la qualification de sociétés innovantes, elle impliquerait des moyens conséquents, et devrait mettre en oeuvre des critères qui seraient par définition difficilement harmonisables à l'échelle européenne. Cette définition adoptée par la Commission est donc probablement motivée par un certain pragmatisme.

La logique est similaire s'agissant des FCPR. Non seulement le seuil diffère, mais l'actif éligible n'est pas exactement identique puisque dans un FCPR de simples actions non cotées sont prises en considération tandis que le FCRE ajoute des conditions supplémentaires.

3. Les prémices d'une institutionnalisation des activités de capital-risque en Europe.

L'adoption de ce règlement permettrait également d'organiser les activités de capital-risque à l'échelle européenne. L'Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) devrait ainsi être chargée de gérer une base de données centrale contenant tous les fonds de capital-risque éligibles enregistrés au titre du présent règlement43.

La notion de confiance mutuelle, indispensable à la mise en place de passeports européens, impliquerait également une obligation de transparence entre les différentes autorités de contrôle impliquées. Transparence qui serait concrétisée, dans le cadre de ce règlement, par des échanges d'informations entre autorités compétentes des Etats membres d'accueil et d'origine, ainsi qu'avec l'AEMF. Mais le principe de confiance mutuelle serait avant tout perceptible au stade de l'agrément et des contrôles effectués par les autorités compétentes.

L'autorité compétente de l'État membre d'origine se verrait ainsi investie de la charge de veiller à ce que le gestionnaire de fonds de capital-risque respecte les exigences qui lui sont imposées en vue de bénéficier du label44.

43 Considérant 23 proposition de règlement de la Commission.

44 Considérant 20 proposition de règlement de la Commission.

C. Harmonisation fiscale : prochaine étape de la politique des petits pas.

Le règlement proposé par la Commission européenne constituerait une avancé importante dans l'émergence d'un capital-risque européen plus conséquent. Mais de nombreuses étapes demeurent franchissables.

L'aspect fiscal du FCRE n'est en ce sens pas traité. Cela signifie que les Etats demeureront souverains pour réserver l'accueil qu'ils souhaitent à la commercialisation d'un FCRE sur leur territoire. Et cet accueil pourra varier d'un Etat à l'autre. Quant à l'Etat d'origine du fonds, le système reposant sur la notion de label impliquerait probablement une superposition de qualifications, et ce dans le sens où un premier véhicule de droit interne sera créé, avec sa propre qualification, et obtiendra potentiellement le label FCRE par la suite, sur option. Donc les régimes fiscaux des outils juridiques nationaux continueront en principe à s'appliquer, sauf si l'Etat d'origine crée un régime spécifique aux véhicules ayant exercé leur option pour le label. L'imposition des investisseurs de ce fonds constitue un facteur clé pour la réussite de la commercialisation d'un fonds.

Comme le souligne Gerhard Huemer, le directeur de la politique économique et fiscale de l'UEAPME (European Association of craft, small and medium-sized enterprises) : « En réalité, les régimes fiscaux nationaux sont le principal obstacle au versement et à l'utilisation des fonds de capitaux propres et de capitaux à risque45».

La Commission achèvera en 2012 son analyse des obstacles fiscaux aux investissements transfrontières en capital-risque, afin de présenter en 2013 des solutions pour éliminer ces obstacles, mais aussi prévenir l'évasion et la fraude fiscale. Ces solutions, bien qu'indépendantes du présent règlement, en sont un complément important pour favoriser le développement dans l'UE d'un marché parfaitement opérationnel pour les fonds de capital-risque et les PME. Ces fonds et, en dernier lieu, les entreprises de portefeuille dans lesquelles ils peuvent investir, seront ainsi assurés de bénéficier de sources de financement au meilleur coût.

2Q

45 http://www.euractiv.com/fr/innovation-enterprise/bruxelles-veut-faciliter-acc-des-pme-au-capital-risque-news-50Q527

L'interventionnisme public européen tend ainsi à limiter les restrictions étatiques empêchant la structuration d'opérations de capital-risque à l'échelle européenne. Mais cette implication des institutions européennes ne pourrait être résumée à cet unique rôle. Diverses réformes initiées par l'Union ont une incidence directe sur les activités de capital-risque. Il en est ainsi de la directive MIF qui, une fois transposée, a créé un « nouveau paysage de la cote française46 » et a de ce fait changé les modalités de sortie dont disposaient certains capital-risqueurs désireux de procéder à la cotation de leur société cible.

L'adéquation des véhicules juridiques pouvant être mis en oeuvre, la facilitation des opérations transfrontières ainsi que les dispositifs d'incitation fiscale ne sont néanmoins pas les seuls moyens d'action dont dispose l'Etat pour stimuler les activités de capital-risque. La crise économique et le tarissement des sources classiques de financement des opérations de capital-risque ont considérablement renforcé le poids relatif de l'Etat en tant que source de financement des jeunes sociétés innovantes. L'Etat appréhendé sous un rôle d'investisseur permet à la fois de constituer une protection contre la volatilité des sources de financement classiques mais représente également potentiellement un modèle de développement du capital-risque grâce à l'effet de levier qu'il est susceptible de générer.

A0

A6 M. Goldberg-Darmon, « Le nouveau paysage de la cote française » Option Finance, 2005.

41

PARTIE II : L'influence de l'interventionnisme public sur le financement
des opérations de capital-risque

Section 1 : Les conséquences de la crise sur les sources privées de financement

1. Le financement par capital-risque fragilisé par la crise.

La crise des subprimes puis plus récemment la crise liée aux dettes souveraines ont, entre autre, généré deux effets négatifs sur l'environnement du capital-risque. Tout d'abord, elles ont engendré un ralentissement de l'activité économique, voire une réduction de cette dernière. De façon générale, elles ont considérablement restreint les capacités d'investissement des acteurs économiques.

Surtout, ces crises participent à la dégradation de l'environnement financier en instaurant un climat de méfiance et d'incertitude. Ce doute quant aux perspectives de rétablissement des économies européennes pèse inéluctablement sur les décisions d'investissement des acteurs, quelle que soit leur qualité. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner, les investissements en capital-risque sont fondés sur la notion d'incertitude, et ce dans le sens où le risque inhérent à l'investissement ne peut être évalué. L'investissement repose généralement sur un jugement, une appréciation du potentiel de l'entreprise ciblée. Dès lors, ce jugement se trouve extrêmement exposé aux fluctuations de la situation économique. De sombres perspectives économiques ont corrélativement un effet néfaste sur les investissements potentiels.

Il est dès lors plus aisé de comprendre la diminution des investissements effectués au sein de véhicules d'investissement dédiés au capital-risque. En effet, sans prendre en considération la situation économique de certains pays européens tels que la Grèce, l'Espagne ou encore le Portugal, pays dont il est bon de rappeler l'interconnexion commerciale avec la France, la situation économique française n'offre pas non plus matière à inciter grandement les investissements d'avenir. Avec des prévisions gouvernementales de croissance fixées à 0,7% en 2012, puis 1,75% en 201347, le climat économique français s'avère peu incitatif.

Après une forte baisse des dépenses en capital-risque intervenue lors de la crise des subprimes, ces dernières passant de 758 millions d'euros en 2008 à 587 millions d'euros en 2009, soit une baisse de 23%, les montants investis semblent se stabiliser, mais représentent tout de même un montant relativement faible.

*

EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS 2006 -- 2011

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Variation

Variation

2010/2011

2008/2011

en millions d'euros

10 164

12 554

10 009

4 100

6 598

9 738

48%

-3%

@3EA %<G>A<H )>8I47

JKL

LMM

MJN

JNM

LOJ

JPM

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VOAFIC Data - Grant Thornton

SMR MNR

47 http://www.investir.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/france-croissance-2012-relevee-a-0-7-2013-baissee-a-1-75-417836.php

A2

L'Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) et l'Association Française de la Gestion financière (AFG) ont publié, le 23 février 2012, les résultats d'une enquête relative à l'évaluation des montants de capitaux levés en 2011 par les fonds d'investissements de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI)48. Il résulte de cette enquête que la collecte des FCPI et des FIP représentait 757 millions d'euros, soit une baisse de 15% en valeur et de plus de 26% en volume de particuliers souscripteurs par rapport à 2010. Tendance baissière également perceptible à l'échelle européenne puisque les sommes levées par les fonds ont diminué de 58% entre 2007 et 2010.

L'analyse des levées de fonds sur l'ensemble des segments du capital-investissement est également révélatrice de ce phénomène baissier lié à la crise des subprimes puisqu'en 2006 quelques 10 280 millions d'euros furent levés, tandis qu'en 2011 ce nombre est réduit à 6456

millions. Néanmoins, entre 2010 et 2011, les levées de fonds semblent à nouveau augmenter,

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notamment grâce aux levées effectuées à l'étranger, sans pour autant égaler le niveau qui était le leur avant crise.

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Le système actuel de capital-risque s'avère donc extrêmement exposé aux fluctuations de l'activité économique. Le capital-risque, en période de crise, est soumis à l'effet conjugué

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d'une baisse des investissements et d'une réduction des fonds levés et destinés à l'innovation. C'est donc un segment entier du financement des entreprises qui est considérablement affecté. 7"899$ :$9 ;<=>"=>9 :$ ?<=:9 @$AB9 C<=C$=>DB$ 98D E8$E8$9 <!BD">F<=9 ;"G$8D$9 Un cercle vicieux semble alors initié, les sociétés innovantes ayant un rôle essentiel dans le 8=$ >DI9 ?<D>$ !<#$99F<= :$9 ;<=>"=>9 @$AB9 J<D9 :$ 2D"=C$Kdéveloppement économique et notamment dans le cadre d'une reprise économique, la forte L"F9 @$9 ;<=>"=>9 @$AB9 $= 2D"=C$ D$C8@$=> $> @$9 ;<=>"=>9 ><>"8M @$AB9 D$9>$=> F=?B diminution de leurs financements accentue l'assombrissement des perspectives économiques. ;<=>"=>9 F=A$9>F9 $> >DI9 $= D$>D"> :$9 ;<=>"=>9 @$AB9 "A"=> @" CDF9$ :$9 O 98P! Dans un pays où le développement du capital-risque demeure un phénomène récent ne disposant pas, contrairement aux Etats-Unis, d'une solide assise culturelle fondée sur des valeurs de prise de risque et de pari sur l'innovation, un tel recul du capital-risque pourrait

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bien contribuer à détourner définitivement les investisseurs d'un tel type d'opération, alors même que son utilité économique fait l'objet de bien peu de contestations. Le paradoxe semble alors flagrant. Alors que le contexte actuel de crise est l'occasion pour un grand nombre d'acteurs de la sphère économique de prôner l'amélioration de la régulation financière, de réclamer un système plus transparent et revêtant un aspect plus humain, il est frappant de constater que l'une des principales victimes collatérales de cette crise s'avère être un système dont la logique pourrait potentiellement servir de modèle aux mécanismes actuels.

48 Etude AFIC---AFG sur la levée de capitaux, communiqué de presse 23 février 2012.

Le capital-risque est en effet pourvu de ce qui semble aujourd'hui faire le plus défaut à la logique de marché, à savoir un investissement dans une idée, dans un projet, dans des hommes. Alors même que le capital-risque pourrait constituer une source d'inspiration pour repenser la finance, il est troublant de constater que le capital-risque se trouve aujourd'hui menacé par les conséquences d'une crise résultant d'une logique financière dont il n'a jamais été l'apôtre.

§2. La diminution des financements d'origine institutionnelle.

L'affaiblissement des investisseurs institutionnels est perceptible de deux points de vue.

A. Les conséquences de la crise sur les investisseurs institutionnels.

1. L'importance des investisseurs institutionnels sur le paysage du capital-risque.

Les banques et autres investisseurs institutionnels n'interviennent pas que dans le cadre de l'octroi éventuel de crédits. En effet, il est possible que ces acteurs agissent en tant qu'investisseurs au sein de fonds communs de placement. L'importance de leurs investissements est d'ailleurs primordiale.

Malgré l'absence de données précises sur le poids des investisseurs institutionnels au sein du capital-risque, leur présence évaluée à l'échelle plus générale du capital-investissement suggère une forte implication de ces derniers. En effet, les banques, les compagnies !"#%"&' )+,-d'assurance et mutuelles et les caisses de retraite représentent quasiment 45% des capitaux levés en 2011.

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(France) (Etranger)

AFIC Data - Grant Thornton

44

Les banques apparaissent même selon certaines études comme des investisseurs stratégiques. Comme le démontrent T. Hellman, L. Lindsey et M. Puri dans le cadre d'une étude empirique49, il existe une complémentarité entre l'activité de banquier et celle de capital-risqueur, les banques utilisant leurs investissements par capital-risque afin de construire une relation avec les entreprises financées dans l'optique de développer, par la suite, leur activité de prêt.

2. L'influence des restrictions imposées aux investisseurs institutionnels sur le financement du capital-risque : de Solvabilité II à Bâle III.

La crise des subprimes révéla les faiblesses du système bancaire tel qu'il était conçu durant cette période. La faillite de Lehman Brothers démontra la fragilité de nombreuses banques. L'insuffisance de fonds propres de ces établissements constitua donc l'un des principaux chantiers de rénovation du système bancaire. Ce mouvement de renforcement des fonds propres des banques, et donc de leur capacité à absorber d'éventuelles défaillances, fut initié bien avant la survenance de la crise, avec l'apparition bien connue du ratio Cooke dans le cadre du Comité de Bâle en 1988. Constatant l'insuffisance des ratios de solvabilité modernisés existants, le Comité de Bâle préconisa un renforcement des fonds propres des banques, et ce en intégrant dans le calcul des ratios de solvabilité existants des facteurs de risque non pris en considération, jusque là. Ce fut le cas dans le cadre de Bâle II avec la prise en compte du risque opérationnel dans le calcul des exigences de fonds propres, ou encore dans Bâle III avec une amélioration qualitative des fonds propres pris en considération dans les calculs. Les déclarations faites dans le cadre des Comités de Bâle, dépourvues d'effet juridique, furent reprises par la Commission européenne, laquelle les transpose sous forme de directive ou règlement.

L'Institut de finance international (IIF) a réalisé une estimation des conséquences des exigences de Bâle III et a constaté que ces dernières auraient un impact négatif sur la croissance de la zone euro de 0,5 % de PNB sur la période 2011 à 2015, soit 4, 5 % en cumulé50.

Surtout, la mise en place de ces dispositifs prudentiels et leur renforcement conséquemment à la crise ont une incidence directe sur la capacité d'investissement des banques, comme l'affirme Eric Harlé, président de la commission capital-risque de l'Afic51 : "Nous n'avons pas encore de chiffres en ce qui concerne les collectes FCPR mais les dispositifs européens Bâle III et Solvency 2 imposent aux investisseurs institutionnels de renforcer leurs fonds propres, ce qui leur laissera d'autant moins d'argent à investir. Par conséquent, les FCPR vont également connaître des baisses très significatives de leurs levées". Ce dernier constate que les banquiers et les assureurs s'éloignent donc de plus en plus du métier d'investisseur. Les textes prudentiels sur les compagnies d'assurance («Solvabilité II») et les banques (règlement et directive sur les exigences de fonds propres) assimilent en effet les investissements en capital-risque à des opérations à haut risque pour le calcul des exigences de fonds propres. Le

49 « Building relationships early : banks in venture capital », T. Hellman, L. Lindsey et M. Puri, NBER Working paper series, n°10535, 2004.

s0 « Interim Report on the cumulative Impact on the Global Economy of Proposed Changes in the Banking Regula-tory Framework », Institut of International Finance, juin 2010

s1 Association Française des Investisseurs en Capital.

A.5

défaut de liquidité de ces actifs justifierait cette exigence de fonds propres. Néanmoins, en imposant un chargement de leurs fonds propres pour les investissements en actions non cotées, le régulateur dissuade les assureurs d'investir dans cette classe d'actifs au profit des investissements immobiliers ou titres d'État pour lesquels les exigences en fonds propres sont très inférieures. Pourtant, comme le souligne certains praticiens, l'immobilier, qui représente 80 % des investissements des compagnies d'assurances, est lui aussi illiquide, et ne subit pas pour autant un tel traitement52

La Commission a en ce sens déclaré qu'elle évaluerait les incidences de ces exigences de fonds propres afin d'établir s'il est nécessaire de les modifier à moyen ou à long terme.

L'incertitude inhérente à ces investissements en matière de capital-risque justifie la nécessité de disposer de fonds propres corrélatifs pour ces établissements. Néanmoins, un tel mécanisme conduit inéluctablement à une réduction desdits investissements. Le choix politique est alors complexe puisqu'il doit concilier stabilité du système financier d'une part et financement de l'économie et de l'innovation d'autre part. La solution n'a pas nécessairement à favoriser uniquement l'un au détriment de l'autre, une solution intermédiaire pouvant consister à fixer un montant de fonds propres nécessaires qui ne découragerait pas les investisseurs. Or, précisément sur ce point, les ratios adoptés sont contestés. Par exemple, l'étude EDHEC | AFIC a démontré que les ratios retenus pour les calculs de Solvabilité II, notamment celui de 49 %, ne correspondaient pas au risque effectif d'un investissement dans le non coté comparé, par exemple, à un placement dans des actions cotées en Bourse53.

L'AFIC propose dans cette optique de créer un fonds de garantie mutuelle destiné à couvrir les différents investissements en fonds propres auprès des PME, et ce afin de réduire la contrainte en fonds propres des établissements soumis à des règles de solvabilité54. Les investisseurs institutionnels pourraient ainsi s'assurer auprès de ce fonds et ainsi réduire leur risque.

B. Le prêt bancaire, coûteuse alternative aux déficiences du financement par capital-risque.

Selon la dernière enquête (9/2010 - 2/2011) réalisée par la Banque centrale européenne (BCE) en collaboration avec la Commission européenne sur l'accès au financement des PME de la zone euro, près de 15 % des PME interrogées ont cité «l'accès au financement» comme étant leur problème le plus pressant.

Paradoxalement, la baisse de l'affluence des investisseurs institutionnels en matière de capital-risque tend à augmenter les besoins de financement des entreprises innovantes, lesquelles s'orientent donc vers des politiques d'endettement.

Ces nouvelles réglementations ont donc une double incidence, une diminution des investissements en capital-risque d'une part et une raréfaction du crédit d'autre part. L'effet

52 Dominique Sabassier, directeur général délégué en charge des gestions de Natixis Asset Management, dans le cadre d'un article de Patrick Arnoux : « L'effet Papillon, La nouvelle régulation financière bouleverse le paradigme du Private equity »

53 « De la pertinence de la calibration du risque Private Equity dans la formule standard de Solvency II », EDHEC I AFIC, 22 juin 2010

5A. AFIC, livre blanc du capital-investissement

AA

conjugué de ces deux facteurs tend à considérablement réduire les sources de financement des PME.

L'emprunt bancaire s'avère de façon générale peu approprié aux particularismes des entreprises innovantes en phase de démarrage. L'incertitude quant à la réussite de sociétés nouvellement créées et à fort potentiel représente un facteur influent dans la décision d'octroi de crédit par les banques. L'accroissement de l'incertitude liée au projet réduit d'autant les sources de financement envisageables. En effet, la logique bancaire est la plupart du temps fondée sur des données statistiques, des probabilités de défaillance. A partir de ces données sont calculées les possibilités d'octroi de crédit, avec l'existence d'un risque statistiquement évalué de non remboursement. Or précisément dans le cadre du capital-risque, la notion d'innovation introduit le concept d'incertitude, et donc l'impossibilité de chiffrer le risque de défaillance et les probabilités de réussite. Il s'agit donc d'un contexte « d'opacité informationnelle »55 particulièrement dissuasif en période de crise économique. De plus, le mode de rémunération des banques, fondé sur une rémunération forfaitaire indépendante des performances économiques de la société ne constitue pas un facteur incitatif. Donc non seulement le paradigme bancaire est peu friand de la notion de capital-risque, mais la crise et les nouvelles exigences en matière de fonds propres qui en résultent incitent de plus à la prudence des acteurs bancaires. Ce constat se matérialise dans le pire des cas par un refus de financement de la société ou, au mieux, par un financement à coût élevé. Or le paiement d'intérêts pour une société en phase de démarrage ne constitue pas un avantage, contrairement au capital-risque qui, outre un investissement personnel du capital-risqueur, évite le paiement d'intérêts puisqu'il s'agit d'apports en fonds propres. Non seulement le coût peut être élevé, mais de plus les prêts octroyés sont souvent d'un montant limité, aboutissant sur une sorte de « saupoudrage » 56, à savoir une allocation de capitaux d'un montant modeste à de nombreux projets.

La crise financière a accentué ce phénomène puisque de nombreuses PME doivent payer des taux d'intérêt nettement plus élevés pour leurs prêts bancaires. C'est le constat qui résulte de la dernière enquête de la Banque centrale européenne (BCE), selon laquelle plus de 50 % des PME de la zone euro incluses dans l'échantillon ont signalé une hausse des taux d'intérêt pratiqués par les banques et un resserrement général des conditions de prêt bancaire aux PME.

Cette crise a aussi fortement pesé sur les ouvertures et extensions de lignes de crédit des banques aux PME, dont la quête d'autres sources de financement est devenue d'autant plus pressante. Faute de ressources financières suffisantes, le capital-risque n'a pourtant pas été en mesure de répondre à ce besoin criant.

§3. L'insuffisance des sources alternatives de financement.

A. Le développement limité du « venture loan »

Face à des institutions bancaires réticentes aux fortes prises de risque et aux opérations fortement consommatrices de fonds propres, la forte demande de financement s'avère propice au développement de nouvelles formes de financements. Le venture loan se développe dans ce contexte. L'Afic définit le venture loan comme « un prêt à caractère haut de bilan57

55 « Le capital-risque, mécanisme de financement de l'innovation », Bernard Ghuilon, Sandra Montchaud

56 « Le capital-risque », Emmanuelle Dubocage et Dorothée Rivaud-Danset.

57 Haut de bilan car destiné à l'acquisition de matériels spécifiques, au financement de la RD...

A7

(destinés à consolider les fonds propres de l'entreprise), apportés par des structures spécialisées à des entreprises dont le profil ne les rend pas éligibles à un prêt bancaire classique58 ».

Les « venture lenders », plus enclins à prendre le risque du financement d'une PME innovante, se substituent au rôle joué par les banques et consentent des prêts. Cette prise de risque n'est cependant pas gratuite puisque selon une étude de l'AFIC le taux du prêt est supérieur de 4 à 6 points au taux de base bancaire pour rémunérer le risque pris. Cependant, le principe de monopole bancaire empêche ces acteurs de consentir des prêts à proprement parler. Le financement prend donc la forme d'une émission obligataire, convertible ou non, par la PME. La possible création de VMDAC atteste du particularisme des venture lenders, à mi chemin entre prêteurs et investisseurs en fonds propres.

Plus originalement, il est également possible d'envisager un mécanisme aux termes duquel l'entreprise cède aux venture lenders des actifs puis se fait consentir sur ces derniers un crédit-bail.

Le Venture Loan n'est cependant pas suffisamment développé pour constituer un recours crédible aux autres techniques de financement. Seules quelques sociétés d'investissement spécialisées effectuent de telles opérations, toutes d'origine anglosaxonne : Kreos Capital, Noble venture Finance, ETV Capital59. Ce peu de concurrence influe sur les taux d'intérêt demandés par ces entités.

De plus, la nécessité pour les sociétés innovantes de payer des intérêts ne correspond pas nécessairement à leur programme de développement. Les sociétés en phase de démarrage ne génèrent en effet pas immédiatement les liquidités suffisantes pour procéder à un tel remboursement.

Autre inconvénient relevé par l'étude menée par l'AFIC sur le sujet60, les «covenants» sont jugés comme étant très sévères : nantissement de fonds de commerce, nantissement de titres des filiales, réserve sur la propriété intellectuelle, ils peuvent compromettre sérieusement la cession de la cible à court ou moyen terme.

B. Le capital-risque d'entreprise, victime de la réaffectation des liquidités au sein des grandes sociétés.

Autre source potentielle de financement, le capital-risque d'entreprise, ou corporate venture capital désigne la gestion d'un fonds de capital-risque par une entreprise ou un groupe de sociétés. La gestion peut alors être directement assurée par une équipe spécialisée au sein du groupe, ou externalisée au sein d'un groupe de capital-risque reconnu, lequel s'occupera de la prospection et de la présélection des projets selon des critères préétablis par leur client.

Plusieurs types de motivations peuvent être à l'origine de la mise en oeuvre du capital-risque d'entreprise61. La motivation peut tout d'abord être liée à l'innovation, il s'agit alors

58 AFIC, dossier Venture Loan, Juin 2008

59 « Capital-investissement : guide juridique et fiscal », François-Denis Poitrinal.

60 Note « Venture Loan » publiée par l'AFIC en 2008

61 Ben Haj Youssef A., Ouziel J. Théorie des écosystèmes & Corporate Venture Capital, La Revue du Financier (2002).

AP

d'une motivation d'ordre stratégique. L'idée est pour la société d'assurer une veille technologique afin de détecter l'apparition de nouvelles technologies, mais c'est également un moyen de compléter la R&D interne, voire même de procéder à une externalisation de cette dernière. La motivation peut aussi être de nature financière, à l'image des fonds d'investissement classiques dont l'objet est bien la perception de dividendes et la réalisation de plus-values. Enfin, cette motivation peut parfois résulter d'un engagement sociétal.

Certaines sociétés se regroupent parfois dans l'optique de créer des fonds plus conséquents. C'est à titre illustratif le cas du fonds de capital-risque « Aster Capital » lancé en 2010 par les groupes Schneider Electric et Alstom et doté initialement de plus de 70 millions d'euros. La société Rodhia a récemment rejoint ce projet. Une même entreprise à fort potentiel ciblée peut ainsi développer des technologies ayant des applications multiples auprès des trois entreprises62.

Mais le « corporate venture » ne constitue pas une véritable alternative au capital-risque classique. A titre illustratif, les investissements corporate représentaient 4% du total des investissements en capital-risque en Europe sur la période 2003 - 200763. Malgré l'absence de données post-crise, la forte exposition de la plupart des grandes entreprises aux conséquences de la crise suggère une réaffectation des liquidités disponibles par ces dernières vers des activités bien moins risquées. Le capital-risque d'entreprise a donc très probablement suivi cette tendance généralisée de désaffection du capital-risque et il semble même raisonnable de penser que ce mouvement fut encore plus marqué s'agissant des grandes entreprises compte tenu de la forte exposition qui fut la leur.

Quant à l'étendue même de cette source de financements, elle est par définition limitée. En effet, seules les très grandes entreprises sont susceptibles de mobiliser suffisamment de fonds pour prétendre pouvoir mener des opérations de capital-risque. Le nombre de sociétés susceptibles d'effectuer de telles opérations est donc considérablement limité par rapport au nombre total de sociétés.

Mais la véritable limite du capital-risque d'entreprise se trouve peut-être dans sa nature même. En prenant des participations dans des sociétés innovantes, les grandes entreprises répondent potentiellement à deux objectifs. Le premier consiste certes, comme nous l'avons mentionné, à développer des sociétés à fort potentiel en vue de générer des futures sources de revenus et des retombées en matière technologique. Néanmoins, la notion spécifique de « co-ompétition », à savoir ce mélange particulier de coopération et de compétition ne confère pas à l'opération un alignement parfait des intérêts des différents acteurs64. Ce paradoxe, entre complémentarité et concurrence, ne peut aboutir sur un modèle de capital-risque pleinement efficient.

La crise économique a donc totalement redessiné le paysage financier du capital-risque. Le tarissement des sources privées de financements se révèle être une véritable menace pour la survie du capital-risque. Certaines alternatives se développent, à l'image de la cotation en bourse de sociétés de private equity dans l'optique d'attirer un spectre plus large d'investisseurs et de favoriser la liquidité des investissements. C'est par exemple le cas de la société Carlyle en matière de capital-investissement. Mais ici encore, l'impact de la crise

62 Friedland Papers, lettre de prospective n°31, Avril 2011, par Hélène Perrin Boulonne

63 Source : http://www.evca.eu

64 Barbier, 2000

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assombrit les perspectives de telles démarches. En effet, les données relatives aux sociétés de capital-investissement cotées sont sur ce point révélatrices : les cours des français Altamir-Amboise, Eurazeo et Wendel sont en chute de 45%, 60% et 55%, au cours des cinq dernières années, dans le sillage de l'américain Blackstone (-58%). Le britannique 3i fait pire, avec une dégringolade de 83%, talonnant l'américain Fortress (-87%)65.

La question de l'émergence d'un nouveau modèle de financement des opérations capital-risque prend dès lors une toute autre ampleur.

Section 2 : L'émergence d'un modèle alternatif de financement.

1. La nécessité d'une impulsion étatique.

Dynamiser le capital-risque.

J.-M. Chauvet, directeur associé de LC Capital66, eut l'occasion d'écrire : « Les jeunes sociétés sont le maillon indispensable dans le renouvellement de l'écosystème général des sociétés commerciales. Si l'on tarit la source, par manque d'investissement en capital dans les premières phases de développement des sociétés, non seulement on réduit évidemment les chances de les voir mûrir et grandir, mais on prive les sociétés établies de sources de renouvellement ultérieur de leurs produits, pourtant indispensable à leur stabilité ».

Or la situation actuelle est fortement marquée par la faiblesse des sources d'investissement destinées au capital-risque. Les financements privés s'avèrent très insuffisants pour constituer un véritable facteur de croissance des PME. La crise des subprimes et celle liée aux dettes souveraines accroissent l'incertitude dont est empreinte le capital-risque et contribuent à détourner les acteurs de cette activité. Une activité encore insuffisamment enracinée dans les cultures française et européenne pour trouver, de par elle-même, un second souffle. L'AFIC décrit dans cette optique un capital-risque « menacé d'asphyxie ».

Le salut du capital-risque européen ne trouvera donc pas nécessairement son origine dans la démarche des acteurs privés du marché. L'Etat peut en revanche jouer un rôle crucial en vue d'initier une reprise du secteur. Cet interventionnisme étatique peut être protéiforme. L'Etat peut intervenir en finançant lui-même les sociétés à fort potentiel, en leur conférant des garanties dans le cadre de leur politique de financement, en mettant en place une politique d'accompagnement dans la création et le développement de ces dernières ou encore en créant un cadre juridique et fiscal attrayant et propice à leur développement.

Initier un changement de mentalité

Si le capital-risque peine à résister à la crise et fait l'objet d'un rejet des investisseurs dès lors qu'une dégradation de la situation économique intervient, c'est certes lié à la réorientation des ressources vers des investissements plus sécurisés, mais c'est également car le capital-risque n'est pas profondément enraciné dans l'environnement culturel français. Il

65 La Tribune, 2 mai 2012. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20120502trib0006Q6537/quand-le-non-cote-se-fait-financer-par-la-bourse.html

66 société de gestion de fonds d'investissement

semble en effet exister aux Etats-Unis une conception différente de l'aventure entrepreneuriale. Risque et incertitude y sont tout autant présents mais sont perçus comme des défis nécessaires à toute perspective de succès. Cette culture du risque et de l'initiative est moins perceptible en France, diminuant corrélativement le dynamisme des activités de capital-risque.

L'interventionnisme public peut dans ce contexte jouer un rôle dans l'évolution des mentalités. Le capital-risque ne s'est pas non plus naturellement imposé aux Etats-Unis, son développement outre Atlantique résulte en effet d'une politique publique précocement menée dès 1958 via le programme Small Business investment Companies (SBIC), puis en 1982 par le biais du programme Small Business Innovation Research (SBIR). L'Etat peut donc s'imposer comme un acteur clé de ce possible changement culturel. Favoriser le développement du capital-risque est un bon moyen pour implanter ce dernier dans le paysage économique et faire progressivement acquérir aux acteurs économiques des réflexes qui leur étaient inconnus jusqu'alors.

Générer un effet de levier.

Un financement d'origine publique suffisamment conséquent engendrerait deux avantages indéniables. Tout d'abord il permettrait un apport de capitaux aux PME à fort potentiel, capitaux dont elles manquent cruellement, notamment en période de turbulences économiques. Une telle intervention n'est évidemment pas dépourvue de logique économique. A une échelle macro-économique, l'intérêt de l'Etat est de favoriser le dynamisme économique en vue de générer de la croissance et ainsi permettre un accroissement de ses revenus. En adoptant un référentiel plus casuistique, la participation de l'Etat au capital de sociétés innovantes peut générer, à terme, des plus-values conséquentes. Ensuite, la participation de l'Etat au sein de fonds d'investissement engendre une certaine confiance des investisseurs et peut ainsi aboutir sur un effet de levier. Les acteurs privés sont en effet conscients du fait que l'Etat est subordonnée à une rationalité économique qui diffère de la leur. Ce dernier adosse l'image d'un investisseur stable ayant une vision économique de moyen et long terme, contrastant ainsi radicalement avec d'autres acteurs pilotés par la volatilité du marché. Les investisseurs diminuent ainsi l'aléa inhérent à leur investissement en sachant que l'Etat est généralement étranger à des logiques économiques de court terme. Les intérêts défendus par l'Etat sont de plus souvent d'une nature différente, axés sur les intérêts du pays et s'inscrivant le plus souvent dans une stratégie publique de financement de certains secteurs. Enfin, en assurant un investissement conséquent dès le début, l'Etat assure à lui seul un poids financier important permettant au fonds d'avoir dès l'origine une taille conséquente. Cet investissement public n'est donc pas dépourvu d'attrait et est susceptible de générer un effet de levier conséquent. L'effet de levier désigne justement l'attractivité corrélative à un investissement public dans un fonds, un investissement initial permettant d'entraîner différents investisseurs, d'origine privée, subséquents.

Un tel système pourrait donc constituer un modèle de développement viable de capital-risque. L'Etat français a bien saisi l'enjeu du capital-risque et son rôle économique. Différentes initiatives ont donc vu le jour dans cette optique.

C. Une politique publique pouvant s'émanciper des règles du marché.

Autre avantage de l'interventionnisme étatique : celui-ci peut s'émanciper de logiques économiques parfois incompatibles avec le capital-risque. En effet, les investisseurs privés

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peuvent, dans un contexte incertain, imposer aux sociétés innovantes des conditions très contraignantes en vue de leur participation au capital. Les modalités d'engagement des capital-risqueurs peuvent donc s'avérer liberticides pour les dirigeants de sociétés. Ce contraste entre recherche de sécurité d'une part et impossibilité pour les sociétés innovantes de consentir certains engagements d'autre part constitue une entrave au développement du capital-risque.

L'Etat peut adopter une forme de logique différente. Le raisonnement économique étatique prend en considération des facteurs différents de ceux adoptés par les acteurs privés. L'une des motivations économiques sous-jacentes de l'interventionnisme étatique réside en effet en la volonté de favoriser le développement économique du pays, et non uniquement en une recherche de profits à court et moyen terme. La nature de cette motivation influe sur le comportement de l'Etat. Dans l'optique de favoriser le développement de jeunes PME à fort potentiel l'Etat peut donc accepter une prise de risque plus élevée que des acteurs classiques, assumant ainsi pleinement son rôle de soutien.

L'existence d'une stratégie étatique peut donc permettre l'émergence future d'un capital-risque autonome. Nécessaire à l'implantation culturelle du capital-risque dans le paysage économique français, cet appui étatique peut présenter un caractère temporaire, à l'image de celui mené aux Etats-Unis, notamment dans le cadre du programme Small Business Investment Companies (SBIC). Ce programme avait pour but de financer les petites entreprises et reposait sur l'idée d'un effet de levier. Progressivement, le capital-risque américain s'est affranchi de cette initiative publique. Le poids des SBIC représentait quelques 75% de l'ensemble des sociétés de campital-risque américaines (calculé à partir des montants de capitaux alloués), et ne représentait plus en 2000 que 20% de cet ensemble67. Cette crise du capital-risque, conséquence d'une situation économique morose, assèche les sources de financement des PME, l'intervention de l'Etat peut dès lors jouer un rôle crucial.

§2. L'interventionnisme par le financement

Les pouvoirs publics sont susceptibles d'influencer le financement des jeunes entreprises innovantes par le biais de deux moyens, l'octroi direct de prêts ou encore la mise en place d'un système de garantie en vue de faciliter le financement bancaire d'une part (A), et l'investissement en fonds propres d'autre part (B).

A. L'interventionnisme par le prêt et la garantie.

Cette forme d'interventionnisme, mené par l'intermédiaire d'OSEO, n'est pas à proprement parler liée au capital-risque. Mais son importance croissante dans le financement des PME et sa complémentarité avec les financements par capital-risque imposent quelques précisions.

OSEO est une société anonyme détenue par l'État (61,5 %) à travers un établissement public à caractère industriel et commercial nommé OSEO Holding, par la Caisse des dépôts et consignations (27 %) et par les banques et assurances (9 %).

OSEO n'adopte pas une position concurrentielle sur le marché dans le sens où elle agit plutôt comme un partenaire des établissements financiers. OSEO agit ainsi comme un complément au marché lorsque le poids du risque nécessite l'intervention publique. Ses

67 « Le capital-risque » Dubocage et Rivaud-Danset

moyens d'action ont été considérablement renforcés dans le cadre du plan de relance de l'économie.

L'action d'OSEO s'articule autour de trois activités.

Tout d'abord, OSEO finance l'innovation. Opérant une sélection au niveau des projets innovants, OSEO accepte de partager le risque inhérent à l'opération. Ce soutien peut prendre différentes formes : avances remboursables en cas de succès, prêts à taux 0 ou encore subventions. OSEO offre ainsi des types de prêts destinés à favoriser le développement de jeunes sociétés. A titre illustratif, le prêt participatif d'amorçage consiste en un apport de trésorerie dans l'attente de levées de fonds ultérieures. L'objectif est de créer des conditions favorables à l'intervention ultérieure d'un fonds d'amorçage ou d'une société de capital-risque, sans retarder l'avancement du projet. Ce prêt ne nécessite ni garantie ni caution personnelle. Dans la même optique, le « prêt à la création d'entreprises » a pour but de fournir des liquidités aux jeunes sociétés afin de diminuer le risque d'échec lié à un niveau de trésorerie trop faible. Ces activités de financement ne consistent donc pas en des prises de participation au sein de sociétés. Cette branche d'activités concerne clairement les jeunes entreprises innovantes.

Plus axée sur les activités matures, OSEO a également une activité de co-investissement aux côtés des banques. L'activité prend alors la forme de prêts ou de crédit-bail, en partenariat avec des établissements bancaires.

Enfin, OSEO joue un rôle de garantie bancaire, facilitant ainsi la réalisation de projets innovants et risqués. OSEO s'appuie sur des fonds de garantie publics.

B. L'interventionnisme par l'investissement.

1. Caisse des Dépôts et Fonds Européen d'Investissement, acteurs majeurs de l'activisme public.

La Caisse des dépôts est une institution financière publique créée en 1816. Elle est ainsi définie par l'article L. 518-2 du code monétaire et financier : « La Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. Ce groupe remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales et peut exercer des activités concurrentielles. La Caisse des dépôts et consignations est un investisseur de long terme et contribue, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, au développement des entreprises (É) ».

Son rôle dans le développement des entreprises a progressivement été affirmé. Une architecture publique destinée au capital-développement et à moindre mesure au capital-risque a ainsi vu le jour.

Véritable pivot de la stratégie d'investissement public, la filiale de la Caisse des Dépôts dite CDC-Entreprise est une société de gestion agréée par l'AMF. Les différents fonds publics investis en matière de capital-investissement sont ainsi gérés par cette filiale.

Cette architecture publique s'est enrichie en 2008 d'un nouvel acteur majeur en matière de capital-investissement, le Fonds Stratégique d'Investissement. Le FSI fut créé dans l'optique

de soutenir le développement des entreprises petites et moyennes mais aussi afin de sécuriser le capital d'entreprises stratégiques. Constitué sous forme de société anonyme détenue à 51% par la CDC et 49% par l'Etat, le FSI est doté de quelques 20 milliards d'euros68. Le FSI s'impose également comme un interlocuteur de proximité en favorisant l'investissement régional, et ce par l'intermédiaire de « FSI régions »69, doté de 13 implantations régionales.

Quant au FEI, il fut créé en 1994. Filiale de la Banque Européenne d'Investissement, le FEI n'octroie ni prêts ni subventions aux entreprises et n'investit pas directement dans des sociétés. Il soutient les PME par l'apport de fonds propres à des fonds de capital-risque ou par des accords avec les banques finançant des PME.

2. Les fonds publics pour le capital-risque.

- Le développement de fonds de fonds publics.

L'interventionnisme public en matière d'investissement prît initialement la forme de fonds de fonds. Ce fut par exemple le cas en 1998, avec un fonds géré par la Caisse des Dépôts et Consignations au travers de sa filiale CDC-PME. Ce fonds de fonds fut orienté vers le capital risque technologique70.

L'expérience fut renouvelée dès 2000 avec le Fonds de promotion pour le capital-risque (FCPR 2000), regroupant l'Etat français, la Banque Européenne d'Investissement et la CDC. L'Union européenne s'impliqua en effet progressivement dans le capital-risque à l'échelle nationale, notamment par le biais de la BEI, le financement des PME étant un enjeu économique considéré comme crucial.

L'objet principal de ces fonds de capital-risque, tel que défini dans leur règlement intérieur, était de prendre des participations minoritaires dans des petites et moyennes entreprises innovantes de moins de 7 ans. Les participations dans ces entreprises implantées sur le territoire de l'UE devaient représenter au minimum 75% du montant total des investissements prévus71.

Ce type d'initiatives fut notamment reconduit en 2005 avec le lancement du troisième fonds de fonds technologique (FFT), doté de 150 M€ et associant à parts égales l'Etat, CDC Entreprises et le Fonds Européen d'Investissement. L'idée est à nouveau de prendre des participations dans des fonds de capital-risque qui eux-mêmes investiront dans des entreprises technologiques. Le but de cette action commune est d'apporter des capitaux supplémentaires pour financer la création et le développement des PME innovantes, mais aussi de structurer le marché du capital risque, en renforçant les fonds existants comme en permettant la création de nouveaux fonds.

Plus récemment, dans le cadre du grand emprunt, un Fonds National d'Amorçage (FNA) fut créé dans l'optique de réaliser des investissements dans des fonds d'amorçage gérés par

68 Dont 6 milliards de liquidités et 14 milliards sous forme de titres de sociétés - l'Etat et la CDC ayant en effet apporté certaines participations dont elles disposaient (France Telecom, Aéroports de Paris, ex-chantiers de l'Atlantique...) - François-Denis Poitrinal : « Le capital-investissement : guide juridique et fiscal ».

69 Dispositif FSI régions, anciennement nommé « Avenir Entreprises ».

70 CDC Entreprises : repères historiques. Http://www.cdcentreprises.fr/la_societe/reperes-histoire.php

71 « Le fonds de promotion pour le capital-risque », archives 2000, dossier de presse, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

d

des équipes de gestion professionnelles et qui réaliseront eux-mêmes des investissements dans de jeunes entreprises innovantes en phases d'amorçage et de démarrage. Doté de 400 millions d'euros, ce fonds, géré par CDC entreprises, est opérationnel depuis le 20 avril 201172.

- Un potentiel effet de levier en aval de la création des fonds.

La création de ces fonds est évidemment motivée par la nécessité d'apporter des financements aux activités de capital-amorçage et de capital-risque, mais également par la volonté de générer un effet de levier auprès des investisseurs privés. Cet effet de levier est perceptible en aval de la création des fonds. En effet, ces fonds de fonds sont uniquement financés par des acteurs publics, l'initiative est donc, à l'origine, pleinement publique. Ce n'est qu'a posteriori, lorsque les fonds de fonds publics investissent dans d'autres fonds, qu'investisseurs publics et privés se côtoient. Ce sont ces prises de participation publiques dans des fonds divers qui sont susceptibles d'attirer les investisseurs dans les fonds ainsi investis. En effet, et pour des raisons préalablement analysées (voir supra : « générer un effet de levier »), la présence d'un investisseur public dans un fonds n'est pas dépourvue d'attrait et peut aboutir sur un effet d'entraînement.

3. Un modèle potentiel de développement : l'investissement mixte.

- Le développement de fonds de fonds mixtes.

Contrairement aux fonds précédemment cités, les fonds de fonds mixtes regroupent dès leur création des acteurs publics et privés. Le fonds pour le capital-investissement régional, créé en 2002 en constitue une illustration puisqu'il regroupe la CDC, le FEI et un investisseur privé, San Paolo IMI, pour un montant total de 70 millions d'euros.

- La promotion du co-investissement par le Fonds Stratégique d'Investissement.

Face à la pénurie de financement à laquelle devait faire face les PME durant la crise, l'Etat a décidé de créer un fonds stratégique. Ce dernier a une double vocation : soutenir le développement des PME (avec volonté d'effet de levier) et sécuriser le capital d'entreprises stratégiques. Doté de quelques 20 milliards d'euros (51% Etat et 49% CDC), le FSI est donc un acteur récent du capital-investissement et donc, potentiellement, du capital-risque.

Le FSI peut ainsi directement intervenir au sein de sociétés cibles via des apports de fonds propres. Il peut également intervenir en investissant au sein de fonds, développant ainsi une stratégie de co-investissement. Il s'agit alors d'associer des acteurs privés à la création de fonds. Cette association s'inscrit bien souvent dans un cadre sectoriel, l'idée étant de regrouper les acteurs majeurs d'un secteur en vue d'en dynamiser le développement. Le FSI adopte ainsi certaines stratégies destinées à stimuler, redynamiser ou préserver certains secteurs d'activités.

Ce fut à titre illustratif le cas pour le fonds Innobio. Fin 2009, le FSI et 9 laboratoires pharmaceutiques opérant en France (Sanofi-aventis, GSK, Roche, Novartis, Pfizer, Lilly, Ipsen, Takeda, Boehringer-Ingelheim) ont créé le fonds Innobio destiné à investir au capital de sociétés françaises de biotechnologies pour accroître leur potentiel de développement et

72 CDC Entreprises, http://www.cdcentreprises.fr/FNA-Appel-a-candidature.php

&&

accélérer la mise sur le marché de leurs produits, dans un contexte de baisse des investissements privés dans ce segment du capital risque. Fin 2010, Innobio, doté de 139 M€ par ses souscripteurs, a financé 6 entreprises73.

Des initiatives similaires existent, toutes portées par le FSI. Il en est ainsi du Fonds de Modernisation des Equipementiers Automobiles, FCPR d'un montant initial de 600 millions d'euros détenu à parité par Renault SA, PSA Peugeot Citroën et le FSI, ou encore du « Fonds Bois » créé par le FSI, le Crédit Agricole, le groupe Eiffage et l'Office national des forêts, ce dernier ayant pour vocation de structurer la filière bois autour d'un tissu de PME de taille suffisante.

Force est néanmoins de constater que cette technique du co-investissement est principalement orientée vers les activités de capital-développement. Le rôle du FSI est en effet principalement lié au capital-développement, ce qui n'exclut cependant pas des interventions en matière de capital-risque, ni même un possible développement du modèle de co-investissement en matière de capital-risque.

- L'émergence d'un partenariat public-privé : le programme FSI France-Investissement.

Le dispositif d'intérêt général « France Investissement », fut mis en place en 2006 dans l'optique d'apporter aux entreprises des fonds propres pour soutenir leur démarrage et leur développement dans la durée. Ce dispositif a donc vocation à intervenir tant en matière de capital-développement qu'en matière de capital-risque. Cette notion de partenariat apparaît comme plus vaste que celle des co-investissements précédemment observés, et ce car elle s'émancipe des logiques sectorielles perceptibles en matière de co-investissements.

Le particularisme de ce dispositif repose sur le fait qu'il est composé de deux branches, une branche publique et une branche privée. La branche publique est gérée par CDC Entreprises. Abondée initialement par la Caisse des Dépôts, cette branche l'est désormais par le FSI, depuis 2008.

La branche privée est pour sa part composée d'acteurs tels que Allianz, AXA, le groupe Caisse d'Epargne, Groupama, Natixis et Société Générale. Cette branche est composée de fonds de fonds, mis en place et gérés par les investisseurs privés.

L'importance du dispositif n'est pas négligeable. En effet, la Caisse des dépôts puis le FSI auront ainsi apporté à ce programme 2,2 milliards d'euros entre 2006 et 2012. Ces fonds sont investis dans plus de 190 véhicules de capital investissement régionaux et nationaux. Ces fonds gèrent aujourd'hui plus de 8,5 milliards d'euros et financent environ 2500 PME. Ils représentent 1/3 du financement de l'amorçage en France et 1/5 du capital risque et du capital développement74.

73 http://www.fonds-fsi.fr/les-participations-du-fsi/les-fonds-en-co-investissement/

74 CDC Entreprises , communiqué sur France-Investissement.

5'

http://www.france-investissement.fr

Etait initialement prévu un apport de 2 Md€ par la branche publique et un apport de 1 Md€ par les partenaires privés du dispositif. Cependant, la participation de la branche publique a été revue à la hausse, son engagement étant porté à 2,435 milliard d'euros, de 2006 à 2012, alors que l'engagement de la branche privée est de 283 millions d'euros et n'est pas susceptible d'augmenter du fait de la décision d'interruption des fonds de fonds privés.

Cette interruption des fonds de fonds privés diminua le montant des investissements prévus. Le partenariat public-privé, déjà déséquilibré à l'origine du fait de la prépondérance des fonds publics, prît une coloration encore plus étatique, le montant de la branche privée ne représentant en effet qu'approximativement 10% de celui de la branche publique. Ce partenariat ne fut donc pas aussi efficient qu'imaginé. Néanmoins, il a le mérite de faire émerger cette idée d'alliance entre fonds publics et fonds privés, dès l'origine, dans l'optique de créer un dispositif majeur d'investissement.

De plus, cette injection massive de fonds publics dans le capital-investissement, et notamment dans le capital-risque, a contribué au maintien d'une activité de capital-risque à bout de souffle durant la crise et a permis de regrouper les faibles ressources privées encore disponibles au sein de fonds mixtes. Il n'est pas anormal de constater qu'en 2007, les investissements de l'Etat représentaient 10% de l'investissement en capital-risque ; chiffre qui est aujourd'hui de 50%75. Comme le souligne François Baroin, ce dispositif a eu « un rôle contra-cyclique, poursuivant ses investissements à un rythme soutenu pendant la crise, créant

75 http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/le-capital-risque-inquiet/cycle-de-financement-des-start-up.shtml

~7

ainsi un climat de confiance qui a permis d'obtenir un effet d'entraînement sur les investisseurs privés76 ».

Ce dispositif devait prendre fin en 2012. Néanmoins, face au rôle joué par ce programme pendant la crise et aux perspectives qu'il semble offrir dans le redressement du capital-risque, une reconduction de ce dernier a été mise en place. Un nouveau programme, « FSI France Investissement 2020 » a donc été institué sur une logique similaire. Les moyens mis à disposition seront accrus puisque 5 milliards d'euros sont prévus sur la période, dont 4 milliards apportés par le FSI, soit un doublement des montants par rapport au précédent programme. L'idée, ici encore, est de faire levier sur l'investissement privé et combler les insuffisances du marché. Le programme FSI France Investissement 2020 visera à maximiser la mobilisation des capitaux privés en complément des fonds publics pour offrir aux PME une gamme complète de financements en fonds propres, en concentrant les investissements publics sur les segments où les investissements privés sont insuffisants.

- Un potentiel effet de levier dès la création des fonds.

L'Etat, comme les entités privées, est soumis à des contraintes économiques et ne dispose pas d'une capacité d'investissement illimitée. Envisager une intervention exclusive des pouvoirs publics en tant que principal acteur du capital-risque semble donc fictionnel, à moins d'organiser une refonte conséquente des systèmes de prélèvement et d'allocation des ressources financières étatiques. C'est précisément ce constat qui incite les pouvoirs publics à fédérer les investisseurs privés autour de différents projets d'investissement, et ce avant même la création des fonds. Du co-investissement au partenariat, l'idée consiste à associer, dès l'origine, les acteurs privés à certains projets d'investissement.

4. Un interventionnisme protéiforme.

L'intervention publique est, pour le moins, protéiforme. La pluralité des acteurs et des moyens d'intervention teint néanmoins cette stratégie étatique d'une certaine opacité. Ce manque de visibilité nuit inéluctablement à l'efficience du système. Le rôle de l'Etat s'entremêle à celui joué par différents organismes publics tels que la CDC, qui eux-mêmes créent des filiales de gestion et des structures d'intervention multiples. FSI, fonds national d'amorçage, fonds publics, fonds mixtes... Le système se complexifie d'autant plus que les régions elles-mêmes mettent souvent en place des mécanismes d'aides aux jeunes entreprises innovantes.

Il est parfois difficile d'avoir une vue cohérente de cet ensemble. Pourtant, chaque sous-ensemble semble répondre à une logique économique précise, à tel point qu'il convient également de se demander si un modèle fondé sur une structure unique n'engendrerait pas, de par une trop grande généralité incompatible avec la réalité économique, une opacité similaire. La multiplication des structures, même si justifiable, doit néanmoins être la plus lisible possible pour les acteurs économiques. Si l'ensemble des structures mis en oeuvre n'a pas nécessairement à être remodelé, des efforts de transparence peuvent s'avérer cruciaux pour une meilleure compréhension du système par les acteurs.

76 Lancement du programme FSI France Investissement 2020, 21 février 2012

C. Le modèle Israélien : le programme Yozma.

La pertinence du rôle joué par l'Etat dans l'émergence d'un capital-risque dynamique peut être observée par l'intermédiaire d'expériences réalisées à l'étranger.

Le programme israélien « Yozma » en constitue une illustration. Ce programme public instauré en 1993 repose sur l'idée d'un apport d'argent public dans l'optique d'attirer des capitaux privés77. Le programme Yozma est reconnu comme une véritable réussite dans le sens où il a permis l'émergence d'une profession de capital-risqueur en Israël. Certains volets du programme contraignaient les organismes de capital-risque bénéficiaires à lever des capitaux à l'étranger, obligeant ainsi ces acteurs à s'adapter aux exigences de la profession, s'intégrer au sein de réseaux... En effet, Yozma était un fonds de placement à haut risque géré par le gouvernement avec un apport initial de 100 millions de dollars. Il pouvait entrer au capital de fonds de placement privés ; mais pour faire partie du programme ces derniers devaient toutefois établir un partenariat durable avec au moins une institution financière internationale78.

Dès 1998, le programme fut prématurément arrêté, et ce car les objectifs fixés furent atteints. En effet, à côté des organismes de capital-risque dépendants de Yozma, de grands fonds privés furent constitués.

Si l'on procède à une théorisation de cette expérience, on constate que l'interventionnisme étatique peut revêtir un caractère temporaire, et ce durant une période nécessaire à l'émergence d'une véritable profession de capital-risqueur et d'un tissu économique composé de fonds de taille suffisante pour générer une véritable source de financement.

En opérant une transposition de ce schéma en France, il semble possible de considérer que la France se trouve à un stade moins avancé dans la création d'un capital-risque efficient, la politique nationale en la matière n'ayant pas encore permis l'émergence d'un capital-risque privé suffisamment abouti.

Néanmoins, à situation différente, solution différente. L'existence d'une initiative publique française ne signifie pas pour autant que cette dernière sera efficace. Preuve en est, Yozma ne fut pas la première tentative israélienne en la matière. Un précédent programme mené en 1990, nommé Inbal, s'enlisa en raison des lourdeurs bureaucratiques qui lui étaient inhérentes. La simple mise en oeuvre d'un programme public n'est donc évidemment pas synonyme de succès.

5Q

77 Avnimelech et al. (2004) & Avnimelech et Teubal (2005)

7Q « Le miracle high-tech, retour sur une politique industrielle exemplaire », Dan Breznitz, 2007

a

Conclusion

Création de structures adéquates, dispositifs fiscaux incitatifs ou encore investissement public, l'interventionnisme public français use de l'ensemble des moyens d'action dont il dispose pour stimuler les activités de capital-risque. Les bénéfices d'une telle politique publique étaient nettement perceptibles antérieurement à la crise des subprimes. De nombreux indicateurs confirmaient cette tendance : croissance constante des montants levés et investis ou encore importance croissante des véhicules les plus orientés vers le financement de jeunes sociétés innovantes tels que les FCPI et les FIP.

La crise des subprimes réduisit considérablement la capacité d'investissement des acteurs. La raréfaction des liquidités susceptibles d'être investies conjuguée à la réaffectation des ressources disponibles vers des investissements plus sécurisés affectèrent directement les activités de capital-risque.

Aujourd'hui encore, le maintien d'une situation économique dégradée en Europe contribue à entretenir un climat délétère inadapté aux investissements de capital-risque.

Confronté à un capital-risque menacé d'asphyxie79, le rôle des pouvoirs publics a sensiblement évolué. Une logique de préservation du capital-risque semble désormais prévaloir sur la logique de développement initiale. Il ne s'agit plus pour l'Etat de permettre l'émergence d'acteurs privés majeurs mais plutôt de limiter les effets de la crise en maintenant les activités de capital-risque à un certain niveau. L'activisme public mue donc sous l'effet de la crise, abandonnant ainsi une logique offensive de développement au profit d'une posture défensive de préservation. L'interventionnisme public, facteur de développement du capital-risque évolue en un bouclier contra-cyclique.

Cette évolution n'est pas uniquement théorique et n'est pas dépourvue d'incidences concrètes. En effet, face à la pénurie de ressources privées, l'Etat s'impose comme un investisseur de premier rang en maintenant, malgré la conjoncture, un niveau élevé d'investissement. Son poids relatif parmi les acteurs du capital-risque est ainsi considérablement renforcé. Principaux protagonistes de cette forme d'interventionnisme, la Caisse des dépôts et ses filiales (FSI, CDC Entreprise...) jouent un rôle majeur et croissant dans l'organisation et l'exécution de cet interventionnisme public.

Néanmoins, comme les acteurs privés, l'Etat est soumis à des contraintes économiques. Pragmatisme budgétaire oblige, l'accroissement de l'investissement public en matière de capital-risque et de capital-développement ne peut se faire sans affecter, dans d'autres domaines, les politiques publiques. Il semble ainsi pertinent de constater que corrélativement à cette hausse de l'investissement public, les dispositifs fiscaux incitatifs existants en matière de capital-risque ont tous été progressivement revus à la baisse. Face à la crise, les pouvoirs publics ajustent donc leur stratégie. A défaut de pouvoir maintenir ces deux moyens d'action, l'investissement public est préféré à l'incitativité fiscale.

79 AFIC et Grant Thornton, communiqué de presse du 28 mars 2012

Cette tendance issue de la crise économique pourrait très bien être confortée par les nouvelles orientations politiques de la France au cours des cinq prochaines années. Les « niches fiscales », ainsi désignées par certains opposants aux politiques d'incitation fiscale, pourraient progressivement être abandonnées au profit d'une stratégie d'investissement public renforcé.

L'interventionnisme public poursuit ainsi son évolution.

Al

Bibliographie

Ouvrages :

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- « Le capital-risque », Mondher Cherif, Revue Banque Edition, 2e édition, 2008.

- « Les véhicules français de capital-investissement : SCR, FCPR, FCPI, FIP, principes

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'#

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- « Interim Report on the cumulative Impact on the Global Economy of Proposed Changes in the Banking Regula-tory Framework », Institut of International Finance, juin 2010

Supports juridiques :

- Loi du 11 juillet 1972 (loi n°72-650) relative aux sociétés financières d'innovation.

- Code monétaire et financier, partie législative, livre II (les produits), titre I (les instruments financiers) chapitre IV : placements collectifs.

- Directive 2009/65/CE (OPCVM)

- Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, dite directive AIFM

- Proposition de règlement relatif au fonds de capital-risque européen, Commission européenne, 7 décembre 2011.

Sites internet :

- www.sba.gov : The Small Business Administration (SBA) is a United States

government agency that provides support to entrepreneurs and small businesses.

- www.afic.fr : Association Française des Investisseurs en Capital.

- http://www.caissedesdepots.fr/






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