B- Principaux acteurs de l'univers pétrolier
nigérian :
L'industrie pétrolière au Nigéria connait
un grand nombre d'acteurs officiels et officieux. Ceux-ci entretiennent entre
eux des relations de nécessité participant du bon fonctionnement
de la filière ; mais aussi de suspicion à cause du choc des
intérêts et des querelles de leadership présentes dans le
milieu. De manière générale, on distingue deux types
d'acteurs dans le secteur pétrolier nigérian : les acteurs
gouvernementaux ou nationaux et les acteurs
internationaux. Au nombre des acteurs gouvernementaux du
pétrole figure en bonne place le Président de la
république. Il constitue avec ses hauts conseillers et la direction de
la compagnie pétrolière nationale le cercle retreint des
décideurs politiques en matière
pétrolière.124Le chef de l'Etat a souvent
cumulé à ses charges celles de ministre du pétrole
témoignant ainsi
118 -Op.cit
119 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine n° 216, avril
2004. Voir aussi Alexandra Gillies, « Réformer la corruption de
l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des risques
de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
»,
in U4 Brief, n° 23, septembre 2009 120- Idem.
121 -Voir Alexandra Gillies, « Réformer la corruption
de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
», in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
122 - Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
123 -Op.cit.
124- Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
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insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
du caractère éminemment politique de la gestion du
pétrole au Nigéria.125 Il a une
influence directe et déterminante sur les
décisions pétrolières. Les relations
privilégiées qu'il entretient avec les dirigeants des pays
d'où sont originaires les multina-
tionales du pétrole opérant au Nigéria ne
sont donc pas fortuites.
A côté du président de la
république figure le ministre du pétrole. Le titulaire de ce
poste, qui a été remis au goût du jour en 2007, est un des
plus proches collaborateurs du chef de l'Etat. Il est chargé de la
supervision technique de la compagnie pétrolière nationale et
mène la politique relative au secteur
pétrolier.126Deux principaux
organismes étatiques dépendent directement de
lui : la Direction des ressources pétrolières (DPR) et
la NOSDRA.127 La DPR est l'organe de surveillance de
l'industrie.
Filiale de la compagnie pétrolière nationale
jusqu'en 1988, elle est à présent auto-nome.128 La
DPR, dont le rôle est consacré aux activités
d'exploitation, supervise la conformité des multinationales aux lois et
règlements, y compris en matière
environ-nementale.129Elle conserve les archives des
opérations de l'industrie, conseille le
gouvernement, assure la rentrée des royalties et des
baux et traite toutes les autorisations de licence.130 C'est en fait
l'agence de promotion de l'industrie
pétrolière.131La
DPR, qui est souvent en conflit avec la compagnie
pétrolière nationale, se retrouve dans la difficile situation de
garant d'une industrie pétrolière respectueuse des lois
républicaines et de l'environnement, et promotrice d'une exploitation du
pétrole qui est à la fois source de moyens colossaux pour l'Etat
et cause d'insécurité.
La seconde agence du ministère du pétrole, la
NOSDRA (National Oil Spill Detection and Response Agency) est
chargée de surveiller les fuites de pétrole.132 Elle
évalue les dégâts environnementaux en cas de catastrophe
pétrolière et entreprend une évaluation de l'impact. La
NOSDRA prévient les autorités politiques des conséquences
éventuelles des fuites et de leur incidence sur la santé. Elle
veille à la réparation effective des installations
pétrolières après une catastrophe, et assure la
médiation entre les victimes et les compagnies
pétrolières.133 La NOSDRA est également
chargée de garantir que le plan national de déversement
prévu (le national oil spill contingency plan) est
appliqué conformément à la convention on oil pollution
preparedness response and co-operation (OPRC).134La mission de
veille de cette agence gouvernementale est rendue difficile à cause de
ses faibles moyens financiers et de sa dépendance aux informations
données par les multinationales en cas de fuites de pétrole.
Cette incapacité à régler les problèmes
causés par l'industrie pétrolière s'est manifestée
lors des différentes fuites de pétrole dans la localité de
Bodo, dans le Delta du Niger, en aout et décembre
2008.135
125 -Idem.
126 -Ibid.
127 -
128 -Ibid.
129 -Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie
tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de
pétrole
dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov.
2011, p. 34.
130 - Idem.
131 -Ibid.
132 -Ibid. 133-Ibid. P.32.
134 -Ibid. P29.
135 - Ibid. P4.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Depuis 2004, un nouvel organisme en charge de la gestion de
l'industrie pétrolière a été mis sur pied. Il
s'agit du secrétariat général de la NEITI (l'initiative
pour la transparence des industries extractives au Nigéria). La mission
de cette agence est de veiller à la transparence dans la gestion du
pétrole plus particulièrement dans l'administration des revenus
tirés de son exploitation. Le secrétariat général
de la NEITI dépend directement de la présidence de la
république.
Un des acteurs nationaux les plus importants de la
filière pétrolière Nigériane est sans conteste
la Nigerian National Petroleum Company (NNPC). Fondée en 1977,
la compagnie pétrolière nationale assure la participation de
l'Etat dans le cadre des joint-ventures avec les multinationales du
pétrole. Elle compte plus de 9000 sala-riés.136 C'est
une compagnie verticalement intégrée qui contrôle un
éventail d'activités en amont et en aval de l'industrie
pétrolière. Ses multiples fonctions comprennent l'exploitation de
douze filiales dans le domaine de l'exploration-production mais aussi du
raffinage, du transport et de la gestion des terminaux de stockage des produits
pétroliers et pétrochimiques.137 La plus importante de
ses filiales est la National Petroleum Investment Management Services
(NAPIMS) qui agit en tant que concessionnaire de l'industrie et passe des
contrats avec les compagnies pétrolières au nom de l'Etat. La
NNPC est partie prenante dans au moins six joint-ventures avec des compagnies
pétrolières internationales en tant qu'actionnaire majoritaire.
Cependant, c'est toujours la compagnie internationale qui est
l'opérateur.138 L'entreprise qui possédait
initialement 80% des parts de son contrat avec la Shell Petroleum
Development Company (SPDC filiale de la Royal Dutch Shell) en
conserve dorénavant 55%.139 Sa participation dans les autres
joint-ventures est de 60%. Peu de contrôles financiers internes se font
à la NNPC. Néanmoins, des audits externes y sont annuellement
menés.140 La compagnie pétrolière nationale est
donc le principal acteur gouvernemental de l'industrie pétrolière
au Nigéria. Elle est à la fois une administration et un
opérateur dans les différents segments de l'industrie
pétrolière. L'organe de décision de la NNPC est
composé du conseil d'administration et son directeur
général. L'industrie pétrolière au Nigéria
connait alors principalement six opérateurs gouvernementaux,
chargés pour l'essentiel d'assurer la protection des
intérêts nigérians en matière de pétrole.
L'industrie pétrolière au Nigéria accorde
également une place de choix à des acteurs internationaux. Venant
en appui à l'Etat dans sa gestion des ressources
pétrolières, ils participent au dynamisme de l'industrie tout en
s'assurant des marges bénéficiaires considérables. Les
principaux interlocuteurs internationaux des autorités nigérianes
sont sans doute les multinationales du pétrole. Les plus en vue sont
Shell, Exxon Mobil, Chevron Texaco, Total et Eni/ Agip.
D'autres compagnies de moindre importance comme Statoil, Petrobas, Addax
et de petites indépendantes
136 - Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la corruption
de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
», in U4 Brief, n° 23, septembre 2009
137 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.26.
138 -Idem.
139 -Ibid.
140 -Idem.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
essayent de se faire une place dans l'univers concurrentiel du
pétrole nigérian. Royal Dutch Shell (Shell) est
l'opérateur majoritaire du circuit pétrolier du pays. La
compagnie opère sur près de 31 000 kilomètres
carrés.141 Elle est partie prenante d'une joint-venture avec
l'Etat nigérian qui en détient 55%, Elf Petroleum Nigeria
Ltd. (filiale du groupe français Total) 10%, et la compagnie
italienne ENI 5%.142Shell, qui détient 30%
de la joint-venture, en est l'opérateur principal.143Les
firmes multinationales sont les véritables acteurs de terrain du secteur
pétrolier nigérian. La relative incurie avec laquelle elles
gèrent certaines questions, comme la protection de l'environnement ou
l'amélioration des conditions de vie des populations des zones
d'exploitation, démontre la grande marge de manoeuvre dont elles
bénéficient.144 Malgré leur personnalité
juridique et une relative indépendance financière, il est
impossible de voir les multinationales du pétrole comme de simples
acteurs économiques. En tant que principaux « intervenants de
terrain » au Nigéria, elles sont les bras séculiers des
grands consommateurs, et représentent la caution commerciale de leurs
manoeuvres stratégiques.
L'industrie pétrolière est une activité
qui nécessite l'investissement d'énormes sommes d'argent. Les
progrès technologiques et la situation des gisements de plus en plus en
profondeur viennent alourdir la facture des opérateurs. La prospection
en eaux profondes, qui tend à s'intensifier dans la région,
oblige les compagnies pétrolières à recourir à des
prêts encore plus importants. Les partenaires économiques et
financiers sont alors des acteurs internationaux de premier plan de la
filière. Au nombre de ces acteurs, figurent les institutions
financières internationales (IFI). Par leur rôle
prépondérant dans les économies des pays
sous-développés, les IFI constituent des facilitateurs de
financement pour les multinationales comme pour les Etats. La Banque
mondiale et le Fonds monétaire international sont, par
exemple, des investisseurs non négligeables dans le secteur
pétrolier au Nigéria. Les compagnies pétrolières
internationales font généralement appel aux Agences de
Crédit à l'Exportation (ACE) et au Groupe de la Banque
Mondiale, afin de garantir leurs investissements, et transférer
ainsi sur les autorités publiques leurs propres risques financiers. Ces
partenaires financiers des multinationales n'hésitent pas à
délier les cordons de la bourse pour préfinancer les grands
projets pétroliers, dans les pays les plus pauvres. Ils ont ainsi
dépensé 51 milliards de dollars entre 1995 et 1999, pour
faciliter les projets pétroliers et miniers dans les pays en
développement et les ex-républiques
soviétiques.145 Les bénéficiaires de ces
financements sont des compagnies pétrolières américaines
(Haliburton et Chevron-Texaco) ou l'anglo-néerlandaise
(Shell).146
141 - Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie
tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de
pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov. 2011,
p.26.
142 -Idem.
143 -Ibid.
144 -Ibid.
145 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.15.
146 -Idem.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
La société financière internationale
(SFI), est un des plus grands investisseurs dans les projets
pétroliers en Afrique subsaharienne. En 2001, les investissements de la
société dans la région ont représenté 40%
des 840 millions de dollars injectés par elle dans l'amont
pétrolier.147 Les récents investissements de la SFI
dans le secteur pétrolier en Afrique ont concerné des projets au
Congo, au Cameroun, au Tchad, au Gabon, en Côte d'ivoire et au
Nigéria. La SFI, comme la plupart des institutions faisant partie du
groupe de la Banque Mondiale (BIRD, AID, AMGI), accorde aux opérateurs
du secteur pétrolier des prêts généralement
assorties de conditionnalités sociales et
environnementales.148 C'est tout le contraire des agences de
crédit à l'exportation149 dont les conditions de
prêts sont entourées de mystère. Selon le Fonds
monétaire international, les financements accordés par
celles-ci150 sont largement supérieurs à ceux
accordés par la Banque Mondiale, le FMI et les autres institutions
multilatérales réunies.151Cette situation,
potentiellement dangereuse pour les pays du Golfe de Guinée, est
malheureusement assez répandue. Les pays pétroliers sont
lourdement endettés auprès de ces bailleurs de fonds, qui les
contraignent ainsi financièrement. Le pourcentage de l'endettement
extérieur nigérian détenu en 2000 par les Agences de
crédit à l'exportation était, par exemple, de
71%.152La responsabilité de celles-ci dans le faible impact
économique de la rente pétrolière en Afrique et plus
particulièrement au Nigéria, est indéniable.
L'industrie pétrolière nigériane connait
une pléthore d'acteurs gouvernementaux ou internationaux qui remplissent
une fonction particulière dans la chaine pétrolière. La
vitalité et le dynamisme qu'ils procurent à l'univers
pétrolier ne se fait ressentir que très faiblement au sein des
populations.
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