CONCLUSION GENERALE
Les CDR étaient une émanation du CNR, un support
d'action politique économique et sociale du régime
révolutionnaire arrivé au pouvoir d'Etat à partir du 04
août 1983.
Clé de voûte du système
révolutionnaire, leur avènement et leur implication à tous
les niveaux de la vie nationale ont défini une rupture avec les modes de
gestion des régimes antérieurs qui s'étaient
succédé à la tête de l'Etat depuis les
indépendances jusqu'à la date historique du 04 août
1983.
Avec cette rupture, le Burkina Faso a été
engagé dans une nouvelle expérience politique et socio
économique mue d'une dynamique originale conférée par la
recherche permanente de la participation directe du peuple à la
construction nationale.
La frénésie avec laquelle cette innovation a
été faite dans la gestion politique et socio-économique et
les dissentiments moussés de l'état-major avaient
été sources de vicissitudes. Des brutalités, des
comportements convulsifs, des dérapages... ont entraîné la
déconsidération de ce système d'approfondissement et de
pérennisation de la révolution dont la raison première
était de faire le bonheur du peuple.
L'avènement du 15 octobre 1987 a été en
partie suscité par les dérives militaristes et autres
excès des CDR dont la conséquence avait été la
création d'un climat de psychose, de méfiance et de lassitude.
Victimes de toutes sortes de récupération et
d'instrumentalisation de la part de groupes politiques conspirant les uns
contre les autres pour avoir le monopole de la conception de l'Etat
révolutionnaire, les CDR avaient été transformés
parfois en des outils de terreur politique : « Vengeances
personnelles, actes politiques d'une extreme gravité [&], les CDR
[s'engouffraient] peu a peu dans un terrorisme personnel a l'ancienne mode
»617 d'après la presse internationale.
Il est injuste d'occulter ou de nier purement et simplement le
climat de violence actionnelle et verbale entretenu souvent par la passion et
le fanatisme des défenseurs de la révolution. Certes, il y a bel
et bien eu une logique de répression et même de dictature dans la
pratique des CDR si bien que de nos jours l'évocation du mot CDR ne
connote que négativement dans certains milieux.
Cependant, « il est [aussi] injuste de surfacturer la
note ».618 Le contenu de l'action des CDR se limite t-il
à un cortège sombre de dérives et d'abus ? N'y a-t-il que
du discrédit dans leur action ?
De notre point de vue, se laisser aller à un bornage de
l'oeuvre des CDR à un inventaire de méfaits nous parait se
soustraire à une profondeur d'analyse. Il faut donc bannir les points de
vue à l'emporte-pièce distillés à leur encontre.
Les constats des différentes avancées que nous
avons pu découvrir sur le plan socio-économique constituent des
éléments à conviction qui prouvent que l'oeuvre des CDR a
révélé plus de promotion de bien-être que de la
crucifixion sociale.
Si « le devoir premier des Etats, c'est le
bien-être des populations qui les habitent »619, il
faut accepter que les CDR ont permis à l'Etat révolutionnaire de
s'appuyer sur eux pour la réussite de cette mission qui est
prégnante dans tous les aspects. Vecteurs de la régularisation
foncière, de l'équipement des espaces lotis et de la gestion des
services de proximité, d'une réelle révolution des
mentalités, les CDR ont davantage oeuvré pour le meilleur de
l'existence des Burkinabé, nettement plus que les systèmes
d'investissement public créés par les régimes
précurseurs de la RDP.
L'action des CDR a ainsi permis l'implication directe des
populations dans la gestion de l'Etat sur tous les plans. On a assisté
dans une certaine mesure à l'engagement d'un processus de
démocratisation réelle. Les différents débats et
conférences étaient des circonstances qui rapprochaient les
populations de la chose publique. Certaines couches de la population, notamment
rurales, jadis absentes de la vie politique, avaient désormais un droit
de regard et de proposition par rapport à la gestion de leurs cadres
d'existence et d'une manière générale de l'Etat.
En considérant qu' « une République
n'est véritablement démocratique que lorsqu'elle permet une
participation effective des citoyens a la vie politique
»,620 nous pouvons affirmer qu'ils ont constitué un mode
d'organisation, un mode d'implication des populations à la base
d'où l'expérience d'une démocratie de proximité qui
était même en avance sur les politiques de décentralisation
qui sont appliquées aujourd'hui dans le pays.
L'action des CDR a contribué à la
sensibilisation, à une certaine conscientisation à la base qui a
suscité une conscience populaire poussant les citoyens à
comprendre que leur avenir repose sur leurs propres mains. Comprendre que le
Burkina Faso est un pays pauvre et qu'il revenait aux Burkinabé de
réfléchir, de travailler et de se sacrifier pour créer
leur espace de développement car, « il est utopique
618 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir
en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 95.
619 Raoul M. JENNAR, 1995, L'ONU et le citoyen,
page 17.
620 Emmanuel AUBIN, 2003, L'essentiel de
l'introduction à la vie politique, Paris, GUALINO, page17.
et illusoire d'attendre qu'un riche vienne sortir un
pauvre de sa pauvrete. C'est la meilleure facon d'endormir le peuple que de
penser que les pays riches ont une vraie compassion pour les pays pauvres.
C'est parce qu'ils sont riches qu'il y a des pauvres
».621
Un véritable réveil des consciences ayant permis
un auto-développement indéniable dans un pays où la
gabegie, le laxisme et la résignation avaient gagné les coeurs et
les esprits. En somme, une expérience inédite.
621 Achille TAPSOBA : entretien du 27 juillet 2005
à l'Assemblée nationale.
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