Le pouvoir politique n'est jamais un acquis définitif,
il s'acquiert progressivement et sa durée résulte de sa force
d'adaptation et de défense. Il est vrai que depuis le 04 août
1983, le CNR s'était approprié le pouvoir d'Etat et
s'était planifié un projet de société ; cette
société nouvelle devait prendre vitalité dans la RDP.
L'aboutissement de ce projet social reposait sur la longévité et
l'efficacité de la révolution au sein de laquelle le CNR devait
coordonner les actions pertinentes pour arriver à ce succès
social.
Dans ce cadre, les CDR avaient la mission d'être les
facilitateurs du succès social révolutionnaire. Ils furent ainsi
appelés à adapter la révolution aux masses
34 populaires dont ils étaient les
représentants. A ce titre, ils avaient le devoir d'exercer le pouvoir
populaire selon la conception démocratique du CNR et d'inscrire leur
action dans une logique de défense de la révolution. Autrement
dit, ils avaient l'obligation de contribuer au renforcement de la
révolution en exerçant le pouvoir populaire.
Dès son avènement le 04 août 1983, la
révolution de par ses tenants se revendiquait d'un modèle de
démocratie populaire. Pour les leaders du processus en cours, l'objectif
de la révolution consistait à faire assumer le pouvoir par le
peuple.70 « C'est la raison pour laquelle le premier acte
de la revolution apres la proclamation du 04 aoilt fut l'appel adresse au
peuple pour la constitution des Comites de Defense de la Revolution (CDR)
».71
En clair, les représentants du peuple étaient
les CDR dont la tâche se résumait en la sauvegarde de la
souveraineté du peuple au nom duquel ils exerçaient le pouvoir.
En cela se fondait le caractère démocratique et populaire
exalté par le propos révolutionnaire.
Si on se réfère à l'acception courante
de la démocratie qui est synonyme d'élections nationales et de
multipartisme, la RDP fut alors un nouveau modèle non en phase avec les
schémas démocratiques universellement reconnus, notamment par les
Occidentaux. Cette nouvelle originalisation de la démocratie
battait en brèche la conception occidentale. Selon le CNR, cette
dernière n'était qu'une démocratie de minorité qui
s'exerçait aux dépens des masses populaires.
Consacrés comme « l'organisation authentique
du peuple dans l'exercice du pouvoir revolutionnaire %&', l'instrument que
le peuple s'est forge pour se rendre veritablement souverain de son destin
»,72 les CDR constituèrent de véritables relais
du pouvoir révolutionnaire. Il ressort une certaine ambivalence dans
leur fonction puisque tout en représentant le peuple auprès du
CNR, ils incarnaient ce dernier auprès du premier. Les masses
étaient invitées à s'exprimer à travers les CDR
pour concevoir la politique du pays en vue de résoudre leurs
problèmes conformément à leurs profondes
aspirations.73 Est-ce une décentralisation du pouvoir pour le
calquer sur le modèle de la démocratie athénienne
où la souveraineté populaire était le leitmotiv dans
l'agora ?
70 CNR, 1983, DOP : « Le caractere et la
portée de la revolution d'aoit », pages 20 et 21.
71 CNR, 1983, DOP : « De la
souverainete du peuple dans l'exercice du pouvoir revolutionnaire »,
page 25.
72 CNR, 1983, DOP : « Pour une juste
comprehension de la nature, du rQle et du fonctionnement des CDR »
page 25.
73 Babou Paulin BAMOUNI « Idéologie :
la Revolution d'aoit et l'idée de parti » in CARREFOUR
AFRICAIN N°839 du 13 juillet 1984, page 07.
Ce qui est sûr, il faut reconnaître qu'avec
l'institutionnalisation des CDR et la redéfinition politique,
économique et sociale de leur rôle, le CNR mettait en oeuvre son
aspiration à tenir compte de la souveraineté populaire dans le
processus : « Vox Populi, Vox Dei »74 disaient
les Latins. Un créneau qui de notre point de vue facilitait la
légitimation totale du pouvoir.
Le principe du centralisme démocratique qui
régissait l'exercice du pouvoir populaire ne pouvait être qu'un
moyen d'incitation des masses à adhérer bon gré mal
gré aux décisions du CNR. Cela est justifiable d'autant plus que
par ce principe, l'exercice du pouvoir local était une dérivation
du pouvoir central dont le CNR était le dépositaire : le
centralisme démocratique ne préconisait-il pas la soumission des
organismes de l'échelon inférieur à ceux de
l'échelon supérieur dont le plus gradé était le CNR
?
Si le principe démocratique était une
caractéristique de l'exercice du pouvoir populaire et une assise de la
société révolutionnaire, il est très primordial de
révéler qu'il s'inscrivait dans la dynamique de défense de
la RDP.