2.3. Libération des
femmes et distinction d'un rôle maternel
A l'aube de la révolution, le courant
prédominant de la philosophie des lumières est ainsi
traversé par un discours naturaliste sur la féminité
justifiant l'exclusion de la femme du domaine de la raison. Une thèse de
la « nature féminine », qui s'appuie sur la
différence physiologique des sexes. Dans cette perspective, pour
conserver la nature de la femme, plus faible et plus sensible, et son aptitude
à la procréation, il faut lui interdire l'accès à
la raison et l'intelligence, par essence masculine. Seul un autre courant,
porté par Condorcet, contredira cette théorie, à partir
duquel naitra sous la révolution de 1789, le premier mouvement
féministe, quoique non identifié encore comme tel, dont les
pionnières seront Olympe de Gouges, ou bien encore Théroigne de
Méricourt_. Ainsi la femme, sortie de l'ombre pour être
magnifiée à partir de la maternité, associera son combat
futur d'émancipation avec la protection des enfants. A l'époque
donc où se forgent ces représentations de la
féminité, les femmes sont privées de tous droits civils et
politiques, ce qui les placent sous la dépendance absolue du
père, de l'époux et de la communauté familiale. La femme
avec l'enfant sont placés dans un statut d'incapacité, sous la
tutelle du père et mari. Elle a interdiction de faire des
opérations financières sans le mari ; c'est le
père qui décide du mariage et de l'éducation des enfants.
Il faudra attendre 1944 pour l'accès des femmes au droit de vote, et
1965 pour celui d'exercer une profession sans le consentement de son mari.
Le mouvement de libération de la femme est venu de la
sorte s'achopper sur l'avènement de la conception d'une division
sexuelle des rôles dans la sphère familiale. On peut noter
à ce sujet le rappel historique de ce contexte qu'en fait Isabelle
Guérin dans son ouvrage « Femmes et économie
solidaire » : L'auteur explique que dans le contexte de la
fin du XVIIIème, l'esprit des Lumières, il était question
de libérer les hommes des liens de subordination personnels, les femmes
étant priées d'assurer l'harmonie de l'espace familial. Le souci
du bonheur pour le plus grand nombre allait de pair avec l'affirmation
d'autonomie du sujet et de sa liberté, étant exclus ceux
considérés comme non maîtres de leur volonté. La
division sexuelle du travail se dessine ensuite au cours du XIXème
siècle, opposant foyer et activité salariée. Les revenus
féminins prennent alors la connotation de salaire d'appoint qui va
s'ériger en norme. Des positions dans ce sens étant soutenues par
les économistes à partir de trois principaux arguments que
sont : Une concurrence déloyale exercée par les femmes du
fait de leurs faibles salaires - Le rôle central des femmes en terme de
contribution au capital humain (femmes au foyer) - L'argument sur la
mortalité infantile liée aux enfants laissés à des
nourrices. (Guérin, 2003).
Ainsi, l'organisation sociale prend appui sur l'organisation
dans la sphère privée d'un ordre matrimonial qui constitue
à la fois un ordre moral et un ordre social, et la conception du couple
qui la sous-tend selon le schéma d'une division sexuelle des
rôles, est une représentation inégalitaire entre l'homme et
la femme. Comme nous l'explique Irène Théry dans un article de
Sciences Humaines : « Vers le XIXème siècle, la
femme a cessé d'être perçue comme inférieure
à l'homme selon une conception hiérarchique des sexes issue de la
tradition religieuse, mais n'a pas pour autant été vue comme son
égale. Perçue comme différente de l'homme, sa vocation
devient alors de s'accomplir dans sa féminité par la
maternité. Elle poursuit : « Le mariage est l'institution
qui inscrit la maternité dans le lien social et politique en la liant a
priori à la paternité. On ne peut comprendre l'ébranlement
contemporain de notre système de filiation sans le rapporter aux
transformations majeures de l'alliance, quand se précipite, à la
fin des années 1960, le long cheminement démocratique qui a
donné aux femmes le statut d'égales et d'interlocutrices des
hommes ». (Théry, 2000).
Divers courants se dégagent, pour interpréter la
sociologie de la famille qui a pris naissance avec l'industrialisation et le
développement d'une pensée scientifique de la sociologie. Nous
allons voir comment l'analyse de ces approches en lien avec mon questionnement
autour de la place du père, me permettra de dégager mes
hypothèses.
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