5.2. Des séparations
de couples conflictuelles
Ces associations ne proposent pas une aide directe au
traitement de conflit de couple ou des services de médiation
familiale, même s'ils préconisent fortement pour certains cette
orientation. Cependant, elles reçoivent des parents qui sont tous dans
la situation d'être séparés, en cours ou non de divorce,
mais toujours avec la demande d'intervention judiciaire concernant la
résidence des enfants. La particularité en effet des personnes
reçues dans les associations est de vivre une situation de
séparation conflictuelle, la durée de vie commune du couple
pouvant être variable, voire parfois quasiment inexistante comme parmi
les personnes interrogées, pour les trois plus jeunes que sont Vincent,
Julien, et Lucien.
5.2.1. Le conflit parental dans
la séparation de jeunes pères
Des nuances ainsi apparaissent dans l'échantillon par
rapport à l'âge des pères, entre les jeunes trentenaires,
et les autres. Ces trois pères en effet présentent la
particularité de ne pas avoir vécu en couple. Il ne s'agit donc
pas pour eux comme pour les autres d'un conflit lié à la
séparation d'une vie de couple, même si dans cette situation
également, il est bien question d'un conflit du couple
parental :
« Ça fait longtemps que je ne suis plus
contre elle, alors qu'elle elle est encore contre moi, elle se bat contre moi,
et elle utilise les enfants pour ça, et je pense qu'elle est
persuadée que j'en ai rien à faire de l'enfant et que je me bats
contre elle, pour lui faire mal à elle. » (Vincent)
L'un d'entre eux, Lucien, n'est pas encore père, mais
en attente d'un enfant ; quant aux deux autres jeunes pères
interviewés (Vincent et Julien), ils expriment le sentiment d'avoir
été utilisés par leur compagne pour avoir un
enfant :
« En fait cet enfant là était plus
ou moins une erreur de notre part. De ma part il n'était pas
désiré, de sa part, il était
plus désiré, mais c'était plus manipulé de sa
part. Elle, elle avait tout programmé.
Je me suis en fait retrouvé devant le fait accompli, et
elle m'a fait tellement un travail sur moi de façon que je reconnaisse
l'enfant. Parce que c'est vrai que pendant des années je désirais
avoir un enfant, et du fait que c'est arrivé, je me suis dit, même
si ce n'est pas désiré de ma part, j'aurai
préféré avoir un enfant dans d'autres conditions, et les
choses étant ce qu'elles sont, j'ai dit, je ne vais pas renoncer
à cet enfant parce que c'est mon enfant, il a besoin de moi en tant que
père, et il ne mérite pas ça. Et donc le jour où on
a appris qu'elle était enceinte, c'est ce jour là qu'elle a
décidé de me mettre
dehors. » (Julien)
« Pour mon enfant, c'était une grossesse
non désirée, j'ai pas du tout suivi la grossesse en étant
très en colère contre la mère [...] Je lui ai
demandé l'avortement, et un mois et demi après, elle avait pris
sa décision de le garder. Et puis nous étions un couple
très jeune, elle vivait à Nancy à l'époque, et donc
on n'a jamais vécu ensemble sauf les WE [...]
Je l'ai quitté au bout d'un mois et demi où elle
avait enfin pris sa décision, et je n'ai quasiment pas suivi la
grossesse. Elle m'a fait plein de chantages, et j'ai vu mon fils pour la
première fois quand il avait 4 mois, je l'ai reconnu pendant la
grossesse, grâce justement à une association de mères
célibataires, que j'ai trouvé en cherchant avec les mots
clés, « enfant dans le dos ».
Maintenant, à l'association je me bats pour le
voir. » (Vincent)
Ils réagissent alors par la volonté de
s'impliquer, à travers une remise en question sur eux-mêmes, et le
fait de se projeter dans la paternité :
« Moi, cet enfant, le premier jour où je
l'ai vu, c'était un coup de foudre, c'était évident, en
rentrant en voiture, j'ai pleuré pendant trois heures..
Ça m'a fait évoluer, cette histoire, ça m'a
fait faire un bond, un travail sur moi-même, des choses que je n'arrivais
pas à dépasser, que je ne comprenais pas. J'ai compris
pourquoi je suis tombé sur cette femme là, pourquoi, je n'ai pas
pu, cet enfant je ne peux pas
l'abandonner. » (Vincent)
« En tant que bon père, j'estime, je
ferai tout quitte à ce que moi, je donnerai ma vie pour mon enfant, et
cela jusqu'à la fin de mes jours [...] J'ai dû lui donner de
l'argent pour voir mon fils, et puis acheter des vêtements, de la
nourriture, pour que je puisse avoir un droit de visite d'une heure sur mon
fils... Avoir un terrain d'entente, pour F, mes
droits de visite et de contribution parentale, c'est normal, c'est mon enfant.
Je l'ai vu trois fois, en trois fois, je l'ai vu 4 h. Pour moi, il me manque
énormément, j'en fais des déprimes.» (Julien)
« Je me renseigne où en est la grossesse,
où elle en est physiquement aussi, parce que quand une femme attend un
enfant, il y a un ressenti, j'essaie de savoir comment ça se
passe ; Quand on est séparé, c'est vrai qu'on n'a pas la
femme à côté de soi, on ne voit pas le ventre prendre de
l'ampleur, je suis privé de tout ça, je sais que ce sera un
manque, mais j'essaie de savoir là où elle en est, je
l'accompagne autant que je peux, en tant qu'ex conjoint, dans sa grossesse.
Pour l'instant, je ne suis pas mis à l'écart du
processus. » (Lucien)
Un père interviewé, impliqué par ailleurs
dans l'association, résume à sa façon les situations
conflictuelles des pères qui se présentent :
« Il y a aussi le fait d'aller devant un juge,
car il y en a qui se séparent sans problèmes, ils font tout
à l'amiable, et puis du jour au lendemain, parce que quelqu'un revient
dans la vie sociale, ça met le grain de sable, ils vont voir le juge et
ça finit en « eau de boudin ». Il y a le facteur
baby blues aussi. Il peut arriver qu'une mère ait le baby blues et puis
du jour au lendemain, elle s'en va. Le père, il ne comprend pas, il n'y
a plus de mère. Après la naissance, vous avez des mères
qui partent avec leur enfant, on ne sait pas pourquoi, et le père, il
est là, il est au milieu, et il se demande pourquoi il est là. Et
puis vous avez aussi des pères géniteurs ;
c'est-à-dire la femme trouve un homme, se fait faire un enfant, et
après, elle disparait. Et en général, c'est les plus
virulents, ces pères là, parce qu'ils savent qu'ils ont quelque
chose à eux, et ils veulent le récupérer, et ils sont les
plus virulents dans le sens où ils ont été
bafoués. » (Pierre)
Parfois séparés ou divorcés depuis
plusieurs années, le conflit peut être ravivé suite
à un changement de situation :
« On s'était mis d'accord pour tous les
WE, à l'amiable, et puis petit à petit, je ne l'avais plus le
WE. J'ai alors demandé à faire une
requête, et quand j'ai eu un dialogue avec le greffier, il m'a dit il
faut faire une requête, et je lui ai dit, si elle ne veut pas la faire,
alors il m'a répondu, ça ce n'est pas notre problème,
c'est à vous de vous arranger ; Quand vous avez un mur en face de
vous, vous faites comment ? » (Pierre)
Une rivalité qui apparait souvent consécutive
à un déménagement de la mère.
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