1.5 Groupes vulnérables
Avec quelques variations selon les pays, comme nous le verrons
plus loin dans ce chapitre, les enfants et les femmes demeurent largement le
groupe le plus exposé à l'infection du VIH. Certaines
catégories sociales, souvent marginalisées, sont dites à
hauts risques de contamination. Ce sont : les prostituées, les personnes
homosexuelles, les usagers des drogues intraveineuses, les enfants de la rue,
les prisonniers et les populations mobiles, notamment les routiers, les
militaires et les réfugiés.
1.6 Traitements disponibles
Le SIDA conduit presque toujours à la mort, bien
qu'elle survienne après plusieurs années de l'infection. Durant
les premieres années de la découverte du VIH/SIDA, être
diagnostiqué séropositif était synonyme de mort prochaine
et certaine. Bien qu'aucun vaccin efficace n'ait été encore
trouvé jusqu'à nos jours, il existe néanmoins des
traitements qui permettent de stopper la réplication du VIH, permettant
ainsi le prolongement de la vie des personnes infectées.
En 1986, la communauté scientifique redécouvre
l'AZT, l'azidothymidine, communément connu sous le nom de Zidovudine et
Retrovir. Ce médicament, développé en 1964 contre le
cancer, avait déjà démontré à
l'époque son efficacité à combattre les rétrovirus.
L'AZT devient ainsi l'un des premiers antirétroviraux capables de
stopper la reproduction et la mutation du VIH dans l'organisme humain.
Les antirétroviraux sont des composants pharmaceutiques
destinés à prévenir la reproduction des rétrovirus,
dont le VIH fait partie. Il existe plusieurs types utilisés dans le
traitement contre le VIH, notamment les inhibiteurs nucléosidiques (dont
l'AZT), les inhibiteurs non nucléosidiques, et les inhibiteurs de la
protéase. Les inhibiteurs nucléosidiques et non
nucléosidiques fonctionnent de la même manière, à la
différence que
le premier a besoin d'être catalysé (chimiquement
altéré) par l'organisme pour être actif et le second est
immédiatement actif une fois dans le sang. Tandis que ces deux types
d'inhibiteurs, nucléosidiques et non nucléosidiques,
empêchent les cellules saines d'être infectées par le VIH,
les inhibiteurs de la protéase empêchent plutôt les cellules
déjà infectées par le VIH de reproduire d'autres
VIH7.
Au cours des dernières années, le traitement
à l'AZT a fait ses preuves en réduisant de presque deux-tiers le
risque de transmission de mère à enfant pour les femmes enceintes
séropositives. Cependant, l'AZT s'est révélé
être un médicament très toxique et à la longue
inefficace. En effet, après plusieurs mois de traitement, certains
patients ont développé une résistance face au traitement
à l'AZT. Les chercheurs et médecins ont ensuite découvert
qu'il est plus approprié de traiter les personnes séropositives
et les malades du SIDA avec un traitement multiple, associant plusieurs autres
médicaments plutôt qu'avec l'AZT seul. Il a été
constaté que lorsque le traitement s'effectue à l'AZT seul
(monothérapie), quelques particules du virus non anéanties par le
médicament sont susceptibles de muter et de créer une autre
variété du VIH plus résistante.
Cherchant à remédier à la
résistance du VIH, un traitement associant trois thérapies
simultanément (trithérapie) a été
étudié. Avec l'association de ces trois thérapies, on a
constaté que la mutation du virus devenait plus difficile et le
traitement plus efficace8. Plusieurs études ont montré
par la suite qu'en combinant un inhibiteur de protéase avec deux
inhibiteurs nucléosidiques, combinaison appelée HAART (Higly
Active Antiretroviral Therapy), la progression de la maladie diminuait
sensiblement et la réplication du VIH dans l'organisme se faisait
à un très faible taux, et cela pour une longue période de
temps9.
Aujourd'hui, la trithérapie représente un grand
espoir pour toutes les personnes séropositives et les malades du SIDA.
En est témoin, l'étude présentée par la firme
pharmaceutique Merck lors de la XIe conférence mondiale sur
le SIDA (tenue à Vancouver, au Canada, en juillet 1996). Selon cette
étude, sur 18 patients ayant reçu en
7 R. A. SMITH, Encyclopedia of AIDS: a social,
political, cultural and scientific record of the HIV epidemic, Fitzroy
Dearborn, Chicago, 1998, p. 70.
8 G.TRACY IRONS (project editor), Health
Issues, vol.1, Salem Press, California, 2001, pp. 33-34.
9 R. A. SMITH, Encyclopedia of AIDS: a social,
political, cultural and scientific record of the HIV epidemic, Fitzroy
Dearborn, Chicago, 1998, pp.71-72.
association l'AZT, le 3 TC et l'indinavir, pour une
période de 48 semaines, 15 n'ont plus eu de trace détectable du
virus dans leur plasma. La difficulté de ce traitement se situe au
niveau des effets collatéraux nombreux et de la nécessité
d'un régime approprié.
Au-delà des contraintes liées directement
à la rigueur du traitement, le grand défi demeure sa diffusion au
niveau mondial. Ces médicaments étant très coûteux,
le traitement reste pratiquement inaccessible pour les pays en voie de
développement. Seuls les pays industrialisés et ceux disposant
des revenus élevés ont pu faire bénéficier à
leurs patients de ces découvertes. L'accès au traitement, pour
ces malades des pays riches, a rapidement entraîné une baisse
significative de la mortalité à cause du VIH/SIDA. En Italie, par
exemple, l'accès aux médicaments anti-SIDA, a permis une baisse
spectaculaire de la mortalité parmi les personnes infectées par
le VIH, passant de 83,9% en 1993 à 9,2% en 200110.
Devant l'impossibilité pour plusieurs pays, dont
certains sont les plus frappés par l'épidémie, de faire
face aux coüts que comportent ces traitements antirétroviraux,
plusieurs voix se sont levées au niveau international pour
réclamer la réduction des prix de ces médicaments pour les
pays en voie de développement. Des espoirs ont été
suscités à Doha en novembre 2001 lors de la réunion de
l'OMC (Organisation mondiale du Commerce), mais aucun accord significatif,
favorable aux pays en développement, n'a pu être trouvé,
laissant ainsi des millions des malades sans autre issue que celui de mourir.
Nous reviendrons plus en détail sur cette question du monopole des
médicaments antirétroviraux dans le second et le troisième
chapitre de notre travail, en la situant d'abord dans le contexte des
importations et ensuite celui des droits humains.
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