2.3. Les dépenses publiques
Les dépenses publiques constituent l'ensemble des
ressources économiques employées par l'État ou d'autres
entités publiques en vue de produire des biens et services
112 A.T. PRICE-SMITH, The Health of Nations, The
Massachussetts Insitute of Technology Press, Cambridge, 2002, p. 105.
113 Cf. MINISTERE DES FINANCES ET DE LA PLANIFICATION ECONOMIQUE,
Le Rwanda en Chiffres, Edition 2001, p. 25.
pour la collectivité ou effectuer des transferts en
faveur des citoyens du pays114. Les ressources pour ces
dépenses proviennent en général du
prélèvement fiscal, des bons du trésor115 ou
des différents prêts qui constituent la dette publique. Ces
ressources sont généralement employées dans
différents secteurs publics comme la santé et l'éducation,
elles sont aussi utilisées pour la distribution des revenus (salaires,
subventions, transferts, etc.) et le contrôle du cycle économique.
Le niveau et la composition des dépenses publiques reflètent les
choix opérés par les autorités politiques et
administratifs, l'évolution de la structure socioéconomique, les
comportements des opérateurs économiques ainsi que ceux des
citoyens116. Aux dépenses publiques est, en
général, associée la politique fiscale du pays, par
laquelle est financée la consommation publique à travers les
impôts et les transferts aux citoyens nécessiteux (chômeurs,
orphelins, indigents, personnes handicapées, etc.). Est aussi
associée aux dépenses publiques l'intervention de l'État
dans les différents secteurs économiques et sociaux, en
particulier à travers les subventions.
Nous nous limiterons ici à voir le lien entre les
dépenses associées aux secteurs de la santé et de
l'éducation, et la menace posée par l'épidémie du
VIH/SIDA. Nous ferons ensuite quelques considérations sur la politique
fiscale et économique actuelle dans un contexte où le VIH/SIDA
crée et aggrave la pauvreté.
2.3.1 Le secteur de l'éducation
Le développement du secteur de l'éducation
constitue une priorité pour un pays en développement comme le
Rwanda. L'éducation de la population permet de rendre efficiente les
ressources humaines qui sont incontournables dans tout processus de
développement, car comme disait Jean Bodin, économiste
mercantiliste du 16ème siècle, « Il n'y a ni
richesse ni force que d'hommes ».
Pour arriver à combattre l'analphabétisme,
estimée en 2000 à environ 33%117, et faire face
à l'insuffisance des infrastructures d'éducation, le gouvernement
devrait allouer des ressources importantes à ce secteur. Un effort
remarquable a été réalisé ces dernières
années par le gouvernement rwandais avec l'augmentation de sa part des
dépenses
114 Cf. L'Enciclopedia dell'Economia, Istituto
Geografico De Agostani, Novara, 1998, p. 813.
115 Les Bons du trésor sont des titres émis par le
Trésor public et destinés à opérer un financement
à court terme.
116 Cf. L'Enciclopedia dell'Economia, Istituto
Geografico De Agostani, Novara, 1998, p. 813.
117 Cf. BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT (BAD), Rapport sur le
Développement en Afrique 2001. Renforcement de la bonne gouvernance en
Afrique, Economica, Paris, 2001, p. 249.
publiques destinées à l'éducation
nationale. Le gouvernement a pu ainsi démontrer l'importance qu'il
accorde à la promotion de l'éducation dans tout le pays. Les
statistiques qui suivent l'illustrent éloquemment.
Dépenses pour l'
éducation118
Années
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
Dépenses du gouvernement pour l'éducation (en
million de Frw)
|
10
|
865
|
11
|
937
|
12
|
448
|
23
|
650
|
Dépenses publiques pour l'éducation (en % du
PIB)
|
1,9
|
|
1,9
|
|
2,0
|
|
3,5
|
|
Dépenses publiques pour l'éducation (en % du
budget)
|
17
|
|
21
|
|
20
|
|
30
|
|
Dépenses publiques par étudiant (en $US)
|
23
|
|
27
|
|
26
|
|
42
|
|
Source : Ministère de l'Educaion et Ministère
des Finances et de la Planification économique .
118 Cf. MINISTERE DES FINANCES ET DE LA PLANIFICATION ECONOMIQUE,
Le Rwanda en Chiffres, Edition 2001, p. 11.
L'épidémie du VIH/SIDA, comme nous l'avons vu
dans le premier chapitre, frappe particulièrement les populations jeunes
; parmi celles-ci se retrouvent en particulier les étudiants et la
majorité des professeurs. Vu la vulnérabilité de la
population estudiantine et celle chargée de la formation, le secteur de
l'éducation se voit aussi sérieusement menacé par
l'expansion du VIH/SIDA.
Dans ce secteur, comme dans ceux étudiés au
niveau microéconomique, les coûts liés au VIH/SIDA sont
énormes pour les particuliers et les différents
établissements. Ici les coûts retombent particulièrement
sur le gouvernement qui dépense et investit beaucoup pour
l'amélioration de ce secteur. En plus des investissements importants que
le gouvernement perdrait avec l'expansion de l'épidémie du
VIH/SIDA dans la population estudiantine, des dépenses
supplémentaires s'ajouteraient aussi pour le remplacement des
enseignants et le soutien de la scolarisation des orphelins laissés par
les parents décédés du SIDA.
Ces coûts seraient pesants pour un pays comme le Rwanda
qui compte déjà une forte population orpheline suite au
génocide de 1994, et il faut reconnaître que le gouvernement fait
déjà un gros effort pour soutenir cette population orpheline
à travers les transferts effectués par le FARG (Fonds
d'Assistance aux Rescapés du Génocide). Avec l'expansion du
VIH/SIDA, les orphelins sont en train d'augmenter, et L'État se trouve
dans une situation encore plus compliquée où il doit intervenir
pour assurer un minimum de vie décente et l'éducation
nécessaire aux orphelins laissés par le génocide et ceux
laissés par le SIDA. On compte aujourd'hui environ 400.000 orphelins au
Rwanda, dont 95.000 orphelins du SIDA119.
Le gouvernement, qui est déjà confronté
à plusieurs situations dans laquelle il doit intervenir, doit aussi
affronter le problème de la diminution des enseignants, qui ne sont pas
faciles à remplacer. Comme le constate le Ministère chargé
des finances et de la planification économique dans son rapport 2001,
« L'épidémie du VIH/SIDA a un impact négatif sur
le secteur de l'éducation réduisant ainsi le nombre d'enseignants
qui deviennent malades ou qui meurent, et place le poids de la
responsabilité sur les
119 Cf. COMMISSION NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE SIDA (CNLS),
Cadre stratégique national de lutte contre le SIDA 2002-2006,
Présidence de la république Rwandaise, Kigali, avril 2002,
p. 23.
élèves120. »
Le vide laissé par le décès d'un professeur est d'autant
plus important qu'en général, un enseignant s'occupe de la
formation de plusieurs élèves, et, avec sa disparition, les
conséquences retombent aussi sur les élèves qui perdent
ainsi leur formateur.
Vu la forte menace et les coüts énormes que
l'expansion de l'épidémie peut comporter pour ce secteur
essentiel au développement du pays, il nous semble urgent qu'un
programme spécifique de lutte contre le SIDA soit envisagé dans
ce secteur et financé par le gouvernement dans le cadre du budget
alloué à l'éducation nationale, programme qui inclurait
l'information et la communication sur le VIH/SIDA dans le curriculum scolaire.
Dans une logique purement économique, nous estimons qu'il s'agirait
là d'un moyen de diminuer les risques et garantir l'efficacité
des investissements et des dépenses importants que l'État fait en
matière d'éducation.
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