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VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

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par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

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INTRODUCTION

Il y a environ 20 ans, apparaissait une maladie étrange et coriace qu'on nomma SIDA, Syndrome de l'Immunodéficience Acquise. Get ensemble des signes et symptômes était difficile à saisir ; et contre cette maladie, qui progressait à un rythme hallucinant, on ne trouva aucun remède curatif. Le SIDA est d'autant plus particulier que, à la différence des autres maladies, le virus qui le cause, appelé Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH), connaît une longue période d'incubation avant que la maladie ne se déclare. Et une fois celle-ci déclarée, la personne infectée est presque inéluctablement destinée à mourir d'une maladie opportuniste dans les années qui suivent l'infection.

L'on découvrit aussi que le VIH avait plusieurs sous-types, qu'il se développait surtout dans les fluides du corps humain et que c'est lors des échanges de ces fluides qu'il pouvait être transmis d'une personne à une autre. On détecta que ce virus ne résiste pas longtemps à l'air libre et qu'il se transmet surtout lors des transfusions sanguines, injections intraveineuses, relations sexuelles, grossesse et allaitement pour la contamination de l'enfant par la mere. Dans les premieres années de son apparition, la maladie frappait les prostituées, les personnes homosexuelles et les héroïnomanes ; l'on crut alors que la maladie ne concernait que les déviants sociaux et on lui infligea le cachet de maladie de la honte. Ge dernier cachet contribua à véhiculer des idées erronées sur le VIH/SIDA et les personnes qui en sont infectées, et à favoriser une ultérieure progression de l'épidémie qui, même si l'on s'évertuait à la cacher, n'en continuait pas moins à sévir.

L'expansion mondiale, qu'elle connut dans les années 1980, fit prendre conscience que le SIDA n'a pas de frontière assignable, ni sociale ni encore moins géographique. Il s'avéra effectivement que ce sont les populations mobiles, notamment les routiers, les commerçants, les travailleurs immigrés, touristes et autres populations déplacées, qui contribuent surtout à sa propagation dans le monde, et, plus particulièrement, en Afrique subsaharienne où l'épidémie connaît la plus grande expansion.

Au Rwanda, la maladie fut initialement perçue comme un problème des gens de la ville. Mais très vite, elle se répandit dans les milieux ruraux ; ce qui, encore une fois, prouve que l'épidémie ne peut être contenue dans des limites géographiques bien précises et qu'elle peut toucher tout le monde. Comme dans d'autres pays de l'Afrique

subsaharienne, la maladie, qui se transmet surtout par la voie hétérosexuelle, s'est diffusée rapidement dans la population rwandaise et est devenue une véritable pandémie. En effet, tandis que, en 1986, on comptait environ 150 000 sujets infectés du VIH/SIDA au Rwanda, à la fin de l'année 2004, le programme commun des Nations Unies sur le SIDA (ONUSIDA), estimait que, environ 250 000 rwandais (adultes et enfants) vivaient avec le VIH/SIDA. Cette progression significative de l'épidémie montre que le Rwanda fait face à une véritable catastrophe sanitaire comme, d'ailleurs, l'ensemble du continent africain qui compte environ 66,1% du total des infections mondiales, bien qu'il existe des différences significatives entre les différents pays. L'Organisation Mondiale de la Santé sonna l'alarme et l'ONUSIDA fut créé pour aider les différents gouvernements à établir des programmes nationaux de lutte contre le SIDA. Au Rwanda, le PNLS, Programme National de Lutte contre le SIDA, fut créé en 1987. Le PNLS, qui faisait partie du Ministère de la santé, établit plusieurs programmes de prévention et de sensibilisation nationale face à la progression du VIH/SIDA.

Il faut dire que, jusque-là, l'on considérait le SIDA comme un problème de santé publique, comme cela était le cas dans plusieurs autres pays. Mais, avec l'augmentation des décès survenant surtout dans la population active, plus touchée par l'épidémie, l'on commença à percevoir le danger d'une catastrophe démographique. Il aura donc fallu du temps pour que l'on comprenne que le SIDA est une maladie complexe dont les effets dépassent la sphère strictement sanitaire et qui, par ses causes et conséquences, constitue un réel problème de développement et une menace pour la survie de l'économie et de la société rwandaise dans son ensemble. On commença timidement à se rendre compte que, par sa progression, le VIH/SIDA avait un réel impact économique et social sur le pays. Les premieres études sur cet aspect de l'épidémie n'eurent lieu que vers le début des années 1990, pendant que la maladie avait déjà fait ses ravages. Durant cette même période, le Rwanda vivait la plus dure épreuve de son histoire : la guerre déclenchée en 1990 et le génocide perpétré en 1994. En particulier, le génocide, qui se consomma dans l'indifférence totale de la communauté internationale, aggrava la situation économique et sociale du pays, et contribua aussi à la diffusion de l'épidémie dans la population, notamment avec les viols des femmes et le déplacement massif des populations.

Lorsque, après le génocide de 1994, on s'avisa que l'épidémie, loin de se réduire uniquement à un problème de santé publique, constituait un danger pour le développement

et la reconstruction du pays, le gouvernement créa, en 2001, une structure de coordination multisectorielle, la CNLS, qui avait, entre autres, comme objectif d'étudier l'impact économique et social du VIH/SIDA sur le pays. A la suite de cette prise de conscience, le Ministère des finances et de la planification économique introduisit la lutte contre le VIH/SIDA dans les objectifs de sa stratégie de lutte contre la pauvreté et dans son programme de développement à long terme, appelé « vision 2020 ". Toutefois, bien que l'on fît un pas non négligeable, on confina, là aussi, le VIH/SIDA dans les priorités sanitaires avec la malaria, premiere cause de mortalité au Rwanda. C'en ft de même pour le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, NEPAD, plan de développement de l'Afrique par l'Afrique, qui, tout en reconnaissant qu'il restera impossible de véritablement mettre en valeur les ressources humaines du continent si l'épidémie n'est pas éradiquée, la plaça seulement au nombre des actions prioritaires pour la promotion de la santé en Afrique.

Pour notre part, la pandémie du VIH/SIDA au Rwanda et, en général, en Afrique est véritablement un problème de développement humain, qui touche tous les secteurs de la vie nationale : l'économique, le social, le culturel aussi bien que le politique. Comme nous nous proposons de le démontrer dans cette étude, nous pensons que les causes et les conséquences de cette maladie induisent suffisamment à établir l'existence d'une corrélation négative entre son expansion et le développement intégral de la société. Bien que notre propos soit principalement de nous limiter à l'impact économique et social de l'épidémie au Rwanda, il nous a paru utile de situer la question dans le contexte beaucoup plus global de l'Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, dans le contexte mondial. Effectivement, le SIDA a, dans chaque pays, sa façon propre d'honorer le phénomène de la mondialisation.

Pour analyser les implications économiques et sociales de la pandémie SIDA au Rwanda, nous recourrons au principe de « triangulation " qui, pour la recherche en sciences sociales, associe les méthodes quantitatives à celles qualitatives. Cette option méthodologique est commandée par notre thèse, à savoir que, dans le cadre de cette étude, nous entendons considérer l'épidémie du VIH/SIDA comme un problème en rapport avec l'économie du développement. Cette dernière cherche à étudier l'économie des pays pauvres, les problèmes du sous-développement , et les défis des pays du « tiers monde " par une approche interdisciplinaire. Elle vise aussi, face aux situations socioéconomiques

souvent difficiles et complexes de ces pays, à proposer des solutions adaptées aux différentes réalités. Nous estimons que l'économie du développement offre une grille intéressante pour aborder le problème du SIDA dans ses conséquences économiques et sociales, conséquences qui hypothèquent lourdement les efforts des décennies de développement de nombreux pays pauvres dont le Rwanda. En adoptant, par conséquent, le principe méthodologique de « triangulation », notre dessein est de placer le SIDA dans la perspective des sciences sociales, d'étudier les causes de son expansion au Rwanda, ses conséquences actuelles et potentielles pour l'économie rwandaise, et ses incidences sur toute la société dont elle menace le progrès dans la durée.

Notre étude comprend trois chapitres. Le premier décrit la réalité du VIH/SIDA et son expansion actuelle dans le monde, en portant une attention particulière au continent africain et, surtout, en se focalisant sur la situation concrète du Rwanda, qui est le sujet même de notre recherche. Le deuxième chapitre aborde les implications économiques de l'épidémie du VIH/SIDA au Rwanda tant au niveau micro qu'au niveau macroéconomique. Enfin, le troisième chapitre relève les répercussions de l'épidémie sur la société en choisissant de considérer uniquement trois dimensions de la réalité sociale : la démographie, la condition féminine et les droits humains. Nous terminons ce chapitre en proposant des pistes de solutions à partir des actions et initiatives qui existent déjà au niveau local avec la collaboration internationale des différents bailleurs de fonds et organismes internationaux.

Nous nous rendons compte que le défi est de taille et qu'il dépasse les moyens humains et financiers dont le pays dispose. Aussi avons-nous le sentiment que cette étude est peut-être trop prétentieuse devant une réalité aussi complexe. Mais faudrait-il attendre encore plus longtemps pour tirer, encore plus fort, la sonnette d'alarme quand plusieurs familles rwandaises et africaines connaissent déjà des situations dramatiques à cause du VIH/SIDA, et, que les pauvres s'appauvrissent davantage? Faudrait-il attendre des statistiques plus significatives pour renforcer l'action et impliquer tous les secteurs de la vie nationale et internationale? Allons-nous continuer à jouer aux pompiers quand des signes annonciateurs d'une potentielle catastrophe humanitaire pointent déjà à l'horizon ? Faudrait-il continuer à enterrer les morts et à pleurer quand il existe des moyens et des stratégies à tous les niveaux de la société globale pour redonner espoir à des milliers de personnes victimes de la pauvreté et du VIH/SIDA ? Faudrait-il continuer à louer les

bienfaits du « village global » quand on sait que les exclus de ses bienfaits sont nombreux et que le fossé entre riches et pauvres, tant au niveau national qu'international, se creuse davantage ? Faut-il rester indifférent face au SIDA qui menace toute la société, et qui devient, de plus en plus, le syndrome de la marginalisation éthique, économique et sociale des femmes et des hommes de notre temps ?

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius