REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Ministère de l'Enseignement Supérieur
et Universitaire
UCCM (Ex. ISPL)
251657216B.P. 10 883 KINSHASA I
251659264FACULTE DE PHILOSOPHIE ET LETTRES
DE LA PSYCHANALYSE DU SUJET CONNAISSANT A
L'OBJECTIVITE SCIENTIFIQUE DANS L'EPISTEMOLOGIE BACHELARDIENNE
REMEDES POUR UNE MONDIALISATIHUMAIN
« Cas de la RDC de 2006 à nos
Jours »
Merleau NSIMBA - Ngoma
Mémoire
Présenté et défendu en vue de
l'Obtention du Grade de Licencié en Philosophie et
lettres
Option : Philosophie et Sciences
Humaines
Directeur : Prof. Sylvain KAMBALA WA
KAMBALA
Co-directeur : Ass. Rhodin
MUKUNDA
Année Académique
2008-2009
EPIGRAPHE
Dans la pratique philosophique, la philosophie
s'efforce, par une réflexion, par une réflexion théorique
critique, d'arriver à expliquer le réel de manière
radicale, c'est-à-dire totalisante et ultime.
La particularité de la philosophie, comme
discipline scientifique, est de pouvoir élever cette inquiétude,
(finitude historique, situation politique, économique et social de
l'homme), au niveau d'un questionnement radical sur la totalité de
notre existence.
A ce titre, rien n'échappe à la
philosophie. Et, un philosophe est toujours inquiet parce que son
interrogation radicale sur la totalité de l'expérience
humaine est une tension dialectique, sans repos...
Discours d'ouverture des Actes de la 4e Semaine
Philosophique de Kinshasa du 23 au 27 avril 1979, P.12.
« Il suffit que nous parlions d'un objet
pour nous croire objectifs. Mais par notre premier choix, l'objet nous
désigne plus que nous le désignons et ce que nous croyons nos
pensées fondamentales sur le monde sont souvent des confidences sur la
jeunesse de notre esprit. Voilà pourquoi on ne peut se prévaloir
d'un esprit scientifique tant qu'on n'est pas assuré, à tous les
moments de la vie pensive, de reconstruire tout son
savoir ».
Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, p. 11.
DEDICACES
A sa Sainteté le Pape,
Aux Eminences Cardinaux,
Aux Excellences Archevêques et
Evêques,
Aux prêtres, diacres, religieux et
religieuses,
A mes parents,
A toutes les personnes de bonne volonté qui
oeuvrent pour la dignité et la valorisation de la personne
humaine,
A tous ceux qui, pour un goût absolu aux
livres, sont morts pour demeurer fidèles à un principe ou un
souvenir ;
Pour un rêve trop longtemps poursuivi ...ou par
erreur,
En témoignage de gratitude, car ils nous ont
montré que ce qui importe enfin, ce n'est pas pourquoi l'on meurt mais
comment l'ont meurt,
A mes amis et frères, parce que chaque matin
qui passe vous m'aidez à prendre conscience de mes
responsabilités,
Je dédie ce travail !
REMERCIEMENTS
C'est une gestation de longue haleine qui a nourri
notre projet d'élaboration d'un mémoire sur Gaston Bachelard.
En effet, si nos souvenirs ne nous contredisent pas,
c'est depuis notre deuxième année de graduat et ce, au contact
avec l'épistémologie, que nous avions manifesté le
désir de rédiger un mémoire dans ce sens-là. Mais
les impératifs dispositionnels ne pouvaient pas nous prêter
à une telle entreprise. Voilà ce qui justifie, en ce jour et sous
toutes ces lignes nos remerciements sincères à l'endroit de
toutes ces personnes qui ont coopéré afin que ce vieux rêve
attrape aujourd'hui la réalité.
Etant conscient du fait que toute expérience
religieuse est bipolaire, notre regard se tourne avant tout vers Dieu. La Cause
Incausée, Le Premier Moteur, Lui, Maître de l'histoire et des
circonstances, à qui nous attribuons par l'analogie, la perfection de
bonté grâce à laquelle il nous a doté de
l'énergie épistémologique en faveur de laquelle nous avons
pu résister contre la famine, les fatigues, les découragements
et désespoirs que nous avons enduré, en dépit des
impasses et limites auxquelles nous nous étions plusieurs fois
trouvé confronté, il n'a pas un seul instant permis que notre
imagination s'obscurcisse.
Nous nous tournons, cette fois-ci, vers la Très
Sainte Vierge Marie ; Mère du bel Amour et Notre Dame de la Sagesse
pour ses innombrables et interminables intercessions dont nous ne cessons
d'être bénéficiaires auprès du Père ; et
ce dans notre trajectoire existentielle...
De manière sui generis, nous tenons à
remercier, du fond de notre coeur, le Professeur Sylvain KAMBALA WA KAMBALA
qui a promu et dirigé cette étude. Il est parmi ceux dont la
compétence en philosophie et les conseils judicieux nous ont permis
d'améliorer le texte sur quelques points essentiels. Il l'a
prouvé, à travers, ses lectures critiques aussi justes qu'utiles,
ses encouragements, déjà lors de la présentation et de la
défense du projet de ce travail - ses admirations, ses contributions -
même matérielles et financières, tout cela a
particulièrement caractérisé son dévouement
à la direction de nos recherches, et ce, au-delà des multiples
préoccupations auxquelles il était pourtant
confronté.
A travers lui, c'est à monsieur Rhodin MUKUNDA
MUKUNILUA, jusqu'alors assistant de professeur sylvain chargé des
Questions approfondies de logique, que nos gratitudes s'adressent. Nous avons
trouvé en lui, un maître et un guide sûr et discret, autant
compréhensif que patient. Il a accepté volontiers de lire et
relire nos manuscrits et le corriger de sa main si sûre.
Nous remercions également les professeurs et
les Abbés dénis KIALUTA, Marcous BINDUNGWA, Jean Chrysostome
AKENDA, Michel GERARD, Adolphe MANGALA, et messieurs Crispin MAKELELE,
Léon BOTOLO, Crispin NGWEY et Georges IBONGU et autres que nous ne
pouvons citer les noms ici pour tous les soutiens qu'ils nous ont
apportés et surtout parce que tous les échanges que nous avons
eus avec eux, à propos de la transfiguration de l'objet dans les
sciences contemporaines dont Bachelard porte l'étendard, nous ont
suffisamment édifié. Nous réitérons, à
travers eux nos voeux à tous les corps professoraux de la Faculté
de Philosophie et lettres de l'Université Chrétienne Cardinal
Malula, notre Alma Mater, des Facultés Catholiques de Kinshasa, des
Séminaires Saint André Kaggwa et Saint Pierre Canisius et
surtout de l'école primaire et secondaire, qui, de notre jeune enfance,
ont particulièrement travaillé et concouru à notre
maturation intellectuelle. Qu'ils trouvent ici leur compte parce que nous
portons en nous la marque de leur éducation.
Nul n'ignore que lorsqu'on écrit un travail
scientifique, on est sujet qui a réussi à atteindre l'objet de sa
quête. Mais cela on y arrive qu'après un long procès au
cours duquel on a eu plusieurs obstacles à surmonter. On a réussi
à le faire grâce à l'aide qu'on a reçu de part et
d'autres. C'est donc avec un sentiment de vive reconnaissance que nous pensons
à tous ceux qui nous ont spirituellement et matériellement
soutenus. Ce travail n'aurait été possible, dans sa forme
actuelle que grâce à l'aide que nous avons reçue tant de
nos amis que de certaines familles, pour ne citer que ces deux
catégories. Puissent-ils nous pardonner de blesser leur modestie en les
citant. Nous pensons spécialement aux familles DOKOLO - NGOMA, NKANU et
MUKUALA : notre merci peut paraître minime, mais traduira
certainement aussi tout notre intérieur pour reconnaître tout ce
qu'ils ont fait pour nous, et particulièrement pour nous avoir fourni,
non seulement le logis mais aussi ce avec quoi nous avons réalisé
cette étude. Le sens de leur disponibilité et leur sens d'aide
restera tellement irremplaçable et indélébile en nous que
nous ne cesserons de prier le Père qui voit dans le secret afin qu'il
leur rende au centuple.
Nous remercions, par cette même occasion, les
missionnaires de la joie, l'Association des amis de Gaston Bachelard, Michel
Pichon, Jean-dédé Kabwe, Maurice Matata, Sabin Mbelo, Jean de
Dieu Mukoko, Edouard Kongolo, Didier Kassombo, Antoine Mutombo, Magloire
Nafuka, Thierry Kitiaka, Léon Kadima, Ghislain Luabeya
Crispin Mumbanda, Simon-Pierre Mabanza, Trésor Muteba,
Sébastien Sedeke, Bernard Eliwo, Robert Otaba, Francis Madinda, Alain
Luka, Hervé Nkulu, Grâce Tsoukou, Forley Bouleke, Klauss Mboro,
Duval Mboro et Joël Bega qui ne se sont jamais montrés
indifférents chaque fois qu'ils pouvaient ni même devraient nous
venir en aide.
Nos sentiments de gratitude, nous les adressons aussi
à la communauté de la paroisse Saint Martin pour toutes fois que
leurs encouragements ont pu nous remonter le moral ainsi que pour toutes les
fois qu'ils ont pu nous jeter la perche alors que les vagues des angoisses
nous submergeaient. Merci aussi au Révérend Père Gaetano
Gazzola qui nous a aidé pendant des moments durs.
Nous aimerons, enfin, exprimer nos congratulations et
gratitudes envers tous les oncles et tantes, envers toutes les familles amies,
spécialement les familles Muwayi et Tekilazaya et envers tous les
cousins et cousines. Nous ne cesserons certainement pas de porter dans notre
conscience les amitiés que nous avons nouées avec Tito Bakebongo,
Eric Tondo, Papy Bitomene, Daddy Lutonadio, Eric Kisoka, Charly Yamba-Yamba,
Christian Mahwa, Refred Ngunda, Edgar Matondo, David Mukadi, Marcellin Makasi,
Alphonse Kande, Claver Mpia, Thierry Kimbungu, Nestor Salumu, Clément
Matand, Eric Luyenga et Davienne...
Nous rassurons à toutes nos connaissances et
amis qui nous sont particulièrement liées que les traces
indestructibles de notre attachement inconditionnel pour elles sont pour nous
l'étendard et le flambeau de leur amitié.
Malgré ces nombreuses contributions
citées supra, le document que nous présentons aujourd'hui
à nos lecteurs, n'est sûrement pas à la hauteur des espoirs
qu'il peut soulever, ceci d'autant plus que nous sommes conscients des erreurs
et omissions qui ont pu se glisser dedans, tandis que nous avons pensé,
d'une autre part, orienter nos investigations dans une direction qui aurait
aussi pour rôle d'indiquer, dans quel sens, le présent travail,
nous laisse sur une question, qui appelle une réflexion
ultérieure étant donné que les impératifs
économiques nous ont fait sacrifier certains textes et thèmes,
que nous espérons pouvoir publier sous une autre forme.
Il nous est impossible, compte tenu de notre
finitude ontologique par rapport à laquelle nous sommes limité
dans l'espace et dans le temps ; sur ce, nous sommes des êtres
voués à l'oubli, de citer toute personne ayant concouru
à la réalisation de notre dissertation.
Nous implorons, à cet effet, à tous ceux
dont les noms, au lieu d'être exaltés par le verbe, sont par
contre, glorifiés par le très profond silence de notre
être, mais envers qui nous sommes très reconnaissant, puissent
trouver ici nos sincères remerciements.
Jean-Pierre Merleau NSIMBA NGOMA,
L'Auteur !
0. INTRODUCTION GENERALE
Il est, universellement, admis que l'homme est essentiellement
un homo sapiens. En tant que tel, il dispose d'un savoir et d'une sagesse
grâce auxquelles il comprend les phénomènes de la nature et
devient par conséquent maître de tout ce qui l'entoure.
Il est celui, qui, trouvant dans cette maîtrise à
la fois une connaissance de l'ordre du monde et un mobile d'y adhérer.
Ainsi son esprit s'associe aux phénomènes qui l'entourent et
forme-t-il l'objet de sa connaissance.
C'est alors, dans cette perspective, que nous pouvons soutenir
la thèse selon laquelle le problème de la connaissance a toujours
été, à travers l'histoire de l'humanité, au centre
des multiples préoccupations de l'homme. Car c'est bel et bien par elle
que l'homme se détermine et atteste excellemment son être
supérieur au sein d'un monde immense et peuplé de multiples
êtres.
En effet, de l'Antiquité à nos jours, en passant
bien sûr par les médiévaux et les modernes, de nombreux
penseurs ont fait preuve d'efforts louables mais parfois et souvent
inachevés dans leurs recherches d'une meilleure compréhension de
l'homme dans les différentes dimensions et acceptions de son être.
« Méditations sur... »,
« Contribuons à ..., « Critiques de
... ». Voilà, à notre avis, autant de principales
conceptualités qui concrétisent ce désir constant, ardent
et brûlant de l'esprit humain à atteindre toujours davantage un
niveau de rationalité plus perfectionné.
Karl Raimond Popper pense d'ailleurs, à ce sujet, qu'
« on devait se rappeler, dans ce contexte, que presque tous les
problèmes de l'épistémologie rationnelle sont liés
au problème de la croissance mais aussi celui de la formation de cette
connaissance. Je suis même tenté d'aller plus loin ; de
Platon à Descartes, Leibniz, Kant, Duhem et Poincaré, de Bacon,
Hobbes et Locke à Hume, Mill et Russel, la théorie de la
connaissance a été animée par le désir de nous
rendre aptes non seulement à en connaître davantage au sujet de la
connaissance, mais encore à contribuer au progrès de celle-ci,
c'est-à-dire de la connaissance scientifique »1(*).
C'est dans le contexte de cette contribution et de cette
quête d'une connaissance toujours plus perfectionnée qu'a pris
place et qu'il faut comprendre la philosophie de Gaston Bachelard.
En effet, Gaston Bachelard cherche les motivations
philosophiques des concepts scientifiques, qu'il considère comme
obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour parvenir
à une science, il faut, selon Bachelard, triompher d'un certain nombre
d'obstacles. Déjà dans le plan de sa formation de l'esprit
scientifique, il précise que « quand on cherche les
conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive
bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il
faut poser le problème de la connaissance. Et il ne s'agit pas de
considérer les obstacles externes, comme la complexité et la
fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des
sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de
connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de
nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des
troubles ».2(*) Et ces obstacles, l'auteur les définit
comme des préjugés métaphysiques implicites qui
organisent, régissent et entachent l'inconscient du chercheur ;
tout esprit qui commence la culture scientifique porte la marque et l'âge
de ses préjugés3(*) ; et toute première objectivité
qu'il atteint est tout aussi la première erreur qu'il enregistre.
D'où, pour Bachelard, « en revenant sur un passé
d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir
intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance
antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en
surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la
spiritualisation »4(*).
L'accès à la culture scientifique, donc
l'effacement des préjugés et des mythes requièrent une
véritable psychanalyse - autant que l'explique le sous-titre de la
formation de l'esprit scientifique - de nos illusions, de manière
à remonter jusqu'à l'inconscient collectif producteur de nos
erreurs. C'est pourquoi il convient de mettre à jour les thèmes
inconscients facteurs de blocage afin de les exorciser et de les rendre
inoffensifs à la libération de la connaissance objective.
L'esprit scientifique est ainsi, pour Bachelard, le
résultat d'une soustraction d'autant plus qu'il se débarrasse de
ses adhésions à l'immédiat et de ses entraînements
naturels. Le progrès de la science ne suit pas la ligne cumulative
d'une addition des connaissances mais une ligne réductrice,
c'est-à-dire une ligne de soustraction d'images et de
préjugés encombrants et non valorisants. La science n'est pas le
prolongement de la connaissance commune, elle la contredit. Le réel
de la connaissance scientifique n'est pas ce donné immédiat, il
est le construit5(*).
Bachelard démontre de cette manière-là
l'idée de la discontinuité qui, selon lui, préside aux
progrès des sciences. Il démontre que « le
progrès scientifique manifeste toujours une rupture, de
perpétuelles ruptures entre connaissance commune et connaissance
scientifique, dès qu'on aborde une science évoluée, une
science qui, du fait même de ces ruptures, porte la marque de la
modernité »6(*). L'idée de ruptures est, en fait, au
coeur de l'épistémologie bachelardienne qui professe que des
configurations nouvelles apparaissent et la connaissance objective se
développe, non pas parce que des problèmes propres à
l'objet d'étude ont été résolus, mais grâce
à des victoires sur les obstacles épistémologiques :
la connaissance s'élabore contre une connaissance antérieure, en
détruisant des notions, en reconstruisant, à chaque étape,
de nouvelles fondations. Il faut, conseille l'auteur, mettre en
évidence des coupures épistémologiques, des ruptures
méthodologiques, des changements de concepts et des déplacements
de méthodes à l'intérieur d'une discipline afin de
découvrir le socle discontinu et brisé sur lequel se bâtit
le discours scientifique. Il légitime ainsi sa démarche
essentiellement comme une réponse, mieux comme une contribution,
à l'histoire des sciences telle qu'il l'a observée jusqu'à
son époque.
En effet, l'épistémologie française des
XIXème et XXème siècles
était fortement dominée par la montée du positivisme
d'Auguste Comte. A l'encontre d'un mouvement de pensée qui professait
« que la science incarne la totalité du savoir possible et
rigoureux, et qui pense que la structure de la connaissance se forme par une
sorte de sédimentation progressive et évolutive des
théories »7(*), Gaston Bachelard démontre la
discontinuité : il y a discontinuité entre la
théorie physicienne d'Isaac Newton et celle d'Albert Einstein sur
l'univers8(*).
D'autre part, Bachelard diffère des autres historiens
des sciences sur la nature de la croissance de la connaissance, non seulement
par son grand apport de la découverte de la notion d'obstacles
épistémologiques, mais encore par sa fameuse notion des
dialectiques enveloppantes.
En effet, ce n'est pas par un cumul des connaissances, tel que
David Hume l'avait professé, que la science fait ses preuves de
croissance ; elle ne croît pas non plus par le principe de
falsifiabilité ou de réfutabilité comme
le comprend Karl POPPER ; ni moins encore par des
révolutions paradigmatiques, des programmes
des recherches ou l'anarchisme
méthodologique comme le soutiennent respectivement Thomas KUHN,
Imre Lakatos et Paul Feyerabend.
Pour Gaston Bachelard, par contre, la croissance scientifique
est essentiellement fonction des dialectiques
enveloppantes9(*) ; c'est-à-dire par des négations
dynamisantes dont la vitalité productrice réside dans une tension
essentielle entre la tradition et le changement dans les sciences selon une
expression de Kuhn10(*), entre connaissances périmées et
connaissances sanctionnées. Ce sont des négations dynamisantes
qui insèrent l'acquis scientifique passé dans l'acquis
scientifique présent considéré comme matrice
numérale amplifiée qui fait de la science une mémoire
rationnelle.
Finalement, le sens de cette philosophie du non dessine, chez
Bachelard, une épistémologie non cartésienne, qui
récuse la perspective d'une approche se fondant sur des idées ou
des natures simples au profit d'une doctrine de la complexité.
Contre les épistémologies traditionnelles, en
effet, affirmant l'existence d'éléments absolus et simples, il
considère que la science contemporaine obéit à un
idéal de complexités, où les notions ne se donnent jamais
comme distinctes et séparées. Le simple est toujours du
complexe, il est une « contexture
d'attributs »11(*). Il défend un rationalisme dynamique,
car la raison doit, selon lui, s'assouplir et s'ouvrir au complexe, au divers,
aux aléas. Il n'y a plus de raison absolue, mais une ratio
touchée par la relativité, dialoguant désormais avec les
configurations mobiles et des noeuds de relations. C'est la synthèse du
réalisme et du rationalisme classiques, qui baigne, chez Bachelard, dans
un certain surnationalisme12(*).
Quant à notre étude, elle s'attellera surtout
à montrer quelle est l'idée de la science qu'il va s'agir de
protéger, d'améliorer ou de nuancer par nos propositions. Ce
sera certainement l'idée de la croissance de la connaissance
scientifique dans le dynamisme de son processus. Mais nous nous demanderons
alors comment se fait-il que, malgré la pertinente question des
obstacles épistémologiques, nous puissions toujours
acquérir des connaissances ? Mieux, comment l'esprit
accède-t-il à la science ? Cette question nous plonge
inéluctablement dans celle d'objectivité de nos
connaissances : n'arrive-t-il toujours pas que l'intérêt de
la subjectivité spirituelle du chercheur régisse tout le
résultat de son entreprise et toute sa connaissance ?
Une telle étude s'avérera pertinente pour nous
tant il est vrai qu'elle ouvre et soumet l'esprit qui s'accrochent encore au
monde du sens commun, doit devenir, finalement, un purgatoire incontournable et
indépassable qui doit ainsi creuser cette psychologie des profondeurs de
tout chercheur. Même si la science reste l'expression la plus juteuse
de la liberté inconditionnelle de l'esprit humain, nous osons prendre le
risque d'affirmer, à la suite de Bachelard, que le monde de la science
n'obéit pas toujours à toutes les manipulations de la
liberté de l'esprit du scientifique, et qu'il faut devoir y distinguer
« l'esprit scientifique régulier qui anime le laboratoire de
recherches et l'esprit scientifique séculier qui trouve ses disciples
dans le monde des philosophes ». Et laissons à Pierre Quillet
la tâche de préciser que « la cité
scientifique est fermée et réglée comme par une
clôture et une constitution monastique. La vocation scientifique exige
un complet renoncement à tout attachement humain »13(*).
Finalement, il devient impérieux « que
chacun détruise plus encore que ses phobies, ses `'philies'' ses
complaisances pour les intuitions premières »14(*).
Quand on se méfie du monde des complaisances et des
intuitions premières, on peut bien accéder à un monde
d'objectivité, à un monde du réel tel qu'on doit ou tel
qu'il doit se laisser étudier et non pas tel que nous voudrions le
rythmer, tel que nous voudrions le voir être, s'accordant et
répondant ainsi aux intérêts et aux exigences de notre
subjectivité.
Ceci constituera pour nous la nécessité et
l'actualité du parcours de l'histoire des sciences,
nécessité pourtant à nous montrer que les hommes du
passé ont aussi rencontré des obstacles dans leur démarche
scientifique, et à nous renseigner de la manière dont ils ont su
tirer épingle du jeu. Quant à son actualité,
l'étude de l'histoire des sciences nous montre, à nous
philosophes et surtout en tant que chercheurs, la manière dont nous
pouvons aussi surmonter les mêmes difficultés ou des obstacles
similaires, au lieu de vouloir toujours s'accommoder ou se contenter à
une science qui plait. « La science est ennuyeuse, il est
dangereux de se l'intéresser »15(*).
C'est pourquoi, pour bien visiter les creux des profondeurs de
la pensée bachelardienne, nous voudrions, autant qu'il nous sera
possible, procéder par une étude analytique. L'analyse de la
pensée de cet auteur nous semble être une entreprise à
perspectives multiples. C'est ce que démontre d'ailleurs Marly Bulcao
lorsqu'il préface à l'oeuvre de Jean-Luc Pouliquen où il
montre que « l'oeuvre de Gaston Bachelard est d'une telle
richesse et d'une telle ampleur qu'elle peut être abordée par des
chemins divers. Mais tous nous mènent au même noyau d'une
pensé simultante que nous appelle à une rénovation
constante des idées et nous entraîne vers la formation d'attitudes
nouvelles »16(*).
Nous marcherons donc à la suite de Gaston Bachelard
dans une approche de l'analyse du texte lui-même, ce qui nous permettra,
nous l'espérons, de bien répondre à toutes les exigences
porteuses du sens de nos recherches. Mais nous devons tout de même dire
que, en réalité, la méthode analytique est celle que toute
la rédaction de la dissertation comportera dans son ensemble. A
côté d'elle, nous aurons à spécifier, dans chacune
des sections constitutives du texte, une tactique particulière aux
impératifs qui s'offriront et qui s'indiqueront à la
recherche.
Mais le sens de toutes ces remarques et démarches
émises en place ressortira mieux lorsque nous aurons
décliné la démarche que nous emprunterons. Voici alors la
structuration de notre travail.
Immédiatement après cette longue introduction
générale, nous aurons un premier chapitre qui se
préoccupera de la démarche scientifique de l'auteur. En tant que
relecture du nouvel esprit scientifique, il examinera des questions ou
théories épistémologiques relatives à la croissance
de la connaissance scientifique. Autant d'ailleurs qu'il sera intitulé,
ce chapitre inaugural se chargera de retracer les étapes par lesquelles
la nouvelle science serait passée. Mais surtout pour culminer à
la conception bachelardienne de l'esprit scientifique.
Dans le souci, cette fois-ci, de repréciser la
conception de l'esprit scientifique chez Bachelard, nous analyserons, dans un
deuxième chapitre de notre travail, la notion d'obstacles
épistémologiques. à traiter de la croissance de la
connaissance scientifique autour de la démarche qu'emprunte Baston
Bachelard. Nous y détaillerons l'un après l'autre les obstacles
épistémologiques que doit franchir tout esprit désireux
d'entrer dans la culture scientifique et nous y ferons suivre la morale que
prescrit Bachelard pour l'exercice de la science avant de nous occuper de la
notion qui lui est chère, celle de la catharsis.
CHAPITRE PREMIER : DE
LA CONCEPTION BACHELARDIENNE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE
0. Mise en place
« L'être se prend en plusieurs acceptions,
il se dit de plusieurs manières », disait Aristote. Ce
qui est dit de l'être est aussi vrai de la science, car
jusque-là, il n'y a jamais eu et il n'y aurait peut-être pas une
formule unique pour exprimer une théorie ou une vérité
scientifique.
S'il y a, en effet, une histoire et un progrès de cette
théorie ou vérité, c'est parce qu'à chaque
époque, dans la mesure où elle peut se démarquer des
autres, a eu sa façon sinon sa manière de penser ainsi que de
dire le réel.
Cependant les rapports entre la théorie que l'on veut
exprimer et la vérité qu'elle exprime constituent une question
fondamentale en philosophie des sciences. Cette question qui se situe au coeur
des débats épistémologiques du XXe siècle, renvoie
finalement aux rapports entre discours scientifique et
réalité.
Notre regard sur la démarche scientifique se veut
être de rendre compte de la formation de l'esprit scientifique et de son
développement progressif. Il nous semble que ceci est apparu comme une
matrice importante du discours scientifique il y a quelques décennies.
En ce sens, il s'agira pour nous de prendre acte des règles de
prégnance d'intelligibilité et de rationalité qui
président, régissent et définissent la formation et le
progrès scientifiques dans la validité et l'interprétation
de ses théories.
C'est donc l'auteur comme Karl Popper, Thomas Kuhn,
René Descartes, Emmanuel Kant, Jürgen Habermas et surtout Emile
Meyerson que nous avons convoqués dans ce chapitre inaugural. Ils ont
voulu montrer la pertinence de cette formation et de ce progrès de
l'esprit scientifique en proposant à leur manière une conception
de ce progrès.
Le cadre de ce chapitre est donc celui de la relecture des
théories épistémologiques relatives au progrès de
la science. Nous y développerons l'idée, d'après
Bachelard, que « c'est par une démarche d'abstraction
enracinée dans le visuel et dont le but est descriptif que l'esprit
accède à la science »17(*).
Nous avons choisi de traiter ces auteurs dans ce chapitre
introductif afin de montrer les liens qu'il entretien avec Gaston Bachelard qui
nous concerne directement. Et cette relation, c'est l'héritage commun,
pour reprendre l'expression de Jean-Claude SCHOTTE, « c'est
l'anéantissement et l'ébranlement du patrimoine
positiviste »18(*).
I.1. Emile Meyerson et la
conception statique de la science
La pensée d'Emile Meyerson19(*) voit le jour et émerge
dans un cadre absolument polémiquant.
En effet, Meyerson est en trains de naître
scientifiquement dans un environnement scientifique assez dogmatique. Il
s'agit, pour être plus exact, de l'épistémologie du
néo-positivisme on ne peut plus dogmatique.
Cependant, héritiers du positivisme d'Auguste Comte,
les épistémologues du XIXième siècle
promettent et soutiennent une science essentiellement descriptive, qui se
limite à l'énoncé de lois scientifiques, et renonce, par
conséquent, à comprendre la nature même des choses.
Définissons de prime abord ce qu'est le
`'positivisme''
Le « positivisme » est une
théorie professée par Auguste Comte20(*). Dans son
« cours de philosophie positive », il
développe une idée essentielle, qu'il appelle « loi
des trois états » selon laquelle, l'humanité, la
société traversent par trois âges dont
`'théologique, métaphysique et positif''.
Dans le premier, l'esprit humain explique les
phénomènes en les attribuant à des êtres ou à
des forces mystérieuses ou surnaturelles. Dans la deuxième
(métaphysique) c'est à des entités abstraites comme
l'idée de nature ou d'esprit qu'il recours. Dans la troisième
phase, enfin, l'homme ne vise qu'à une connaissance relative, il
recherche non plus les causes mais les lois que déterminent les
phénomènes. L'homme arrive à ce qu'il appelle
`'l'état scientifique'' `'ou positif'' puisqu'il est capable
d'expliquer les phénomènes par les lois. C'est la phase des
grands prêtres dont les savants et les industriels.
Les sciences de l'esprit positif se constituent en rupture
avec les deux premiers âges. Auguste Comte classe les sciences en
mathématique, astronomie, physique, chimie, biologie, sociologie,
chacune prenant pour base la précédente et accédant
à un plus haut niveau de complexité `ainsi chimie et biologie.
Dans cette perspective, la connaissance positive est prise
pour connaissance scientifique, rationnelle et vérifiée par
l'expérience.
Elle se réduit à la recherche des lois, des
phénomènes, sans que l'on en connaisse la raison d'être.
C'est la connaissance que nous donnent les sciences expérimentales. Le
savant ne considère que le fait, c'est-à-dire une
réalité existante et constatable, donc phénoménale.
Au dire de Comte, « il s'interdit toute
considération au-delà de l'observable »21(*).
C'est de cette manière - là qu'au
XIXième siècle, certains penseurs ont estimé
que la connaissance positivisme était la seule connaissance vraie. Cette
attitude systématique refusait formellement à l'intelligence
humaine le pouvoir de dépasser les phénomènes.
A en croire, Comte affirme que tout ce qui n'est pas
observable, constatable, mesurable est inconnaissable. Il souligne que
l'état positif est la période à partir de laquelle l'homme
se soucie de découvrir des explications au niveau de l'observation des
phénomènes.
La conception comtienne est désignée sous le
nom `'positivisme''. Terme qui renvoie aujourd'hui dans la langue
courante, à « la conception selon laquelle l'esprit humain
ne saurait atteindre le fond des choses sinon se borner à la seule
recherche des lois de la nature, conçues comme des relations
invariables de succession et de similitude »22(*). C'est sur la loi des
trois états, que nous avons déjà explicité un plus
haut, que ce positivisme se repose.
C'est ainsi que voulant, contredire cette conception des
choses, Meyerson commence par étudier les sciences. Déjà
à 23 ans, il entre au laboratoire de chimie minérale de
Schutzenberger au collège de France, puis au secrétariat de
l'institut de psychologie et se consacre aux diverses activités qui
témoignent de lui d'un désir encyclopédique de
connaître.
Il part du constant selon lequel pour Auguste Comte, la
connaissance ne saurait dépasser la sphère des lois
scientifiques. Car d'après Auguste Comte, l'esprit humain passe d'abord
par l'état théologique que n'est rien d'autre qu'un
« mode d'explication par des agents détenant une
volonté »23(*). Vient ensuite l'état
métaphysique qui est une « croyance en des entités
ou des abstractions »24(*). Viendra enfin l'état positif,
« caractérisé par l'abandon total du
`'pourquoi'' et le seul attachement au `' comment'', à la
recherche des lois effectives gouvernante les
phénomènes »24(*).
Il conclut à propos que le positivisme chez Auguste
Comte, ne signifie rien d'autre que ce qui est utile, réel et palpable,
contrairement à ce qui est imaginaire ou fictif.
Cette conclusion meyersonienne nous permet de faire autant
une visite qu'un parallélisme entre la conception scientifique d'Auguste
Comte et tous ceux qui ont pensé la croissance de la science dans
cette perspective.
Quant à ce, nous commençons notre
démarche avec Emmanuel Kant. Pour ce qui est de la question
« Que puis-je connaître ? », Kant
opère un examen critique de la raison, tout en déterminant ce
qu'elle peut faire et ce qu'elle ne peut pas faire.
« La raison, au sens large, désigne, chez
Kant, tout ce qui, dans la pensée, est a priori et ne vient pas de
l'expérience »25(*). Elle est théorique ou spéculative
lorsqu'elle concerne la connaissance, et pratique « lorsqu'elle
est considérée comme contenant la règle de la
moralité »26(*).
Kant opère une critique de la raison
spéculative ; non pas une critique sceptique, mais plutôt un
examen concernant beaucoup plus l'usage, l'étendue et les limites de
cette raison. « Il affirme que seule les
phénomènes peuvent être saisis par la raison et non le
noumène »27(*).
Chez Karl Popper, cependant, le savoir implique une
vérité certaine, une assurance, donc une certitude. Voilà
pourquoi il critique les sciences de la nature, « ce qu'on
appelle le savoir propre à la science de la nature n'est pas un savoir
car il consiste seulement en conjectures ou en
hypothèses »28(*).
Avec les sciences de la nature, on ne saurait jamais prouver
la certitude des hypothèses. A la différence des positivistes
logiques, l'ambition de Karl Raymond Popper n'est pas celle d'anéantir
les systèmes métaphysiques. Sinon de trouver un critère de
démarcation entre science et non science. De ce fait, il substitue le
critère de « vérification
empirique » par celui de la
« falsifiabilité ». « Le but
de la falsifiabilité est de montrer que les principes scientifiques ne
sont pas des évidences... Par voie de conséquence, la science
rêve un caractère inachevé »29(*).
Il critique également le raisonnement par induction,
qui pour lui, a une valeur psychologique et non une valeur logique. A propos
de l'induction, Popper pose trois principes :
1. « On ne peut justifier par des raisons
empiriques l'affirmation qu'une théorie universelle est vraie,
c'est-à-dire par le fait qu'on admet la vérité de certains
énoncés expérimentaux ;
2. on ne peut justifier par des raisons empiriques
l'affirmation qu'une théorie explicative est vraie ou l'affirmation
qu'elle est fausse ;
3. on ne peut justifier quelque fois des raisons
empiriques une préférence, du point de vue de leur
vérité ou de leur fausseté, en faveur de certaines
théories universelles concurrentes »30(*).
Pour Popper, de nombreuses observations cohérentes ne
suffisent pas à prouver la véracité de a théorie
qu'on cherche à démontrer, mais au contraire une seule
observation suffit à falsifier une théorie.
Il en résulte qu'une théorie ne peut être
« prouvée », mais seulement considérée
comme non encore réfutée par des testes intersubjectifs
jusqu'à preuve du contraire. De ce fait, on peut distinguer avec Karl
Popper, d'abord les théories irréfutables d'un point de vue
logique : leur formulation n'admet pas l'existence d'énoncés
contradictoires.
Pour le penseur, une théorie universelle est
composée d'une classe d'énoncés de base se subdivisant en
deux sous classes d'énoncés dont celle des énoncés
confirmant la théorie et celle des énoncés potentiellement
contradictoires, qu'il appelle « falsificateurs
potentiels ». C'est sur ces derniers que doivent porter les
tests expérimentaux. On distinguera ensuite, les théories
impossibles à réfuter d'un point de vue empirique.
Quant il faut dire, par exemple. « Tous les
hommes sont mortels », on sent, du moins, que cette
théorie, pourtant logiquement falsifiable, par le fait qu'elle permet
l'énoncé particulier. Voici un homme immortel, est par contre
empiriquement infalsifiable, car aucun expérimentateur,
répétons-le, ne vivrait assez vieux et vérifier
l'immortalité qui suppose logiquement l'infini.
Enfin, il y a les théories qui peuvent être
réfutées. Seules les potentiellement réfutables font
parti du domaine scientifique ; c'est le critère de
démarcation des sciences dont la méthode, d'après Popper,
est la même pour toutes les sciences.
Il n'y a pas des sciences exactes, car la vraie science est
selon lui, logiquement faillible et sujette à des révisions
intersubjectives : « la science est une quête de la
vérité. Mais la vérité n'est pas une
vérité certaine »31(*). Donc il n'y a que des sciences et des
pseudo-sciences.
Voilà pourquoi il soutient qu'il est inutile de vouloir
être scientifique là où on ne peut l'être, se
défendant ainsi du criticisme qu'il a toujours combattu.
Jürgen Habermas, de son côté, fait une
critique du positivisme d'Auguste Comte dans lequel il trouve une crise
s'expliquant par la réduction de la connaissance en science.
Le point de départ de sa critique peut se formuler en
une seule question relative à la connaissance :
« comment une connaissance sûre est-elle
possible ? »32(*). Ce même positivisme permet
également la naissance et le développement d'une
épistémologie analytique dont la connaissance évidente est
la restriction du sens de « comprendre » :
«comprendre, poursuit-il, c'est établir des lois sous le
modèle hypothético-déductif. Dès lors la question
logico-transcendantal n'a pas de sens que sous d'une méthodologie
concernant les règles de structuration et vérification des
théories scientifiques »33(*). Et la seule méthode susceptible est
celle des sciences modernes, la méthode expérimentale.
C'est pourquoi « la question
logico-transcendatale qui, dans ses parcours visait à expliquer les sens
de la connaissance, est devenue non-sens pour le positiviste du fait des
sciences modernes »34(*). Pour Jürgen Habermas, c'est plutôt
l'intérêt qui guide la connaissance.
Gaston Bachelard affirme que Descartes et ses
prédécesseurs ont fait de la science mais en posant des
questions renvoyant à la
« transphénoménologie » alors que
l'objet de la science est
« phénoménal ».
Pour lui, ils faisaient donc de la philosophie dans s'en
rendre compte. Bachelard pense qu' « un discours sur la
méthode scientifique sera toujours un discours de circonstance, il ne
décrira pas une constitution définitive de l'esprit
scientifique »35(*).
Gaston Bachelard constate que « la
méthode cartésienne est réductive, elle n'est point
inductive »36(*). La réduction faussant l'analyse, elle
entrave le développement extensif de la pensée objective. La
nouvelle science pour Bachelard, commence avec Newton et Galilée qui ont
tracé la ligne de démarcation entre la question du
« pourquoi » qui est propre aux philosophes et la
question du « comment » celle des scientifiques
c'est donc l'avènement de l'épistémologie non
cartésienne.
A partir de laquelle la connaissance scientifique
n'apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire,
après de long tâtonnements, or « non seulement
Descartes croît à l'existence d'éléments absolus
dans le monde objectif, mais encore il pense que ces éléments
absolus sont connus dans leur totalité et
directement »37(*). Ainsi, si on prend pour base la conception
traditionnelle de la science, on ne se libère pas des obstacles.
Voilà pourquoi on ne sait pas également faire une
démarcation dans le sens du progrès.
Piège dans lequel s'est laissé prendre notre
vieux camarade, Emile Meyerson qui, dans l'élaboration de son
épistémologie, a semblé méconnaître tous les
bouleversements dans les principes même des sciences.
Il n'a pas pu, selon Bachelard, s'en apercevoir. Ainsi,
passant en revue diverses épistémologies en allant d'Aristote aux
récents philosophes viennois, Bachelard se rend compte que la science
contemporaine est absolument incompatible à une bonne quantité
d'articles de foi insoutenables. Crispin Ngwey en donne un tableau
schématique pour indiquer le préalable philosophique sur laquelle
repose l'épistémologue de Bachelard, surtout pour marquer la
rupture qu'il y a entre lui et ses prédécesseurs.
Parlant de la nouvelle science contemporaine, Ngwey commente
que « contrairement à Aristote, elle ne se définit
plus comme science du général : elle se fait rationalisme
diversifié, spécialisé, régional. Supplantant la
simplicité de la vérité cartésienne par la
complexité elle impose une épistémologie
non-cartésienne. C'est le privilège de l'analyse sur la
synthèse. Elle ne reprend pas la distinction kantienne du
noumène et du phénomène, qui cantonnait la science au
`'phénoménal'', car cette distinction reposait sur une certaine
immobilité de la raison catégoriquement structurée.
Bachelard affirme que la science contemporaine exhume un véritable
noumène mathématico-technique. Au lieu du déterminisme
absolu et universel de Laplace, la science contemporaine met en évidence
un déterminisme plutôt régional et probabiliste. Elle ne
confirme pas l'ontologie vitaliste de Bergson ; elle n'est pas
réductrice, mais amplificatrice ; car elle intègre des
éléments partiellement définis dans des ensembles plus
vastes constituant des corps des notions. Contrairement aux bases
existentialistes sartriennes d'une science privilégiant l'existant
individuel et immédiat, dénonçant sa structure
fonctionnelle et mathématique, la science contemporaine définit
son objet essentiellement par sa fonction à partir d'une formule
mathématique où il entre comme un
élément »38(*).
En groupe, constate Bachelard, les
épistémologies traditionnelles ont eu cette particulière
erreur de « fixer » la science. Ce sont, sur un
autre registre du langage, des philosophies de l'immobile.
Et pour l'auteur, si on doit laisser tomber toutes les
applications à un étendu panorama des
épistémologies traditionnelles pour fixer l'attention sur un
point précis de l'histoire des sciences, on pourra facilement se
persuader qu'Emile Meyerson incarne, dès 1927 et pour toujours, cette
philosophie prétentieuse qui se fait gloire de la
pérennité de ses questions et entend soumettre à ses
décrets la connaissance scientifique. Bachelard discute de cette
question avec Monsieur Emile Meyerson.
I.2. La déduction
meyersonienne
Nous venons de montrer que l'examen qu'on peut faire et la
conclusion à laquelle on peut déboucher des
épistémologues traditionnelles sont principalement le constat que
ce sont des épistémologies qui s'attardent et s'enferment sur un
certain immobilisme. Elles cachent peut-être mal un certain
déterminisme de l'esprit humain ou des structures à ne pouvoir
connaître que tel qu'il connaît et à ne pouvoir s'alimenter
des connaissances que suivant certains procédés
catégoriels préétablis. Et pour notre auteur, la logique
de la déduction relativiste de Meyerson est une véritable
incarnation de l'idéologie d'une philosophie non seulement de
l'immobilisme, mais encore des généralités.
Qu'en est-il plus exactement ? Pour Meyerson, en effet,
dans l'élaboration des questions épistémologiques, il doit
s'agir « de tirer des théories relativistes des
informations sur les principes du raisonnement scientifique en
général »39(*). Le relativisme de Meyerson est, pour
Bachelard, un aveu de globalisation généraliste qui fait perdre
aux théories épistémologiques tout cadre et degré
de précision. Selon Meyerson, en fait, qu'il suffise de
« conclure que le savant devra soigneusement, en cette
matière, se garder de la tentation, que l'obsède constamment, de
trop empiéter sur le domaine du philosophe. Car tout homme...fait de la
philosophie comme il vit »40(*).
En ce sens, démontre Meyerson, la structure de l'esprit
scientifique et humain est en quelque sorte une structure de l'une fois pour
toutes, une structure cloisonnée dans le fixer éternellement. Il
y a expressément insisté dans l'examen du travail de la logique
et de la psychologie. Dès que l'homme commence à
réfléchir sur le monde et sur lui-même, Meyerson
réalise qu'il a besoin, pour combattre son ignorance, de la psychologie
et de la logique rudimentaire que, selon lui, sont certainement parmi les
branches du savoir les plus précoces à éclore. Elles
forment encore à l'heure actuelle des parties importantes de la
philosophie, sans que d'ailleurs, il convient de l'avouer, leurs domaines
respectifs soient entièrement circonscrits, ni surtout nettement
séparés l'un de l'autre.
L'essentiel ici est de montrer que la question à
laquelle la logique et la psychologie ont trait est généralement
considérée comme une question tranchée « une
fois pour toutes », une sorte de procès verbal des
règles d'après lesquelles notre pensée procède en
fait, « tout en insistant vigoureusement sur le caractère
de généralité que l'intellect imprime à tout ce qui
constitue le point de départ du raisonnement »41(*).L'identité de
l'épistémologie meyersonienne pour la structure de la
connaissance scientifique.
Meyerson pensera d'ailleurs que l' « on se
débarrasse de ce qui est relatif aux divers observateurs pour atteindre
l'absolu, représenté ici par la distance. Tous les observateurs
étudieront le même espace géométrique, et c'est dans
ce décor placé une fois pour toute que se dérouleront les
phénomènes physiques »42(*).
L'auteur continue en montrant que « c'est
là une remarque éminemment propre à nous faire toucher du
doigt à quel point le processus de pensée auquel obéissent
les relativistes est conforme au canon éternel de l'intellect humain,
qui a constitué non seulement la science, mais, avant elle, le monde du
sens commun. En effet, ce monde d'invariants absolus, placé dans le
décor éternel de l'espace, n'est pas seulement le monde de la
mécanique de Galilée et de Descartes, il est encore celui de
notre perception immédiate »43(*).
Argumentant et embrayant davantage sur cette perspective,
Meyerson montre que « ce qu'on désigne comme les concepts
du sens commun mais par ailleurs strictement analogue au procédé
à l'aide duquel nous formons les théories scientifiques ;
que là encore la tendance causale, le principe de l'identité dans
le temps, joue un rôle prépondérant, et qu'à ce
point de vue le sens commun fait partie intégrante de la science, ou
inversement la science n'étant...prolongement du sens
commun »44(*).
Autant de thèses malencontreuses, autant de
thèses catégoriques et catégorisantes, autant de
thèses déroulantes et ignorantes contre les quelles Bachelard ne
cesse de manifester son acharnement le plus décisif.
Elles sont catégoriques en tant que pour Meyerson,
explique Lecourt, « il faut avoir posé
l'existence » d'un canon éternel de l'intellect humain pour
affirmer, corrélativement, qu'il y a continuité entre science et
monde du sens commun, sous réserve d'une réduction de l'espace
à un décor »45(*). Et ces thèses semblent aussi
déroulantes en raison du fait que Meyerson lui-même semble ne pas
se rendre compte de l'état de la question relativiste. Il ne peut se
rendre compte du fait que la science physique a suffisamment renouvelé
tout l'éventail de son vocabulaire théorique. S'il ne l'ignore
pas, Meyerson fait tout au moins simplement fi de « la
nouveauté de ces théories relativistes »46(*). Il ne s'imagine pas une
moindre rupture entre la science et le monde du sens commun47(*) parce qu'il ne veut pas se
permettre un seul instant de « douter de la continuité
étroite entre cet avatar le plus récent des théories
scientifiques et les phases qui l'ont
précédé »48(*).
Et aussi, parce que, sur ce point, il se fait un
véritable et fervent défenseur et conciliateur de Comte et mill.
La théorie de la science telle qu'élaborée par Comte fait
dire à Meyerson que « même si elles sont
grossières, mais ces judicieuses indications d'un bon sens vulgaire sont
le véritable point de départ éternel de toute sage
spéculation scientifique »49(*). Et Stuart Mill, que Meyerson cite en tant que
sectateur du comtisme, trouve pour sa part que « les lois
ultimes auxquelles la science parviendrait dans l'avenir et dont, en attendant,
elle se rapprochait chaque jour, se rapporteraient aux sensations qualitatives
que nous éprouvons et seraient donc, tout au moins, en nombre
égal à celui de ces sensations »50(*).
C'est de cette manière-là que Bachelard va
débattre, défaire et peut-être aussi dépasser et
améliorer l'essentiel question de la relativité meyersonienne.
C'est pour l'expliciter, une relativité des absolus de la raison ;
c'est une épistémologie de l'ontologie du réel. Et dans
cette épistémologie où « le réel de
la théorie relativiste est, très certainement, un absolu
ontologique, un véritable être-en-soi, et plus ontologique encore
que les choses du sens commun et de la physique
pré-einsteinienne »51(*), dans une épistémologie où
« la raison doit se faire violence à elle-même pour
s'adapter aux formes qui lui impose le relativisme »52(*) , Bachelard, face aux
absolus de la raison qui conduit les principes de la philosophie de Meyerson,
proclame le temps venu du déclin de ces absolus, constate dûment
un suffisant manque des « trésors d'érudition et de
patience »53(*) ; il clame, de façon quasi tranchant
contre Meyerson, l'ère du nouveau mouvement de pensée, de la
nouvelle mobilité, de la nouvelle articulation de l'esprit scientifique.
L'ère des absolus de la raison est pour Bachelard
l'ère du repos. Or, démontre-t-il, le repos est dominé
nécessairement par psychisme
« involutif »54(*). Mais, suivant un commentaire de Georges
Canguilhem, « la culture épistémologique n'admet
pas les revenus du repos... La science moderne fait de la discontinuité
une obligation de la culture »55(*).
Bachelard proclame finalement, autant contre Meyerson que
contre les épistémologies traditionnelles, l'heure de la
nouveauté et de la révolution de l'esprit et de la science
contemporaine.
Pour lui, en effet, « l'esprit a une structure
variable dès l'instant où la connaissance à une
histoire ».56(*)
A cet effet, l'histoire humaine peut bien, dans ses passions,
dans ses préjugés, dans tout ce que relève des impulsions
immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y
a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées
sui sont rectifiées, élargies, complétées. Elles
ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l'esprit
scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un
élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé
historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes
historiques.
Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification
historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme
rectification de l'illusion commune et première. Toute la vie
intellectuelle de la science joue dialectiquement sur cette
différentielle de la connaissance, à la frontière de
l'inconnu.
L'essence même de la réflexion, c'est
comprendre qu'on n'avait pas compris. « Les pensées
non baconiennes, non euclidiennes, non cartésiennes sont
résumées dans ces dialectiques historiques que présentent
la rectification d'une erreur, l'extension d'un système, le
complément d'une pensée »57(*).
Cette citation nous fait ostensiblement sentir la position
structurale de l'épistémologie Bachelardienne. En effet, autant
qu'il l'exige pour Meyerson, Bachelard recommande aussi à tous les
idéologues de la science de ne jamais renfermer la science dans des
boîtes conceptuelles58(*). Pour lui, il y a un éclatement, une
ouverture qui s'ouvre à l'aube de tout nouvel esprit scientifique.
Partant, poursuit Bachelard, les philosophies de
l'identité de l'esprit sont des philosophies qui trouvent leur confort,
leur garantie et leur sécurité dans une parfaite permanence d'une
méthode fondamentale et définitive. Philosophies stagnantes,
elles sont encore, sous la plume de l'auteur, des pures philosophies
« de l'immobile »59(*).
I.3. De l'immobilisme
classique au nouvel esprit scientifique
Nous venons de montrer que les philosophies traditionnelles
d'esprit d'une conscience et de l'identité de l'esprit se miroitent dans
les évidences, dans l'évidence et la tranquillité du
« je pense » cartésien, dans
l'évidence des catégories de l'entendement
kantiennes60(*)...qui se fixent comme lumières uniques, sans
espèces, sans variétés.
Leur plus grand inconvénient est justement, constate
Bachelard, de s'endormir sur des apparents succès sans se donner la
moindre peine « de modifier l'esprit et d'aller à la
recherche des connaissances nouvelles »61(*). Mais la philosophie du
nouvel esprit scientifique est véritablement et principalement une
philosophie du non, une philosophie de remise en question, et en cause, une
philosophie nouménale d'esprit critique.
Ainsi, on sent que chez Bachelard la connaissance scientifique
ne reçoit pas immédiatement l'objectivité, elle est
plutôt conquise peu à peu par rectifications successives des
erreurs. Cela le conduit à repérer trois périodes dans
l'histoire de la science lesquelles périodes décrivent le trajet
allant de la perception visuel à l'abstraction complète et pure.
Ces périodes sont l'état préscientifique, l'état
scientifique et l'ère du nouvel esprit scientifique.
I.3.1. La période
préscientifique
Elle est le premier âge de l'esprit humain. Aussi,
« la première période représentant
l'état préscientifique...Elle comprendrait à la fois
l'antiquité classique et les siècles de renaissance et d'efforts
nouveaux avec le XVIème, le XVIIème et
même le XVIIIème siècles »62(*).
A cette étape, Bachelard, fait correspondre état
concret « où l'esprit s'amuse des premières images
du phénomènes et s'appuie sur une littérature
philosophique glorifiant la Nature, chantant curieusement à la fois
l'unité du monde et sa riche diversité »63(*).
Toute chasse gardée, nous soulignons, avec Bachelard,
que le propre de l'esprit de cette époque est « d'user
d'images comme de principes explicatifs de tout
phénomène »64(*). Or l'image est issue des données
immédiates de l'expérience de l'expérience sensible.
Pendant cette période, vivant l'empirisme pure,
l'esprit ne cherche pas à détruire une image familière, de
laquelle il tire son explication définitive, mais il l'enrichit
même en substituant presque l'image choisie à la place du
phénomène préalablement étudié.
Alors que bon nombre de grands esprits furent séduits
et bloqués dans l'imagerie, première, l'état
préscientifique aurait encore d'autres caractéristiques c'est
celle d'attribuer à des êtres inanimés des
propriétés propres aux vivants. Et Bachelard d'ajouter :
« l'esprit préscientifique prête à la vie un
caractère universel. A la fin du XXIIIème
siècle, on attribue encore des maladies aux
métaux... ». La « rouillé, par
exemple, est considérée comme une imperfection ou une maladie...
Le mythe de la fécondité de mines et des carrières ne
disparaîtra qu'au XVX ème siècle... L'esprit
préscientifique attribuant au courant électrique toutes sortes de
fausses qualités, notamment un goût. On prêtait en effet
à cette matière subtile le pouvoir de s'imprégner des
substances qu'elle traversait. En rapprochant deux électrodes sur le
bout de la langue, on était donc en mesure de goûter le courant
électrique modifié par son passage des diverses
matières »65(*).
C'est une période, dit Bachelard, des balbutiements de
la pensée scientifique que, « nous pouvons traiter comme
des curiosités amusantes,... La science de notre époque
étant heureusement préservée de tels égarements,
où des images ou des valeurs inconscientes résistent à la
première nationalisât »66(*).
Elle est enfin, la période de la
« somnolence du savoir, « animée par la
curiosité naïve, frappée d'étonnements devant le
moindre phénomène instrumenté, jouant à la physique
pour se distraire, pour avoir un prétexte à une attitude
sérieuse, accueillant les occasions du collectionneur, passive jusque
dans le bonheur de penser »67(*).
Alors que cette dernière empêche l'esprit sa
remise en question permanente de sorte que des vestiges de croyances anciennes
peuvent subsister dans un esprit déjà en marche vers
l'abstraction.
Aux dires de Bachelard, « A toute époque,
chaque individu doit effectuer le chemin vers l'abstraction s'il veut
accéder à la science, ... Or, nul étant à l'abri
des préjugés issus de l'expérience première, chacun
va devoir spirituellement rajeunir pour accéder à la science.
Sur ce, il devra donc procéder à une
véritable psychanalyse de l'esprit afin d'accéder à la
connaissance scientifique »68(*).
I.3.2. La période de
l'état scientifique
Elle est le deuxième âge de l'esprit humain.
Déjà en préparation à la fin du XVIII
ème siècle, elle s'étendrait sur le XIX
ème et le début du XX ème
siècle.
Cette période, elle représente l'état
scientifique auquel Bachelard correspond l'état concret abstrait
où « l'esprit adjoint à l'expérience
physique des schémas géométriques et s'appuie sur une
philosophie de la simplicité »69(*).
Pendant cette période, l'esprit est encore dans une
situation paradoxale : « il est d'autant plus sûr de
son abstraction que cette abstraction est plus clairement
représenté par une intuition sensible »70(*).
C'est aussi le caractère hybride de la pensée
qui, a toute fière de son dogmatisme, immobile dans sa première
abstraction, appuyée pour la vie sur les succès scolaires de sa
jeunesse, parlant chaque année de son savoir, imposant ses
démonstrations, tout à l'intérêt
déductif, soutient se commode de l'autorité, enseignant son
domestique comme fait Descartes ou le tout venant de la Bourgeoisie comme fait
l'Agrégé de l'université71(*).
A en croire Bachelard, ce qui distingue le scientifique du
préscientifique, c'est que le premier se garde bien de prendre cette
explication primaire comme définitive. Tout au contraire, la seconde
cherche à la dépasser. Mais il cherche à fonder son
abstraction dans le sensible.
Ce que Bachelard entreprend de nous montrer ici que l'esprit
n'a pas encore atteint son paroxysme, il est encore dans son stade
transitoire où « ...nous voyons bien une preuve de la
somnolence du savoir, une preuve de cette avarice de l'homme cultivé
ruminant sans cesse le même acquis, la même culture et devenant,
comme tous les avares, victime de l'or caressé... »72(*).
I.3.3. La période du
nouvel esprit scientifique
Elle est le troisième stade de l'esprit humain. Elle
correspond à l'ère du nouvel esprit scientifique, qui, celle-ci
s'ouvre en 1905, au moment où la relativité einsteinienne vient
déformer des concepts primordiaux que l'on croyait à jamais
immobiles.
Avec le nouvel esprit scientifique, c'est tout le
problème de l'intuition qui se trouve bouleversé, le
caractère immédiat de l'évidence cartésienne sera
troublé.
C'est l'état abstrait où l'esprit entreprend des
informations volontairement soustraits à l'instruction de l'espace
réel, volontairement détachées de l'expérience
immédiate et même en polémique ouvert avec la
réalité première, toujours impure, toujours
informe »73(*).
Ce nouvel esprit scientifique a comme caractéristique
la mise à distance des natures simples et absolues de Descartes et
s'attache à la complexité essentielle des notions.
C'est la période du sens doublé de l'abstraction
où « l'âme en mal d'abstraire et de quintessencier,
conscience scientifique douloureuse, livrée aux intérêts
inductifs toujours imparfaits, jouant le jeu périlleux de la
pensée sans support expérimental stable ; à tout
moment dérangée par les objections de la raison, mettant sans
cesse en doute un droit particulier à l'abstraction, mais se sûre
que l'abstraction est un devoir, le devoir scientifique, la possession enfin
épurée de pensée du monde »74(*).
Bachelard, en effet, souligne la nouveauté essentielle
de la pensée scientifique contemporaine qui se caractérise par
l'abstraction, la complexification et le refus des natures simples, mais aussi
par le clivage par rapport à l'expérience commune.
Ainsi avec le nouvel esprit scientifique, la
vérité est construit contre l'évidence, contre les
illusions de la connaissance immédiate. C'est en ce sens que Bachelard
parle d'une « philosophie du non ».
De ce fait, la vérité scientifique ne doit plus
être cherchée dans le verdict d'une expérience, ni dans la
cohérence rationnelle, mais elle vient désormais de la
régulation mutuelle de l'expérience et du raisonnement.
Quel que soit le point de départ de l'activité
scientifique ; Bachelard nous convainc que l'abstraction reste le moment
ultime de la formation et de l'accession de l'esprit scientifique. Il voit
dans l'abstraction la démarche normal et féconde de l'esprit
scientifique, il dit à cet effet, « on
décèle bien vite un élan qui va du
géométrique plus ou moins visuel à l'abstraction
complète »75(*).
Mais, Bachelard constate qu'au cours de l'histoire, cette
marche vers l'abstraction se trouve entravée par des
préjugées et des modes de pensée que font obstacle
à son progrès et que notre philosophe nomme
« obstacles épistémologiques »76(*). Notion que forme le
noyau de la pensée bachelardienne et que nous réservons dans ce
deuxième chapitre.
A cette période, le réel n'est plus ce que l'on
peut montrer du doigt, mais ce que l'on démontre. C'est-à-dire
que l'objet du savoir scientifique se présente comme un
élément de formule mathématique.
Cette formule définit un programme rationnel
d'expérience technique. Nous assistons dans la science moderne à
l'émergence d'une véritable réalité
mathématico-technique. La réalité qu'étudie le
physicien est un réel artificiel.
C'est seulement à l'intérieur des
coordonnées d'une expérience minutieusement
préparée que le scientifique définit son objet.
I.6. Conclusion du chapitre
premier
Toute l'épistémologie embrayée en
histoire des sciences au cours du XIXième siècle que
nous avons étudiée dans le premier chapitre de notre
étude, est une épistémologie qui s'est chargée de
la théorie cumulative dans la formation et le développement
scientifiques. Les analyses de Meyerson auxquelles on peut joindre les travaux
d'Auguste Comte, ainsi que ceux de Kant, de Descartes, de Habermas et autres
étaient toutes porteuses de cette idéologie.
Avec ces épistémologies traditionnelles, la
structure évolutive des connaissances scientifiques accroissait par une
sorte de sédimentation progressive. Et la formation de son objet se
fait au contact entre la construction rationnelle et la
« réalité » alors que le nouvel
esprit scientifique se veut une science créatrice de formes et que
rectifie les anciennes structures.
Ces épistémologies ont perduré et ont
alimenté les travaux au début du XX ième
siècle. C'est principalement ce dont les épistémologues
Viennois ont pu hériter et qu'ils ont développé en se
basant entre autres sur la mise en oeuvre d'un principe de vérification
comme critère de démarcation pour la science.
Un des traits caractéristiques de ces
épistémologies est justement, ce dont elles ont
hérité du siècle avant, la nette prédominance de la
théorie cumulative dans le progrès de la science, accentuant
davantage le principe d'induction.
C'est principalement dans le contexte tumultueux et presque
polémiquant qu'a pris place, autour des années 30, une discussion
visant le dépassement de cercle de vienne. C'est là la
justification du rationalisme réaliste dont se charge Emile Meyerson
pour donner le ton à une nouvelle direction de la problématique
des sciences de la nature. C'est aussi tout ce autour de quoi s'est construit
notre premier chapitre.
Nous avons voulu montrer ou retracer le contexte
d'émergence du nouvel esprit scientifique en partant du positivisme via
le rationalisme de Meyerson. Le rationalisme de Meyerson, un rationalisme
réaliste, un rationalisme statique.
En gros, ce chapitre a voulu faire un coup de projecteur aux
travaux de Gaston Bachelard. Dans son souci d'anéantissement du
patrimoine positiviste et néo-positiviste, il s'est voulu être la
propédeutique à l'exigence de la coupure
épistémologique, de la rupture méthodologique et des
déplacements philosophiques chez Gaston Bachelard telle que nous allons
l'analyser dans le chapitre suivant, pour découvrir comment un nouvel
esprit nécessite impérativement la catharsis afin
d'accéder à la connaissance.
CHAPITRE DEUXIEME :
LES OBSTACLES EPISTEMOLOGIQUES
II. 0. Mise en place
Depuis le début du deuxième quart du XX
ième siècle, les travaux de Karl Popper surtout les
contributions de Gaston Bachelard ont donné le ton à un nouvel
idéal de rationalité progressiste dans les sciences, mettant
ainsi en mal les philosophies des sciences traditionnelles, en l'occurrence
l'empirisme logique des épistémologues
néo-positivistes.
En effet, comme Popper et les autres qui ont
épousé l'idéal de rationalité, Bachelard, par une
nécessité interne et propre à son oeuvre, se montre
très critique à l'endroit de la philosophie des sciences
traditionnelles et ne cesse de repenser la tache du philosophe face à sa
manière de penser le progrès de la science.
Faisant une analyse des conditions de la connaissance,
Bachelard a soutenu qu'elle progressait essentiellement par une victoire sur
les obstacles épistémologiques qui sont conçus, à
la fois comme une entrave à la connaissance scientifique et comme
indispensables pour connaître la vérité. Ainsi
« déceler les obstacles épistémologiques,
c'est contribué à fonder les rudiments d'une psychanalyse de la
raison »77(*).
L'idée d'obstacles épistémologiques comme
entrave telle que nous l'avion repris dans la formulation de l'intitulé
de ce chapitre est donc toute la feuille de route avec laquelle cheminera
notre chapitre. La notion d'obstacles épistémologiques contre
lesquels doit se former toute pensée scientifique y sera
abordée afin de montrer la discontinuité bachelardienne entre la
connaissance commune et la connaissance scientifique.
C'est cette même dimension de discontinuité
bachelardienne qui régit d'ailleurs toutes les sciences
contemporaines, sera particulièrement mise en exergue, d'une part parce
qu'elle se situe au coeur même de l'entreprise
épistémologique de Gaston Bachelard, et, d'autre part, en tant
qu'elle aboutit à ce grands moments de saccades, de mutations et de
conversions dans les systèmes de pensée à travers
lesquelles on lit, selon notre philosophe, les dialectiques enveloppantes.
C'est là, comme on peut se rendre compte, le squelette de ce
chapitre.
II.1. La notion
d'obstacles épistémologiques
Le livre de Gaston Bachelard78(*) sur la formation de l'esprit scientifique porte
essentiellement sur l'édification des obstacles qu'il faut vaincre pour
libérer la connaissance objective. Le sous-titre de ce manuel l'explique
un peu plus clairement d'ailleurs. Il dit que «l'esprit doit passer par
une thérapie psychanalytique avant d'appréhender la splendeur du
réel.
Ces obstacles sont des éléments socio-culturels,
psychologiques qui comme base de notre savoir d'orientation et de notre combat
avec les objets, pour reprendre l'expression du professeur Akenda79(*), sont en réalité
des fausses précompréhensions communiquant une erreur. Il s'agit,
en d'autres termes, des habitudes intellectuelles, des expériences
premières, des connaissances fort générales, des
idées dont on se sert le plus souvent, des images familières,
des connaissances unitaires et pragmatiques, des routines. Ces
éléments peuvent entraver non seulement la recherche, mais aussi
l'apprentissage et peuvent ainsi devenir des facteurs d'inertie pour l'esprit.
L'intention de Bachelard est donc de déceler les
motivations philosophiques des concepts scientifiques qu'il considère
comme des obstacles sur la voie de la réalisation d'une science. Pour
parvenir à la science, il faut, pour l'auteur, triompher d'un certain
nombre d'obstacles. Pour lui, « quand on cherche les conditions
psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt
à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser les
problèmes de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de
considérer des obstacles externes... C'est dans l'acte même de
connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de
nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des
troubles »80(*).
Avec cette notion, on perçoit quasi suffisamment la
pointe de la problématique épistémologique de Bachelard.
Elle commande la double orientation de sa philosophie ; « la
formation de l'esprit scientifique contre les valorisations inconscientes, la
connaissance sensible et toute forme d'évidence immédiate ;
la réhabilitation dans l'ordre de l'imaginaire des expériences
condamnées sur le plan de la
rationalité »81(*).
La pertinence et l'originalité de la
problématique des obstacles épistémologiques
amènent Bachelard à considérer qu'à certains
moments de l'histoire, la connaissance la connaissance ne progresse pas,
entravée et gênée, qu'elle l'est par les obstacles
épistémologiques.
Ils sont, pour l'auteur, des préjugés
métaphysiques, implicites qui régissent, organisent et entachent
l'inconscient du chercheur. Il dit à propos : «
La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours
quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les
révélations du réel sont toujours récurrentes...
Le réel n'est jamais ce qu'on pourrait croire mais il est toujours ce
qu'on <aurait dû penser> ».82(*)
Selon, lui donc, l'esprit qui veut parvenir à la
science doit abandonner son passé d'images, de sorcellerie, de magie,
d'esprit mystique.... Et son adhésion spontanée à
l'immédiat.
Dans ce sens, écrit Bachelard, « en
revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un
véritable repentir intellectuel.... En fait on connaît contre une
connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal
faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à
la spiritualisation ».83(*)
Un obstacle épistémologique désigne
ainsi, dans l'entendement bachelardien, tout ce qui empêche l'esprit de
se placer dans une perspective de la pensée, c'est-à-dire de la
construction rationnelle, ne lui permettant pas en même temps de parvenir
à l'abstraction qui, à en croire l'auteur, non seulement elle
reste la seule voie qui permet à l'esprit d'accéder à la
science mais aussi « débarrasse l'esprit... allège
celui-ci ... le dynamise »84(*).
Pour Bachelard, nul n'est ignorant quant il commence son
apprentissage scientifique. Malheureusement, cependant, le savoir commun que
quelqu'un possède déjà le prépare très mal
l'appropriation des connaissances objectives. « Quand il se
présente à la culture scientifique, écrit Bachelard,
l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il
l'âge de ses préjugés. Accéder à la science,
c'est spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit
contredire un passé.85(*).
Examinons, de ce fait, quelques uns de ces obstacles
épistémologiques.
II.1.1. L'expérience
première
Le premier obstacle dans la formation d'un esprit, c'est
l'expérience première. Il s'agit de
« l'expérience placée avant et au-dessus de la
critique qui, elle, est nécessairement un élément
intégrant de l'esprit scientifique »86(*)
L'expérience première n'est jamais un appui
sûr tant que la critique n'a pas opéré explicitement. Elle
est sensible, immédiate et se présente avec un luxe d'images
pittoresques, concrètes, naturelles et faciles.
Ainsi, le premier obstacle de toute culture et de toute
entreprise scientifiques est, pour notre philosophe, l'expérience
immédiate. Cet obstacle consiste à s'attacher aux aspects
pittoresques et spectaculaires d'un phénomène, ce qui
éventuellement, empêche alors de voir d'autres aspects
importants. « Face au réel, ce qu'on croit savoir
clairement offusque ce qu'on devait savoir »87(*)constante Bachelard, qui,
s'appuyant sur une forte connaissance de l'histoire des sciences, puise dans la
théorie de la Physique du XVIe siècle ses arguments et
ses exemples les plus frappants.
Il parle, par exemple, de la bouteille de Leyde, ancêtre
de la pile électrique. Il démontre que dans le cas d'une
décharge électrique, on ne peut retenir aucune connaissance d'une
telle expérience exécutée avant tout pour obtenir le
spectacle étonnant des moines alignés en file indienne et qui
tressaillent en même temps.
Nombre d'autres exemples peuvent être cités dans
le cas de cette décharge électrique où
généralement, pense Bachelard, l'étonnement se mêle
à l'amusement. Le plus souvent, alors, « loin d'aller
à l'essentiel, on augmente le pittoresque »88(*). Et pour Bachelard, la
théorie de l'électricité du XVIII ième
siècle s'est particulièrement a caractérisée par
cet obstacle épistémologique.
L'articulation d'un vaste règne d'images
contradictoires amenait la rêverie à condenser facilement des
merveilles. Elle faisait ainsi converger les possibilités les plus
inattendues.
L'esprit scientifique se bornait à avoir l'explication
se fonder toute entière sur les traits parasites mis en surcharge.
« Ainsi se préparent, selon notre auteur, des
véritables abréviations parce que le pittoresque de l'image
entraîne l'adhésion à une hypothèse non
vérifiée »89(*).
Démontrant davantage comment un détail
pittoresque vient donner l'occasion d'une explication intempestive, Bachelard -
qui démontre en même temps qu'on arrive par des images aussi
simplistes à d'étranges synthèses - évoque un
exemple pertinent du XVIIIe siècle. Il écrit ceci :
« En réalité nous imaginons mal l'importance que le
XVIIIe siècle attribuait aux automates. Des figurines de carton qui
dansent dans un champ électrique semblaient, par leur mouvement sans
cause mécanique évidente, se rapprocher de la vie. Voltaire va
jusqu'à dire que le fluteur de Vaucanson est plus près de l'homme
que le Polyre ne l'est de l'animal. Pour Voltaire lui-même, la
représentation extérieure, imagée, pittoresque prime sur
des ressemblances intimes et cachées ».90(*)
Alors que, d'après Bachelard, le scientifique, c'est
celui qui a le souci de remettre en cause les observations qu'il fait ;
c'est celui qui cherche toujours à faire progresser sa science. Il n' y
a pas à accepter une information ou une information, sans pourtant le
critiquer.
En fait, l'observation a besoin d'un ensemble de
précautions qui amènent à réfléchir avant
de regarder et qui reforment la première vision. La première
observation n'est jamais bonne. Elle doit être mise à
l'épreuve. Pour Bachelard, en effet, « l'observation
scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme
ou infirme une thèse antérieure, un schéma
préalable, un plan d'observation ; elle montre en
démontrant, elle hiérarchise les apparences ; elle
transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel
après avoir reconstruit ses schémas ».91(*)
Avant l'avènement de la science, la nature était
considérée comme une puissance mythique sur la quelle l'homme
n'avait aucune emprise. Mais avec la science, l'homme commence à
expliquer quelques faits. L'homme, grâce à la science et sa fille
technologie, est arrivé à transcender certains faits naturels.
Voilà que « les phénomènes naturels sont
désarmés parce qu'ils sont expliqués »92(*) Jadis, les
éclairs des tonnerres faisaient peur parce qu'ils n'étaient
encore expliqués. Mais aujourd'hui ce qui est vrai, c'est
que « la doctrine du tonnerre est entièrement
rationalisée »93(*).
L'homme scientifique doit être habité par une
curiosité scientifique qui le poussera à tout vérifier. Le
scientifique ne doit pas avoir une foi aveugle. Il ne doit pas croire pour le
plaisir de croire. Bachelard précise, « En donnant une
satisfaction immédiate à la curiosité, multipliant les
occasions de la curiosité, loin de favoriser la culture scientifique, on
l'entrave. On remplace la connaissance par l'admiration, les idées par
les images »94(*). Il ne
faut jamais accepter une vérité scientifique ou un fait
scientifique, sans en connaître le principe fondamental.
Il faut chercher à saisir la vraie
réalité de par sa nature même. Le scientifique doit
toujours à la science pour saisir la portée d'une information.
« Mieux vaudrait une ignorance complète qu'une connaissance
privée de son principe fondamental ».95(*)
Toujours, dans cette perceptive, il sied de signaler que
« sans la mise en forme rationnelle de l'expérience qui
détermine la position d'un problème, sans ce recours constat
à une construction rationnelle bien explicite, on laissera se
constituer une sorte d'inconscient de l'esprit scientifique qui demandera
ensuite une lente et pénible psychanalyse pour être
exorcisé ».96(*) Cette psychanalyse sera lente et pénible
parce que l'esprit aura déjà développé des
idées incohérentes en quantité, par le fait que les
connaissances s'enchaînent dans le domaine scientifique. La nouvelle
connaissance ne vient que se greffer sur l'ancienne connaissance. Ainsi
évolue la science.
Il faut donc que l'esprit soit préparé à
comprendre que l'expérience première n'est pas un appui stable t
cohérent pour le fondement de la science. Car, le désir
superficiel d'objectivité de l'esprit préscientifique est le
premier obstacle contre lequel l'esprit scientifique doit lutter. La
première objectivité est, aux yeux de Bachelard, la
première erreur. Selon Bachelard, « au spectacle des
phénomènes les plus intéressants, les plus frappants,
l'homme va naturellement avec tous ses désirs, avec toutes ses passions,
avec toute son âme. On ne doit pas s'étonner que la
première connaissance objective soit une première
erreur ».97(*)
Que l'esprit qui veut connaître puisse être
libre, sans idées préconçues. Cela le conduira à la
découverte d'une réalité purement authentique.
II.1.2. La connaissance
générale
Gaston Bachelard s'attaque aux généralisations
hâtives et faciles, il estime en fait que « rien n'a plus
ralenti le progrès de la connaissance scientifique que la fausse
doctrine du général qui a régné d'Aristote à
Bacon inclus et qui reste, pour tant d'esprit, une doctrine fondamentale du
savoir ».98(*)
Selon notre penseur, l'obstacle de la connaissance
générale est celui qui consiste à
généraliser trop vite un concept, à tel point que cette
généralisation obscurcit d'autres perceptions de la
compréhension. Il est donc clair de plus comprendre cette science du
général dans le sens d'un arrêt de l'expérience,
d'un échec de l'empirisme inventif.
On n'a pas tendance à vérifier un argument
qu'avance un groupe. On croit que plusieurs personnes ne peuvent pas se
tromper. On croit que la vois de la majorité est toujours authentique.
On se contente d'une vague induction : « Bien souvent,
écrit Bachelard, afin d'indiquer d'une manière simple comment le
raisonnement inductif, fondé sur une collection de faits particuliers,
conduit à la loi scientifique générale, les professeurs de
philosophie décrivent rapidement la chute de divers corps et
concluent : tous les corps tombent ».99(*)
Ces professeurs croient qu'avec un tel exemple, ils ont
marqué le pas dans la perspective du progrès de la pensée
scientifique. Par rapport à la pensée aristotélicienne,
cette position se présente comme une rectification ou une amplification
de la généralité. Bachelard précise :
« Aristote enseignait que les corps légers, fumées
et vapeurs, feu et flamme, rejoignaient à l'empyrée leur lieu
naturel, tandis que les graves cherchaient naturellement la terre de
philosophie qui enseignent que tous les corps tombent sans
exception ».100(*)
Et croient -ils avoir fondé la loi de gravitation,
qu'ils auront à présenter comme une doctrine saine ? Nous
devons alors nous poser la question de savoir si réellement de telles
lois constituent des pensées authentiquement scientifiques, ou elles
suggèrent une autre réalité. En effet, si on part de la
mécanique, on peut affirmer que tous les corps tombent ; en optique
on dira que tous les rayons lumineux se propagent en ligne droite. Le
biologiste quant lui soutient que tous les êtres vivants sont mortels.
Si nous partons de la proposition des biologistes, nous
pouvons dire les faits ne sont pas toujours faciles à vérifier.
En effet,, ne peut prononcer cette phrase « les vivants sont
mortels » que celui qui ferait l'expérience de ne pas
mourir. Puisqu'en disant un tel énoncé et que soi-même
aussi, on mourait, qui alors aura à vérifier que
réellement c'est vrai que tous les êtres vivants sont voués
à la mort ? Et si autre chose arrivait après la mort de
celui qui a prononcé la phrase ?
Le deuxième exemple qui illustre bien cet obstacle,
l'auteur le tire de l'enseignement du principe d'Archimède, qui, chez
Bachelard constitue un véritable morceau d'anthologie
pédagogique. Il montre qu' « un principe aussi
essentiel peut complètement échapper aux élèves
qui expliquent la flottaison par la seule activité des corps flottants.
En quelque sorte, si des corps flottent, c'est parce que qu'ils font tout pour
cela ».101(*)
Pour Gaston Bachelard, il faut beaucoup de patience pour
réfuter les fausses explications trop généralisantes. Le
corps flotte parce qu'il est léger. Et les bateaux ? Les bateaux
flottent parce qu'ils sont propulsés par un moteur. Et à
l'arrêt ? A l'arrêt ils continuent à flotter parce
qu'ils contiennent de l'air. Et quand ils sont pleins ? Etc...
De même que la flottaison cache la poussée
d'Archimède, de même la vitesse cache le concept
d'accélération. A l'occasion de la loi de la chute des corps,
on peut demander à l'élève de définir
l'accélération. « Comme presque tout le monde, il
répondra qu'accélérer consiste à aller plus vite,
faisant appel par là à l'expérience habituelle de la
conduite automobile ; on assimile ainsi l'accélération
à la vitesse la plus importante... Elle est la vitesse de la
vitesse ».102(*)
Partant de ces considérations que l'histoire lui offre,
Bachelard indique qu' « on peut se rendre compte que la
généralité immobilise la pensée, que les variables
relatant l'aspect général portent ombre sur les variables
mathématiques essentielles... En gros, ici la notion de vitesse cache la
notion d'accélération. Et pourtant elle qui correspond la
réalité dominante ».103(*)
Dans la perspective de Bachelard, la pensée
scientifique moderne s`est déjà considérablement
heurté à l'obstacle de la généralité. Alors
qu'elle recherche ardemment l'objectivité - fuyant ainsi l'universalisme
-, elle s'attardait plus à la collection des objets plus ou moins
analogues en lieu et place de rechercher la précision et la
cohérence des attributs (qui doivent de prime abord
caractériser l'objectivité).
Bachelard constante, de cet effet, que ce qui limite une
connaissance est souvent plus important, pour le progrès de la
pensée, que ce qui étend vaguement la connaissance. Or,
poursuit-il, « une connaissance qui manque de précisions
ou, pour mieux dire, une connaissance qui n'est pas donnée avec ses
conditions de déterminations précises n'est pas une connaissance
scientifique. Une connaissance générale est fresque, elle est
une connaissance presque fatalement une connaissance
vague »104(*)
Au lieu que l'esprit puisse être libre et entreprendre
des recherches, la généralisation se constitue en un certain
obstacle.
A en croire Bachelard, la généralité
immobilise la pensée, elle est une connaissance sans précision,
une connaissance dépourvue de ses conditions de détermination,
de ce fait, elle est loin d'être scientifique.
II.1.3 L'obstacle verbal
Après la facilité avec laquelle l'esprit se
laisse emporter à des généralisations indéfinies et
stérilisantes, Bachelard entreprend d'étudier un autre obstacle,
qui selon lui, « à mettre un mot à la place d'une
explication : Il s'agit bien de l'obstacle
verbal. ».105(*)
Pour notre auteur, il y a une extension abusive des images
familières à la connaissance objective dont le cas type est
l'éponge. Le mot éponge, selon Bachelard, « permet
d'expliquer les phénomènes les plus variés ; on croit
expliquer et reconnaître ces phénomènes. Avec cette
explication, on aboutit à une considération erronée,
à une fausse explication obtenue à l'aide d'un explicatif. La
fonction de l'éponge est tellement évidente, claire et distincte,
qu'on ne sent pas du tout le besoin de l'expliquer ».106(*)
En effet, Bachelard pense qu'il y a effectivement extension
abusive des images familières à la connaissance objective dans
ce sens, on croit avoir expliqué un phénomène alors qu'on
n'a fait que cacher son ignorance par le mot généralement
à la mode. Bachelard donne, pour s'expliciter, l'exemple de
l'éponge qui fut à la mode au VIIIe siècle. Il reproduit
une longue citation de Réaumur qui, prétend expliquer les
phénomènes atmosphériques par la structure spongieuse de
l'air. Selon cette explication « on a pu dire que les nuages
étaient des éponges volantes qui aspiraient l'eau au-dessus des
mers et qui, pressés les uns contre les autres par le vent, la
rendaient sous forme de précipitations »107(*). Nous pouvons
nous-mêmes constater que, sous l'emprise du leitmotiv de l'éponge,
on prenait une simple image pour une explication entière.
Dans la même perspective, note Bachelard,
« Lémery appelait la pierre de bloque une
<éponge de lumière> avec un peu plus de précision
car cette pierre phosphorescente garde, après exposition au soleil, une
certaine quantité de <lumière lumineuse> qu'elle laisse
ensuite s'écouler ».108(*)
La pierre de bloque est prise ici pour une éponge
absorbant un autre corps qu'est la matière lumineuse, après
l'exposition au soleil. Le déplacement de ce concept est dû au
fait que cette pierre exposée, une fois retirée du soleil, garde
encore une quantité de matière lumineuse. Cela pousse à
dire autre chose sur cette pierre de bloque. « En d'autres
termes, une éponge nous montre la spongiosité. Elle nous montre
comment une matière particulière s'emplit d'une autre
matière. Cette leçon de la plénitude
hétérogène suffit à tout
expliquer »109(*).
Nous remarquons que même les grands esprits n'ont pas
échappé à cet obstacle. Remettre en cause la
première image que nous présente une éponge, est pour
Descartes un grand péché ; car l'image d'une éponge
parait être suffisante pour lui, dans une explication
particulière : on parle chez lui de la métaphysique de
l'espace de l'éponge.110(*)
A propos de cet obstacle qui n'a pas épargné
même les grands esprits, Bachelard, qui prend en témoin Van
Swindem, réalise que « les métaphores
séduisent la raison »111(*), sur ce cet effet, il suggère que
l'effort abstractif prime, dans la psychanalyse de la connaissance objective,
au pouvoir du pittoresque des images naïves. Il dit à propos
« la construction des schémas rationnels doit quitter,
selon Gaston Bachelard, le domaine des intuitions premières pour celui
des illustrations travaillant au-delà des
concepts ».112(*) Il y a donc d'après Bachelard,
« les dangers des métaphores immédiates pour la
formation de l'esprit scientifique, c'est qu'elles ne sont pas toujours des
images qui passent ; elles poussent à une pensée
autonome ; elles tendent à se compléter, à s'achever
dans le règne de l'mage » 113(*). De telles pensées, constate le
philosophe français, bloquent le progrès de la science.
II.1.4. L'obstacle de la
connaissance pragmatique et unitaire
Nous examinons ici deux principes explicatifs :
l'unité de la nature et le principe utilitaire, deux autres obstacles
nécessitant la purification. Le premier principe correspond à une
tendance à unifier les phénomènes au sein d'une seule et
même nature. Les préscientifiques avançaient alors comme
hypothèses toutes les difficultés vont se résoudre
grâce à une nature et une et homogène. Ils
considéraient l'unité comme un principe toujours
désiré, toujours réalisé à bon
marché.
Pour eux, « il faut directement avoir
à l'esprit que ce qui est vrai du grand l'est du petit et vice-versa, et
à la moindre dualité, on doit soupçonner une
erreur »114(*).
Quant à l'utilité, il faut aussi l'exorciser car
elle conduit également à des généralisations
exagérées : c'est une utilité d'origine humaine que
l'on cherche dans tous les phénomènes.
Le besoin d'unité et d'utilité pose un certain
nombre de faux problèmes. Voilà pourquoi l'esprit moderne a rompu
avec ce mythe de l'unité. Ainsi, « il pense en
particulier le problème théologique sur le plan différent
de celui du problème cosmologique ». 115(*)
Bref, un esprit qui se veut moderne doit se libérer de
ce besoin d'unité et d'utilité afin de progresser librement vers
la vraie réalité. C'est cela la préoccupation de la
science contemporaine : elle « s'instruit sur des
systèmes isolés ». 116(*)
En effet, les valorisations substantialistes et verbales
conduisent pour la plupart de temps à l'unitarisme de la
connaissance.
Gaston Bachelard trouve en cette formulation une grande
erreur et un grand obstacle de la connaissance pragmatique, qui, dans son
vocabulaire consiste à « vouloir expliquer un
phénomène par son utilité, comme si le monde était
organisé comme une gigantesque et merveilleuse machine dans laquelle
chaque pièce à une place et y joue un rôle en vue du tout
».117(*)
Les explications grecques les plus mythiques mais aussi les
plus bêtes, remarque l'auteur, ont été données
suivant ce procédé et heurtant à une telle
difficulté : « l'esprit préscientifique
expliquerait le tonnerre comme le bruit par Jupiter pour féconder la
terre et les semences ; les raies du potiron seraient tracées afin
qu'on le découpe facilement en parts égales en famille ; la
pluie ne serait que l'eau du bain par lequel la vierge Marie nettoie son fils
Jésus -Christ »118(*).
Ce thème de l'harmonie du monde, ce thème
« d'une weltanschauung », ce thème
où « toutes les difficultés se résolvent
devant une vision générale du monde, par simple
référence à un principe général de la
Nature »119(*)
un tel thème n'épargne pas les grands scientifiques,
constate, Bachelard. Il en trouve un exemple intéressant chez Newton,
à propos de la nature des comètes.
Voilà ce qu'il en écrit :
« loin que les comètes soient dangereuses ...Elles sont,
selon Newton, des nombreux bien faits du créateur ... (Newton)
soupçonne que les vapeurs qui sortent d'elles sont attirées dans
les orbites des planètes, et servent à renouveler
l'humanité de ces globes terrestres qui diminue toujours. Il pense que
la partie la plus élastique et la plus subtile de l'air que nous
respirons nous vient des comètes... il me semble que c'est deviner en
sage, et que c'est tromper, c'est se tromper en grand homme ».
120(*)
Toutes les illustrations qu'il décèle de
l'histoire des sciences tous ces pertinents exemples qu'il y rencontre
amènent Bachelard à la considération que l'attitude
pragmatique est catastrophique pour la science.
Non seulement elle constitue un des plus grands obstacles
épistémologiques, mais encore parce qu'elle est une bonne source
d'incompréhension sur la nature même de la science.
II.1.5. Doctrine
substantialiste
Les phénomènes contenant quelque chose de
permanent qui constitue l'objet même du départ : la
substance. Celle-ci subsiste et persiste toujours en changement.
C'est la doctrine substantialiste, qui, fait penser à
la permanence « l'imagination travaille en dépit des
oppositions de l'expérience. On ne se détache pas du merveilleux
quand une fois on lui a donné sa créance, et pendant longtemps
on s'acharne à rationaliser la merveille plutôt qu'à la
réduire ». 121(*)
On comprend par cet extrait que l'obstacle substantialiste
est, notre auteur, « la plus difficile à éliminer,
celui qui revient constamment dans les esprits et qui a peut-être
constitué le plus important frein au progrès
scientifique »122(*).
Selon Bachelard, « il consiste à chercher un
support matériel, une substance derrière tout
phénomène... il est comme tous les autres `polymorphes'. Il est
fait de l'assemblage des intuitions les plus dispersées et même
les plus opposées. »123(*) Par une tendance quasi naturelles, l'esprit
préscientifique bloque sur un objet toutes les connaissances où
cet objet à un rôle, sans s'occuper de la hiérarchie des
empiriques. Il unit directement à la substance les qualités
diverses, aussi une qualité superficielle qu'une qualité
profonde, aussi bien une qualité manifeste qu'une qualité
occulte.
Suivons Bachelard dans l'analyse qu'il fait du feu pour
illustrer cet obstacle.
« Pendant longtemps, on a cru que
résoudre l'énigme du feu équivaudrait à
résoudre l'énigme de l'univers. ... Il s'agit d'u mythe fort
difficile à exorciser :...Quelques personnes tombent dans un
défaut absolument contraire, en expliquant la nature et les
phénomènes du feu, avec tant de facilité, qu'il semblerait
que toutes les difficultés sont levées... En fait les choses ne
font que se compliquer davantage : il y a autant des discours qu'il y a
des têtes. chacun veut donner une explication propre à lui sur
le feu ; Cet amalgame d'explications conduit à des graves
complications : tantôt la chaleur est le feu élémentaire,
bientôt elle est un effet du feu : là, la lumière est
le feu le plus pure et un élément ;là, elle est
déjà répandue dans toute l'étendue du globe, et
l'impulsion du feu élémentaire lui communique son mouvement
direct (...) »124(*).
Chez d'autres esprits encore, il est beaucoup plus question
d'une permanence substantielle. On veut que la substance puisse persister et
que son quantum n'augmente, ni ne diminue dans la nature. Mais en
réalité « rien ne légitime cette permanence
substantielle du feu dans la matière colorante, mais on voit au travail
la pensée substantialiste : ce qui a reçu le feu doit rester
brûlant, donc corrosif »125(*).
Pour illustrer l'idée substantialiste on recourt
à une simple contenance ; il faut quelque chose qui enferme, pour
que la réalité profonde soit enfermée. Quelque soit le
domaine, scientifique ou celui de la psychanalyse littéraire, les
intuitions substantialistes, si faciles, ne résolvent que des faux
problèmes.
Car, en effet, pour Bachelard la recherche d'une explication
commence par l'hypothèse d'une cause matérielle, d'un substrat
solide dont le phénomène ne serait qu'un effet. Par exemple
« on croit généralement que les sensations comme
la saveur reposent sur des substances... De ce qui précède,
l'obstacle substantialiste consiste en ce que l'on est toujours à la
recherche d'une `clé' pour ouvrir les substances ».126(*)
C'est pour le dire autrement la recherche de `clé'
d'interprétation qui a amené les alchimistes du
XVIIIème siècle à croire que la couleur
dorée de l'or était due à un certain composant chimique
qu'il suffirait de lier à un autre métal, comme le plomb pour le
transformer en or.
Gaston Bachelard donne un autre exemple, concernant les
recherches sur l'aimant : « Le magnétisme de l'aimant
a toujours fasciné les hommes à cause de son action à
distance. Au XVIIIème siècle on a imaginé que
le fer de l'aimant contenait une sorte de colle, le flegme et on cru
l'entrevoir chez le forgeron lorsque le fer incandescent, plongé dans
l'eau, produit un bouillonnement... L'invisible était alors
rattaché au visible et une substance venait rassurer les esprits
inquiets ».127(*)
Bachelard cite un dénommé Carra qui dit
« le flegme qui suinte de l'aimant est effet de la pression de
la gravitation continuelle que ce minéral exerce sur lui-même...
Le flegme laiteux qui sort du fer battu après la fusion, est
très certainement une preuve que celui qui suinte de l'aimant n'est
point une chimère ».128(*)
De tels raisonnements bloquent simplement l'évolution
de la pensée.
II.1.6. Le réalisme
Bachelard nous présente un autre obstacle
épistémologique, c'est celui qui résulte de du sentiment
de l'avoir : `'Le réalisme'' autrement
appelé `'l'obstacle réaliste''.
Les réalistes se disent détenteurs de la
réalité absolue. C'est le cas entre autre de
Platon avec sa doctrine d'après laquelle « les
idées sont plus réelles que les êtres individuels et
sensibles »129(*) Ces derniers ne sont que des images et les
reflets.
Pour Bachelard, « il n'y a ni réalisme ni
rationalisme absolus selon la philosophie scientifique et il ne faut donc pas
faire partir d'une attitude philosophique générale pour
Comprendre et juger la pensée scientifique »130(*).
La philosophie scientifique ne doit pas avoir confiance en un
réalisme qui se dit absolu. Elle recommande d'éviter d'avoir une
opinion sur des questions qu'il ne maîtrise pas.
Comment, par exemple, prouver que les idées sont les
vraies réalités ? Sans pourtant passer à la
vérification on croit posséder la vraie réalité. Il
règne une certaine naïveté et une avarice chez les
réalistes. Bachelard écrit à propos :
« Dans sa forme naïve, dans sa forme affective, la certitude
du réaliste procède d'une joie avare »131(*)
Pour préciser notre thèse, disons donc sur un
ton polémique : « (...), tous les réalistes
sont des avares. Réciproquement, et cette-ci, sans réserve, tous
les avares tous réalistes »132(*). Ils ne veulent pas passer à la
vérification par peur de ce qu'ils possèdent :
« à suivre ces rectifications, écrit Bachelard, on
se convainc par exemple qu'un réalisme qui a rencontré le doute
scientifique ne peut plus être de même espèce que le
réalisme immédiat »133(*).
Il est bien question du complexe d'harpagon qui
attire souvent une grande attention sur ce qu'on possède
déjà. En définitive, « l'axiome fondamental
du réalisme non prouvé : rien ne se perd, rien ne se
crée, est un dire d'avare »134(*).
Le réalisme constitue un grand obstacle à
l'esprit qui veut se plonger dans une recherche scientifique authentique. Le
chercheur doit donc être prudent : il doit faire tout un jugement
sans idées préconçues.
II.1.7. L'obstacle animiste
La véritable question révélatrice de
l'obstacle animiste porte sur un processus qui attribue à des objets,
inertes pourtant, des propriétés des organismes vivants.
Cet obstacle stipule que tout ce qui existe possède une
âme ou une force qui explique le mouvement et l'existence. Il repose sur
le présupposé que « tout ce qui a été
élaboré par la vie porte sa marque initiale comme une valeur
indiscutable»135(*).
Ainsi la nature, dans toutes ses formes et tous ces
phénomènes, est toujours impliquée dans une théorie
de la vie et de la croissance. C'est dans ce sens que Marcuse propose une
nouvelle rationalité technique : celle qui consiste à
considérer la nature comme un objet mais, comme un partenaire avec qui
il faut vivre une certaine relation fraternelle, car la nature peut pas
être animée au même diapason que l'homme.
Pour Bachelard, « l'homme est l'unique
être qui est habité par l'âme. Ainsi, l'animisme constitue
un obstacle à la connaissance par le fait même qu'il impose le
modèle du corps humain aux diverses sciences, dont les sciences
physiques »136(*).
Le XVIIIème est pour Bachelard le
siècle le plus éloquent. En appliquant le concept de `'maladie''
en tant qu'entité clair et absolu, aux objets du monde matériel,
le XVIIIème siècle est arrivé, par exemple, la
rouille comme la maladie du fer : « la rouille est une
maladie à laquelle le fer est sujet... L'aimant perd sa vertu
magnétique lorsqu'il est rogné par la rouille. On en voit qu'il
reprenne une partie de ses forces, lorsqu'on en a enlevé la surface
attaquée par cette maladie »137(*).
Pour Gaston Bachelard, on trouve quantité d'exemples
et d'images qui présentent la terre comme un organisme vivant. On parle
des entrailles de la terre, des veines des minerais, du coeur de magna, de la
fécondité de mines... « Toutes les
majorations, augmentations et exagérations d'explications des
phénomènes du système biologique du système
planétaire, on conduit le XVIIIème siècle à un
autre obstacle, c'est celui du `' mythe de la digestion »138(*).
La terre, qui reçoit certaines colorations, peut,
à la manière de tout organisme vivant, être fonctionnelle.
« La terre (a) comme ses entrailles et ses viscères, ses
philtres, ses colatures. Je dirais même quasi comme son foie, sa rate,
ses poumons, et les autres parties destinées à la
préparation des sèves alimentaires. Elle a aussi ses os comme une
armature très régulièrement
formée »139(*).
II.1.8. Le mythe de la
digestion
En matière de la connaissance, les objets et les hommes
relèvent du même diagnostique. Partant, le réel est
conçu comme aliment : « l'enfant porte à la bouche
les objets avant de les connaître, pour les
connaître »140(*).
Mais cela n'est pas le problème ; il s'agit de la
digestion, propriété pivot autour de laquelle tourne sans fin
l'esprit préscientifique. La digestion est conçue comme une lente
et douce cuisson ; en ce sens « toute cuisson
plongée est une digestion »141(*).
« La digestion, poursuit Bachelard, est
difficile à expliquer, preuve certaine de la majesté de la nature
mais pour les esprits préscientifiques, elle ne s'explique que dans le
règne des valeurs. Une telle explication cesse de donner prise à
la contradiction. C'est aimer profondément que d'aimer des
qualités contradictoires »142(*).
Une telle conception des choses est évidement loin de
favoriser le progrès de la science.
II.1.9. Libido et une
connaissance objective
Si la presque totalité des élèves,
pendant le cours de chimie, attribuent le rôle actif à l'acide et
le rôle passif à la base, c'est parce qu'un esprit en formation,
devant une expérience nouvelle, trouve de prime abord des pensées
sexuelles. Et en creusant l'inconscient, on s'aperçoit que la base est
féminine et l'acide est masculin.
Et, on parlera de sels hermaphrodites, le fait que le produit
soit un sel neutre. Ce sont là des véritables obstacles, car on
attribue aux phénomènes physico-chimiques une
propriété sexuelle. Voilà pourquoi « une
psychanalyse complète de l'inconscient scientifique devrait entreprendre
une étude de sentiments plus ou moins directement inspirés par la
libido »143(*).
En effet, nous avons que « c'est l'homme, tout
entier, écrit Bachelard, avec sa lourde charge d'ancestralité et
d'inconscience, avec toute sa jeunesse confuse et contingente, qu'il faudrait
considérer si l'on voulait prendre la mesure des obstacles qui
s'opposent à la connaissance objective, à la connaissance
tranquille. Hélas ! Les éducateurs ne travaillent
guère à donner cette tranquillité ! Partant, ils ne
guident pas les élèves vers la connaissance des objets, ils
jugent plus qu'ils enseignent... Ils ne font rien pour guérir
l'anxiété qui saisit tout esprit devant la
nécessité de corriger sa propre pensée et de sortir de
soi pour trouver la réalité objective »144(*).
La connaissance objective immédiate est qualitative
selon Gaston Bachelard. En tant telle, elle apporte une erreur à
rectifier car elle a chargé inutilement l'objet à
connaître par des impressions et images subjectives. C'est ce qui
nécessite une psychanalyse afin de la décharger.
A la fin de son ouvrage `'la formation de l'esprit
scientifique'' Bachelard cite les autres aspects d'obstacles
épistémologiques qui, à notre avis, ne concernent pas
directement l'esprit qui cherche à connaître. Car, nous nous
sommes intéressés jusque là, aux obstacles qui freinent
l'esprit scientifique dans son élan vers l'abstraction.
Mais ce sont des obstacles portent, pour mieux dire, la
réflexion sur les instruments de mesure qui, d'après la physique
moderne, comportent toujours des erreurs. Ces obstacles sont appelés
les obstacles de la connaissance quantitative. Il écrit, à cet
effet, « la grandeur n'est pas automatiquement objective... Et il
suffit de quitter les objets usuels pour qu'on accueille les
déterminations géométriques les plus bizarres, les
déterminations quantitatives les plus fantaisistes »145(*).
Autrement dit la connaissance quantitative recèle, elle
aussi des obstacles épistémologiques entre autres
« l'excès de précision et les instruments de
mesures, l'abus de déterminations réciproques, la
méconnaissance des réalités
d'échelles ».146(*)
Car, en effet, poursuit-il, « les relations
d'objet échappent dès qu'on prétend épuiser d'un
seul coup la détermination quantitative. C'est en deçà et
non au-delà de la mesure en tant méthode discursive, que
l'objectivité est alors affirmée en tant qu'instruction directe
d'un objet... Il faut réfléchir pour mesurer et non pas pour
réfléchir »147(*).
Des lors, nous comprenons que l'attachement aux intuitions
usuelles, l'expérience commune prise dans notre ordre de grandeur n'est
rien d'autre que ce qui entrave la pensée scientifique contemporaine.
Voilà pourquoi, nous dit Bachelard, il faut une rupture
avec ces habitudes. Pour cela, « l'esprit scientifique, ne doit
pas imposer partout la légalité de l'ordre de grandeur familier,
il doit allier la souplesse à la rigueur et reprendre toutes ses
constructions quand il aborde des nouveaux domaines »148(*).
II. 2.
Caractéristiques des obstacles épistémologiques
Gaston Bachelard soutient que l'esprit peut accéder au
stade scientifique que par une démarche essentiellement abstractive.
Mais il se révèle qu'au cours de l'histoire ce pèlerinage
vers l'abstraction s'est trouvé entravée par des
préjugés et des modes de pensée qui l'empêche vers
cette objectif et que Bachelard a nommé `'les obstacles
épistémologiques''.
En effet, nous avons précédemment, défini
les obstacles épistémologiques comme des éléments
socio-culturels, psychologiques constitués d'images et des symboles,
lesquels sont considérés comme, non seulement, sources
constantes d'erreur parce que tenaces, fascinants et insistants... mais aussi
comme causes de stagnation et même de régression de l'esprit vers
cette abstraction. Bref, ils sont aussi causes de l'inertie de l'esprit.
Ces obstacles épistémologiques, poursuit
Bachelard, « sont des racines qui doivent être
cherchées dans la connaissance elle-même et non en dehors
d'elle... Ce que l'esprit scientifique cherche à surmonter fait obstacle
à l'esprit même... C'est, à la lettre, un instinct de
conservation de la pensée, une préférence donnée
aux réponses plutôt qu'aux questions... »149(*).
Aux dires de l'épistémologue français,
les obstacles épistémologiques sont multiples, variés et
pluriels. On ne saurait cependant les dénombrer tous.
Grâce à ses recherches, il répertorie
certains, dans la formation de l'esprit scientifique qui,
d'après lui, présentent quelques caractéristiques
communes dont :
Ø Les obstacles épistémologiques sont
`'polymorphes' ;
Ø Les obstacles épistémologiques bloquent
la recherche scientifique ;
Ø Les obstacles épistémologiques
s'enchevêtrent dans l'esprit humain ;
Ø Les obstacles épistémologiques sont
nécessaires pour le progrès de la science ;
Ø Les obstacles épistémologiques
suscitent, nécessitent et sollicitent une catharsis intellectuelle du
sujet connaissant.
1. Les obstacles sont polymorphes
Les obstacles épistémologiques sont des modes de
pensée et de préjugés qui se manifestent de plusieurs
natures. Tantôt, ils s'habillent sous la forme qualitative, bientôt
soit sous la forme quantitative. Ils sont liés au destin des nos
pulsions cognitives et s'adaptent aux circonstances et aux lieux
d'investigations du chercheur.
En effet, soutient Bachelard, « la nature de
notre conscient est ainsi une activité imageante qui se déploient
en deux champs opposés, mais où, par une affinité
curieuse, le sujet conscient de l'individualité, s'abolit dans des
systèmes où il se trouve comme un autre plus puissant et plus
riche.
Derrière l'agitation et le devenir du savoir, on
perçoit que le sujet qui fait la science est en accord profond avec le
sujet que la psychanalyse interroge »150(*).
2. Les obstacles épistémologiques
bloquent la recherche scientifique
« L'opinion pense mal et même d'ailleurs
ne pense pas... Elle traduit des besoins en connaissance. L'opinion s'interdit
de connaître les objets, en les désignant par leur utilité
d'où il faut la détruire car on ne peut rien fonder sur elle ...
Elle est le premier obstacle à surmonter ... »151(*).
Si nous nous limitons ne serait-ce que à cet obstacle,
nous pouvons soutenir que les obstacles épistémologiques sont
des temps morts, de moments d'inertie qui bloque la pensée vers
l'objectivité.
Car, en effet, ils s'incrustent sur la pensée de celui
qui veulent connaître, ils se substituent en connaissance non
questionnée comme nous l'avions déjà souligné. Une
connaissance acquise par un effort scientifique peut elle-même
décliner en ce sens que si la réponse reste la même, des
habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines peuvent entraver la
recherche à la longue puisque notre esprit tend très souvent
à considérer comme plus claire l'idée qui lui sert le plus
souvent.
3. Les obstacles épistémologiques
s'enchevêtrent dans l'esprit humain
Dans le développement de la pensée scientifique,
on a eu à prendre des faits comme des idées, en les
insérant dans un système de pensée. Ceci a justifié
qu'un fait mal interprété à une époque s'incruste
dans l'esprit du chercheur de cette époque.
« C'est, au gré de Bachelard, un obstacle
qui constitue une contre pensée qui, a très souvent
créé des difficultés quant à
l'interprétation des phénomènes de la nature... C'est le
fait, par exemple, à une même époque un mot revient
à plusieurs concepts... »152(*).
4. Les obstacles épistémologiques sont
nécessaires pour le progrès de la science
Les obstacles épistémologiques, avions-nous dit,
sont des représentations qui paraissent évidentes et qui,
à certains moments, ont pu même être utiles même s'ils
finissent par entraver l'esprit à connaître. Ils sont
considérés par Bachelard comme révélateurs des
lanternes qui ont obscurcit le progrès de la science et ont
occasionné `'la somnolence du savoir''. Il faut alors qu'on
réussisse à les sauter en opérant une rupture
épistémologique.
Ils sont nécessaires pour le progrès de la
science. En effet, les obstacles épistémologiques sont, pour
Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour
connaître la vérité.
Il précise « puisqu'il n'y a pas de
démarche objective sans la conscience d'une erreur intime et premier,
nous devons commencer nos leçons d'objectivité par une
véritable confession de nos intellectuelles »153(*). Il faut donc dit-il
psychanalyser l'esprit scientifique.
Plutôt que de vouloir changer le fonctionnement des
choses, l'attitude la plus phénomènes eux-mêmes, mais bien
à l'intérieur de l'esprit que les rectifications doivent
être faites.
De cet effet, Bachelard montre que les obstacles sont
nécessaires dans ce sens qu'ils éclairent et sanctionnent la
passé. Il écrit à propos « le progrès
scientifique ne saurait être conçu en termes d'accumulation
linéaires des savoirs »154(*)
Il montre avec rigueur comment la science doit se faire
toujours entre les obstacles épistémologiques, qui ne sont plus
ce vague et éternel sens commun mais des formations des pensées
réfléchies. « Convertir le lieu de ces obstacles en
lieu d'une coupure et rupture épistémologique, qui
désormais séparera définitivement la procédure de
la pensée rigoureuse des aventures et des investissements du sujet
humain, trop humain, tel est le dessin de la science dit
Bachelard »155(*).
5. Les obstacles épistémologiques
suscitent et sollicitent une catharsis
Les obstacles épistémologiques sont des
préjugés qui entravent l'esprit à atteindre l'abstraction,
chemin vers l'objectivité scientifique. Bachelard nous propose de
psychanalyser cette esprit afin d'arriver à cette objectivité.
Ils suscitent et sollicitent une catharsis intellectuelle du sujet connaissant
dans la perspective où cette psychanalyse permet la libération
de l'inconscient du chercheur et de ce fait, contribue au progrès de la
science.
Mais une chose est vraie que : « cette catharsis
préalable, nous ne pouvons guère l'accomplir seuls, il est aussi
difficile de l'engager que de se psychanalyser
soi-même »156(*). Elle est juste ce qui consiste pour un
scientifique de se changer lui-même, dans sa manière d'aborder la
science car ce qui freine le chercheur n'est pas ce qu'à priori il
pourrait croire et disons-le que ce sont les idées
préconçues autrement dit les incompréhensions qu'il se
fait de l'objet à connaître.
Il s'agit, dans la perspective de Bachelard, d'une
psychanalyse qui met en évidence les processus inconscients qui
bloquent la connaissance.
Notons que, pour Bachelard, ce que la psychanalyse dont se
propose la pensée, c'est la possibilité de négations qui
n'anéantissent pas, la possibilité de détours qui nous
écartent de la croyance naïve en des substances et des choses qui
ne sont, que la projection de nos désirs et du destin de nos pulsions.
Lorsque Bachelard demande aux scientifiques de se
dépouiller de tout ce qui constitue les obstacles
épistémologiques, c'est pour montrer le chemin vers
l'objectivité scientifique. Comme pour dire que la psychanalyse est la
porte ouverte à l'objectivité. Celle-ci est un processus qui
exige que le sujet se désubjectivise.
Cependant nous ne nous empêchons pas de nous poser la
question de savoir en quoi consiste cette catharsis de l'esprit
connaissant ? Question à laquelle nous allons tenter
répondre de manière détaillée au chapitre suivant.
II.3. Conclusion du
chapitre deuxième
Le chapitre deuxième de notre dissertation a
principalement été construit autour de l'idée que, dans
l'entendement de l'épistémologue français, le
progrès de la science, comme connaissance objective immédiate
est fautive. Elle est dans son principe même subjective. En prenant la
réalité comme son bien, elle donne des certitudes
prématurées qui entravent, plutôt qu'elles ne la servent,
la connaissance objective. D'où l'impérieuse
nécessité d'une catharsis intellectuelle.
Dans l'examen de ce chapitre, la notion d'obstacles
épistémologiques était le point de mire. Elle nous a fait
savoir comment, chez Bachelard, l'essence de toute entreprise scientifique
n'est pas sa continuité du sens commun, mais sa totale refonte, sa
profonde conversion d'avec celle-ci.
C'est là que se situe la grande discussion autour de la
discontinuité que nous avons abordée au premier chapitre en
faisant intervenir Emile Meyerson auquel Gaston Bachelard répond
directement.
Pour Bachelard, le philosophe des sciences doit être
exigeant, aussi critique que l'est la science elle-même.
« Car, à vouloir obtenir des filiations sans ruptures
sévères, on confondrait, selon Bachelard, toutes les valeurs, les
rêves et les programmes, les pressentiments et les anticipations ;
autrement dit, on trouverait partout des précurseurs pour
tout »157(*).
C'est de cette manière -là que nous avons ouvert
la marmite des progrès scientifiques, selon Bachelard, en indiquant
qu'au principe même du nouvel esprit scientifique se trouve le
`'non''. Et que l'évolution des sciences se trace sur ce non
par lequel les sciences présentes s'insèrent, en le
retravaillant, l'acquis des sciences antérieures : C'est ce que
Bachelard nomme la dialectique enveloppante.
Notion que nous n'avons pas développé dans
l'espoir de la reprendre ultérieurement notamment dans ce
troisième chapitre.
CHAPITRE TROISIEME :
DE LA CATHARSIS A l'OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE
0. Mise en place
Nous avons entrepris, dans tout notre deuxième
chapitre, d'analyser les obstacles épistémologiques qui font que
l'esprit scientifique ne puisse pas accéder à l'abstraction et,
par conséquent ne puisse progresser.
Etant donné ces obstacles sont liés à
l'esprit même qui veut connaître, nous n'avions pas en tout cas la
prétention d'avoir épuisé sous ces lignes tous les
détailles des obstacles épistémologiques. Nous avons
plutôt, simplement, schématisé cette vaste entreprise qui
s'acharne contre toute connaissance prématurée, contre toute
connaissance qui s'attache à l'appétit utilitaire.
Selon Bachelard, « une connaissance objective
immédiate, du fait même qu'elle est qualitative, est
nécessairement fautive... Une connaissance immédiate est, dans
son principe même subjective. En prenant la réalité comme
son bien, elle donne des certitudes prématurées qui entravent la
connaissance objective »158(*).
C'est ainsi que pense, Bachelard « la
véritable libération de la connaissance objective est le fruit et
fonction de fortes décharges de la rupture, de fortes pressions de la
mutation que doit effectuer l'esprit »159(*).
Voilà pourquoi notre épistémologie
accorde une grande importance à la psychanalyse, non pas dans le sens
d'une thérapie, mais surtout en ce qu'elle écartera certaines
croyances naïves provenant de la simple projection de nos impulsions et de
nos désirs.
En effet, c'est à partir du moment où l'obstacle
épistémologique est surmonté donnant lieu à une
rupture épistémologique, que le progrès scientifique peut
advenir.
Le but poursuivi par Bachelard en psychanalysant l'esprit et
en se dépouillant de tout ce qui constitue `'les obstacles
épistémologiques'' est de tendre vers l'objectivité
scientifique. Cette dernière est ce vers quoi tout esprit doit tendre.
Bachelard nous propose ainsi une catharsis intellectuelle afin de
libérer l'inconscient du chercheur, par voie de conséquence,
favoriser le progrès de la science.
Mais en quoi consiste la psychanalyse dont ne cesse de parler
Bachelard ? La rupture est-elle possible ? Et c'est quoi,
d'après Bachelard, l'objectivité à laquelle prétend
l'homme des sciences contemporaines. Ce sont là, l'ensemble de
questions qui constituent la charpente de notre chapitre.
III.2. Les exigences de la
rupture épistémologique
III.2.1. La rupture
épistémologique comme transcendantal de l'objectivité
scientifique
Avec l'examen des obstacles dont doit se débarrasser
tout esprit épris de la culture scientifique, nous avons
découvert que, de l'avis de Gaston Bachelard, toute première
objectivité est la première erreur qui loge dans l'esprit.
Cette erreur première, souligne l'auteur, exige une
véritable rupture. Pour lui, « l'objet ne saurait
être désigné comme un objectif immédiat ;
autrement dit une marche vers l'objet n'est pas initialement objective. Il
faut donc accepter une rupture entre la connaissance sensible et la
connaissance scientifique »160(*).
Libérer la connaissance objective est, sous la plume de
Bachelard, se libérer des premières intuitions, de tout ce qui
prend en premier la place de notre connaissance. En d'autres termes, explique
Bachelard « l'objectivité scientifique n'est possible que
si l'on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé
la séduction du premier choix, si l'on a arrêté et
contredit les pensées qui naissent de la première observation...
Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le
premier contact avec l'objet... Elle doit d'abord tout critiquer : la
sensation, le sens commun, la pratique même la plus
constante... »161(*).
Pour Bachelard, le `'déjà acquis '' crée
un énorme blocage à la connaissance objective. L'esprit qui
entreprend la culture scientifique n'est jamais jeune, avons-nous
déjà, relevé. Et la pensée inconsciente
s'agglomère autour des notions pré-réquises et ainsi
l'esprit s'introvertis et s'immobilise.
De cette manière, la nécessité de la
rupture ou de la coupure épistémologique touche aux profondeurs
même de la psychologie. Bachelard écrit à ce propos,
« psychologiquement, pas de vérité sans erreur
rectifiée. Une psychologie de l'attitude objective est une histoire de
nos erreurs personnelles »162(*).
Aussi poursuit-il disant que « toutes les fois
que nous l'avons pu, nous avons indiqué par des brèves remarques
comment, d'après nous, l'esprit scientifique triomphait des divers
obstacles épistémologiques, et comment l'esprit scientifique se
constituait comme un ensemble d'erreurs
rectifiées »163(*).
Transcendantal de l'objectivité scientifique, la
coupure épistémologique est une révolution de la
pensée contre elle-même ; notre mode de sensibilité
est, pou la plupart des cas, porteur et évocateur de pragmatisme et de
réalisme immédiats.
Selon Bachelard, notre adhésion à l'univers de
l'objet par l'immédiateté révèle quelque fois, -
sinon toujours - `'de la satisfaction intime'' et non `'de
l'évidence rationnelle''.
C'est plus, explique, notre penseur, en termes de
gratuité de `'stimulation''- l'expression qu'il emprunte de
Baldwin - que nous abordons l'objet. Particulièrement, souligne-t-il,
« même sous la forme en apparence générale,
même lorsque l'être repu et comblé croit avoir venir
l'heure de penser gratuitement, c'est encore sous la forme de stimulation
qu'il pose la première objectivité »164(*). Une véritable
psychologie de l'objectivité scientifique exige selon notre auteur une
profonde conversion des intimités.
L'entrée en science doit se caractériser par un
dépouillement de tout réalisme et exiger une
véritable « pédagogie en rupture avec la
connaissance usuelle »165(*) et il est vrai que la science est, et reste
l'expression la plus fructueuse de la liberté de l'esprit ouvert
à tous et universellement convaincante. Mais aussi, poursuit Bachelard,
le monde de la science est loin d'être ouvert à tous les vents et
à toutes les manipulations de l'esprit. Pierre Quillet écrit
à ce propos, « la cité scientifique est
fermée et réglée comme par une clôture et une
constitution monastiques... et la vocation scientifique exige un complet
renoncement à tout attachement humain »166(*).
La connaissance scientifique est, pour Bachelard, le
résultat d'une soustraction et d'une correction. Elle est en même
temps le résultat d'un esprit qui se déprend de son passé
d'images et de son adhésion spontanée à l'immédiat,
et aux entraînements naturels.
L'esprit qui veut accéder à la science doit
commencer par un rejet sur base duquel il esquissera un projet d'où
résultera son objet scientifique. La connaissance scientifique st le
résultat d'une correction. Une belle page de Michel Vadée peut
nous le démontrer : « La rectification est...
décrite comme relevant de la puissance de la reforme de la
pensée, de sa capacité inventive, de son autonomie conçue
comme totale liberté. Face aux faits, face à ses théories
et concepts antérieurs qui ne peuvent expliquer tous les faits, la
pensée se trouve mise en demeure d'abandonner ses concepts
sclérosés, ses a priori anciennes, de les déformer, de les
remplacer par des nouveaux concepts plus ou moins profondément
modifiés »167(*).
Il indique par la suite que « cette dialectique
dans laquelle approximation et rectification jouent alternativement le
rôle prédominant, Bachelard la décrit la plupart du temps
comme une oscillation, un va-et-vient incessant entre le connu (la raison) et
ce qui est à connaître (le réel). Mais dans les
périodes de révoltions scientifiques décisives, c'est la
rectification théorique qui jouent le rôle
dominant »168(*).
Tout ceci, ramène à dire que
l'objectivité scientifique, loin d'être fonction d'une addition,
ou du remplacement d'une ignorance par une connaissance, est une
correction : pas de vérité sans erreur rectifiée.
Selon l'auteur, « l'enfant naît avec un cerveau
inachevé et non pas, comme le postulat de l'ancienne pédagogie
l'affirmait, avec un cerveau inoccupé »169(*) .
S'exprimant à propos du progrès scientifique,
Bachelard soutien que celui-ci ne suit pas la ligne cumulative d'une addition
des connaissances, mais celle, réductrice, d'une soustraction d'images
et des préjugés encombrants et indûment valorisants. La
vérité scientifique est ainsi plus l'aboutissement d'un processus
qu'un commencement. Elle est un résultat, avons-nous dit.
Pour Bachelard, la science ne prolonge pas la connaissance
commune ; elle la contredit parce qu'elle est l'opinion et
qu'elle « pense mal ; elle ne pense pas : elle
traduit des besoins en connaissance. En désignant les objets par leur
utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder
sur elle : il faut la traduire..... »170(*).
Pour connaître véritable et scientifique le
réel, tout esprit doit être en mesure d'effectuer cette mutation
brusque, ... aussi cette psychologie de l'abandon.
La science se définit chez Gaston Bachelard comme,
« un combat, contre soi-même et contre la nature ; la
science st un refus de ses propres opinions »171(*).
Considérant et intériorisant ainsi la logique de
la rupture épistémologique comme transcendantal de toute
objectivité scientifique, écrit Bachelard, «nous devons
profiter de tous les enseignements, si spéciaux soient-ils, pour
déterminer des structures spirituelles nouvelles. Nous devons comprendre
que la possession d'une forme de connaissance est automatiquement une reforme
de l'esprit. Il faut donc diriger nos recherches faites vers une nouvelle
pédagogie »172(*).
A travers toute cette problématique de la coupure
épistémologique, Bachelard semble véhiculer tout un code
de bonne conduite, prescrire tout un règlement intérieur pour la
problématique de la science. Nous en avons découvert, ce que
nous appelons `'la morale bachelardienne''
III.2.2. La morale
bachelardienne
La réflexion épistémologique de Gaston
Bachelard, nous venons de le dire, comporte quelques impératifs pour
tout celui qui voudrait conduire son intelligence avec rigueur. C'est, en
quelque sorte, tout un discours sur la rigueur pour la formation de l'esprit
scientifique, que Michel Serres appelle d'ailleurs `'un Traité de
la reforme'' de l'esprit pré- scientifique »173(*).
Nous y décelons, à cet effet, quatre exigences
dont l'exigence de la catharsis intellectuelle et affective, l'exigence de la
réforme de l'esprit, l'exigence du refus de l'argument de
l'autorité et l'exigence de l'inquiétude de la raison.
III.2.2.1. L'exigence de la
catharsis intellectuelle et affective
« Toute culture scientifique doit commencer
(...) par une catharsis intellectuelle et affective, nous dit
Bachelard »174(*).
Par cette exigence, Bachelard pense que pour donner vraiment
à la raison d'évoluer, il nous faut en toute permanence nous
purifier des préjuges, des idées toutes faites, des opinions
admises. La culture scientifique doit, dans ses mots, se défaire de
tout narcissisme intellectuel et de tout vain optimisme. « Une
tète bien faite est malheureusement, une tête fermée. C'est
un produit de l'école »175(*).
La catharsis intellectuelle et affective est ce combat contre
nous-mêmes. Elle est une condition préalable pour quiconque qui
veut vraiment entreprendre une recherche intellectuelle.
Elle nous donne cette conviction que « pour que
nous ayons quelque garantie d'être du même avis, sur une
idée particulière, il faut, pour le moins que nous n'ayons
été du même avis. Deux hommes, s'ils veulent s'entendre
vraiment, ont du d'abord se contrarie. La vérité est la fille de
la discussion, non pas fille de la sympathie »176(*).
II.2.2.2. L'exigence de la
réforme de l'esprit
En rapport avec cette exigence, Bachelard prescrit une
psychanalyse qui consiste à éduquer convenable notre esprit.
C'est-à-dire, non pas de le remplir des connaissances jusqu'à la
saturation, mais le former avec méthode.
Pour Bachelard, « la raison n'est nullement une
faculté de simplification. C'est une faculté qui s'éclaire
en s'enrichissant. Elle se développe dans le sens d'une
complexité croissante »177(*).
Plus précisément, postule
l'auteur, « il faut apprendre à son esprit à
se reformer sans cesse, ne jamais s'installer dans les habitudes
intellectuelles qui deviennent vite des carcans ou des prisons pour le
développement de la croissance spirituelle »178(*).
Il écrit à propos,
« accéder à la science, c'est spirituellement
rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui contredit un
passé »179(*). L'esprit scientifique doit être capable
de renoncer à une théorie à laquelle il était
attaché ; il doit être capable de refondre le système
de son savoir à chaque fois que c'est nécessaire. Il est donc
question de la souplesse d'adaptation à des nouvelles perspectives.
III.2.2.3. L'exigence du
refus d'argument d'autorité.
Bachelard réalise que l'argument du ''magister
dixit'', moyenâgeux, est très périlleux pour la
science. D'accord, quant à lui, avec les savants de la Renaissance, il
professe qu'il faut rompre avec le respect pour les autorités
intellectuelles, quel que soit leur prestige.
Selon notre philosophe, « un
épistémologue irrévérencieux disait... que les
grands hommes sont utiles à la science dans la première
moitié de leur vie, nuisibles dans la seconde
moitié »180(*).
Et ce, poursuit l'auteur parce que chez eux
« l'instinct formatif finit par céder devant l'instinct
conservatif. Il vient un temps où l'esprit aime mieux ce qui confirme
son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux les
réponses que les questions. Alors l'instinct de conservatif domine, la
croissance spirituelle s'arrête »181(*).
Effectivement, dès qu'un chercheur devient
célèbre, il acquiert une autorité et une
notoriété intellectuelles et morales qui peuvent gêner ses
disciples. Pour progresser à la science, conseille Bachelard, ceux-ci
doivent constamment rompre avec les idées de leur maître. Tache
souvent difficile, mais qui est pourtant u facteur déterminant pour les
sciences. « Cette tache devient plus difficile encire parce que
les grands hommes n'ont pas le sens de l'échec »182(*).
II.2.2.4. L'exigence de
l'inquiétude de la raison
C'est presque tout le plan de la Formation de l'esprit
scientifique qui tourne autour de cette exigence. C'est d'ailleurs la grande
caractéristique de l'esprit souple et toujours impitoyable aux
anciennes valeurs spirituelles.
A travers cet impératif, l'auteur suggère que
l'on ne puisse jamais laisser sa raison en repos qu'il appelle
`'quies'' ; il faut sans cesse
l'inquiéter et la déranger, il écrit à ce propos
« il faut... inquiéter la raison et déranger les
habitudes de la connaissance objective. C'est une pratique pédagogique
constante »183(*).
A en croire l'auteur, il ne faut jamais sympathiser avec une
doctrine. La sympathie enlève l'esprit critique et la liberté de
jugement. La science étant un combat, il ne faut jamais se sentir
à l'aise avec ses propres idées ; il faut incessamment se
remettre en question ; celui qui ne s'interroge plus se sclérose et
l'esprit qui finit par toujours dire oui s'endort.
L'esprit qui est ainsi préparé, et qui
espère à un bien, acceptera sans problème des
rectifications afin de parvenir à un stade évolué avec la
science.
D'ailleurs, au « point d'évolution
où se trouve la science contemporaine, le savant est placé devant
la nécessité, toujours renaissante, du renoncement à son
propre intellectualité »184(*).
Retenons que si notre philosophe s'est livré à
une critique sévère de l'inductivisme et de l'empirisme, c'est
parce que, d'après lui, le fait scientifique est construit à la
lumière d'une problématique théorique.
La science se construit contre l'évidence, contre les
illusions de la connaissance immédiate. C'est en ce sens qu'il parle de
la philosophie du non : « la philosophie du non, dit-il,
n'est pas une volonté de négation. Elle ne procède pas
d'un esprit de contradiction qui contredit sans preuves, qui soulève des
arguments vagues. Elle ne fuit pas systématiquement toute
règle »185(*).
Et notre philosophie du notre préciser :
« pour que la connaissance ait toute son efficacité, il
faut maintenant que l'esprit se transforme. Il faut qu'il se transforme dans
ses racines pour pouvoir assimiler dans ses
bourgeons »186(*).
CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme d'une longue dissertation philosophique
centrée essentiellement sur la pensée de Gaston Bachelard. Que
dire ?
Nous pensons dire qu'héritière de la philosophie
d'Auguste Comte et d'Ernst Mach, l'épistémologie empiriste de des
philosophes viennois du début du siècle dernier a fortement et
suffisamment alimenté les grands débats et les discussions
philosophiques qui ont jalonné toute l'histoire de la philosophie des
sciences du XXème siècle.
Deux thèses essentielles soutiennent l'idéologie
de l'empirisme logique : celle d'un désengagement ontologique
radical qui peut être rattaché à toute l'entreprise
philosophique d'Ernst Mach, thèse selon laquelle la science doit
éviter de s'immixer dans la métaphysique en évitant en
même temps de s'interroger sur le `'pourquoi `' des
phénomènes, elle ne doit s'acharner qu'à n'en saisir que
le `'comment'' à propos duquel elle effectue ses calculs
à des fins de prévision rationnelle ;
l'interprétation de cette thèse en conclura à un
phénoménisme intégral ou à un empirisme
radical187(*).
Quant à la seconde thèse, elle s'attellera sur
un certain justificationnisme ou un
vérificationnisme ; elle voudrait que la philosophie des
sciences ne se préoccupe plus vraiment du contexte de la
découverte mais qu'elle s'interroge sur le contexte de justification de
ses énoncés. Parties des contestations antinazies de ses membres,
ces deux thèses trouveront leur terrain d'érection dans les
terres anglo-américaines.
Beaucoup de philosophies des sciences traditionnelles, en
effet, y trouvent leur compte : les philosophes conventionnalistes,
justificationnistes, verificationnistes ou phénoménistes.
Et un des traits caractéristiques de ces
épistémologies est justement, « La nette
prédominance de la théorie cumulative dans le
développement historique des sciences, accentuant davantage le principe
d'induction».188(*)
Nous notons, sous la remarque de Bachelard, qu'avec ces
épistémologies traditionnelles, en fait, la structure
évolutive des connaissances ou des théories scientifiques
accroîtrait par une sorte de sédimentation progressive.
C'est principalement autour de ces contextes presque
`'tumultueux'' et `'polémiquant'' que nous avons
construit l'ensemble de notre dissertation philosophique que nous avons
articulé autour de trois principaux chapitres.
Dans le premier chapitre où nous nous sommes
concentré à la relecture des théories ou des questions
épistémologiques relatives à la croissance et surtout
à la conception de la connaissance scientifique, nous avons pour le
besoin de la cause, remonté cette relecture avec le positivisme que la
tradition reconnaît à Auguste Comte.
Pour ce dernier, avons-nous souligné au chapitre
introductif, l'esprit ne saurait atteindre le fond des choses et doit se borner
à la seule recherche des lois de la nature, conçue comme des
relations invariables de succession et de similitude. C'est sur la loi des
trois états que ce positivisme reposait. Dans la description de ces
trois états, Comte a retenu `'l'état positif'', qui,
selon lui, est le point culminant de sa théorie. Il est, en effet,
caractérisé par l'abandon du `'pourquoi'' et le seul
attachement au `'comment'' à la recherche des lois effectives
gouvernant les phénomènes.
Kant, abordant dans la même perspective, soutient que
seule les phénomènes peuvent être saisis par la raison car
le noumène reste jusque là inconnaissable.
Quant à Jürgen Habermas, la seule méthode
susceptible de conférer à une science sa scientificité,
mieux, son objectivité, c'est la méthode expérimentale. Il
poursuit en disant qu'il n' y a que l'intérêt qui guide la
connaissance.
La lecture de ces épistémologies traditionnelles
nous ont permis de comprendre que Descartes et ses prédécesseurs
ont plongé l'épistémologie dans une crise
d'identité. Les uns ont fait de la science en posant des questions
renvoyant à la `'transphénoménologie'', les
autres par contre, ont baigné dans un empirisme radical.
Il fallait attendre, autour des années 30,
l'émergence d'une nouvelle discussion visant à dépasser
l'empirisme logique et l'idéalisme pour que la science se tourne vers
une nouvelle perspective, celle des découvertes. Nous avons
remonté cette discussion avec la justification du rationalisme critique
que l'on attribue à Popper, pour donner le ton à une nouvelle
direction de la problématique dans l'étude des sciences de la
nature.
Nous avons montré que, ne souscrivant pas aux
thèses fondamentales et majeures du positivisme logique, Karl Popper
montre le « progrès de la connaissance scientifique ne
passe pas par un principe inductif comme le soutenaient les héros
éponymes du cercle de vienne. Ce n'est pas non plus par un cumul des
connaissances qu'on arriverait à une structure de la connaissance
scientifique... C'est essentiellement, d'après Popper, par la
falsifiabilité, c'est par la réfutabilité, la connaissance
scientifique est marquée par de conjectures et des
réfutations... »189(*).
Revenons à la discussion que Bachelard a entretenue
avec les philosophes de l'épistémologie classique, courant dans
lequel il insère son compatriote Emile Meyerson à qui il
s'oppose directement.
En accord avec les réalistes190(*) (dont Meyerson est le
patron, selon Bachelard), Bachelard montre que l'épistémologie
peut concéder l'existence d'une réalité perceptible.
Cependant, il est un fait qu'avec les idéalistes il est d'accord de la
puissance formelle de la pensée discursive. Mais aux uns et autres,
Bachelard reproche farouchement en bloc leur incapacité de se rendre
compte véritablement du dialogue de la raison et du réel dans les
nouvelles sciences physiques contemporaines ; il étale incisivement
leur impuissance à rendre justice à l'ontologie discursive
implicite qui caractérise ces sciences. Il les accuse impitoyablement
de ne pouvoir accéder à la puissance de la déformation et
réforme qui caractérise la pensée créatrice
à l'oeuvre dans les sciences.
Bachelard, lisons-nous, chez Schotte,
« dénonce très souvent l'inadéquation des
philosophies traditionnelles de la connaissance, aussi bien du point de vue du
réel que du point de vue de la raison »191(*).
« L'empirisme, non seulement il s'attarde sur un
réalisme immédiat, mais aussi il exalte le donné empirique
sans trop juger de sa valeur formative pour la valeur de la
connaissance »192(*). Mais il y a quand même plus : sa
considération de la pensée comme une redondante
pléonastique de l'expérience amène Bachelard à
penser qu'aucune pensée d'origine empiriste ne saurait à elle
seule suffire à la construction d'une vue cohérente des choses
aussi performante qu'une théorie scientifique193(*).
Quant à sa critique contre l'idéalisme, notre
philosophe montre qu'il s'endort le plus souvent sur un rationalisme immobile
et parce que, à ses yeux, il cache mieux « une
impuissance heuristique d'une raison close dont les axiomes
présumés éternels résument en fait un savoir
acquis »194(*).
Bachelard fait encore remarquer que la grosse erreur de
l'idéalisme est de considérer, en dernière analyse, toute
réalité comme source d'irrationalité195(*). Bachelard pense qu'une
telle approche du donné scientifique n'est pas profitable.
L'objet scientifique, nous l'avions souligné plusieurs
fois, n'est pas, pour notre penseur, ce donné gratuit et
immédiat, mais ce conglomérat de résistance196(*). En conséquence,
« l'esprit qui va vers l'objet doit apprendre à poser des
problèmes, à interroger les choses »197(*).
L'accession au monde de l'objet relève d'une certaine
secondarité et le donné scientifique, si tant est qu'il faut
encore parler de donné, est tardif198(*), démontre l'auteur. Tardif, il est le
résultat des rectifications et des réajustements de nos erreurs
premières, il est le résultat d'un redressement
d'hypothèses erronées, il est la marque d'un présent
scientifique qui a su retravailler un passé historique. Il est dans les
mots de Schotte, « hypothétiquement construit et
reconstruit, il arrête d'être un objet pour devenir un objectif
rationnellement construit qu'il faut réaliser, et qu'on peut
théoriquement rapporter à d'autres objectifs. Il peut même
être un objectif invraisemblable, très éloigné de
ce qu'on a déjà vu ou déjà techniquement
réalisé, il peut en ce sens paraître `'irréel'',
sans arrêter d'être intéressant »199(*).
En ce qui concerne son réalisme propre, il est un
réalisme de réalisation. Non pas immédiat, il
prévoit le phénomène. En tant que tel, il déclasse
la réalité immédiate qu'on trouve au gré des
occasions200(*),
Bachelard s'explicite en notant que « la réalisation
prime la réalité. Cette primauté de la réalisation
déclasse la réalité. Un physicien ne connaît
vraiment une réalité que lorsqu'il l'a réalisée,
quand il est maître ainsi de l'éternel recommencement des choses
et qu'il constitue en lui un retour éternel de la
raison »201(*).
Ces grandes thèses de l'épistémologie
contemporaine nous ont aidé à comprendre et à
contextualiser les préoccupations épistémologiques de
Gaston Bachelard.
Comme ses contemporains, en effet, nous avons voulu montrer
comment Gaston Bachelard à participer à l'anéantissement
d'un patrimoine classique : la philosophie du positivisme logique,
héritière des grands systèmes traditionnels.
Contre ses contemporains, Bachelard a voulu nous montrer que
la science n'évolue pas par une sorte de cumul des connaissances, moins
encore par « une réduction de la multiplicité des
phénomènes à des groupes, à des ordres et,
finalement, à une certaine unité »202(*) ; Comme l'avez
bien soutenu Emile Meyerson. « La réduction, pense
Bachelard, faussant l'esprit, entrave le développement extensif de la
pensée »203(*). La science, par contre, fait essentiellement
preuve de ruptures et de sauts. Elle est réorganisatrice et
réformatrice. Elle est révolutionnaire et évoluante.
Nous avons, en effet, explicité, dans notre
deuxième chapitre que, chez notre philosophe, toute première
objectivité est la première erreur dont on doit se
débarrasser. Dans notre approche de la réalité, Bachelard
indique qu'il y a toujours des obstacles épistémologiques qui
réorganisent et régissent notre inconscient. Et la
véritable connaissance scientifique est justement une connaissance
contre les obstacles épistémologiques.
Bachelard démontre ainsi que toute connaissance
scientifique est une connaissance approchée. Il écrit
à ce propos, « scientifique, on pense le vrai comme
rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience
comme une rectification de l'illusion commune et
première»204(*).
Voilà le sens d'une dialectique d'erreur du
passé et hypothèse nouvelle et heureuse du présent,
voilà le sens s'une philosophie du non essentiellement
caractéristique du nouvel esprit scientifique, voilà surtout le
sens de toutes ces dialectiques enveloppantes205(*) qui sont au principe de tous les
développements progrès et succès que les sciences
physiques contemporaines ont enregistrés.
Pour Bachelard, ainsi que nous l'avions montré, la
valeur de la nouveauté qu'apportent les dialectiques enveloppantes se
dessine à travers son caractère rectificatif, réformatif
d'un passé à partir d'un présent, de l'examen d'un fond,
à partir d'un sommet presque icebercien. Du fond, il invite tout
scientifique à travailler à l'avenir des sciences à
partir des erreurs que nous avons appelé `'les obstacles
épistémologiques'', en montrant que
« l'esprit scientifique est essentiellement une rectification
d'un savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge
son passé historique en le condamnant »206(*).
C'est donc ainsi toutes ces thématiques d'une
épistémologie relative à la nécessité d'une
conversion des connaissances antérieures vers une objectivité
qui a pris en charge tout l'ensemble du chapitre deuxième.
Nous y avons découvert, en ce sens-là, que la
place prépondérante que le philosophe accorde à la notion
d'obstacles épistémologiques, non seulement, elle constitue pour
notre auteur, un dépassement par rapport aux autres, quant à la
sphère de la connaissance purement objective, mais permet aussi au sujet
connaissant de prendre conscience de ces derniers afin de se libérer de
ces idées préconçues afin qu'il atteigne la
vérité tant cherchée autrement appelée
`'l'objectivité scientifique'' Bachelard s'explicite à propos,
« en revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la
vérité en un véritable repentir
intellectuel »207(*).
En ce sens, le profond souci de Bachelard est de montrer avec
insistance comment le présent scientifique illumine le passé
historique.
L'entreprise épistémologique de Gaston Bachelard
invalide donc les notions de l'épistémologie antérieures,
elle disqualifie les problèmes des épistémologies
traditionnelles qu'elle met hors du jeu et qu'elle accuse d'un certain
immobilisme et d'un certain fixisme pour le progrès de la science.
C'est donc une philosophie dissidente qui s'acharne contre
tout réalisme naïf et immédiat et contre tout
idéalisme à vide.
La psychanalyse de l'esprit, qu'il nous propose, a une grande
importance par le simple fait que le problème qui handicape le
progrès de la connaissance scientifique se trouve lié à la
personne qui veut connaître. C'est pourquoi il y a
nécessité d'une catharsis pour purifier cet esprit qui doit
s'adapter aux nouvelles théories scientifiques en vogue.
Gaston Bachelard a signalé ce qui empêche
l'esprit humain de progresser scientifiquement, grâce à la
psychanalyse de l'esprit, donnant lieu à une coupure ou rupture
épistémologique, l'esprit humain sera à même
d'atteindre la vérité désignée scientifiquement par
`'objectivité''.
L'objectivité est, pour ainsi dire, un idéal que
l'on poursuit. On ne peut la définir que négativement car un
mouvement ne se définit pas, il s'accomplit ; ici, il faut
comprendre la réflexion comme retour sur ce qui est premier,
possibilité de dire non au découpage de la langue, aux impulsions
premières, à l'éducation.
Eu égard à ce qui précède,
l'objectivité scientifique n'est peut-être qu'un souci, celui de
la réflexion. Mais pas n'importe quelle réflexion, c'est celle
qui est dépourvue des idées préconçues,
constituant un obstacle à l'évolution de la science. C'est tout
ce que nous nous sommes proposé de démontrer dans un tout
dernier chapitre de notre étude. Bachelard opère, au demeurant,
un dépassement et un déclassement des paradigmes classiques de
l'empirisme et du rationalisme.
Dépassement et déclassement qui veulent que
l'esprit scientifique contemporain s'émeuve dans un champ
épistémologique qui prend en compte les deux pôles du
savoir : il plaide pour une épistémologie concordataire en
considérant qu'il faut nettement dépasser l'opposition entre
empirisme et rationalisme. « Pas de rationalisme à vide,
pas d'empirisme décousu »208(*). L'activité scientifique suppose
nécessairement, d'après Bachelard, la mise en oeuvre d'un
rationalisme appliqué ou d'un matérialisme rationnel209(*).
Mais que pouvons-nous dire nous-même de Bachelard que
nous venons d'étudier ?
En effet, Gaston Bachelard est intimement porté par le
mouvement de la science tel que décrypté dans les
ébranlements de sciences physiques de son temps et dans les
émerveillements que les sciences nouvelles apportent pour
déterminer le nouveau mécanisme et de nouvelles gammes dans
l'études et la compréhension des phénomènes de la
nature. Il réalise de manière incisive que la science est la
véritable école de la raison, qu'elle distend par un effet de
retour, et dont elle ne cesse de multiplier les lieux de
fécondité.
Ayant découvert ce qui est à la cause de
stagnation de la science, en tant que résident dans l'inconscient du
chercheur, nous avons été amené à dégager
l'importance d'une psychanalyse de l'esprit pour ouvrir la voie à
l'objectivité scientifique.
La recherche de l'objectivité qui meut Gaston
Bachelard se justifie par le fait que le postulat de l'objectivité
guide le prodigieux développement de la science ;
« il est consubstantiel à la science »210(*).
Dans cette perspective, l'entreprise de Bachelard est sans nul
doute d'une haute portée épistémologique. Cependant,
elle semble déjà laisser en nous un certain nombre de
malentendu.
S'il est vrai que la science doit progresser en surmontant
les obstacles épistémologiques pour créer
l'objectivité scientifique, il n'est pas moins vrai que c'est le sujet
connaissant qui est appelé à créer cette
objectivité. Nous nous sommes posé la question de savoir si
`' on peut psychanalyser totalement le sujet connaissant de sorte que la
science ne soit vraiment qu'une connaissance objective'' ?
Nous pensons, quant à nous, que dans toute recherche
scientifique il y a possibilité de motivations extra-scientifiques du
chercheur, par exemple ce qu'il refoule ou sublime, ce qu'il déteste ou
ce qu'il chérit, dans sa relation à ses interlocuteurs, fait
partie de sa recherche, sans nécessairement que cela bloque la
science.
Nous sommes convaincu que l'objectivité scientifique
ne peut en aucun cas être purement objective mais toujours la marque du
sujet qui réalise cette objectivité. Notre observation, nous la
faisons remonter essentiellement sur la systématisation de sa
philosophie du non ou de sa notion des dialectiques enveloppantes en rapport
avec la notion de discontinuité scientifique et le sens du
progrès.
En effet, la tradition philosophique nous a toujours
présenté un Bachelard discontinuiste : tout le monde en
serait du moins d'accord là-dessus et c'est cette même
particularité qu'il partagerait avec Popper, Kuhn, Lakatos et avec tous
ceux qui ont adopté l'idéal de la discontinuité dans le
progrès des sciences de la nature. Mais la manière
bachelardienne de présenter ces progrès, discontinuités
pourtant, cache encore mal, à nos yeux l'idée d'une
continuité.
Nous savons, par exemple que Kuhn s'est finalement
révisé en montrant que, quel que soit le degré de
révolutions que subissent de temps en temps les paradigmes, quelle que
soit la persistance des crises présidant à ces révolutions
et quelle qu'en soient les conséquences, les changements des sciences
portent toujours la marque de la tradition.
Et l'herméneutique que nous avons pouvons faire de
Lakatos parait la même. Chez lui aussi, en effet, autant que chez Kuhn
mais par des voies nettement différentes, il n'est pas difficile de
trouver une idée de tradition. De tous les bouleversements que
connaissent les sciences, Lakatos montre que seules les hypothèses qui
forment la ceinture qui sont convoquées à la révision,
à la reformulation et à la réorganisation ; elles
sous-tendent et soutiennent ainsi la pertinence du noyau dur, de peur que la
science ne devienne qu'une simple structure chancelante sous le coup des
révisions interminables.
Notre philosophe, cependant, est resté intransigeant
jusqu'à la fin de son oeuvre. Ce que nous ne contestons pas. Par contre,
nous trouvons chez lui, l'idée que l'acquis scientifique présent
insère l'acquis scientifique passé afin de faire de la science
une mémoire rationnelle. C'est cela même la
caractéristique fondamentale de la notion des dialectiques enveloppantes
dont soutient Bachelard. C'est d'ailleurs, à notre avis, avec cette
thèse de progrès par négations dynamisantes où la
négation ne perd pas la confiance de la formation première et
beaucoup d'autres thèses que nous ne pourront expliciter ici, qu'il
s'avère de nous interroger.
« Ces thèses ne portent-elles pas une moindre
idée de continuité des sciences ? Le paradigme d'Einstein,
s'est-il vraiment dépassé le paradigme newtonien pour faire ses
preuves dans l'explication des phénomènes physiques ? A-t-il
réussi à piétiner la physique newtonienne ? Newton
serait-il réellement mort parce qu'Einstein a su faire
renom ?211(*)
Autant des préoccupations et d'interrogations qui ne
cessent de rester lancinantes et obsédantes en nous et nous
mènent à croire, toute réserve faite, que Bachelard a
peut-être aussi professé la continuité mais sous une autre
forme : nous laissons cette problématique ouverte.
Quant à ce qui concerne la psychanalyse bachelardienne,
elle est, celle qui, conduisant certes le scientifique à un effort
d'objectivité dans la recherche, mais nous pensons qu'il y a lieu,
là aussi, de repenser certains aspects notamment l'objectivité,
elle est, à notre avis, le fruit de l'intersubjectivité pour ne
pas tomber dans le `'subjectivisme scientifique'' ni dans ce que nous
appelons `'l'illusion d'une objectivité sans sujet'' comme nous
le semble suggérer l'épistémologie bachelardienne.
Nous ouvrons, des lors le couvercle d'une marmite contenant
notre projet des recherches ultérieures...
ORIENTATIONS
BIBLIOGRAPHIQUES
1. OUVRAGES DE L'AUTEUR
Ø Bachelard, Gaston, Essai sur la
connaissance approchée. Paris, Librairie Philosophique Joseph
Vrin, 1927. 307 pages.
Ø Bachelard, Gaston, Le nouvel esprit
scientifique. (Quadrige). Paris, Presses Universitaires de France, 1934.
183 pages.
Ø Bachelard, Gaston, La philosophie du non. Essai
d'une philosophie du nouvel esprit scientifique. Quadrige). Paris, Presses
Universitaires de France, 1940, 145 pages.
Ø Bachelard, Gaston, La terre et les
rêveries du repos. Paris, Librairie José Corti, 1948. 337
pages.
Ø Bachelard, Gaston, Le matérialisme
rationnel. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine.
Fondée par Félix Alcan). Paris Presses Universitaires de France,
1953. 224 pages.
Ø Bachelard, Gaston, Le rationalisme
appliqué. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine.
Logique et Philosophies des sciences). 2ème édition,
Paris, Presses universitaires de France, 1962. 215 pages.
Ø Bachelard, Gaston, L'activiste rationaliste de la
physique contemporaine. (Bibliothèque de Philosophie
Contemporaine). Paris, Presses Universitaires de France, 1965. 225 pages.
Ø Bachelard, Gaston, Etudes.
(Bibliothèques des textes philosophiques). Présentation de
Georges Canguilhem. Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1970. 97 pages.
Ø Bachelard, Gaston, L'engagement
rationaliste. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine.
Fondée par Félix Alcan). Préface de Georges Canguilhem.
Paris Presses Universitaires de France, 1972. 190 pages.
Ø Bachelard, Gaston, Epistémologie.
Textes choisis par Dominique Lecourt. Paris, Presses Universitaires de France,
1974. 216 pages.
Ø Bachelard, Gaston, La formation de l'esprit
scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance
objective. (Bibliothèques des textes philosophiques).
13ème édition, Paris, Librairie Philosophique Joseph
Vrin, 1986. 256 pages. 1ère édition 1938.
Ø Bachelard, Gaston, L`intuition de l'instant.
(Livre de poche). Paris, Editions stock, 1992. 154 pages.
Ø Bachelard, Gaston, La terre et les rêveries
de la volonté. Essai sur l'imagination de la matière. (Les
Massicotés) 2ème édition, Paris, Librairie
José Corti, 2004. 381 pages. 1ère édition 1948.
2. OUVRAGES SUR L'AUTEUR
Ø DAGOGNET, François, Gaston Bachelard, sa
vie, son oeuvre avec un exposé de sa philosophie. (Philosophies).
Paris, Presses Universitaires de France, 1965. 116 pages.
Ø GIL, Didier, Bachelard et la culture
scientifique. (Philosophies). Paris, Presses Universitaires de France,
1983. 122 pages.
Ø GINESTIER, Paul, Pour connaître la
pensée de Bachelard. (Pour connaître la pensée).
Paris, Bordas, 1968. 223 pages.
Ø LECOURT, Dominique, une critique de
l'épistémologie. (Bachelard, Canguilhem, Foucauld).
(Théorie). Paris, Librairie François Maspero, 1972. 134 pages.
Ø LECOURT, Dominique,
L'épistémologie historique de Gaston Bachelard.
(Bibliothèque d'histoire de la philosophie). Avant-propos de Georges
Canguilhem. Onzième tirage augmenté d'une postface. Paris,
Librairie Philosophique Joseph Vrin, 2002. 123 pages.
Ø LIBIS, Jean, Gaston Bachelard ou la solitude
inspirée. Paris, Berg International Editeurs, 2007. 166 pages.
Ø MANSUY, Michel, Gaston Bachelard et les
éléments. Paris, Librairie José Corti, 1967. 380
pages.
Ø POULIQUEN, Jean-Luc, Gaston Bachelard ou le
rêve des origines. (Ouverture/Philosophique). Préface de
Marly Bulcao, Paris, L'Harmattan, 2007. 136 pages.
Ø VADEE, Michel, Gaston Bachelard ou le nouvel
idéalisme épistémologique. Paris, Editions Scolaires,
1975. 304 pages.
3. AUTRES OUVRAGES
Ø AKENDA, Jean Chrysostome, Epistémologie
structuraliste et Comparée I. Les sciences de la culture.
(Recherches Philosophiques Africaines). Kinshasa, Facultés Catholiques
de Kinshasa, 2004. 314 pages.
Ø CANGUILHEM, Georges, Etudes d'histoire et de
Philosophie des sciences. Concernant les vivants et la vie. (Problèmes
et Controverses). 7ème édition augmentée.
Paris, Librairie Philosophique Joseph Vrin, 2002. 430 pages.
Ø CHALMERS, Alan - F., Qu'est-ce que la
science ? Récents développements en Philosophie des
sciences : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend. (Livre de Poche).
Traduit de l'anglais par Michel Biezunski. Paris, Editions La
découverte, 1987. 286 pages.
Ø DIMANDJA, Célestin, Le concept de
philosophie de sciences. Kinshasa, Noraf Micro - Editions, 2002. 74
pages.
Ø FEYERABEND, Paul, Contre la méthode.
Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance. Traduit de
l'anglais par Baudouin Jurdant et Agnès Schlumberger. Paris, Editions du
Seuil, 1979. 349 pages.
Ø FEYERABEND, Paul, Adieu la raison. Traduit
de l'anglais par Baudouin Jurdant. Paris, Editions du Seuil, 1989. 373 pages.
Ø GRANGER, Gilles - Gaston, Pour la connaissance
philosophique. Paris, Editions Odile Jacob, 1988. 282 pages.
Ø GRANGER, Gilles - Gaston, Essai d'une philosophie
du style. Paris, 1988. 309 pages. 1ère édition
Librairie Armand Collin, 1968.
Ø HABERMAS, Jürgen, Connaissance et
Intérêt. Traduit de l'Allemand par Gérard
Clémencon, postface traduite par Jean-Marie Brohm, préface de
Jean-René Ladmiral. (Tél.). Paris, Editions Gallimard, 1976. 386
pages.
Ø HANS, Jonas, Le principe de la
responsabilité. Une éthique pour la civilisation
technologique. Traduit par Jean Gresch, 2ème
édition (Passage), Paris, Cerf, 1992. 302 pages.
Ø KANT, Emmanuel, Critique de la raison pure.
(Bibliothèque de Philosophie Contemporaine). Traduction française
avec notes par A. Tremesaygues et B. Pacaud, Préface de Ch. Serres.
Paris, Presses Universitaires de France, 1944, 584 pages.
Ø KUHN, Thomas Samuel, La structure des
révolutions scientifiques. Paris, Garnier - Flammarion, 1983. 284
pages.
Ø KUHN, Thomas Samuel, La tension essentielle.
Tradition et Changement dans les sciences. (Bibliothèque des
Sciences Humaines). Traduit de l'anglais par Michel Biezunski, Pierre Jacob,
Andrée Lyotard-May. Paris, Editions Gallimard, 1990. 480 pages.
Ø KREMER - MARIETTE, Angèle, Philosophie des
sciences de la nature. (L'interrogation Philosophique). Paris, Presses
Universitaires de France, 1999. 280 pages.
Ø LAKATOS, Imre, Histoire et Méthodologie
des sciences. Programme des recherches et reconstruction rationnelle.
(Bibliothèque d'Histoire des sciences). Traduction de l'anglais par
Catherine Malamoud et Jean Fabien Spitz sous la direction du Luce Giard. Paris,
Presses Universitaires de France, 1994, 268 pages.
Ø MERLEAU - PONTY, Maurice,
Phénoménologie de la perception. (Tel.) Paris, Editions
Gallimard, 1945. 531 pages.
Ø METZ, André, Une nouvelle philosophie des
sciences. Le causalisme de M. Emile Meyerson. Paris, Librairie
Félix Alcan, 1928. 210 pages.
Ø MEYERSON, Emile, Du cheminement de la
pensée I. (Bibliothèque de Philosophie Contemporaine).
Paris, Librairie Félix Alcan, 1931, 294 pages.
Ø MEYERSON, Emile, Identité et
réalité. 5ème édition, Paris,
Librairie Philosophique Joseph Vrin, 1951. 571 pages.
Ø MEYERSON, Emile, De l'explication dans les
sciences. (Corpus des OEuvres de Philosophie en Langue Française).
Paris, Librairie Arthène Fayard, 1995. 978 pages. 1ère
édition Editions Payot, 1927.
Ø POPPER, Karl Raimund, La logique de la
découverte scientifique. Traduit de l'anglais par Nicole Thyssen
Rutten et Philippe Devaux, préface de Jacques monod. Paris, Editions
Payot, 1984. 480 pages.
Ø POPPER, Karl Raimund, Conjectures et
réfutations. La croissance du savoir. (Bibliothèque
scientifique). Traduit de l'anglais par Michelle Irène et Marc B de
Launay. Paris, Payot, 1985. 610 pages.
Ø POPPER, Karl Raimund, La connaissance
objective. Traduit de l'anglais par Catherine Basttyns.
3ème éditions, Paris, Editions Complexes, 1985. 174
pages. 1ère édition 1978.
Ø SCHOTTE, Jean - Claude, La science des
philosophes. Une histoire critique de la théorie de la connaissance. (Le
point philosophique). Paris - Bruxelles, De Boeck - Larcier S.a., 1998.
259 pages.
Ø ULLMO, Jean, La pensée scientifique
moderne. (Bibliothèque de Philosophie Scientifique). Paris, Garnier
- Flammarion, 1969, 315 pages.
Ø VIRIUEX - REYMOND, Antoinette, Introduction
à l'épistémologie. (SUP/LE philosophe). Paris,
Presses Universitaires de France, 1972. 146 pages.
Ø WHITEHEAD Alfred North, Procès et
réalité. Essai de cosmologie. (Bibliothèque de
Philosophie). Traduit de l'anglais par Daniel Charles, Maurice Eli, Michel
Fuches, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Robert Sasso et Arnaud Villani.
Paris, Editions Gallimard, 1995. 579 pages.
4. OUVRAGES GENERAUX
Ø BARAQUIN, Noela et LAFFITTE, Jacqueline,
Dictionnaire des philosophes. Paris, Armand Colin, 2002. 341 pages.
Ø BLAY, Michel, Grand dictionnaire de la
philosophie. Paris, Larousse / VUEF, 2003. 1105 pages.
Ø FOULQUIE, Paul, Dictionnaire de la langue
philosophique. Paris, Presses Universitaires de France, 1992.
Ø LALANDE, André, Vocabulaire technique et
critique de la langue philosophique. 1 - 2. Quadrige, Presses
Universitaires de France, 1999. 1323 pages. 1ère
édition 1923.
Ø PARRAIN - VIAL, Jean, Tendances nouvelles de la
philosophie. Paris, Le centurion, 1978. 302 pages.
Ø RUFF, Joseph, Dictionnaire de la
philosophie. Paris, Bordas, 1991.
5. ARTICLES ET NOTES INEDITES
Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Symbole et
Identité. Pour une éthique de l'identité dans la
philosophie des formes symboliques d'Ernest Cassirer, Dans revue
Philosophique de Kinshasa 17 - 18, 1996, p. 39 - 78.
Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Notes critiques,
dans Revue Philosophique de Kinshasa 21 - 22, 1998, p. 187 - 192.
Ø AKENDA, Jean - Chrysostome, Théories
épistémologiques de croissance de la connaissance. Introduction
à l'épistémologie des sciences de la nature, cours
Inédit, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2006 - 2007.
62 pages.
Ø DIMANDJA, Célestin, Newton peut - il
mourir ? Séminaire d'Epistémologie Inédit,
Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2008 - 2009.
Ø MAKELELE, Crispin, Epistémologie
Générale, Cours Inédit, Grand Séminaire
Kalonda, 2005 - 2006.
Ø KIALUTA, Dénis, Epistémologie
Générale, Cours Inédit, Grand Séminaire de
Philosophie Saint Kaggwa, 2003 - 2004.
Ø MUKUNDA, Rodin, Rapports entre Philosophie et
logique. Cours Inédit, U.C.C.M, 2008 - 2009.
Ø NGWEY, Crispin, De la transfiguration du
réel dans les sciences contemporaine. Une leçon de
l'épistémologie Bachelardienne, dans Revue Philosophique de
Kinshasa. 3 - 4, 1989, p. 25 -36.
Ø PICHON, Michèle, L'Inconscient de l'esprit
scientifique. Rêverie savante et rêves des savants, dans
Bulletin de l'Association des Amis de Gaston Bachelard. N°9, 2007.
Ø QUILLET, Pierre, Gaston Bachelard, dans D.
HUISMAN (dir.), Dictionnaire des philosophes. Préface de Ferdinand
Alquié, De l'Institut, Introduction de Marcel Conche. Paris, Presses
Universitaires de France, 1984.
Ø YELE-YELE, Alain, Question Approfondies de
l'Epistémologie. Cours Inédit, Kinshasa, U.C.C.M., 2007 -
2008.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE
I
DEDICACES
II
REMERCIEMENTS
III
0. INTRODUCTION GENERALE
1
CHAPITRE PREMIER : DE LA CONCEPTION
BACHELARDIENNE DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE
9
0. Mise en place
9
I.1. Emile Meyerson et la conception statique de la
science
10
I.2. La déduction meyersonienne
18
I.3. De l'immobilisme classique au nouvel esprit
scientifique
23
I.3.1. La période préscientifique
24
I.3.2. La période de l'état
scientifique
26
I.3.3. La période du nouvel esprit
scientifique
27
I.6. Conclusion du chapitre premier
29
CHAPITRE DEUXIEME : LES OBSTACLES
EPISTEMOLOGIQUES
31
II. 0. Mise en place
31
II.1. La notion d'obstacles
épistémologiques
32
II.1.1. L'expérience première
34
II.1.2. La connaissance générale
38
II.1.3 L'obstacle verbal
41
II.1.4. L'obstacle de la connaissance pragmatique
et unitaire
43
II.1.5. Doctrine substantialiste
45
II.1.6. Le réalisme
47
II.1.7. L'obstacle animiste
49
II.1.8. Le mythe de la digestion
50
II.1.9. Libido et une connaissance objective
51
II. 2. Caractéristiques des obstacles
épistémologiques
53
II.3. Conclusion du chapitre deuxième
58
CHAPITRE TROISIEME : DE LA CATHARSIS A
l'OBJECTIVITÉ SCIENTIFIQUE
60
0. Mise en place
60
III.2. Les exigences de la rupture
épistémologique
61
III.2.1. La rupture épistémologique
comme transcendantal de l'objectivité scientifique
61
III.2.2. La morale bachelardienne
65
III.2.2.1. L'exigence de la catharsis
intellectuelle et affective
66
II.2.2.2. L'exigence de la réforme de
l'esprit
66
III.2.2.3. L'exigence du refus d'argument
d'autorité.
67
II.2.2.4. L'exigence de l'inquiétude de la
raison
68
CONCLUSION GENERALE
70
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
82
TABLE DES MATIERES
93
* 1 K. POPPER, La logique de
la découverte scientifique, Paris, Payot, 1984, p.16.
* 2 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scient, Paris, J.Vrin, 1986, p.13.
* 3 Ibid., p. 14.
* 4 Ibidem.
* 5 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.14.
* 6 Idem, Le
matérialisme rationnel, Paris, P.U.F, 1953, p.27.
* 7 Le positivisme professe
encore que seuls les énoncés scientifiques sont cognitivement
valables, certains et sensé ; seuls les sciences
expérimentales méritent crédit.
Chez Karl Popper, on peut encore lire que « le
positivisme repousse l'idée qu'il puisse y avoir en dehors du champ de
la science empirique « positive » des problèmes
pourvus de sens, des problèmes susceptibles d'être traités
par une théorie philosophique authentique. Il rejette l'idée
qu'il puisse y avoir une authentique théorie de la connaissance une
épistémologie ou une méthodologie. Cfr K. POPPER, Op.cit,
p.48.
* 8 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, Paris, P.U.F, 1934, p.46.
* 9 Idem, La philosophie
du nom. Paris, P.U.F, 1940, p.137.
* 10 Cfr. T. KUHN, La
tension essentielle, Tradition et changement
dans les sciences, Paris, Gallimard, 1990. Il
s'agit plus exactement ici de la deuxième position que soutiendra Kuhn,
position qui modifie en quelque sorte les premières thèses qu'il
avait soutenues, thèses selon lesquelles les théories
scientifiques étaient essentiellement marquées par des
révolutions paradigmatiques. Mais, avec sa tension essentielle, Kuhn se
ressaisit et démontre désormais qu'il y a une tradition dans les
sciences, tradition qu'aucun changement ne peut entièrement basculer.
* 11 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p.152.
* 12 Idem., L'engagement
rationaliste, Paris, P.U.F, 1972, p. 23.
* 13 P. QUILLET, Gaston
Bachelard dans Dictionnaire des philosophes, Paris, P.U.F, 1984, p.189.
* 14 G. Bachelard, La
psychanalyse du feu, Paris, P.U.F, 1972, p.18.
* 15 G. Bachelard, la formation
de l'esprit scientifique, p.54.
* 16 J.L Pouliquen, Gaston
Bachelard ou le rêve des origines, Paris, l'harmattan, 2007,
p.11.
* 17 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.9.
* 18 J.-C. SCHOTTE, La
science des philosophes. Une histoire critique de la théorie de
la connaissance. (Le point philosophique), Paris - Bruxelles, De Boeck -
Larcier S.a., 1998. p. 102.
* 19 Emile Meyerson est
né à Lublin en 1859, le 12 février, dans l'ancien Royaume
russe fr Pologne. C'est donc un philosophe français d'origine russe.
Son père, marchand de draps, est responsable de la communauté
juive de Lublin. Sa mère se fait connaître en publiant un roman
nourri de souvenirs familiaux. Emile Meyerson quitte sa ville natale pour
faire une grande partie de ses études secondaires ainsi que
supérieurs en Allemagne. C'est vers la chimie qu'il s'oriente, dans un
premier moment. Il étudie entre autres auprès de Robert Wilhelm
Eberhard Bunsen qui certifie, dans une attestation du mai 1882, que
« Le Docteur Emile Meyerson, de Lublin, [...] a pris part depuis
le mois de mars 1879 jusqu'au mois d'octobre 1890 avec le plus grand
zèle et avec le meilleur succès aux exercices pratiques de chimie
dirigés par moi et qu'il s'est occupé spécialement
d'analyses inorganiques, entre autres surtout de l'analyse des gaz et de
l'analyse spectacle. Le zèle soutenu avec lequel Monsieur le Docteur
Meyerson a poursuivi ses études me donne la conviction qu'il remplira
avec succès ses fonctions en rapport avec ses connaissances
approfondies ». Cf. Extrait d'Emile Meyerson, De
l'explication dans les sciences, 1921, p.96.
On présente le plus souvent l'oeuvre d'Emile Meyerson
comme une épistémologie. On fait même crédit
à cet auteur d'avoir introduit le terme en français et d'avoir
fixé son sens de philosophie des sciences. Jusqu'alors, le mot avait
court en Anglais, où il était synonyme de théorie de la
connaissance.
* 20 Auguste Comte est à
la fois et indissociablement philosophe, sociologue et réformateur
social. Il est né en 1798 à Montpellier, et est mort à
Paris en 1853. L'idée centrale de son oeuvre est celle de
l'unité humaine : l'espèce humaine est une, elle est partout
soumise au même processus historique, déterminée par les
mêmes lois sociales et doit par conséquent aboutir
uniformément au même ordre social.
* 21 A. COMTE, Cours de
philosophie positive, p.19.
* 22 Dictionnaire des
philosophes, Paris, P.U.F, 1974, p.19.
* 23 Dictionnaire des
philosophes, Paris, P.U.F, 1974, p.21.
* 24 J.RUSS, Dictionnaire
de philosophie, Paris, Bordas, 1991, p.325.
* 25 Ibid, p.341.
* 26 Ibid, p.343.
* 27 Ibid, p.346.
* 28 K. POPPER, Conjectures
et réfutations. La croissance du savoir, Paris, Payot, 1985, p.
131.
* 29 Ibid, p.127.
* 30 KINANGA Masala,
Initiation à la logique, 1. Logique fondamentale, Kinshasa,
science et discursivité, 2007, p.95-96.
* 31 K. POPPER, Op.cit,
p.126.
* 32 J. HABERMAS,
Connaissance et intérêt, Paris, Gallimard, 1976, p.35.
* 33 Ibid, p. 101.
* 34 Ibid., p. 103.
* 35 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, 6è éd., Paris, P .U.F,
1999, p.139.
* 36 Ibid, p.142.
* 37Ibid., p.146.
* 38 C. NGWEY, De la
transfiguration du réel dans les sciences contemporaines. Une
leçon de l'épistémologie Bachelardienne, dans R.P.K.,
3-4, 1989, p.27.
* 39 E. MEYERSON, La
déduction relativiste, cité par D. LECOURT, p.35.
* 40 Ibid., p.37,
* 41 E. MEYERSON, La
déduction relativiste, p.10.
* 42 E. MEYERSON, Du
cheminement de la pensée, p.34.
* 43 Ibid., p.36.
* 44 Idem, Identité
et réalité, Paris, Vrin, 1951, p.402.
* 45 E. Meyerson
cité par D. LECOURT, Op.cit, p.37.
* 46 E. Meyerson cité
par D. LECOURT, p.38.
* 47 L'expression
« sens commun » renvoie chez Bachelard à
l'expérience première, observation immédiate, à
l'opinion.
* 48 E. Meyerson cité
par D. LECOURT, Op. Cit., p.39.
* 49 Idem., De
l'explication dans les sciences, Paris, Librairie Arthène Fayard,
1995, p.37.
* 50 E. MEYERSON, De
l'explication dans les sciences, Paris, Librairie Arthène Fayard,
1995, p.40.
* 51 Idem., La
déduction relativiste, p.79.
* 52 Ibid, p.366.
* 53 D. LECOURT, Op. Cit.,
p.37.
* 54 G. BACHELARD, La
terre et les rêveries du
repos, p.5.
* 55 G. CANGUILHEM, Op. Cit,
p.194.
* 56 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p.177-178.
* 57 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p. 201.
* 58 Du point de vue de
notre auteur partagé d'ailleurs avec Popper.
* 59 D. LECOURT, Op.Cit,
p.35.
* 60 Nous épargnons
nos lecteurs de tous ces détails pour cet instant parce que nous
voudrions les examiner un peu plus en détail au troisième
chapitre de notre travail. Qu'il nous soit donc permis pour le moment de les
évoquer en groupe.
* 61 G. BACHELARD, La
philosophie du non, p.9.
* 62 Idem, la formation de
l'esprit scientifique, p.17.
* 63 Ibid, p.8.
* 64 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.8.
* 65 Ibid, p.13.
* 66 Ibid., p. 93.
* 67 Ibid., p. 95.
* 68 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p. 9.
* 69 Ibid, p.7.
* 70 Ibidem.
* 71 H.G. WELLS,
cité par G. Bachelard, Op.cit, p.9.
* 72 Ibid,
p.8
* 73 G. BACHELARD., La
formation de l'esprit scientifique, p.8.
* 74 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.9.
* 75 Ibid.,
p.6.
* 76G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.13.
* 77 G. BACHELARD,
Epistémologie, Paris, Seuil, 1968, p. 163.
* 78 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, 12e éd. Paris, J. Vrin,
1983.
* 79 J.-C. AKENDA,
Théories épistémologiques de croissance de la
connaissance. Introduction à l'épistémologie des sciences
de la nature, cours, Kinshasa, F.C.K., 2006-2007, p.42
* 80 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p. 13.
* 81 N. BARAQUIN et J.
LAFFITTE, Dictionnaire des philosophes, Paris, Arman Colin, 2002, p.
40.
* 82 G. BACHELARD, Op.
Cit., p.13-14
* 83 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.14.
* 84 Ibid., p. 6.
* 85 Ibid., 15.
* 86 Ibid., p. 23.
* 87 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p. 23.
* 88 Ibid., p.34
* 89 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p. 23
* 90 Ibid, p.54
* 91 Idem., Le nouvel
esprit scientifique, Paris, P.U.F., 1999, p.16.
* 92 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.25.
* 93 Ibid, p.26.
* 94 Ibid., p.29.
* 95 Ibid., p.40.
* 96 Ibidem
* 97 G.
BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.38.
* 98 Ibid.,
p.55.
* 99 G.
BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique, p.55-56
* 100 Ibid, p.56.
* 101 Ibid., p. 57.
* 102 G. BACHELARD., La
formation de l'esprit scientifique, p.61.
* 103 Ibid., p.63.
* 104 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.65.
* 105 Ibid, p.73.
* 106 Ibid., p.74.
* 107 G.
BACHELARD., La formation de l'esprit scientifique, p.74-75.
* 108 Ibid., p.
76
* 109 Ibid., p.79.
* 110 Ibidem.
* 111 Ibid.,
p.78
* 112 Ibid, p.
79.
* 113 G. BACHELARD,
La formation de l'esprit scientifique, p.80.
* 114 Ibid., p. 86
* 115 Ibid., p.87
* 116 Ibid.,
p.90.
* 117 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.91
* 118 Ibid., p.92
* 119 Ibid., p.93.
* 120 Ibidem.
* 121 G. BACHELARD., La
formation de l'esprit scientifique, p.108.
* 122 Ibidem.
* 123 Ibid., p.109.
* 124 G. BACHELARD,
Epistémologie, p.179.
* 125 Ibid., p.181
* 126 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.181.
* 127 Ibid., p.99
* 128 Ibidem.
* 129 A. LALANDE,
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 9e
édition, Paris, P.U.F., 1962, p.89.
* 130 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p.6.
* 131 Ibid., p.9.
* 132Idem,
Epistémologie, p.167.
* 133 Idem., Le nouvel
esprit scientifique, p.6
* 134 Idem,
Epistémologie, p.167.
* 135
Epistémologie, p.167.
* 136 Idem, La formation
de l'esprit scientifique, p.154
* 137 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.156.
* 138 Ibid, 159
* 139 Ibid., p.177.
* 140 Ibid.,
p.169.
* 141 Ibid.,
p.172-173.
* 142 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.181
* 143 Ibid, p.207.
* 144 Ibid., p.209.
* 145 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.211.
* 146 Ibid., p.212.
* 147 Ibid., p. 213.
* 148 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.213.
* 149 Idem.,
Epistémologie, p.67.
* 150 G.BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.241.
* 151 Ibid, p.14.
* 152 G. BACHELRD, La
formation de l'esprit scientifique, p.21.
* 153 Ibid.,
p.243.
* 154Ibid., p.242.
* 155G. BACHELARD, La
philosophie du non, p.123.
* 156 Ibid., p.125.
* 157 G.BACHELARD, La
philosophie du non, p.133
* 158 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.177.
* 159 Ibid., p.179
* 160 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.239.
* 161 G. BACHELARD,
Epistémologie, p.79.
* 162 Idem, La formation
de l'esprit scientifique, p.239.
* 163 Ibid., p.240.
* 164 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p. 240.
* 165 Idem., Le nouvel
esprit scientifique, p.140.
* 166 P.QUILLET, Op. Cit.,
p.106.
* 167 M. VADEE, Gaston
Bachelard ou le nouvel idéalisme épistémologique esprit,
Paris, Editions Scolaires, 1975, p. 57.
* 168Ibid., 66.
* 169 G. BACHELARD, La
philosophie du non, p.128.
* 170 Idem, La formation
de l'esprit scientifique, p.14.
* 171 G. GACHELARD, la
philosophie du non, p.130.
* 172 Ibidem.
* 173 M. SERRES, La
reforme et sept pêches, p.73.
* 174 G. BACHELARD, LA
formation de l'esprit scientifique, p.18.
* 175 Ibid., p.15.
* 176 Idem, La philosophie
du non, p.134.
* 177 G. BACHELARD, La
philosophie du non, p.28.
* 178 Ibid., p.31.
* 179 Idem, La formation
de l'esprit scientifique, p.14.
* 180 Ibid, p.15.
* 181 Ibid., p.16
* 182 G. BACHELARD, la
formation de l'esprit scientifique, p.19.
* 183 Ibid., p.247.
* 184 G. BAHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p.248.
* 185 Ibidem.
* 186 Idem, La philosophie
du non, p.135.
* 187 G. Bachelard, Le
nouvel esprit scientifique, p. 121.
* 188 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p. 123.
* 189 K. POPPER, Op. Cit.,
p. 202.
* 190 Le
réalisme est, suivant Bachelard, toute doctrine qui maintient
l'organisation au niveau des impressions elles-mêmes et, qui, place le
général après la particulier. Et Meyerson de
« professer que la raison doit se faire violence elle-même pour
s'adapter aux formes que lui imposent le relativisme. Cfr. La déduction
relativiste, p. 366.
* 191 J.-C. SCHOTTE, Op. Cit.,
p.167.
* 192 G. BACHELARD, Le
rationalisme appliqué, p. 40-43.
* 193 Idem,
L'activité rationaliste de la physique contemporaine, p.29.
* 194 G. BACHELARD, La
philosophie du non, p.105.
* 195 Idem, Le
rationalisme appliqué, p. 114.
* 196 Idem, Le
matérialisme rationnel, p.10.
* 197 Idem, La formation
de l'esprit scientifique, p.14.
* 198 Idem, Essai sur la
connaissance approchée, p.275.
* 199 J.-C. SCHOTTE, Op. Cit.,
p.168-169.
* 200 G. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, chapitre premier (la notion d'obstacle
épistémologiques, plan de l'ouvrage. p. 13-22.
* 201 Idem, Le
rationalisme appliqué, p. 53.
* 202 E. MEYERSON, Du
cheminement de la pensée, p. 17.
* 203 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p.139.
* 204 Ibid., p. 172.
* 205 La notion des
dialectiques enveloppantes dont il est question ici se situe au coeur du
système épistémologique de Gaston Bachelard. Ce dernier
stipule que les théories ne sont discontinues au sens de la
réfutabilité ou de la falsifiabilité poppériennes,
ni au sens des révolutions paradigmatiques, telles que Kuhn le pensera
plus tard, au sens d'un développement.
Chez lui, les théories scientifiques ne se
développent pas mais au contraire, elles s'enveloppent ; elles ne
se contredisent pas, elles se contractent ; elles ne se succèdent
pas non plus, elles s'emboîtent. C'est le sens d'une
épistémologie historique. L'acquis scientifique présent
insère l'acquis scientifique passé pour le retravailler et le
réorganiser, et c'est cette réorganisation que Bachelard
justement `'dialectique'' pour désigner la démarche
spécifiquement progressive de la pensée scientifique. Cfr. Le
nouvel esprit scientifique, p.177.
* 206 G. BACHELARD, Le nouvel
esprit scientifique, p.178.
* 207 IG. BACHELARD, La
formation de l'esprit scientifique, p. 13-14.
* 208 G. BACHELARD, Le
nouvel esprit scientifique, p. 179.
* 209 Ibid., p. 183.
* 210 J. MONOD,
Op. Cit., p.33.
* 211 Nous nous
référons ici aux enseignements du Séminaire de Logique et
d'Epistémologie, 2008 - 2009.