La demande est un concept capital de la théorie
lacanienne.
Il est nécessaire de savoir d'où émane la
demande : du patient, des médecins, des infirmières, de la
famille ? et surtout de quelle nature est la demande.
Lorsque la demande est formulée par les infirmiers, il
s'agira de bien faire préciser pourquoi et comment ils en sont venus
à noter un rendez-vous avec la psychologue pour ce patient et quelles
sont leurs attentes :
> parfois, la personne a formulé explicitement la
demande de rencontre d'une psychologue ;
> parfois les infirmiers ou le médecin ont
identifié chez un patient des difficultés d'ordre
psychologique(état anxio-dépressif, agressivité, mise en
danger de soi et d'autrui par des conduite à risque ( rapports sexuels
non protégés avec un ou des partenaires ignorant le statut
sérologique du patient ; conduites addictives...) et ont proposé
au patient d'en parler avec la psychologue.
Lors de l'accueil de tout nouveau patient, les infirmiers et
les médecins donnent l'informationde l'existence des psychologues du
service et des modalités de prise de rendezvous
En règle générale Mme Jammet rencontre les
patients et leur fait une offre.
Elle reçoit ensuite les patients suite à leur
demande ou rencontre les personnes qui lui ont été
adressées par les équipes soignantes hospitalières.
Le dispositif d'aide psychologique repose donc dans un
premier temps sur le travail des infirmiers et des médecins qui lors de
leurs consultations repèrent une angoisse, une souffrance du patient et
engagent alors une relation de soutien.
S'ils estiment que la relation de soutien ne parvient pas
à apaiser l'angoisse ou la souffrance qu'ils perçoivent, alors
ils propose au patient de rencontrer la psychologue du service (faisant alors
référence à ce qui lui en avait été
déjà dit lors du temps d'accueil).
Les soignants participent eux-même à des groupes de
parole pour les aider dans leur propre engagement dans la relation aux patients
:
> Tous les deux mois, un groupe de parole est animé
par le psychiatre du service
> 8 fois par an, le réseau anime un groupe de parole
auquel différents professionnels
participent, ce qui permet des échanges avec des
personnes travaillant dans des
structures différentes.
Je n'ai pas assisté durant mon stage à ces
groupes de parole déjà constitués mais le retour que les
soignants m'en ont fait s'avère positif, surtout pour le groupe de
parole du réseau où les infirmiers disent vraiment «
pouvoir tout exprimer ».
On peut émettre l'hypothèse que ce groupe de
parole hors institution permette d'atténuer des effets de « biais
de désirabilité professionnelle » du groupe constitué
de membres de la même équipe, animé de surcroît par
le psychiatre du service...
Un psychiatre et deux psychologues font donc aussi partie du
dispositif d'aide psychologique de l'hôpital de jour.
Mme Jammet (du CISIH) prend en charge les patients que lui
adresse les médecins ou les infirmièr(e)s de l'équipe du
professeur Morlat tandis que Mme Peyrucq (du GAPS) prend en charge les patients
qui lui sont adressés par les médecins ou les
infirmièr(e)s l'équipe médicale du professeur
Longie-Boursier.
Chacune des deux psychologues a son propre bureau.
Selon les demi-journées de la semaine, le bureau de Mme
Jammet est partagé avec d'autres intervenants.
Il devient ainsi le bureau des intervenants de l'association
Mana, d'une assistante sociale ou d'autres intervenants.
Ce partage des locaux a entraîné quelques
difficultés. Au niveau de l'agencement du bureau et de sa
décoration par exemple, chaque intervenant a investi le lieu sans qu'une
concertation préalable ait été organisée...
Le centre hospitalier universitaire est une « grosse
institution » qui priorise une certaine rationalisation (des
dépenses, des moyens, de l'occupation des locaux) reléguant
parfois au second plan les personnes, les sujets, pourtant au coeur de tout
projet organisationnel. Il s'ensuit une certaine instrumentalisation des
relations qui entraîne le plus souvent des clivages préjudiciable
au fonctionnement en équipe...
Au début de chaque demi-journée, Mme Jammet
consulte un agenda à son nom situé dans le bureau infirmier pour
prendre connaissance des rendez-vous du jour notés les jours
précédents par les médecins ou les infirmier(e)s.
La plupart des patients sont des patients qu'elle suit sur
plusieurs séances ; elle rencontre aussi des personnes pour un premier
rendez-vous.
Il était convenu dans mon projet de stage qu'il se
déroulerait sur quatre mois et que je reviendrai tout au long de
l'année deux fois par mois de façon à pouvoir assurer
seule la continuité du suivi de quelques personnes qui me seraient
confiées( suivi supervisé bien sûr par Mme Jammet ).
La position d'un psychologue hospitalier à ses
débuts : psychologue qui n'est pas attendu, dont personne ne sait tout
à fait ce qu'on peut attendre de lui, à la différence
d'une infirmière ou d'un agent de service hospitalier...
Il faut du temps pour que les médecins ou les infirmiers
lui confient des patients...
La plage horaire du lundi matin permettait qu'ils notent sur
le carnet de Mme Jammet des patients que j'allai rencontrer mais les pages du
carnet restaient vides et mon premier travail de psychologue fut en quelque
sorte de gérer ma propre déception et frustration de ne pouvoir
mener des entretiens individuels auxquels j'aspirais tant !
Il faut peu de temps pour faire une offre à
l'équipe mais beaucoup plus pour l'incarner :il ne s'agissait pas
seulement de dire mais d'être...
Pour établir une relation de confiance
nécessaire au travail en équipe, il est important de rencontrer
chacun, de connaître les différentes personnes et probablement
ainsi de se faire connaître aussi...
J'ai rencontré quelques médecins et pris la
mesure de la relation étroite les liant à « leur »
patient. De nombreux patients sont connus depuis de nombreuses années et
les relations personnelles et professionnelles sont parfois bien
enchevêtrées...
Tant du coté des médecins que des patients : ce
patient artiste photographe envoie par exemple à son médecin dont
il dit qu'il est « son sauveur » des photos de New York que ce
dernier met en évidence dans son bureau ce dont le patient me dira avoir
été particulièrement touché...
Un véritable attachement lie nombre de patients
à leur médecin. La distance est difficile à maintenir ;
des mécanismes de projection identification sont à l'oeuvre : ce
médecin, par exemple demandant devant moi aux infirmières s'il
est à « une distance trop ou pas assez proche de ses
patients » recevant comme réponse de leur part : «
Vous êtes souvent plus inquiet que vos patients »...
Les infirmiers semblent avoir une organisation du travail qui
les protège un peu .En effet, les infirmier(e)s ne sont plus
référents de patients spécifiques comme c'était le
cas auparavant. Cela évite que le soignant ne soit exclusivement investi
par le patient et facilite la continuité des soins en évitant que
tel ou tel soignant ne soit le seul dépositaire d'un savoir sur le
patient L'organisation est souple : il arrive qu'un(e) infirmier(e) rencontre
plusieurs fois de suite le même patient mais ceci est alors parlé
et n'a pas de caractère systématique.
La confiance qui s'établit entre les médecins et
la psychologue à un impact sur le transfert à venir entre le
patient et la thérapeute. Un transfert positif facilitera probablement
l'installation du processus psychothérapeutique.
J'ai proposé aux infirmier(e)s d'assister aux
consultations infirmières pour rencontrer des personnes et me
présenter à elles.Les infirmier(e)s ont accepté mais avec
beaucoup de méfiance au début comme en attestent leurs paroles
telles que «vous venez nous observer» ; «vous allez
nous interviewer».
Nous avons parlé de leurs craintes et petit à
petit nous sommes arrivés à une collaboration intéressante
dans la mesure où les infirmiers (lorsque nous le sentions
nécessaire) me laissaient terminer la consultation sur un temps
d'approche plus psychologique alors même qu'ils avaient pu
développer un premier temps d'approche médicale ou
éducative en ma présence.
En fin de stage, la crainte initiale des infirmier(e)s s'est
dissipée au profit d'une reconnaissance de ma fonction de stagiaire
psychologue et une complémentarité de rôle a pu se mettre
en place : une infirmière m'a interpellée spontanément en
revenant de sa consultation infirmière : « J'ai besoin de toi ;
je viens de rencontrer un patient homosexuel qui a une très bonne
situation professionnelle et qui a des conduites à risques car il a de
nombreuses relations sexuelles avec de jeunes gens « paumés
».Il n'est pas satisfait de ces relations qu'il dit pourtant
répéter « sans comprendre pourquoi ».Il aimerait en
parler avec une psychologue et je lui ai proposé que tu ailles le voir :
il est d'accord ».