CHAP IV : RESULTATS ET DISCUSSIONS
Notons de prime abord que nos enquêtes ont porté
sur la zone MATOUKE (Matouke village, camp 1, 2,) et que cette localité
est entourée des plantations de la CDC de Penda Mboko et Matouke
Estates.
> La population totale de la zone Matouké
estimée est à : 1650 habitants dont 36% de femmes et 74 %
d'hommes. Malgré cette distribution de la population a priori avantageux
pour la réalisation des taches physiques du projet,la
réalité est toute autre chose ,la main d'oeuvre féminine
du projet représente une proportion de 47,11%.
Ces chiffres font ressortir une information essentielle, un
pourcentage de 74% de femmes est avantageux pour le projet qui devra solliciter
permanemment une main oeuvre puissante et forte. Bien que ce ne sont que
majoritairement les femmes qui se présentent lors des recrutement par le
MRDP.
TABLEAU No 6 : Principales occupations des
habitants dans la zone Matouke
Métiers dans la communauté
|
Nombre de personnes.
|
Pourcentage
|
Agriculture
|
600
|
36,36%
|
Elevage
|
17
|
1,03%
|
Commerce
|
40
|
2,42%
|
Travailleurs CDC
|
940
|
56,98%
|
Autres (fonctionnaires ou agents publics, pêcheurs, moto
taximen...)
|
53
|
3,21%
|
SOURCE: Auteur
Le Tableau N°6 montre que les agriculteurs de fonction et
les travailleurs de la CDC représentent respectivement 36,36% et 56,98%.
Chose apparemment normale puisqu'il faut noter que la CDC est le
deuxième gros employeur après l'Etat du Cameroun. Pour les 36,36
% c'est
quand même étrange pour une zone rurale
camerounaise, puisque bien étant travailleurs à la CDC les
populations devraient avoir une parcelle de manioc, de pastèques ou bien
qu'autres spéculations. Pourquoi ce chiffre ? Y a t-il un manque de
terre ? Nos enquêtes nous révèlent qu'après la
cession des terres de la localité par l'Etat à la CDC en 1978, le
nombre d'agriculteurs a chuté à plus du triple, puisqu'il faut
maintenant débourser 8.000 FCFA pour la location d'un Hectare/an
à la CDC pour exploiter les parcelles. Chose très difficile pour
un village où le revenu minimum mensuel est de 20.000 FCFA. Et
très peu travaillent au MRDP comme le montre le Tableau N°7.
> Les natifs (autochtones de Matouké) qui travaillent
dans le projet
TABLEAU No 7 : origine des
travailleurs
Natifs
|
Non- natifs
|
Total
|
20
|
759
|
779
|
2,57%
|
97,43%
|
100 %
|
Source: MRDP
Pour un projet qui veut faire participer la population au
développement, 2.57% se trouve endessous de ce qu'aurait espérer
un modèle de développement participatif, interrogés pour
les explications à propos, les responsables du projet disent que les
natifs sont faibles et fuient le travail. Pour le chef du village ce sont les
conditions de travail que proposent la CDC à sa population. Il est
à noter que 19 de ces natifs se trouvent dans la catégorie 2A
donc n'ont pas plus de 40.000 FCFA/ mois s'ils remplissent la tache de huit
heures de travail par jour et un seul est à la 4éme
catégorie. « Vous vous rendez compte, avec ces conditions, les
natifs sont obligés de trouver d'autres activités pour joindre
les deux bouts, le vol du caoutchouc est déjà une
conséquence de cette situation » parole d'un notable du chef du
village Matouke. Leurs terres étant toutes données à la
CDC les femmes sont obligées de se plier aux conditions de travail
inhumaines du projet avec même des bébés au dos, ce qui
fait à ce qu'on retrouve presqu'autant de femmes que d'hommes dans le
projet comme l'indique le Tableau No 4.
> le genre des travailleurs du projet MRDP
.Au 18 août 2010 le projet compte 779 employés avec 667 permanents
et 112 non permanents (à contrat saisonnier).
TABLEAU No 8 : genre dans le
projet
HOMMES
|
FEMMES
|
TOTAL
|
412
|
367
|
779
|
52,89%
|
47,11%
|
1OO %
|
SOURCE: MRDP
Le Tableau N°8 présente le danger que court le
projet avec un taux de femmes de (47,11%) comme ouvriers, le taux de
travailleurs de sexe masculin est nettement plus petit que celui des femmes car
presque 97 % des responsables sont des hommes et à priori ne participent
pas concrètement au travail. Et l'utilisation de ces femmes aura plus
loin des conséquences aux niveaux de l'accroissement de la population,
ces ouvrières sont 8 heures durant la journée dans les
plantations entrain de travailler et rentrent toutes fatiguées et n'ont
pas le temps de pérenniser l'espèce humaine pour assurer les
futurs ouvriers du projet. Ou encore les enfants de moins de 16 ans
laissés à la maison causent un problème dans la mesure
où dans cette localité c'est généralement le couple
qui travaille pour ceux qui sont à la CDC et les enfants n'ont vraiment
pas d'éducateur parental permanent à la maison pour corriger
leurs bavures et ce sont ceux là qui volent parfois le caoutchouc ou
encore fuient les cours.
> La répartition d'âge des travailleurs
du projet
TABLEAU No 9 :
Répartition des âges des travailleurs du
projet
<20 ans
|
20-29 ans
|
30-39 ans
|
40-49 ans
|
50ans <
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
78
|
29
|
226
|
201
|
103
|
112
|
15
|
3
|
10
|
2
|
SOURCE: MR
Pyramide des ages des travailleurs
TABLEAU No 10 Nombre de travailleurs
par classe de salaire mensuel( (FCFA/mois)
< de 30.000
|
30.000-100.000
|
100.000-250.000
|
250.000<
|
TOTAL
|
0
|
766
|
11
|
2
|
779
|
0%
|
98.33%
|
1.42%
|
0.25%
|
100%
|
SOURCE: MRDP
Le Tableau NO 10 montre la situation salariale des
travailleurs du MRDP, plus loin on verra dans le tableau No8.,le
nombre des recrutements de cette année 2010 qui est mentionné
à 250 et 250 pour l'année d'avant et notons que ,tout nouveau
travailleur commence à la catégorie 2A(31.000fcfa/mois) c'est
à dire qu'il se trouve dans l'intervalle de 30.000 -100.000 FCFA / mois
d'où cette tranche contient au moins 500 personnes avec un salaire de
moins de 40.000/mois puisqu'il faut 3 ans pour changer d'échelons.
Moralité seulement 20 travailleurs étaient des natifs et que 19
parmi eux étaient à la catégorie 2A. A la question pensez
vous que le MRDP est venu changer la situation économique des
autochtones ? Le chef du village Matouke nous a répondu "oui"mais
négativement puisque dit-il,ces natifs viennent polluer son village avec
des cases construites avec de vieilles tôles et leurs enfants mendient
partout et font à ce qu'on nous appelle des voleurs de caoutchouc.
TABLEAU No 11 : Les abandons par les
travailleurs des trois dernières années ;
Années
|
2008
|
2009
|
2010
|
Effectifs
|
8
|
14
|
31
|
Taux d'accroissement
|
/
|
75 %
|
121,43 %
|
SOURCE: MRDP
Le taux d'accroissement des abandons devrait être un
indicateur pour le MRDP, à ce taux d'accroissement de 121,43% tous les
ouvriers vont fuir les travaux trop pénibles et mal payés, notre
descente sur le lieu d'exécution du projet nous a
révélé que les fiches techniques des travaux
considèrent une tache de 80 points pour le défrichage jadis
utilisée pour une forêt primaire, alors que la présence de
Imperata cylindra renvoie à une forêt secondaire qui est
plus difficile à défricher qu'une forêt primaire ,ce qui
donne généralement une moyenne de 5 heures de travaux par jour
pour les ouvrières or pour avoir 1650 FCFA de pointés par jour il
faut
travailler 8 heures5 .Ces abandons constants poussent
le projet à recruter permanemment comme l'indique le Tableau
No 12
TABLEAU No12 : Les recrutements du
projet des trois dernières années
Années
|
2008
|
2009
|
2010
|
Effectifs
|
52
|
250
|
250
|
SOURCE: MRDP.
TABLEAU No 13 : Présence des
infrastructures de base dans le village (observations)
Infrastructures
|
Présence
|
|
Qualité
|
|
Participation de la CDC à sa mise en
place
|
Routes
|
Oui Km)
|
(20
|
Impraticable saison des pluies
|
en
|
A 50% puisqu'elle n'aménage que les pistes de ses
plantations
|
Electrification
|
Non
|
|
R.A.S
|
|
R.A.S
|
Points d'eau potable
|
Oui
|
|
Mediocre
|
|
0%, coopération japonaise
|
Hôpitaux
|
Non
|
|
R.A.S
|
|
La CDC n'admet pas les habitants du village dans ses centres de
santé
|
Ecoles
|
Oui
|
|
Bonne
|
|
0%, projet PPTE
|
SOURCE: Auteur
La route principale qui relie Camp 1 au village est le
cimetière de beaucoup de motos, et même engins du projet, cette
route longue de plus de 20 km jusqu'au bureau du projet est aussi l'une des
raisons de la fuite du travail par natifs désirant travailler au projet
car longue et impraticable en saison de pluies .Les villageois disent que cette
route a juste été aménagée par la CDC après
avoir trouvé une piste dans les années 70,aujourd'hui ce sont les
tracteurs et les grosses cylindrées de la structure qui l'ont rendu
encore impraticable .La route étant le début de tout
investissement le village Matouke est loin de toucher au mot
développement avec la CDC dans ces conditions.
Le manque d'électricité dans le village laisse
perplexe car dans moins de 3 ans l'agro-industrie devra installer ses camps au
village pour continuer leurs opérations et laisser dans
l'obscurité les populations qui vous ont accueilli dans les
années 70 et vous donnez ces enfants comme ouvriers c'est être
inhumain quand on se rappelle que la SPM ( la Société des
Plantations de Mbanga ) à
5 Les 8 heures correspondent à un Homme/jour à la
CDC et pour les avoir dans le cas du défrichage il faudra
défricher autour de 80 pieds d'hévéa à raison d'un
écartement de 7 m x 2,8 m
coté, fait profiter les populations riveraines de
nombreuses aides sociales et finance certains projets( assistance dans la
création des plantations villageoise,adduction d'eau potable ...) .
Où le bât blesse c'est le fait que la CDC refuse
que les villageois non travailleurs profitent des offres de santé il
sont obligés de faire beaucoup de kilomètres pour aller se faire
soigner à Mbanga.
L'éducation a fait naître l'esprit d'auto
promotion permettant aux villageois de solliciter l'implantation d'une
école privée catholique dans le village on pourrait alors se
demander si CDC n'a pas voulu former ses potentiels ouvriers de demain en
construisant une école même primaire. Toutes ces frustrations sont
partagées par la population comme le montre le résultat de cette
enquête sur les apports du Matouke Rubber Development Project dans le
village ,90 % de la population pense que le MRDP est venu régresser
l'économie du village et seulement 10% ont un sentiment mitigé
car disent-ils certains de nos enfants y travaillent.
A la question pourquoi le MRDP a régressé
leur économie ?
Tous répondent « ils ont arraché nos terres
» A la question quelles étaient vos attentes
?
36.9 % la construction des routes 20 %
l'électrification
19.3 % la construction des écoles 16 % l'offre de d'eau
potable
12.8 % la construction des hôpitaux
Les sentiments des travailleurs du projet.
100 % des cadres dirigeants du projet (SFA, JFA, FA, P Accounter)
pensent que le projet a été mal conçu et que le
développement rural ne peut pas suivre sur cette lancée.
87 % des réponses des employés sur les
problèmes cruciaux du projet avaient ; le manque de logistique de
travail et l'état de la route
Le projet a beaucoup de problèmes à suivre les
résultats de cette enquête, une guerre en sourdine est née
entre les natifs, et la structure même avec les travailleurs.
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