I.2.6 Gestation de la troisième vague
La première à parler d'une troisième
vague est l'américaine Rebecca Walker en 1992. Dans un article
intitulé Becoming the Third Wave, elle fait remonter
l'émergence de cette nouvelle génération au début
des années 1980, quand des militantes noires toujours plus nombreuses-
Gloria Anzald?a, bell hooks, Chela Sandoval, Cherrie Moraga et Audre Lorde
entre autres- s'élèvent contre le caractère blanc et
bourgeois du féminisme radical.
S'interrogeant elles aussi sur la date de naissance de la
troisième vague, certaines penseuses-« influencées par le
caractère résolument mondial du féminisme en ce moment,
parlent plutôt de 1985, qui mettait fin à la décennie des
femmes décrétée par l'ONU et qui marquait la minorisation
des femmes blanches occidentales dans les rassemblements internationaux,
notamment à Nairobi » (Dumont : 2005), note l'auteure Micheline
Dumont dans un recueil de textes publié au Québec.
Dialogue sur la troisième vague
féministe, ce même recueil paru en 2005, constitue par
ailleurs un des premiers ouvrages en français à
s'intéresser spécifiquement au concept de troisième vague.
L'appellation tarde en effet à s'implanter dans le vocabulaire courant
des féministes francophones, dont plusieurs préféraient
jusqu'à ici l'utilisation du terme « jeunes féministes
» pour décrire la nouvelle mouvance. Autre manifestation de ce
décalage, les oeuvres-phares de la troisième vague sont rarement
traduites en français, ou sinon elles le sont avec un délai d'une
dizaine d'années. Ainsi, Gender Trouble- le célèbre essai
de la féministe lesbienne Judith Butler, sorti aux Etats-Unis en 1990,
est paru en français en 2005.
I.2.7 Troisième Vague
Le terme « troisième vague féministe »
n'est utilisé aux Etats-Unis qu'à partir des années 1990,
pour qualifier une nouvelle génération de féministes qui
intègrent à leurs luttes des enjeux et des pratiques qui se
situent en rupture, et d'autres fois en continuité avec ceux de la
génération précédente, issue de la «
deuxième vague ». Entre autres différences, l'importance
accordée à la diversité au sein des groupes, notamment par
une meilleure visibilité occupée par les femmes
considérées comme doublement marginalisées ou
stigmatisées (femmes de couleurs, autochtones, lesbiennes,
prostituées, transsexuelles, handicapées, ou encore les femmes
grosses, pour ne nommer que ces groupes). La diversité se traduit aussi
sur le plan des tactiques et des modes d'expressions. Ainsi, le militantisme au
quotidien, par les choix de consommation notamment, est perçu comme une
forme d'engagement aussi valable que d'autres formes plus collectives. Au
niveau théorique, c'est là une des grandes différences
avec les deux premières
vagues, la nouvelle vague féministe ne s'est pas
constituée en un mouvement homogène et cohérent,
dotée d'une ligne idéologique clair. D'où la
difficulté, voire l'impossibilité d'en faire un portrait bien
défini et fixe dans le temps. Certaines voix réfutent même
l'existence d'une dite nouvelle vague, et parlent plutôt de la «
deuxième vague, épisode 2 ».
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