Chapitre I REVUE DE LA LITTERATURE SUR LE GENRE
Introduction
Cette partie est constituée de deux grands points dont
le premier est consacré à la brève historique du genre et
dans le deuxième nous traitons de courants sur le genre. Ce dernier est
composé de neuf sous points qui analysent l'écriture comme «
machine de guerre », instiller le trouble dans le « genre »,
érotique grecque, première vague, deuxième vague,
gestation de la troisième vague, troisième vague, mouvement
transgenre et mouvement queer.
I.1 Brève historique du genre
Trois dates importantes semblent jalonner les débuts de
l'écriture d'une histoire sur les femmes. En 1973, Michelle PERROT ouvre
un cours à l'université Paris VII-Jussieu intitulé «
Les femmes ont-elles une histoire ? ». En 1983, dix ans plus tard, un
colloque est organisé à Saint-Maximin sur le thème «
une histoire des femmes est-elle possible ? ». 1991-1992, passant de
l'interrogation à l'affirmation synthétique de recherches
déjà lancées, paraissent les différents volumes
d'Histoire des femmes sous la direction de Georges DUBY et Michelle PERROT.
C'est donc dans le début des années 70, dans la foulée des
mouvements de libération des femmes qui scandaient « Nous qui
sommes sans passé les femmes ! Nous qui n'avons pas d'Histoire ! »
que naît la recherche en histoire des femmes.
Partant du principe que l'absence de femmes dans
l'historiographie avait du sens, il fallait relire les sources qui, pour la
plupart, émanaient d'archives écrites par des hommes
conservées ou pilonnées par des hommes. Des unités de
recherche se sont formées à l'EHESS en ordre dispersé. A
l'initiative d'enseignantes-chercheuses, comme Michelle PERROT, Yvonne
KNIBIEHLER, Cécile DAUPHIN ou Yannick RIPA, qui se sont initiées.
Il a longtemps fallu prouver que les travaux entrepris étaient de
véritables recherches scientifiques. Il s'agissait de faire surgir de
nouvelles pratiques et de nouveaux objets, réinventer une nouvelle
écriture. Cependant, beaucoup de programmes de recherches dans diverses
universités n'ont pas réussi à aboutir dans les
années 70. Pour reprendre les mots de Michelle PERROT, il fallait sortir
les femmes de l'ombre du théâtre de l'Histoire.
Entre 1977 et 1978, différentes revues voyaient le jour
permettant aux différentes chercheuses du monde entier de faire
connaître l'avancée des travaux pour une histoire des femmes. Le
BIEF (Bulletin International d'Etudes des femmes) regroupait les communications
de groupes établis à Jussieu, Aix-Marseille ou Lyon. Le premier
numéro, par exemple, traitait du Corps de la femme (maternité,
relation dans la famille,...). Entre 1979 et 1985, la revue
Pénélope réussissait à fédérer 200
abonnés sur des thèmes de recherche qui n'avaient toujours pas
l'entière reconnaissance de toute la recherche historique.
Finalement, les modifications relativement récentes de
l'organisation de la recherche qui se voulut plus problématisante, plus
individualiste et moins inscrite dans une hiérarchie, permit le
démarrage d'études aussi diverses que les femmes dans le milieu
carcéral, l'homosexualité. Les femmes, par les marges, refusaient
leur identité de genre.
Dans le cadre de l'histoire des femmes, comme on la nomme en
Europe, la recherche américaine a joué un rôle pionnier.
Depuis les années 70, également mais avec une réelle
reconnaissance de l'institution universitaire, la recherche historique et
sociologique américaine s'intéresse à l'histoire du «
Gender » [Genre en français] en se référant aux
études de Claude LEVI-STRAUSS sur les liens familiaux et aux travaux de
Simone de BEAUVOIR (« on ne naît pas femme on le devient »). De
fait, une opposition fondamentale se fait jour entre histoire du genre et
histoire des femmes. La première, qui s'affirme en France dans les
années 90, s'attache au sens culturel qui attribue au masculin et au
féminin des fonctions différentes. La seconde se veut être
plus attachée au sens naturel du sexe. La réflexion sur la
sexualité, plus autonomisée, se sépare donc du principe du
genre. C'est vraisemblablement au XVIIIe siècle que l'on
bascule de l'idée qu'il existe un seul sexe mais deux genres à
l'existence de deux sexes que tout oppose.
C'est l'historienne américaine Joan SCOTT qui affirme
en 1996 que le Genre ne serait qu'un langage pour occuper le pouvoir.
Dès lors, comme l'affirme Violaine SEBILLOTTE, une
nouvelle génération d'historienne se fait jour. Il s'agit pour
elles d'étudier l'histoire du Genre comme un ensemble de
phénomènes sociaux. L'entrée par le Genre offre un nouvel
outil d'investigation. Si, par exemple, aucune documentation n'émane des
femmes, le travail devra porter sur les représentations masculines de la
femme. Quels sont alors les apports de ce nouveau regard qui, comme le
craignait Yannick RIPA il y a quelques années, pouvait faire oublier
l'histoire des femmes ? D'abord, la notion de Genre a été
validée en tant que construction sociale. La thèse de Sophie
LALANNE qui sera soutenue dans quelques mois sur la place des femmes dans les
romans grecs du IIème et Ier siècles avant
JC montre comment des couples franchissant différentes étapes
ponctuées d'épreuves dans l'apprentissage d'une identité
sociale. Ce dernier met progressivement en place le Genre. La recherche se
trouve ouverte sur les identités sexuées à partir, par
exemple, de l'étude du vocabulaire utilisé pour nommer les filles
vierges, les jeunes filles, les épouses, etc. La césure du Genre
se situe ainsi plus dans la fonction sociale. Violaine SEBILLOTTE évoque
un domaine sur lequel elle a pu travailler : les filles grecques
sacrifiées pour la Patrie dans la tragédie antique à
partir du mythe d'Iphigénie. Ces jeunes filles, victimes consentantes,
sont des héroïnes quasi divines données en exemple aux
garçons. Quel est le sens de ce phénomène ? Faut-il y voir
une virilisation des jeunes filles ? Est-ce le fait que les menstruations de la
jeune fille la rapprochent du don du sang ? Ou bien est- ce sa faiblesse
naturelle qui la rend plus admirable ? Pour Violaine SEBILLOTTE, il n'en est
rien. La jeune fille représente celle qui reste avec son père :
elle est mineure éternellement. Les garçons qui vont se battre
pour leur cité et défendre la terre de leurs pères
(patrie) doivent se comporter comme les jeunes filles se conduisent pour leur
père. Il ne s'agit donc pas là d'une simple histoire de sexisme
mais une toute autre étude de Genre.
Au sein des Universités, l'étude des rapports
sociaux de sexe s'est institutionnalisée progressivement au cours du
temps à travers trois dénominations différentes :
études femmes, études féministes et études genre.
Ces appellations présentent des différences et points communs
mais sont toutes sujettes à controverses. Ces trois approches ne sont en
aucun cas indépendantes les unes des autres malgré une
manière différente de considérer l'objet d'étude :
le rapport homme-femme dans la société.
I.1.1. Etudes sur les femmes
Les études sur les femmes ciblent leurs analyses sur la
condition féminine et mettent en valeur le rôle des femmes dans la
société. Elles sont critiquées pour se focaliser sur
l'étude unique du sexe féminin. Dans un contexte social
majoritairement patriarcal, leur but est de combler les lacunes
académiques concernant l'étude du rôle des femmes dans
différents domaines et espaces. Dans un second temps ces travaux servent
d'appui aux mouvements sociaux féministes pour dénoncer les
inégalités homme-femme et formuler leurs revendications. Elles
sont par conséquent indirectement féministes.
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