II.4.2 Pour un meilleur alignement de l'entreprise
sur son environnement
· Nous préconisons le tri sélectif des
meilleurs potentiels au sein de la famille ou de l'extérieur pour
intégrer l'entreprise. Les recrutements doivent être entrepris
uniquement en cas de besoin réel en personnel, et non pour aider un
membre de la famille ;
· La mise en place d'un système de veille et de
suivi de conformité technologique, normative, réglementaire
(législation sociale, fiscale...) ;
· La SMF doit constituer une réserve de fonds
pendant la période de hausse d'activité pour pallier les
périodes de baisse d'activités d'un montant minimum de 5 000 000
(cinq millions) FCFA. En outre, l'ouverture d'un compte réservé
à l'achat du matériel et aux actions commerciales et de
développement permettra de rendre l'entreprise réactive dans la
quête de nouveaux marchés, et, d'être à même de
respecter ses délais de livraison à tout moment ;
· Les paiements des cotisations et taxes diverses aux
échéances prévues doivent permettre de stabiliser les
relations de l'entreprise avec les services fiscaux et sociaux ;
· Des crédits de communication devraient être
attribués à l'encadrement technique et
administratif afin de faciliter les appels d'urgence et de
mieux coordonner les actions entre les différents services.
· Prévoir la mise en place d'un compte fournisseur,
et le règlement régulier de leurs factures et prestations.
· La construction d'un atelier industriel, avec un
module de formation en soudure, pourrait à la fois permettre la
réalisation de nouveaux marchés et de reconvertir les soudeurs
vieillissants dans la formation.
II.4.3 Pour un partenariat social renforcé
· Paiement régulier des salaires du personnel et
mise en place d'un système d'avancement et de gestion des
carrières au mérite et selon des critères correspondant
à la culture organisationnelle désiré par le management
;
· Formation du personnel aux droits et obligations du
travailleur et des représentants syndicaux, et mise en place d'un
système disciplinaire adapté et préventif, qui ne rechigne
pas à sanctionner les membres de la famille coupables d'infractions;
· Le management doit communiquer sa vision au personnel.
Une vision suppose un type particulier d'objectif 3A (Ambition, audace et
aventure), qui s'applique sur dix à trente ans;
· Améliorer les canaux de communication
(réunions, notes de service, rencontres informelles, management
baladeur...) par rapport à l'impact organisationnel souhaité par
le management, on ne saurait galvaniser les troupes sans une communication
massive et crédible. Pour assurer une bonne communication, il faut que
les dirigeants fassent passer leurs messages à tous les niveaux. Il
s'agira d'apprécier dans chaque réunion, par exemple, comment les
solutions proposées correspondent (ou non) au schéma global. On
examinera lors de séances d'évaluation comment l'attitude de tel
ou tel employé concorde ou non avec cette vision, on
s'intéressera, lors des bilans trimestriels, non seulement aux chiffres
mais aussi à la contribution qu'apportent les responsables de services
au changement souhaité ;
· Attribution de lettres de félicitations au
personnel, médailles d'honneur du travail. Paiement régulier des
allocations familiales ;
· Le siège social de l'entreprise devrait quitter
la concession familiale. Cette proximité semble créer une
confusion entre la gestion de l'entreprise et la gestion des affaires
familiales. De nouveaux locaux pourraient être construits ou
loués.
L'ajustement d'une Petite et Moyenne Entreprise familiale
à son environnement socioéconomique : la thématique
mérite sürement l'intérêt, car, depuis le milieu de
l'année 2007, une crise financière et économique frappe le
monde. Dans cet environnement économique incertain, Blaise Pascal Talla
dans le numéro spécial N°375 de Jeune Afrique Economie pense
que « la leçon est claire : nul ne détient la recette
miracle du développement économique. Chaque pays doit explorer
son potentiel, sa vision et sa stratégie, et trouver son chemin, sa
formule magique sans complexe ». Dans cette quête de
développement économique personnalisé, le gouvernement
Camerounais accorde une place de choix aux Petites et Moyennes Entreprises.
Au-delà de cette reconnaissance marquée par la création
d'un Ministère des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Economie
Sociale et de l'Artisanat par le Décret N°2004/320 du 8
décembre 2004, les PME sont le pilier de l'objectif arrété
en 2009 par le gouvernement camerounais de devenir un pays émergent
à l'horizon 2035. Le dynamisme de ces très petites, petites et
moyennes entreprises soutien le tissu socio --économique camerounais en
stimulant l'emploi et la création de richesse. Au Cameroun comme dans la
plupart des pays africains, le réseau familial lorsqu'il n'est pas
à l'origine de la création de ces entreprises est présent
tout au long leurs développements. La famille, pourvoyeuse en
financement, en hommes et en conseils permet notamment de combler la
frilosité des institutions bancaires à accorder des prêts
à long terme, de s'allier les acteurs étatiques utiles à
leur fonctionnement, et de faciliter l'accès à de nouveaux
marchés. Le désajustement de ces entités à leur
environnement socio-économique porterait donc un coup fatal au
développement socioéconomique du Cameroun.
Pour pallier cette éventualité un projet de loi
sur les PME, envisage la mise en place de structures d'incubations des PME
visant à assurer le développement, l'appui et l'assistance aux
PME. Il prévoit en outre un plan de mise à niveau sur la base
d'un diagnostic visant à faire ressortir les forces et les faiblesses de
ces dernières. En attendant la mise sur pied de ces organismes, et face
aux difficultés quotidiennes qu'elles enregistrent, elles ne peuvent
faire appel qu'à une expertise locale privée. C'est dans cette
perspective et dans un contexte social, industriel et financier
délétère que les dirigeants de la SMF ont fait appel en
2006 à une équipe d'intervenants dans l'optique de parvenir
à un ajustement rapide de l'entreprise. Les objectifs de ce processus
étaient triples :
- Résorber le déficit de trésorerie ;
- Assainir le climat organisationnel ;
- Rassurer l'environnement proche de l'entreprise.
L'équipe d'intervention dont nous faisions partie s'est
basée sur la méthode de l'audit organisationnel. Un diagnostic
organisationnel a permis de mettre en lumière les lignes de forces et de
faiblesses sociales, financières, environnementales et de production de
la SMF. La mise en
oeuvre des mesures proposées dans le rapport d'audit a
conduit l'équipe a affirmé en février 2007, que les
objectifs fixés étaient quasiment atteints. Cependant, l'embellie
ressentie par les dirigeants de l'entreprise, les partenaires, le personnel et
les intervenants, a été de courte durée, car, tout juste
un an après la fin officielle de ce processus d'ajustement, en
février 2008, et jusqu'au moment de cette étude des signaux de
dégradation et de déséquilibres étaient de nouveaux
perceptibles, principalement au niveau des données financières de
cette moyenne entreprise.
L'objet de cette étude était donc grace au
nouveau corpus théorique acquis à l'institut Catholique de
Yaoundé, d'évaluer à moyen terme les résultats
obtenus par le processus d'ajustement conduit de mai 2006 à
février 2007 au sein de la SMF. Notre souci était à la
fois de participer à la préservation d'une unité
économique de moyenne dimension, employant une trentaine de personnes,
et de contribuer à l'essor du couplage recherche - pratique dans le
contexte africain.
Pour de nombreux auteurs de l'école de la contingence
comme H. Mintzberg, H. Sylvestre et R.Goujet, G. Paché, les PME de part
leur taille sont soumises aux contraintes de leur environnement et doivent
s'aligner sur lui. Pour d'autres en revanche, à l'exemple de Crozier et
Friedberg, cela serait envisagé l'entreprise uniquement sous l'angle de
l'adaptation, de la réaction, évacuant
l'éventualité d'une action volontaire de ses dirigeants.
Pourtant, pour E. Kamdem, dans une société africaine en mutation,
l'entrepreneur doit être essentiellement pro actif, adaptant son
activité économique en permanence aux réalités de
son contexte social et culturel. Les difficultés de l'entreprise et de
l'entrepreneur africain sont résumées dans cette phrase, du
banquier et chef d'entreprise camerounais P. Kammogne Fokam (1993) «
être entrepreneur en Afrique c'est demander à David chaque
jour de se lancer quotidiennement dans un combat de front contre Goliath
». Ce combat quotidien conduit de nombreuses PME à « se
casser la gueule » selon l'expression de B. Tano Kouadio, un entrepreneur
africain.
Ce survol de la littérature sur l'analyse des
organisations en rapport avec leur environnement nous a permis de faire
ressortir l'interrogation ci-après : quels sont les facteurs explicatifs
de l'incapacité du processus d'ajustement à assurer la
cohérence externe et interne de l'entreprise à moyen terme ?
L'inefficacité du processus d'ajustement à moyen terme pouvait
provenir aussi bien de l'environnement proche (concurrents, clients,
fournisseurs, partenaires publics, institutions financières) de
l'organisation, du style de management utilisé par le
propriétaire dirigeant, que de la méthode utilisée pour
conduire le processus d'ajustement et des résultats qui en
découlent.
La problématique de recherche et les hypothèses
définies, la démarche à suivre devait être
rigoureuse. Nous avons choisi de travailler sous l'éclairage de la
méthode de la recherche intervention en sciences de gestion. Cette
méthode privilégie la recherche de terrain comme lieu
d'émergence de la connaissance pratique et de la théorie.
Particulièrement adapté à l'étude et à la
mise en place de processus de changement organisationnel, elle
nous a permis de disposer d'une boite à outils adapté au contexte
de notre étude. Les trois principes d'investigation prospective, de
conception et de libre circulation entre niveaux théoriques ont servis
de socle à la conduite de notre recherche. Par ailleurs, la prise en
compte des mutations à l'intérieur comme à
l'extérieur de l'entreprise, nous a amené à emprunter
l'approche de la sociologie des mutations dans les sociétés
« traditionnelles » ou « sous développées »
de G. Balandier. Cette approche nous a été utile dans la
compréhension du processus de changement organisationnel engagé
par l'équipe d'intervention, ainsi que des ruptures et
résistances qui en découlaient au sein de l'entreprise. Nos
données ont été collectées sur la base de la
documentation présente dans l'entreprise, de l'observation participante,
et de la méthode d'investigation prospective proposée en
recherche intervention qui privilégie des entretiens sur le
modèle de l'enquête policière.
L'armature de notre travail comprend deux principales parties,
réparties en deux chapitres. La partie I pose le cadre
opérationnel des PME familiales au Cameroun, elle évoque dans un
premier temps les caractéristiques générales des
entreprises familiales au Cameroun, puis présente le milieu de
l'étude. La deuxième partie porte sur l'évaluation du
processus d'ajustement et l'interprétation des écarts. Le
chapitre I de cette partie présente le processus d'ajustement. Le
deuxième chapitre de cette partie est consacré à tout
d'abord à la présentation des résultats enregistrés
en rapport avec les objectifs fixés à l'issue du processus
d'ajustement, et, ensuite à l'analyse des résultats et des
écarts enregistrés à moyen terme. La section II de ce
dernier chapitre nous permet d'analyser les hypothèses de la recherche
et de faire des recommandations pour un ajustement durable de
l'organisation.
Les résultats obtenus montrent que le système de
gestion financière de l'entreprise est à l'origine des
écarts constatés à moyen terme. Une analyse des
hypothèses retenues révèle que l'environnement proche
soumet la SMF à une pression essentiellement normative. L'environnement
proche réagit aux actions entreprises au sein de la SMF, il a donc une
portée limitée sur l'incapacité du processus d'ajustement
à atteindre ses objectifs à moyen terme. Une analyse de la
deuxième hypothèse portant sur le rôle joué par le
style de management utilisé par le propriétaire dirigeant,
confirme que ce facteur a joué un rôle important sur
l'inefficacité avérée du processus d'ajustement à
atteindre ses objectifs a moyen terme. L'analyse de la troisième
hypothèse a permis de montrer les insuffisances de la méthode
utilisée pour conduire le processus. Les résultats obtenus
à moyen terme sont liés notamment à l'incapacité de
l'équipe d'intervention à mener un suivi approprié du
projet de transformation/amélioration engagé.
Nous avons pu conclure que les facteurs conjugués du
management du propriétaire dirigeant et de la méthode
utilisée par les intervenants ne permettaient pas un ajustement
socio-économique durable de l'organisation. Notre recherche se voulant
pratique, nous avons fait un certain nombre de
recommandations à l'entreprise pour parvenir à
redresser et à maintenir sa situation socioéconomique.
Les limites de cette étude peuvent provenir de notre
collaboration au processus d'ajustement. Cette position de juge et partie peut
poser des problèmes de rigueur à se distancier du processus
conduit par l'équipe d'intervention pour l'évaluer de
manière impartiale. La méthode de la recherche intervention
autorise et favorise cette double attitude du chercheur intervenant.
Les difficultés rencontrées pendant notre
recherche proviennent de la distance (environ 200 kilomètres) entre le
milieu d'étude et l'Institut Catholique de Yaoundé. La ville
d'Edéa ne disposant pas de bibliothèque adaptée au cadre
de notre recherche, nous devions revenir sur Yaoundé pour
façonner un cadre théorique adéquat et
bénéficier des conseils avisés de notre encadreur. Notre
implication dans l'activité de l'entreprise à travers la gestion
du personnel et de l'administration générale, en favorisant la
collecte de données, à aussi contribuer à rallonger la
durée de l'étude. Par conséquent, la rédaction de
notre travail de recherche ne pouvait convenablement s'effectuer que pendant
les heures de pauses, à la sortie du travail, ou lors de permissions
accordées exceptionnellement.
Cette expérience de changement organisationnel, nous a
permis de réaliser que la conduite du changement au sein des PME ne peut
être efficace à moyen terme qu'à travers une implication
totale de tous les acteurs concernés. C'est un processus à mener
sur le long terme et sans état d'âme de la part des dirigeants
comme des intervenants.
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