7.2 Approche de la sociologie des mutations dans les
sociétés traditionnelles de Georges Balandier
Cette approche met en exergue les dynamiques sociales à
l'oeuvre au sein des sociétés « traditionnelles " ou «
sous développées ". Et d'autant plus que la dynamique sociale
reste vue généralement sous l'aspect du changement, de la
transformation des structures; en négligeant l'observation qu'elle est
d'abord inhérente à ces dernières et à tout instant
active; en sous estimant le fait qu'elle résulte aussi des facteurs
externes, du système de relations extérieures, et non seulement
des facteurs internes déterminant le cycle de vie des
sociétés (Balandier, 1981:15). Il s'agira aussi pour nous, de
déceler l'importance de ces facteurs externes et internes sur le
processus de transformation/amélioration, que nous souhaitons mettre en
place au sein de l'entreprise.
Par ailleurs, les sociétés
étudiées aujourd'hui en Afrique noire résultent du conflit
de deux principes de structuration et d'organisation qui sont contradictoires :
d'une part, la parenté large - « les liens de sang " -, l'alliance
et la justification mythique de l'ordre des rapports sociaux ; d'autre part,
les différenciations et les compétitions qu'impliquent
l'économie de marché, le rationalisme économique et les
calculs auxquels se trouvent de plus en plus contraints les individus et les
groupes. Cette dualité dans le monde de l'entreprise africaine est
encore plus criarde au sein des PME familiales. A l'observation, la famille
semble prendre le pas sur la rationalité économique dans les PME
familiales au Cameroun. Les mutations en cours entre tradition et
modernité dans les pays sous développés,
génèrent de nombreux coûts sociaux inhérents
à ces changements. Cette transformation introduit l'Africain dans un
univers social plus hétérogène et plus instable, mais
aussi plus abstrait, que celui régit par la coutume jusqu'à une
date récente (idem : 223).
Le progrès n'est plus associé à un
développement continu, les changement fondamentaux ne peuvent simplement
résulter d'un processus cumulatif ; ils se réalisent par sauts,
à la faveur d'un mouvement discontinu, brusqué, sur le mode des
mutations reconnues dans l'ordre biologique (idem :21) .
Dans le rapport dit des cinq experts, publié en 1951
par l'Organisation des Nations Unies et repris par G. Balandier (1981), un
chapitre particulier est consacré à l'énumération
des « conditions du développement économique ". Il souligne
avec force combien le contexte socio-culturel joue un rôle
déterminant et peut être un frein à l'innovation : «
Le progrès économique ne se produit que si l'atmosphère
est favorable, que si la population est éprise de progrès et si
les institutions sociales, économiques, juridiques et politiques sont
favorables au progrès... Une société n'aura aucun
désir de progrès si elle ne se rend pas compte que le
progrès est possible. Le progrès ne se produit que si la
population est persuadée que l'homme peut, par un effort conscient,
dominer la nature... " Cependant, pour G. Balandier (1981:236), il serait
trompeur, au plus haut degré, de laisser entendre
que le progrès est simplement une affaire de choix. La
conversion des « sociétés traditionnelles » n'exige pas
seulement une mobilisation du capital intérieur et une aide
extérieure complémentaire, un transfert de complexe technique,
mais, qu'elle implique nécessairement la lente croissance de nouvelles
aptitudes, de nouvelles manières de faire, de vivre et de penser. S'il y
a un dynamisme incontestable des sociétés non
industrialisées, ce dernier n'opère pas nécessairement
dans le sens propre aux sociétés développées ; les
forces de changement ne visent pas d'abord à une amélioration des
conditions matérielles de l'existence. On peut donc dire que la
résolution des problèmes que crée l'état de
sous-développement implique, en particulier, une
ré-orientation du dynamisme interne. Ceci n'est guère
possible que par le truchement d'une véritable « mobilisation
idéologique ».
De manière pratique, l'ajustement des PME familiales au
Cameroun nécessite de parvenir tout d'abord à une
cohérence interne au sein des organisations, ceci ne peut être
atteint que grace à la diffusion de nouvelles cultures
organisationnelles basée sur une prise de conscience collective des
divers intervenants. Cette mobilisation idéologique des acteurs des PME
produira les conditions propices à un maintien à moyen ou long
terme des effets des processus de changement. La diffusion de la civilisation
industrielle ne pose pas seulement un problème d'adaptation technique,
elle requiert un nouvel aménagement des motivations et, en
conséquence, elle exige de l'individu une véritable conversion
à court terme.
Il ajoute que ce qui se trouve mis en évidence, c'est
principalement : « a) L'absence d'ajustement total de toute
société à ses divers environnements - le milieu et
lensemble des sociétés-partenaires; b) La réalisation et
le maintien de tout ordre social par le jeu d'approximations successives en
dépit d'apparences souvent contraires; c) le décalage entre les
valeurs, les normes, les règles qui fondent la société
« officielle » et celles qui se manifestent par la pratique des
divers agents sociaux » (Balandier, 1981: 15-16). Ainsi, le processus
d'ajustement des PME familiales au Cameroun à leur environnement socio -
économique ne peut être abouti, aisé, au contraire, il doit
sans cesse être revu, pour répondre aux mutations continuelles de
l'environnement social, économique, culturel, technologique....
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