IV.2 Le cas spécifique de la CEMAC
La Communauté Économique et Monétaire de
l'Afrique Centrale (CEMAC) est un regroupement qui compte six pays : Cameroun,
Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique, Guinée Équatoriale. Depuis
2002, ces pays sont engagés dans un processus de négociations
avec l'Union européenne dans le cadre des Accords de Partenariat
Economique (APE) mis en place par la convention de Cotonou. Nous
présenterons dans un premier temps les relations commerciales de la
sous region CEMAC + STP avec l'UE puisque ne disposant que d'informations
jumelées là dessus puis nous analyserons les effets que les APE
pourraient engendrer dans la CEMAC
A) PRÉSENTATION DES RELATIONS COMMERCIALES DE LA CEMAC
ET STP AVEC L'UE
Les relations commerciales de la CEMAC se
caractérisent par la prépondérance des échanges
avec l'UE, échanges revêtant un aspect asymétrique
Le commerce de la CEMAC avec l'UE connaît une balance
commerciale positive de 1997 à 2002. L'excédent est passé
de 2,4 milliards de dollars au début des années 1990 à 46
millions en 2002.
Au niveau des exportations, le commerce de la CEMAC n'a pas
connu de développement significatif des exportations destinées
à l'UE pendant la période des années 1990. Après un
léger recul, elles ont retrouvé leur niveau au début des
années 2000, soit 3,2 milliards de dollars. S'agissant des importations
provenant de l'UE, celles-ci ont enregistré un net accroissement,
passant de 1,3 milliards de dollars en 1994 à 3,1 milliards en 2002.
Quand on observe la structure des exportations de la CEMAC
vers l'Union européenne, la plus grande part des produits
exportés sont les combustibles minéraux, en d'autres termes, les
produits pétroliers essentiellement bruts car la CEMAC compte
aujourd'hui dans ses rangs 5 pays pétroliers qui sont le Gabon, le
Congo, le Cameroun, le Tchad et la Guinée Equatoriale. Les exportations
des produits pétroliers s'élèvent à 43,9%. En
deuxième position viennent les exportations de produits agricoles, soit
23,49%. C'est dire l'importance que joue le secteur agricole dans le commerce
des pays de la CEMAC avec les pays de l'UE.
S'agissant des importations de la CEMAC, les machines et
matériels de transport occupent la première place soit 31,59%,
les produits chimiques la seconde place (19,85%). Quant aux produits agricoles,
ils viennent en troisième position avec 17,38% des importations
Le tableau 2 ci-dessous nous donne des informations
chiffrées sur la structure de ces exportations et importations
Tableau 2 : structure du commerce de la CEMAC (et Sao
Tomé-et-Principe) avec l'UE
Désignation
|
Exportations
|
Importations
|
0) Produits. alimentaires et animaux vivants
|
23,49
|
17,38
|
1) Boisson et Tabac
|
0,04
|
1,82
|
2 ) Matières brutes non comestibles
|
21,98
|
1,82
|
3 ) Combustibles minéraux, lubrifiants et produits
connexes
|
43,90
|
2,28
|
4) Huiles, graisses d'origine animale ou
végétale
|
0,00
|
1,45
|
5 ) Produits chimiques et produits connexes
|
0,00
|
19,85
|
6 ) Articles manufacturés
|
9,98
|
17,02
|
7 ) Machines et matériel de transport
|
0,52
|
31,59
|
8) Articles manufacturés divers
|
0,06
|
6,79
|
9) Articles et transactions non classés
|
0,02
|
0,00
|
Source : CEA, 2004
B) IMPACT DES APE SUR LA CEMAC
LES APE PRESENTENT AUSSI BIEN DES ATOUTS QUE DES FREINS. NOUS
ÉTUDIERONS CES EFFETS DANS LA SOUS REGION.
B.1) AVANTAGES QUE REVÊTENT LES APE POUR
LA CEMAC
UN DES ATOUTS QUE POURRONT SUSCITER LES APE EST
L'AMÉLIORATION DE L'ACCÈS DES EXPORTATIONS DE LA CEMAC SUR LE
MARCHÉ EUROPÉEN. LES EXPORTATIONS AGRICOLES DEVRAIENT
CONNAÎTRE UNE NETTE AUGMENTATION CAR CE SONT PARTICULIÈREMENT LES
PRODUITS DE L'AGRICULTURE QUI SONT CARACTÉRISÉS PAR UNE FORTE
PROTECTION AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE. ON SAIT QUE LA PAC A
TOUJOURS ÉTÉ CONSIDÉRÉE PAR LA COMMISSION
EUROPÉENNE COMME UN DOMAINE NON NÉGOCIABLE ET LES IMPORTATIONS
AGRICOLES ÉTAIENT SOUMISES À DE NOMBREUSES RESTRICTIONS SUR LE
MARCHÉ DE L'UNION EUROPÉENNE. CETTE SITUATION AVAIT COMME
INCONVÉNIENT DE LIMITER FORTEMENT LES EXPORTATIONS DE PRODUITS AGRICOLES
EN PROVENANCE DES PAYS ACP. L'ACCROISSEMENT DES PARTS DE MARCHÉ DES PAYS
DE LA CEMAC DÉPENDRA DE LEUR CAPACITÉ À LEVER LES
CONTRAINTES DE L'OFFRE ET LES NORMES EXIGÉES POUR L'EXPORTATION SUR LE
MARCHÉ EUROPÉEN.
Un autre atout des APE est qu'ils vont entraîner une
baisse des prix des produits importés sur le marché et donc
susciter une amélioration du surplus du consommateur et un accroissement
du bien-être. Les importations de produits alimentaires en provenance de
l'UE devront s'accroître et leurs prix sur le marché
connaître une baisse. Le tableau suivant montre les gains que pourrait
obtenir le consommateur.
En plus de tout cela les APE vont permettre le transfert de
technologie et l'amélioration des techniques locales, afin que les
entreprises soient compétitives. En effet l'accès aux biens
d'équipement qui constituent la FBCF des entreprises des pays ACP sera
plus facile et les prix d'acquisition de ces biens seront réduits. Ceci
leur permettra d'accroître leur production et de réaliser
pourquoi pas des économies d'échelle pour être plus
compétitives.
Tableau 3 : effets sur le bien-être (surplus des
consommateurs) de l'APE (en milliers de dollars)
Pays
|
Surplus des consommateurs
|
Cameroun
|
30 260,214
|
Congo
|
16 047,979
|
Gabon
|
16 116,391
|
Guinée équatoriale
|
6 231,219
|
République centrafricaine
|
1 050,21
|
Tchad
|
4 348,18
|
Source: Simulations CEA, WITS/SMART
B.2) LES FREINS DES APE
LES CONSÉQUENCES NÉGATIVES
DÉCOULANT DES APE SONT NOMBREUSES. ON PEUT ÉVOQUER
L'ÉVICTION DES PRODUCTEURS LOCAUX, LA BAISSE DES ÉCHANGES
INTRA-COMMUNAUTAIRES AU PROFIT DES ÉCHANGES ENTRE LES PAYS DE LA CEMAC
ET L'UE, LE DÉTOURNEMENT DE COMMERCE ET LA CHUTE DES RECETTES
BUDGÉTAIRES SE RATTACHANT AUX DROITS DE DOUANES. DANS CES CONDITIONS,
LES APE VONT ENCORE FAIRE RECULER LE PROCESSUS D'INTÉGRATION
RÉGIONALE ET RENFORCER LES IMPORTATIONS DES PRODUITS AGRICOLES AU
DÉTRIMENT DU SECTEUR AGRICOLE NATIONAL DES PAYS DE LACEMAC.
LES SIMULATIONS MONTRENT QUE LA MISE EN oeUVRE DES APE
À TRAVERS L'APPLICATION DU PRINCIPE DE RÉCIPROCITÉ VA
ENTRAÎNER UNE IMPORTANTE PERTE DE REVENUS TARIFAIRES POUR LES PAYS DE LA
CEMAC.
Ø Détournement de commerce de la CEMAC
Les effets statiques comme nous l'avons vu
précédemment concernent le détournement de commerce. Les
importations de biens en provenance de l'Union européenne devraient
connaître un net accroissement au détriment des importations du
reste du monde et de la CEMAC. Cette création de commerce dont
bénéficiera l'UE concerne essentiellement trois pays : le
Cameroun, le Congo et le Gabon.
Deux pays particulièrement, le Gabon et la RCA vont
connaître une chute de leurs exportations au sein de la CEMAC au profit
des exportations réalisées par les pays de l'Union
européenne sur le marché régional. Cela aura comme
conséquence une réduction des échanges
intra-régionaux qui se situent déjà à un niveau
dérisoire (2%).
Tableau 4 : création et détournement de commerce
pour les pays de la CEMAC (milliers de dollars)
Source:Simulation CEA WITT/SMART
Pays
|
Var Importation
De l'UE
|
Creation de Commerce
|
Détournement de Commerce
|
Dont det, de Com,Cemac
|
Cameroun
|
218994,173
|
255 425,935
|
26 568,238
|
0,00
|
Congo
|
144 185,091
|
123 707,24
|
20 477,85
|
0,00
|
Gabon
|
154184,776
|
126 494,87
|
27 689,91
|
1 244,92
|
Guinée-Équatoriale
|
154184,776
|
53 293,68
|
5 389,737
|
0,00
|
RCA
|
58 683413
|
8 232,94
|
1 252,818
|
305,6
|
Tchad
|
46 673,379
|
40 732,15
|
5 941,23
|
0,00
|
Ø Difficultés d'écoulement des
produits agricoles bénéficiant de subventions
Concernant le sucre et la banane, deux produits longtemps
subventionnés par l'UE, ces
productions vont connaître d'importantes
difficultés. En effet, ces deux produits qui
bénéficiaient de subventions de la part de l'UE
à travers les préférences commerciales (quotas
réservés, prix d'achat garanti au-dessus du
cours mondial) verront se rétrécir leurs parts de
marché. Ils seront confrontés à des
difficultés d'écoulement avec la mise en oeuvre des APE
conformément aux règles de l'OMC. Il a
été prouvé que ces produits agricoles ne sont pas
compétitifs face au sucre et à la banane
produits en Amérique latine.
Au Congo, les recettes tirées des exportations de sucre
par l'entreprise Saris-Congo pourraient, par conséquent, être
diminuées par la réforme du régime sucrier de l'UE, qui
deviendra effectif à partir du 1er juillet 2006.
Ce régime avait été reconnu contraire
aux règles de l'OMC.
A l'issue de la réforme, le prix minimal du sucre sur
le marché de l'UE, qui est trois fois supérieur à celui du
marché mondial, pourrait baisser de 36% sur quatre ans. Les exportateurs
des pays ACP qui éprouveront des difficultés dans ce nouveau
contexte pourront toutefois bénéficier d'un soutien financier
destiné à faciliter leur modernisation, leur adaptation ou leur
diversification, pour un montant total (affecté par l'UE) de 40 millions
d'euros en 2006, et qui ouvrira la voie à d'autres aides.
Selon l'entreprise Saris-Congo, les réformes des
marchés américain et de l'UE auraient comme conséquence
une baisse d'environ un tiers de son chiffre d'affaires. Un plan de
restructuration de l'entreprise a été élaboré. Il
devra coûter 11,5 milliards de francs CFA (17,5 millions d'euros), et
permettre à l'entreprise de développer ses plantations, renforcer
ses capacités de stockage et écouler une partie de sa production
sur le marché de la CEMAC.
Outre cette subvention de l'État, l'entreprise
Saris-Congo bénéficie de l'agrément à la Charte des
investissements.
Le sucre raffiné (provenant de canne) figure parmi les
produits agricoles fortement protégés par le Congo. En plus d'un
droit de douane de 30 %, le sucre raffiné est également soumis
à une licence d'importation, et à une homologation de son prix
à des niveaux plafond. L'importation du sucre raffiné est
quasiment nulle depuis 1999, année de reprise de la production nationale
de canne à sucre.
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