UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
DÉPARTEMENT DE
FRANÇAIS
FACULTÉ DES ARTS,
LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
LA TERMINOLOGIE DU SUJET EN
FRANÇAIS
Mémoire pour l'obtention du
Diplôme de Maîtrise en
Lettres Modernes
Françaises : Option Langue Française
Présenté par
NANDA Lysette
Licenciée ès Lettres Modernes
Françaises
Sous la Direction de et
la Supervision du
Ch. ONGUENE ESSONO Pr. L.M.
ONGUENE ESSONO
Chargée de Cours
Maître de Conférences
Année universitaire 2005/2006
DÉDICACE
A ma mère NJIYANG Alice et à
ses petit-fils
REMERCIEMENTS
Ce travail n'a été rendu
possible que grâce au concours de certaines bonnes volontés
à qui nous voulons exprimer notre gratitude.
Nos remerciements vont d'abord à notre Directeur,
Madame Christine ONGUENE ESSONO qui a accepté de guider nos premiers pas
sur le chemin de la recherche.
Nous exprimons notre reconnaissance à Monsieur Louis
Martin ONGUENE ESSONO pour les multiples séminaires. Séminaires
qui ont contribué, à coup sûr, à produire en nous le
goût du travail bien fait et la persévérance dans
l'entreprise fastidieuse qu'est la recherche.
Nous ne saurions oublier le Groupe d'Etudiants et Chercheurs
en Grammaire (GRECG) dont le soutien intellectuel a permis l'aboutissement
heureux de ce travail.
A Mesdames NGUEUMBA MBIDA Nathalie et ASSAMA NGOTSOK Marie,
pour leur appui intellectuel et moral, nous disons tout simplement merci.
Un merci particulier est adressé à madame
MBOUNGUE Anne, qui a connu des nuits d'insomnies pour rendre ce travail sous sa
forme actuelle, à Monsieur MELINGUI Ambroise pour ses encouragements,
son soutien moral et matériel, à tous ceux qui de près ou
de loin ont contribué à la réalisation de ce travail.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Envisager aujourd'hui une recherche sur la fonction sujet peut
paraître tout d'abord présomptueux. A priori, ce constituant a
déjà été suffisamment visité par les
grammairiens. Mais comment passer outre une notion aussi fondamentale de
l'énoncé ?
En prenant le risque de suivre les sentiers battus par
les auteurs de renom, nous nous sommes rendu compte que la notion de sujet
comporte des nuances qui traduisent les différentes perceptions que les
chercheurs ont d'elle. Depuis l'Antiquité, cette fonction est
définie comme l'élément de l'énoncé sur
lequel on porte un jugement. Le sujet répond de ce fait à la
question de qui ou de quoi parle-t-on ? La grammaire
classique ajoute à cette considération une autre qui y voit la
personne ou la chose qui fait l'action exprimée par le verbe de la
phrase. Le sujet est aussi le terme qui vient en réponse aux
questions qui est-ce qui ... ? Qu'est-ce
qui ... ? posées après le verbe.
Sur un tout autre plan, le sujet est perçu comme le
groupe nominal qui impose au verbe ses marques morphologiques de genre et de
nombre. Toutes ces analyses font que la fonction sujet reçoive plusieurs
appellations. Et c'est cette problématique de la terminologie du sujet
qui a retenu notre attention dans cette recherche.
1 - PROBLÉMATIQUE
Les appellations du sujet nous replongent très souvent
dans nos leçons de grammaire scolaire. C'est le cas des
dénominations telles que sujet réel, sujet apparent.
D'autres terminologies par contre sont si complexes qu'elles se prêtent
à des analyses purement universitaires. Nous le voyons à travers
SN1, prime actant, N0. La tendance à l'extension des
désignations du sujet dénote, sans aucun doute, des divergences
dans la perception de cette fonction. Il est donc évident que les points
de vue sur le concept sujet évoluent. Ils évoluent d'autant que
les analyses s'affirment et deviennent rigoureuses. A propos, Dubois et alii
(1973 :486) affirment que la terminologie d'une science constitue un
ensemble de termes définis rigoureusement par lesquels
elle (la science) désigne les notions qui lui sont utiles.
La richesse des désignations que nous relevons en
grammaire va donc à l'encontre du principe d'univocité
souligné par Dubois.
La grammaire étant une discipline scientifique, quels
sont donc les critères définitoires des terminologies
grammaticales du sujet?
Cette question est le noeud de notre travail dans lequel nous
nous proposons d'abord de faire l'inventaire des appellations du sujet, ensuite
de chercher à établir un lien entre les désignations de
ce constituant et son contenu, de présenter les motivations des
terminologies et enfin, de dégager s'il y a lieu les
inconvénients liés à la multiplicité de
dénominations.
Etant entendu que tout terme est chargé de
significations liées à son origine, la diversité des
définitions données à un même mot traduit les
nuances de perception que les utilisateurs ont eues de lui tout au long de son
évolution. Au-delà de cette problématique, quelles sont
les motivations qui nous ont poussé à choisir ce sujet ?
2 - MOTIVATIONS
Notre préoccupation est de rechercher les contours de
l'éventail des terminologies du sujet et de dégager les facteurs
de leur multiplication car le sens et la syntaxe qui influencent la
définition du sujet seraient à l'origine de ses appellations. Et
les grammaires théoriques qui servent de source aux manuels scolaires
rejettent la désignation primitive sujet utilisée par
ces grammaires scolaires.
En effet, la grammaire traditionnelle par la voix de Grevisse
(1993 : 305), de Chevalier et alii (1989 :176) perçoivent le
sujet tel que le définissent Arrivée et alii (1997 :654).
Ceux-ci reconnaissent que le sujet est l'être ou la chose qui fait ou
subit l'action ou qui est dans l'état exprimé par le verbe.
Mais, Riegel et alii (1994 :130) de même que
Gardes-Tamine (1998 : 122-124) trouvent la définition des
traditionalistes trop restrictive. En effet, celui qui fait l'action ne saurait
être nommé sujet, estiment ces auteurs. Le verbe assigne
à son premier actant un rôle sémantique. La fonction sujet
s'ouvre alors à diverses interprétations. Elle peut par
conséquent prendre plusieurs teintes selon le sens que lui impose son
verbe.
Sous un autre angle, Martinet (1979 : 153-158) et Leeman
(1990 :77-79) proposent plusieurs critères identificatoires du
même concept ; ils reconnaissent que le sujet est le groupe nominal
qui s'accorde avec le verbe. Il représente donc le principal terme de la
phrase qui modifie le verbe sur le plan morphologique ; il est le terme
préposé au verbe et appartient à la catégorie du
substantif. Pour Galichet (1971 : 116), si le mot qui énonce cette
fonction était subordonné au verbe, il serait possible de le
nommer sujet. Or, ce prétendu sujet subordonne le
verbe en lui imposant ses caractéristiques morphosyntaxiques. L'auteur
propose donc que ce terme soit désigné par
régent.
Toutes ces études montrent l'évidence de la
problématique que pose le constituant sujet et plus
précisément sa terminologie.
D'un ouvrage à un autre, la fonction sujet est
abordée dans ses aspects généraux. C'est à croire
que les grammairiens se préoccupent surtout de chercher les
critères opératoires capables de favoriser une identification du
sujet dans une phrase. Ces critères sont ceux qui doivent lever
l'équivoque ou le malaise que l'on éprouve à
définir cette notion.
La terminologie du sujet qui nous intéresse n'a pas,
à l'état actuel de nos recherches, fait l'objet d'une
étude. De tous les travaux réalisés à
l'université de Yaoundé I concernant la fonction sujet sur
lesquels ont porté nos investigations, nous n'avons pas trouvé un
seul qui se soit appesanti sur la désignation de ce constituant de
phrase. Cependant, il est à signaler les travaux d'Onguéné
Essono Ch. (2001 :135-136) sur l'incommunication en discours
pédagogique : le cas de l'enseignement de la fonction sujet.
L'auteur axe son analyse sur les méthodes d'apprentissage de la notion.
L'intérêt de ce travail est donc de lever un pan de voile sur la
pléthore des terminologies du constituant sujet. A ce propos, l'auteur
déclare
De nombreuses définitions du sujet émaillent
ouvrages de grammaire et manuels scolaires. Cet éparpillement est la
résultante inévitable d'une divergence d'approches
consécutives à une diversification des points de vue par lesquels
la notion est appréhendée. On distingue : le sujet
psychologique qui se présente comme le point de départ
de la pensée, le sujet logique assimilable [...] au
thème ou au topic, le sujet
sémantique qui fait ou subit l'action [...], le sujet
grammatical, élément qui précède le verbe.
La multiplicité d'appellations est une des
conséquences des divergences de vues relevées au niveau de la
définition du concept sujet.
Dans ce travail, nous nous fixons comme objectifs, sur le plan
épistémologique, d'identifier les critères qui
influencent les terminologies du sujet, de chercher les motivations de ces
différentes désignations et enfin d'amorcer
l'élaboration d'un répertoire des appellations de ladite notion.
Par ce travail, nous comptons apporter notre
modeste contribution à la connaissance des dénominations du
sujet, un aspect du sujet à ce jour occulté.
3 - CADRE THÉORIQUE
Notre étude, faut-il le souligner, porte sur les
différentes dénominations qu'utilisent les grammairiens pour
désigner le constituant sujet. Etant donné que nous analyserons
toutes les appellations du sujet, appellations qui recouvrent d'ailleurs
plusieurs théories grammaticales, nos analyses iront de ce fait de la
grammaire Antique aux différentes approches modernes de la notion en
passant par la grammaire classique. Il ne nous semble donc pas opportun de nous
confiner dans une théorie de référence, aucune d'entre
elles ne pouvant d'ailleurs couvrir la totalité de notre étude.
Néanmoins, pour analyser quelques valeurs sémantiques du sujet,
nous nous servirons des travaux de la grammaire casuelle d'Anderson et de la
critique que l'auteur fait de l'approche de Charles Fillmore.
Il convient cependant de relever que l'auteur fait une
étude sémantique des verbes. Bien que la grammaire des cas ne se
préoccupe pas de manière spécifique du constituant sujet,
elle nous permet de justifier certaines nuances de la notion que nous avons
dégagées au cours de nos lectures.
4 - MÉTHODOLOGIE
Dans la conduite de ce travail, nous avons, sur le
plan pratique, exploité plusieurs ouvrages de grammaire. De ces
lectures, nous avons tiré dix dénominations du
sujet, plusieurs valeurs et autres supports morphologiques dudit constituant.
Les appellations identifiées ont fait l'objet d'un dépouillement
qui a donné lieu à un classement par tendance. La
première relève de la sémantique et la deuxième
concerne la syntaxe.
Pour soutenir l'analyse de ces désignations, nous avons
constitué un corpus de 1500 occurrences tirées de quelques
numéros de Cameroon Tribune de la période d'octobre
à décembre 2003 ; les rubriques relatives à
l'économie et à la société ont tout
particulièrement retenu notre attention, en raison de la richesse et de
la diversité des thèmes qui y sont abordés. Par ailleurs,
ces occurrences ont été classées suivant les types des
dénominations du sujet rencontrées.
5 - PLAN DU TRAVAIL
Notre travail a un plan en trois chapitres. Le premier, qui
est un aperçu théorique de la fonction sujet va de la
période préclassique à la période moderne en
passant par l'âge classique. Ce chapitre se propose d'une part de passer
en revue les différentes définitions que le sujet a connues, de
circonscrire l'éventail de ses dénominations et d'autre part,
d'amorcer l'élaboration du répertoire des appellations. Il se
poursuit par la présentation des difficultés rencontrées
dans l'application, à certaines de nos occurrences, des
définitions que les auteurs donnent du sujet. Il s'achève par une
question essentielle : quelles peuvent être les répercutions
de cette diversité de vues sur les désignations du constituant
sujet ?
Le second débute l'analyse des désignations
sémantiques du constituant sujet. Cette description permet de
dégager le fondement de chaque appellation ; de rapprocher par la
suite le contenant du contenu, c'est-à-dire, d'établir le rapport
qui peut exister entre un terme et le nom que le grammairien lui
attribue ; et enfin, de rechercher chaque fois les motivations d'une
désignation. Ce chapitre présente, lorsque cela est
évident, les possibilités de multiplication de ces
dénominations.
Le troisième chapitre parachève l'analyse de
ces dénominations sur le plan syntaxique. Il a les mêmes
préoccupations que le chapitre précédent : regrouper
les désignations et vérifier si elles représentent,
toutes, des appellations particulières du sujet. Cette étude
aboutit à une préoccupation sérieuse : quel nom
attribuer au constituant sujet pour le mettre à l'abri des aléas
sémantiques, discursives et même stylistiques ?
Ce travail s'ouvre toutefois sur une question
délicate : l'impact de la multiplication des appellations sur la
recherche et l'enseignement.
CHAPITRE 1 : LA TERMINOLOGIE DU
SUJET :
APERÇU THÉORIQUE
Notion ancienne et fondamentale dans l'énoncé,
le sujet est le premier des deux éléments nécessaires
à la construction d'une phrase. Il est donc impossible de le supprimer
sans porter atteinte à la grammaticalité de la phrase.
L'étude du sujet présente un grand intérêt tant au
niveau de sa définition qu'à celui de ses terminologies. Ce
dernier aspect a principalement suscité notre intérêt.
Selon l'une des hypothèses de ce travail, les appellations de la notion
de sujet reposent sur ses définitions. Aussi, allons-nous consacrer ce
premier chapitre à une étude rétrospective des
différentes perceptions du sujet. Ce chapitre a donc pour objectif de
faire l'inventaire des désignations du sujet, d'établir une
relation entre l'évolution des définitions du sujet et celle de
sa terminologie.
Pour y parvenir, nous distinguerons dans notre analyse les
époques préclassique, classique et structurale.
1 - LA PERCEPTION PRÉCLASSIQUE DE LA FONCTION
SUJET
La période préclassique est subdivisée en
deux époques : l'Antiquité et le Moyen-Âge. Chacune de
ces époques analyse à sa manière la fonction sujet.
1-1. LE SUJET DANS L'ANTIQUITÉ
Nous n'avons pas pu trouver des textes originaux des auteurs
que nous avons mentionnés à ce niveau de notre travail.
Cependant, Chevalier (1968), Ducrot et alii (1995) retracent les
différentes approches des grammaires antiques, et nous avons
exploité leurs travaux pour présenter cette étape de
notre travail. C'est pourquoi les textes que nous avons cités ici ne
sont tirés que des auteurs sus-mentionnés. Ainsi, pour Ducrot et
alii (1995 :93), la notion de syntaxe est abordée dans le premier
traité grammatical grec de Denys de Thrace au IIème siècle
av. J.C. Au Vème siècle de notre ère, Priscien, repris par
Chevalier (1968 :28), traite de l'arrangement des mots,
arrangement qui vise à l'obtention d'une oraison parfaite. Pour les
Anciens, le locuteur et même le grammairien classe les mots dans le but
de bâtir une oraison, c'est-à-dire, un discours. Au cours
de cette combinaison, on constate une sorte de dépendance entre les
termes constitutifs de cette oraison. L'idée de fonction
résulte donc de cette relation liant le sujet et le prédicat. De
ces deux parties qui se dégagent, Lyons (1968 :12) en rappelle les
fondements en ces termes : le sujet d'un
prédicat désigne ce dont on dit quelque chose et
le prédicat est ce qui est dit du sujet. La
dépendance dont parlent les auteurs relève de la logique.
Au terme de la période Antique, le mot sujet
constitue l'unique appellation dudit constituant.
|