III Conclusions
Au terme de cette recherche, et sans vouloir
généraliser nos conclusions, nous pouvons néanmoins
prétendre que des troubles musculo-squelettiques peuvent être
facteurs de dysphonie dysfonctionnelle simple. En effet, les troubles posturaux
peuvent se répercuter sur chacun des étages de la phonation, que
ce soit sur la soufflerie pulmonaire par une limitation de la dynamique
respiratoire, sur le vibrateur laryngé par la répercussion des
tensions musculaires à la musculature péri-laryngée, ou
sur les résonateurs par une diminution de leurs capacités
vibratoires. Ainsi, plus de 90% de la population étudiée ici
présente une dysphonie. Cependant, une analyse plus fine exigerait une
observation précise de la posture, en situation de phonation, de sujets
souffrant de déséquilibre postural.
En outre, la grande proportion de sujets avec une dysphonie de
type 1 et l'absence de population témoin dans notre étude, posent
la question de la pertinence de la classification en 5 types de dysphonie. En
effet, il est fort probable qu'une étude de la voix de sujets tout
venant retrouve une proportion de dysphonie légère
équivalente à la nôtre.
Notre étude relève également une mauvaise
gestion du souffle phonatoire chez les sujets présentant des troubles
musculo-squelettiques. Cette mauvaise gestion de la coordination pneumophonique
induit sans doute les altérations des différents
paramètres acoustiques de la voix que nous avons observées. Les
recherches futures pourront s'attacher à mettre en liens les
stratégies respiratoires de sujets en phonation, et la posture.
D'autre part, même si les qualités acoustiques de
la voix des sujets avec troubles musculo-squelettiques sont
altérées, aucun des sujets de notre étude ne se
considère comme dysphonique, ce qui confirme notre deuxième
hypothèse. Car, le statut de « dysphonique » dépend
beaucoup du ressenti, subjectif, du patient. Une citation d'Ammann
résume ce qui a déjà été dit à ce
sujet: « combien d'individus ignorant leur fonctionnement vocal
réel, se découvriraient un trouble de la voix s'ils se
lançaient dans un travail vocal... »196 . Ainsi, nous
avons peu traité dans ce mémoire du versant psychologique,
ô combien important dans la dysphonie. Quelques articles
196Ammann L. (1999), De ía voix en orthophonie,
Marseille: Solal (collection le monde du verbe), p89.
récents mettent en évidence les liens
étroits qui unissent la posture, les émotions et les
réflexes posturaux. Par exemple, il a été
démontré qu'une hypertonie posturale induisait une hypertonie des
muscles de la face et une hypersensibilité émotionnelle. Aussi,
les liens entre émotions et posture mériteraient sans doute
d'être approfondis.
Par ailleurs, nous avions posé comme hypothèse
que la sévérité de la dysphonie serait proportionnelle
à la gravité des troubles musculo-squelettiques. Nos
résultats infirment cette hypothèse. La dysphonie relevant de
multiples facteurs, même si un trouble postural peut être
considéré comme un facteur, sinon déclenchant, tout du
moins favorisant, il ne semble pas exister de critère postural
spécifique induisant une dysphonie.
Enfin, plusieurs études ayant corrélé les
dysphonies dysfonctionnelles à la présence de déplacements
excessifs du centre de gravité sur l'axe
antéro-postérieur, sans pour autant pouvoir s'accorder sur le
sens de ces déplacements, nous avons cherché à savoir si
une dysfonction en Y particulière intervenait dans la pathologie vocale.
Nos expérimentations n'aboutissent pas à une conclusion
tranchée sur cette question. Au contraire, l'analyse des
corrélations met en avant que la dysphonie dysfonctionnelle ne semble
pas liée spécifiquement à une dysfonction en Y.
En somme, nous avons vérifié notre
hypothèse principale. Des troubles posturaux peuvent induire une
dysphonie dysfonctionnelle simple. Cependant, nous retiendrons de cette
recherche que l'idéal phoniatrique, au sens d'un « larynx sain,
dans un corps sain, chez un individu psychologiquement sain
»197 n'a que peu de sens. Car, chaque individu a ses propres
potentialités, vocales, posturales ou autres, qu'il exprime à sa
manière. Un des rôles de l'orthophoniste pourrait être, de
permettre au patient d'accéder à « l'être bien dans sa
voix », en accompagnant chacun dans l'expression et le
développement de ses potentialités.
197Ammann L. (1999), p24, Op. cit. p133.
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