V.3.2 La respiration dans la dysphonie
D'après Giovanni, les manifestations du forçage
vocal relèvent de problèmes respiratoires, aérodynamiques
et posturaux174. En effet, lorsqu'il y a forçage vocal, les
possibilités de mouvement des éléments du système
respiratoire sont limitées. Ces limitations vont se répercuter
sur la posture ainsi que sur la phonation.
V.3.2.1 Bilan et prise en charge de la respiration dans la
dysphonie
Tous les organes, muscles, os, vaisseaux et nerfs du corps
sont recouverts de tissus qui les relient entre eux. Or, ces tissus ont
tendance à se rétracter lorsqu'un excès de travail n'est
pas compensé par un étirement. Le diaphragme, par exemple, est un
muscle qui a tendance à se contracturer facilement
(particulièrement suite à l'expression d'un état
émotionnel), et qui se détend difficilement. Toutes les
structures du corps prenant la suite les unes des autres, une rétraction
musculaire, à un endroit précis, peut se transmettre à
d'autres muscles, plus ou moins éloignés. Lorsque ces tensions
siègent ou se répercutent au niveau de la musculature
respiratoire, les mouvements respiratoires sont entravés.
Pour cette raison, il est essentiel d'observer les raideurs
posturales et les zones d'immobilité respiratoire du patient pendant la
phonation. Le bilan d'une dysphonie comportera donc un examen approfondi:
-des structures respiratoires: cage thoracique, région
abdominale et
région cervicale
-du ou des type(s) de respiration
-des possibilités respiratoires du patient:
capacité vitale, débit d'air
oral, TMP, ...
Enfin, l'objectif du travail respiratoire, dans une prise en
charge de la dysphonie, est de permettre au patient de (re)trouver une
mobilité fonctionnelle, sans installer un geste mécanique, raide
et inefficace, où les tensions auraient été
déplacées.
174Giovanni, A., Op. cit. p36.
V.3.2.2 Dysfonction des mécanismes
respiratoires
Chez les sujets dysphoniques, la faible amplitude du
diaphragme et le peu d'action des abdominaux entraînent bien souvent le
recrutement des muscles respirateurs accessoires lors de la phonation.
Le recours à l'utilisation des muscles
sterno-cléïdo-mastoïdiens et des scalènes a pour effet
de projetter la tête en avant et de mettre en tension la musculature de
la suspension laryngée.
Le recrutement des intercostaux, internes et externes, permet
au sujet dysphonique de maintenir une capacité respiratoire suffisante.
Mais cela ne permet pas une bonne régulation de l'expiration. En effet,
l'élasticité passive des muscles inspirateurs accessoires les
pousse à reprendre leur position de repos, chassant ainsi l'air des
poumons. L'air expiré est donc mal géré. En début
de phonation, la pression sous-glottique est trop forte, ce qui provoque des
attaques en coup de glotte, néfastes pour les muqueuses
laryngées, ainsi que des tensions laryngées excessives. L'attaque
brutale du son est suivie d'une baisse rapide de la pression sous-glottique. Le
sujet dysphonique se voit donc obligé d'augmenter les tensions
laryngées pour pouvoir terminer ses phrases.
De plus, même au prix d'efforts importants, le TMP d'un
patient dysphonique reste souvent plus court que la moyenne. De nombreuses
études évoquent le fait que les sujets dysphoniques ont tendance
à terminer leurs phrases avec un volume pulmonaire moindre que la
moyenne. Or, un faible volume pulmonaire modifie la verticalité du
larynx et la pression sous-glottique, ces deux paramètres favorisant
l'adduction brutale des cordes vocales175. En effet, il semblerait
qu'un volume pulmonaire élevé permette une adduction plus souple
qu'un faible volume176.
Par ailleurs, les tensions de la suspension laryngée se
répercutant sur la langue et le voile du palais, le sujet doit fournir
un effort supplémentaire pour articuler, créant des tensions
supplémentaires au niveau du cou et de la mâchoire.
175Iwarsson J., Sundberg J. (1998), << Effects of lunge
volume on vertical larynx position during phonation, Journal of Voice,
12; 159-165.
176Iwarsson J., Thomasson M., Sundberg J. (1998)<< Effects
of lung volume on the glottal voice source », Journal of Voice,
12,4; 424-433
Toutes ces tensions de la partie supérieure du tronc
ont un effet sur l'équilibration du sujet et sur la position de son
centre de gravité. Le patient dysphonique est alors obligé de
mettre en place des adaptations et des compensations posturales
particulières.
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