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L'énergie et le processus de mise en valeur du Cameroun français (1946-1959)

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par Moà¯se Williams Pokam Kamdem
Université de Dschang - Maitrise 2007
  

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III. LA PLACE DE L'ENERGIE DANS LE PLAN D'EQUIPEMENT

L'énergie, de par son caractère vital et hautement capitalistique109(*), est l'un des secteurs d'activités les plus concernés par la planification. En effet,

La mise en oeuvre de (...) plans suppose une planification rigoureuse du secteur de l'énergie justifiée par la part de l'énergie dans le PIB du pays, par son rôle moteur dans l'économie et par ses besoins de financement qui viennent concurrencer ceux des autres infrastructures et des autres secteurs110(*).

La formulation des plans d'équipement de l'Outre-mer français accordait donc vraisemblablement une certaine place à l'énergie. Quelle place les rédacteurs de ces plans avaient-ils réservée à l'énergie ?

A. La notion d'énergie dans le plan d'équipement

Le texte du plan d'équipement du Cameroun accordait une certaine place à la notion d'industrialisation. L'industrialisation désigne un

... mouvement économique historique de grande ampleur de développement d'activités de transformation par l'homme des produits primaires en s'aidant d'un important capital technique fixe. Dans ce sens, l'industrialisation ou développement de l'industrie se traduit au plan des structures économiques par le recul de l'agriculture111(*).

L'offre d'énergie est fortement liée à cette dernière notion car, l'implantation d'une entreprise industrielle dans un site donné est subordonnée à l'existence de voies de communication y conduisant et, à la présence sur place d'une source d'énergie nécessaire à son fonctionnement112(*).

Jusqu'au début de l'exploitation pétrolière au Cameroun en 1977 et même après, la perception de la notion d'énergie était très souvent confondue à celle de l'électricité et davantage à celle de l'hydroélectricité. Pourtant, l'énergie comporte une diversité de formes et d'origine. L'administration française au Cameroun constatait cependant en 1955 que "La seule source d'énergie actuellement connue et exploitable au Cameroun est l'énergie hydraulique"113(*). En effet, la recherche d'autres sources d'énergie ne portait encore que peu de fruits. Le cas particulier du bois, bien que ce travail n'en fasse autre mention, mérite qu'on en dise quelques mots.

Le bois est la source d'énergie la plus utilisée ; et bien que des permis de coupe aient été attribués par l'administration, les activités y liées sont demeurées marginales. Certaines statistiques regroupent souvent sans les différencier les coupes de bois servant à la construction et les coupes de bois de chauffage. Ces mesures faussent ainsi les calculs afférant au bois- énergie; il n'existe pas toujours au Cameroun de statistiques fiables dans ce domaine. En 1958 d'ailleurs, le service des statistiques d'Outre-mer reconnaissait la non comptabilisation des coupes de bois de chauffage au Cameroun et tentait de justifier cela par le caractère non industriel de cette source d'énergie114(*).

Ainsi, on ne s'étonne pas de ce que le plan d'équipement du Cameroun, centré sur l'implantation d'industries de transformation, ne fasse allusion qu'à l'électricité et au pétrole dans une certaine mesure.

B. Les principaux projets énergétiques retenus dans le plan d'équipement

Le plan d'équipement à l'étude dès 1946 visait entre autres à combler les déficits énergétiques du Territoire et anticiper les besoins futurs. Nous analysons ici la place accordée à l'énergie électrique et aux énergies fossiles.

1. Les besoins énergétiques suscités par le plan

La logique d'industrialisation qui semble sous-tendre les plans d'équipement exigeait un apport considérable en énergie. Le tableau qui suit tente de retracer l'enjeu qui s'imposait au Cameroun en matière d'énergie, de 1938 à 1957.

On peut le constater, les besoins du Territoire après la Deuxième Guerre ont quasiment décuplés ; le développement des transports sous l'ère du plan a favorisée l'importation croissante des produits pétroliers. Avant la fin de la guerre, le charbon perd progressivement sa place de source d'énergie privilégiée au profit du pétrole ; cette évolution n'est cependant pas propre au Cameroun115(*). La comptabilisation de l'énergie hydroélectrique dès 1953 résulte de la mise en fonctionnement cette année là de la centrale d'Edéa et des augmentations de sa puissance jusqu'à 1957.

Tableau VI: Evolution de la consommation d'énergie au Cameroun en tonnes équivalents charbon116(*) (situation à la fin 1957) unité 1000 tonnes

 

1938

1949

1953

1956

1957

Charbon importé

7,21

38,7

8,95

0,58

1,01

Produits pétroliers importés

10,6

44,5

91,0

122

132

Energie hydroélectrique

-

-

3,4

17,6

138

Source : service des statistiques d'Outre-mer, Outre-mer 1958..., p.339.

2. La place de l'énergie électrique dans le plan

Le plan décennal, la France l'a toujours revendiqué, se voulait directif mais souple.117(*) Il est indéniable que le principal projet énergétique lancé par le plan ait été l'aménagement du barrage et de la centrale hydroélectrique d'Edéa. Ce projet intégrait le chapitre IX (forces hydrauliques et électricité). Une abondante littérature existe sur cet aménagement, et nous en dirons encore quelques mots118(*). Edéa avait été réalisé pour palier à un possible déficit énergétique qui freinerait l'implantation et le développement d'industries au Cameroun, mais principalement dans la zone de Douala. C'est dans ce sens que Flavien Tchapga affirme que l'intérêt du développement de l'électricité en Afrique, à cette époque était lié à la nécessité "d'améliorer la compétitivité de certaines industries métropolitaines grosses consommatrices d'énergie à travers l'amélioration des conditions de leur approvisionnement"119(*).

L'une des caractéristiques de l'énergie électrique reste cependant la difficulté technique à la transporter sur de grandes distances. Louis -Paul Aujoulat, dans un discours prononcé le 5 février 1954 lors de la cérémonie d'inauguration du barrage et de la centrale d'Edéa, n'hésita pas à tourner en dérision les utopistes prêts à

... nous entraîner vers des perspectives absolument stupéfiantes, en nous montrant des lignes de haute tension qui, parties d'Edéa, se rendraient jusqu'en France, pour restituer à la métropole, sous la forme des kilowatts dont elle marque, les bienfaits de toutes sortes dont elle a enrichi ce pays.120(*)(Sic).

Il était logique que les industries intéressées par cette offre d'énergie s'installent dans la zone de Douala ou à Edéa. Dans la version du plan décennal arrêtée en 1951, l'aménagement d'Edéa intégrait ainsi le processus d'industrialisation.

Le chapitre IX incluait également l'électrification des principaux centres du Territoire. L'électricité joue un rôle particulier : par sa facilité d'utilisation et la multiplicité de ses usages, elle contribue à la qualité de la vie des populations qui en bénéficient et elle est souvent considérée comme un puissant facteur de développement économique. Pourtant, l'électricité reste un luxe au Cameroun jusqu'aux débuts de la décennie 1950. Il s'est développé dans l'ensemble de l'Outre-mer d'Afrique un intérêt pour l'électrification. Dans une correspondance adressée le 3 décembre 1948 aux administrateurs en poste en Outre-mer, Tony Revillon, alors secrétaire d'Etat à la France d'Outre-mer, soulignait :

Je n'ignore ni l'intérêt d'une électrification rapide des Territoires d'Outre-mer, base indispensable de leur développement industriel et social ; ni le désir de tous les centres de quelque importance susceptibles d'être électrifiés, d'accéder simultanément et dans les moindres délais aux bénéfices de l'électricité...121(*)

Le plan décennal prévoyait ainsi un programme d'électrification par étapes pour une quinzaine de centres : Douala, Yaoundé, Nkongsamba, Maroua, Dschang, Edéa, Garoua, Kribi, Foumban, Ebolowa, Ngaoundéré, Eséka, Mbalmayo, Bertoua, Bafang et Bétaré Oya. Ces différents travaux devaient se réaliser, selon les conditions techniques, soit par l'aménagement de sites hydroélectriques, soit par la construction de centrales thermiques.

3. La place de la recherche minière énergétique

Le chapitre VII du plan était consacré aux mines. Dans l'ensemble, le développement qu'avait connu l'activité minière, au titre de l'effort de guerre122(*), se dégrada après 1944. Il s'agissait alors d'insuffler une nouvelle dynamique à cette activité. Dans le cas précis de l'activité minière énergétique123(*), la mauvaise connaissance des sources d'énergie fossile du Cameroun semble avoir limité les initiatives de planification. Ceci relève encore du caractère précipité du plan, comme le souligne Salomon Njoh124(*). La recherche fut donc privilégiée dans ce cas et justifie, a posteriori, l'intervention d'organismes publics, de sociétés d'économie mixte et surtout l'implication de fonds issus de la section générale du FIDES. Dans un de ses rapports, la commission de modernisation des Territoires d'Outre-mer mentionnait que "La mise en valeur méthodique des territoires d'Outre-mer n'est pas concevable sans une connaissance du milieu qui doit être acquise avec tous les moyens et toutes les méthodes de la science moderne"125(*). Ainsi par exemple, d'importants moyens furent mis en oeuvre pour la réalisation de la carte géologique du Cameroun126(*).

En clair, contrairement à la France où la planification avait pour but de répondre et d'anticiper sur la demande d'énergie, le plan décennal du Cameroun tendait à créer cette demande127(*) et les moyens de la satisfaire. Le plan décennal restait donc à différents égards peu précis dans le domaine énergétique, laissant la possibilité d'en préciser les orientations d'après les fruits de la recherche et de la demande territoriale et métropolitaine nouvelle. De 1946 à 1959 alors, la recherche d'énergie au Cameroun recouvrit deux aspects ; à savoir l'essor de la production d'énergie électrique et la prospection minière énergétique. Il faut ici souligner que la planification est un élément de la politique économique coloniale. Celle-ci est certes faite de lois, décrets et projets ; mais, elle est également liée à de nombreux aléas. Par conséquent, il est indiqué de ne pas se limiter aux seuls textes. "Entre le discours officiel et la réalité des décisions prises, précise J. Marseille,... il y a le monde des retouches et des compromis."128(*)

CHAPITRE III : L'ESSOR DE L'ENERGIE ELECTRIQUE AU CAMEROUN (1947-1959)

L'une des initiatives les plus remarquées au cours du plan d'équipement a été la mise en oeuvre de la "politique spectaculaire des grands barrages",129(*) aussi bien en France métropolitaine qu'en Afrique noire. Au Cameroun, cette politique a donné lieu à la construction du barrage et de la centrale hydroélectrique d'Edéa. Mais au-delà de cette réalisation, c'est la production de l'énergie électrique aussi bien hydroélectrique que thermique qui avait été ainsi boostée. En effet, le plan d'équipement alors appliqué à travers l'Union française donnait un rôle prépondérant à l'énergie électrique : stimuler l'industrialisation et servir la modernisation. Dans le cas spécifique du Cameroun, il va s'agir alors de relever l'intérêt qu'a constitué la production de l'électricité dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale ; mais également de revenir sur certains aspects de l'aménagement hydroélectrique d'Edéa, que les travaux qui foisonnent à ce sujet ne prennent pas suffisamment en compte.

I- LES DEFIS ET LES ACTEURS DU SECTEUR DE L'ELECTRICITE AU CAMEROUN APRES LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la production d'énergie électrique au Cameroun allait connaître un développement considérable. Le symbole en fut la construction de barrage d'Edéa. On ne pourrait toutefois passés sous silence d'autres initiatives telles que l'électrification du Territoire. C'est alors le lieu de s'interroger : quels enjeux guidaient cet essor ? Quelle stratégie, du point de vue structurel, sous-tendait cette évolution ?

* 109 Avec l'industrie lourde et la construction navale, l'énergie fait partie des activités qui requièrent le plus d'importants capitaux.

* 110 IEPF, Guide de l'énergie, Paris, Ministère de la coopération et du développement, 1988, P.45.

* 111 A. Silem, J.-M. Albertini, Lexique d'économie, Paris, Dalloz, 2004, p.402.

* 112 G. Ndjieunde, "La création des entreprises industrielles au Cameroun de 1950 à 1970, thèse complémentaire de sciences économiques, Paris, Université de Paris Dauphine, 1971, p.108.

* 113 Rapport annuel du gouvernement français...année 1955, p.9.

* 114 Service des statistiques d'Outre-mer, Outre-mer 1958..., p.330.

* 115 J.T. Markovitch, L'industrie française de 1789 à 1964. Analyse des faits, Paris, Institut de science économique appliquée, 1966, p.116. D'après lui, la période de 1930-1950 s'inscrivait comme une longue période de décroissance et de stagnation de la production de charbon.

* 116 TEC (tonne équivalent charbon) : unité de mesure internationale servant à établir des équivalences entre différentes formes d'énergies. L'usage de la TEP (tonne équivalent pétrole) est plus répandue.

* 117 Saller, "Vingt-cinq années de développement...", p.192.

* 118 Infra.p. 59-69.

* 119 F. Tchapga, "L'ouverture des réseaux électriques des pays d'Afrique subsaharienne aux capitaux privés : choix organisationnels et contraintes institutionnelles", thèse de doctorat en sciences Economiques, Paris, Université de Paris XIII, 2002, sur www.grpm.net/documents/Flavien-Tchapga/theseflavo2.pdf.

* 120 "Discours de M. Louis- Paul Aujoulat", in Radio Presse, n°1097, mercredi 10 février 1954, p.2.

* 121 ANY, 1AC527 (1), Copie de la lettre du secrétaire d'Etat à la France d'Outre-mer relatif à l'établissement d'un ordre pour exécution des travaux d'électrification, 3 décembre 1948, p.2.

* 122 H.M. Tchemo, La francophonie de sang, 1940 : Aperçu sur l'effort de guerre en Afrique centrale (AEF -Cameroun), Yaoundé, CLE, 2004, p.56.

* 123 Tout au long de ce travail, nous désignons par activité minière énergétique, l'exploration, la prospection et l'exploitation de pétrole, gaz, charbon ou uranium.

* 124 Njoh, "Le FIDES et son impact..., p.62.

* 125 ANY, 2AC49 (8), Recherches. Plan de modernisation..., p.1.

* 126 Rapport annuel du gouvernement français...Année 1955, p.80.

* 127 R. Hoffherr, "Le Cameroun, exportateur d'énergie", in Marchés coloniaux du monde, n°340, samedi 17 mai 1952, p.1569.

* 128 Marseille, Empire colonial..., p.384.

* 1.B. Chenot, Les entreprises nationalisées, Paris, PUF, 1983, p.42. De nombreux barrages furent ainsi construits aussi bien en métropole (Génissiat, Donzère-mondragon...) qu'en outre-mer (Djoué au Congo, Edéa au Cameroun...).

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry