Annexe 3 : Extrait du plan général
d'équipement du Cameroun
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INTRODUCTION
La loi du 30 Avril 1946 disposait dans son article
1er, que le Ministre de la France d'Outre-mer devait établir
pour chacun des Territoires relevant de son autorité des plans de
développement économique et social portant sur une période
de 10 années
L'intervention des réformes politiques et les pouvoirs
attribués aux Assemblées locales ont conduit à demander
aux Territoires eux-mêmes, dans le cadre de directives communes, de
penser leur propre avenir et de bâtir leur plan de
développement.
Deux plans d'équipement furent soumis à
l'Assemblées Représentative du Cameroun et au
développement en 1946 puis en 1948, mais ne furent pas
présenté à l'approbation des Assemblées
parlementaires selon les formes prescrites par la loi.
L'expérience des premières années
d'exécution du plan permet, semble-t-il, au moment où est fait
le point des premiers travaux et à la veille d'entreprendre une
deuxième tranche de réalisation, d'exposer les
caractéristiques essentielles du plan général
d'équipement du Territoire.
Avant de faire, dans cette introduction, quelques remarques
générales sur la présentation de l'ouvrage et de brosser
un tableau du Cameroun économique et humain, on essayera de
définir les principes et les méthodes de ses plans où
l'esprit géométrique et l'esprit de finesse, la souplesse et la
rigueur, doivent, tour à tour s'opposer et se combiner.
Si un plan doit être en quelques sortes une projection
dans l'avenir, une création de la pensée, de l'imagination
généreuse et de la foi, ce ne peut être que sur le
contrôle de ses pratiques et de ses méthodes.
C'est d'abord un inventaire des besoins et des ressources et
la désignation exacte des objectifs à atteindre. C'est un rappel
constant et de tous les moments du devoir de tous, car le plan comporte une
échéance, il convient de présenter à
l'échéance des traites honorées.
C'est également un ensemble hiérarchisé
où les différentes urgences nées de l'inventaire doivent
se situer chacune à leur place. C'est commande un choix d'homme, un
jugement de valeur que l'on porte sur les choses et sur les besoins des
hommes.
C'est aussi une discipline, car il n'y a pas de Plan s'il n'y
a pas d'obéissance au Plan.
C'est enfin la définition et la création des
moyens à mettre en oeuvre, et notamment de l'instrument financier.
Le plan, tel qu'il a été conçu en 1946,
associe dans un développement concomitant l'économique et le
social; c'est dans une large mesure l'économique qui gage le politique
et qui rente le social.
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Un développement économique, sans un
développement social correspondant constituerait, une oeuvre
imparfaite.
Un développement social qui ne prendrait pas appui sur
un développement économique solide créerait une oeuvre
vaine et fragile et préparerait des déconvenues.
Ces principes une fois rappelés, les méthodes
simples et de bon sens qui président à la réalisation du
Plan s'appuient sur la notion d'un grand ensemble économique constituant
un tout exploitable.
Cette notion suppose certaines conditions qui sont l'emploi
rationnel de la main-d'oeuvre, la rentabilité et le rendement optimum.
Ces conditions seront satisfaisantes si, au premier rang des
préoccupations est inscrite une espèce de règle d'or qui
sera la recherche à tous les moments de la concentration des efforts et
des moyens, la discipline de travail et l'intégration dans un tout
cohérent des projets du secteur public, du secteur mixte et du secteur
privé.
Il ne faudrait pas conclure, cependant, qu'en vertu de ces
principes et de ces méthodes, l'action est enfermée dans des
règles trop rigides. Le Plan doit conserver une certaine
adaptabilité et une certaine souplesse.
Le Cameroun n'est pas, en effet, un pays où
l'inventaire économique est définitivement établi. Aucune
comparaison n'est possible avec les vieux pays d'Europe dont toutes les
richesses existantes ou potentielles sont cataloguées et
classées, où chaque besogne a son titulaire bien
spécialisé.
On doit, par conséquent, faire face parfois à
des situations imprévues, à des à-coups dus au milieu
physique ou au milieu humain. Il faut donc conserver cette possibilité
d'adapter à tous moments le Plan sans pour autant renoncer de
façon décisive aux éléments de doctrine
décrits plus haut.
Ces éléments caractérisant le Plan comme
moyen. Mais une mûri et adopté, il devient une fin en soi,
dès lors qu'il s'est donné pour objectif majeur et constant
d'apporter des solutions aux trois grands problèmes qui dominent toute
action humaine dans ce Territoire, à ces trois constantes qui sont
l'homme, le sol et la distance, et qui combinent à chaque instant leurs
effets : l'homme inscrit son action sur le sol, la distance le sépare
des autres hommes.
Il faut vaincre la distance, maîtriser le sol pour que
l'homme vive mieux, et sur un sol rénové, sur une distance
comblée et presque vaincue, il sera possible d'assurer à l'homme,
but et moyen des conditions nouvelles de vie, toutes les chances de sa
destinée.
Si le Cameroun offre bien des richesses naturelles encore
inexploitées, il présente certains obstacles et
caractéristiques qu'il faut avoir présents à l'esprit, de
façon à y adapter les ensembles à mettre en oeuvre.
![](Lenergie-et-le-processus-de-mise-en-valeur-du-Cameroun-franais-1946-195917.png)
Situé entre l'Afrique Equatoriale Française et
le Nigéria, le Cameroun dessine un triangle de 452.000 km2, dont la base
s'appuie sur le deuxième degré de latitude Nord et le sommet
rejoint le lac Tchad un peu en dessous du treizième parallèle. Il
baigne dans l'Océan Atlantique par 200 kms de côte et sa
population est de 3 millions d'habitants dont 12.000 Européens en 1950.
Au point de vue géologique, la presque totalité
du Cameroun appartient au socle primaire africain tâcheté de
roches volcaniques par places (Mont Cameroun, Falaise de
Ngaoundéré). Cet ensemble primaire est complété par
3 bassins sédimentaires.
-celui du Sud-Ouest (Douala) où se jettent les
principaux cours d'eau du Cameroun
- celui du Nord, le long du Logone jusqu'au lac Tchad,
- celui de Garoua, sur la Bénoué.
Le relief est élevé (chaînes de l'Ouest de
1.500 à 2.000 mètres, plateau central de 800 à 1.500
mètres) et tombe brusquement sur la rive gauche de la
Bénoué tandis que le massif montagneux de l'Ouest descend en
gradins vers la plaine côtière, étroite et
marécageuse.
En raison de ces traits du relief, le réseau
hydrographique apparaît sans aucune unité, le plateau central
étant un centre de dispersion des cours d'eau : - Bassin de
1'0céan avec le Wouri, la Sanaga, le Nyong, le Ntem, tous barrés
de chutes et de rapides aux approches de la mer
- Bassin du Congo, avec la Sangha
- Bassin du Logone, se dirigeant vers le Lac Tchad
-Bassin de la Bénoué, rivière praticable
pendant 2 mois entre Garoua et l'Océan.
Le climat, comme celui de toutes ces régions de
l'Afrique, se modifie largement à mesure que l'on va vers le Nord.
Au Sud, en raison de la présence de massifs
montagneux élevés (Mont Cameroun: 4.000 mètres) et de
l'indentation de la côte les précipitations sont
considérables (Douala de 4 à 6 m d'eau par an avec une
température moyenne de 26°). Sur les plateaux, à la limite
de la forêt équatoriale, Yaoundé a une température
moyenne de 22° et reçoit 1 m 50 de pluie par an.
Dans les montagnes de l'Ouest, Dschang à 1.400
mètres d'altitude, voit la température s'abaisser à
20° (minimum absolu de 9°) avec 2 mètres de pluie.
Au Nord, enfin, Maroua présente toutes les
caractéristiques d'un climat Soudanien avec 80 cms de pluie par an et
une température moyenne de 29°.
Tous ces traits, climat, sol et réseau
hydrographique, font apparaître le manque d'unité
géographique du Cameroun.
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On peut y distinguer 4 régions fort dissemblables
les unes des autres :
- La Région Sud, forêt équatoriale
dense, tombant jusqu'à la mer, climat chaud et humide, terre riches et
peuplées dans la partie Ouest, désertes à l'Est (15
à 20 habitants au km2 entre Yaoundé, et Douala).
- La Région montagneuse de l'Ouest, au climat
très frais, humide et brumeux, composée partie terres volcaniques
extrêmement fertiles et possédant une population très
dense (50 habitants km2 régions de Dschang).
-La région centrale du haut plateau, entre
Sanaga et Bénoué, de climat sec et de sol en partie
latéritique, est au contraire le domaine de ,la savane de moins en moins
arbustive à mesure que va vers le Nord. La population est peu dense,
certaines zones étant même totalement inhabitées (en
moyenne 2 à 3 habitants au km2).
-Au Nord de la Bénoué, comme dans les
régions du Logone et du Tchad la savane devient peu arbustive et les
épineux apparaissent. Le pays bien drainé par les affluents du
Logone et de la Bénoué, est le domaine du bétail. Il
possède une population dense (15 à 20 habitants au km2).
Ainsi peut se concrétiser la physionomie du Territoire
:
Une zone sans habitants, constituée par le plateau
central et le massif forestier de l'Est et deux pôles attractifs, l'un
au Nord, d'économie pastorale, l'autre au Sud-Ouest plus important,
possédant à la fois une population dense et
d'intéressantes ressources naturelles ; il est desservi cependant par
de grandes difficultés de pénétration et un climat
particulièrement humide.
Ces caractéristiques vont dicter impérativement
l'orientation à donner aux travaux d'infrastructure ainsi qu'on aura
l'occasion de le constater ultérieurement.
Quant à la physionomie économique du Cameroun,
elle était, jusqu'en 1946, essentiellement une économie de
cueillette et de traite dont le port de Douala était le coeur et la
raison d'être. Toute la production intérieure convergeait vers
Douala d'où se répandait, en retour, sur le pays, une
importation" de traite".
Mais l'exploitation des richesses forestières restait
rudimentaire et se bornait à l'exportation des grumes de bois
précieux, Quant à l'extraction minière, elle ne
représentait qu'une très faible partie du revenu du Territoire.
Le Cheptel du Nord, quoique valorisé par une lutte efficace contre les
épizooties, restait exploité sur les axes traditionnels de Kano
et de Fort-Lamy, sans bénéfices pour la partie Sud du Territoire.
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L'équipement économique répondait aux
exigences de ces activités agricoles et forestières et se
concentrait sur les axes d'évacuation ferroviaires et routiers.
Au total, économie précaire éminemment
vulnérable et qui n'impliquait la mise en valeur que d'une partie du
Territoire, ce qu'on appelle le "Cameroun utile" et qui est
limitée à une bande, de 300 kms autour de Douala.
Enfin, la division du Cameroun en deux parties, Nord et Sud,
sensiblement égales en populations, différenciées par
leurs coutumes, leurs productions, leurs langues et leurs religions correspond,
au point de vue humain, à deux ensembles indépendants l'un de
l'autre:
- au Nord, la majorité de la population est musulmane,
et reste attachée à une économie basée sur
l'élevage; elle répugne à sortir de son cadre naturel.
- au Sud, les populations animistes ou christianisées,
quittent volontiers leur terroir pour s'employer soit dans les villes, soit sur
les plantations. Parmi les habitants de ces régions, mention doit
être faite des Bamiléké des collines de l'Ouest qui sont
bons cultivateurs et commerçants avisés.
C'est sur ce fond de décor que s'applique le plan
général, de développement économique et social du
Cameroun inaugurant une période de plein emploi économique, de
mise en valeur rationnelle des richesses du Cameroun utile et associant, par
une infrastructure moderne les activités pastorales et agricoles des
populations du Nord et du Sud.
Quelques remarques seront faites, pour terminer, sur la
présentation et le fond de cet ouvrage.
La définition adoptée pour le Plan est celle
donnée dans la circulaire d'application du décret n°49 - 732
du 3 Juin 1949 :
"Les Plans expriment essentiellement le sens dans lequel
doivent tendre les efforts de développement, indiquent les volumes
respectifs des différents ensembles à promouvoir, ainsi que les
principales réalisations qui les constitueront."
C'est très exactement dans cet esprit qu'est
rédigé le présent Plan Général de
Développement Economique et Social du Cameroun.
La première remarque à faire est que le
coût des projets dont la description est donnée dans les chapitres
suivants garde un certain caractère approximatif. Il ne s'agit nullement
d'un devis précis. On s'est donc attaché à respecter les
grandes masses de crédits à attribuer à chacun, des
secteurs de développement.
Deuxièmement, a été soulignée la
diversité des moyens de financement auxquels le Territoire a recours,
qu'il s'agisse des capitaux mis à la disposition du Territoire par le
FIDES ou des investissements privés ou des différentes
facilités accordées par des organismes de crédits tels que
la Caisse Centrale de la France d'Outre-Mer, ou bien encore des fonds investis
en biens d'équipement par le Territoire lui-même.
![](Lenergie-et-le-processus-de-mise-en-valeur-du-Cameroun-franais-1946-195920.png)
Cet aspect financier explique que le titre "Plan
Général" a été substitué à celui de
"Plan d'équipement" de façon à souligner clairement qui
ont été décrites dans toute la mesure du possible toutes
les opérations concourant au développement du Territoire et non
pas seulement celles financées par le FIDES. Il est à noter
à ce sujet, que tel ou tel projet a été mis à la
charge du FIDES ou du Territoire, mais il est fort possible qu'a
l'exécution, compte tenu des circonstances du moment, le projet en
question soit financé sur un autre fonds que celui prévu
initialement. Là encore, ce qu'il est intéressant de retenir,
c'est le chiffre global qui, en définitive, sera investi.
Une troisième observation est faite quant au rythme des
investissements et des travaux. A additionner la cadence des
réalisations souhaitées par chaque Service, il semblait, en 1947,
qu'on devait enregistrer une très forte pointe de consommation des
crédits en 1950-52. En réalité, ce n'est pas sous cette
forme qu'il convient d'aborder le problème, mais au contraire de partir
de la notion de capacité d'exécution du territoire,
constituée par l'ensemble des moyens de consommation de crédits
que représentent l'équipement des services en personnel et les
outillages des entreprises chargées des grands travaux. C'est une
observation de fait qui amène à considérer cette
capacité de consommation du Territoire à 3,5 milliards par an.
La définition qui a été donnée du
Plan et les observations faites ci-dessus dictent d'elles-mêmes le plan
de l'ouvrage. Dans le cadre des grands chapitres consacrés au
développement social, à la production et à
l'infrastructure, seront décrits les projets (le projet étant un
tout exploitable d'une manière autonome, ainsi qu'il est
précisé dans la circulaire d'envoi du décret du 3 Juin
1949), les moyens à mettre en oeuvre pour leur réalisation et
l'intérêt qu'ils présentent pour le Territoire.
Dans des chapitres de synthèse, tels que ceux relatifs
à toutes les recherches entreprises au Territoire, aux moyens à
mettre en oeuvre pour la réalisation du Plan, à la
rentabilité globale des investissements à effectuer, on donnera
un aperçu des travaux et les résultats d'ensemble du plan
général de développement économique et social du
Cameroun.
Source : ANY, 2AC49 (1) Introduction. Plan
de modernisation. 1951.
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