VI-2-4 De la nécessité de l'audace
Se vouloir apolitique pour une radio de proximité qui
fait de l'actualité est quelque peu paradoxal. Paradoxal puisque par
vocation, la radio a comme matière première et produit fini
l'information. Et pour une radio de proximité l'information c'est
d'abord et avant tout «ce qui se passe» dans la localité, dans
le pays et qui est susceptible d'intéresser l'auditeur parce que
répercutant d'une façon ou d'une autre sur son vécu
quotidien.
Ce serait une erreur que d'attendre une prétendue
liberté d'expression véritable avant que de vouloir faire de
l'actualité de proximité. La pratique des métiers de la
communication est, à bien des égards, semblable au combat de
sisyphe au flan de sa montagne. Et cette liberté d'expression
véritable que l'on prétend attendre reste, même dans les
pays dits de droit une quête perpétuelle, le fruit d'une bataille
où toute victoire ouvre le champ à d'autres batailles.
Dès lors que Radio Delta Santé choisit de faire
de l'actualité, elle est tenue de le faire en tenant compte des attentes
de l'auditoire. Ce qui impose à la R.D.S, la mise à
l'écart des considérations politiques et la prise en compte du
fait que son statut de radio de proximité lui impose le traitement de
l'information locale et nationale quelle qu'elle soit. En cela réside
l'audace dont nous parlons : le courage
nécessaire de faire du journalisme ce qu'il est
réellement : « une parole que la société s'adresse
à elle-même ». Ainsi les journalistes de la R.D.S
rempliraient effectivement la mission qui est la leur : celle de «raconter
l'histoire au présent, convoquer ses acteurs et soumettre leurs actes et
oeuvres, qu'ils soient dérisoires ou grandioses, au jugement du plus
grand nombre ». C'est une question d'audace dans le contexte
socio-politique actuel nous en sommes conscients. Mais qu'on ne leurre pas il
en sera de même demain.
Une alternative serait pour la R.D.S d'innover en
matière d'actualité. A ce sujet il serait bien possible de
proposer aux auditeurs un type nouveau de journal : le journal de la
santé. Radio Delta Santé aura mieux marqué sa
particularité. Cependant l'inconvénient serait que la seule
source fiable d'information serait le site Internet de l'Organisation Mondiale
de la Santé. Or, ce type de journal ne saurait se priver de « page
nationale ». C'est là que Radio Delta Santé se trouvera
à nouveau confrontée aux difficultés qu'elle entend
éviter en censurant les informations d'ordre politique national, qui
pourtant intéressent, plus que tout, l'auditeur. C'est encore une
question d'audace.
Bref ce serait un plus, pour la R.D.S de faire comme nombre de
radios de la place de l'information de proximité tout en initiant un
journal de la santé nationale et internationale. Or l'un autant que
l'autre expose à des risques. Le fait est irréfutable, Radio
Delta Santé, devra si elle tient à se positionner dans le paysage
radiophonique de demain, avoir de l'audace.
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n définitive, les mutations socio-politiques
inhérentes à la marche vers l'état de droit au Togo, ont
été accompagnées de ce qu'il est convenu d'appeler
«le pluralisme médiatique ». Radio Delta Santé qui
participe de ce pluralisme
a, sans conteste, contribué à une certaine
revalorisation du patrimoine culturel national en tentant de réhabiliter
une littérature en perte de vitesse : la littérature orale.
A cette première contribution, il faudra ajouter une
seconde qui consiste, pour la R.D.S., à participer à
l'émergence d'une littérature hybride. Une littérature qui
mêle l'écriture (phase préparatoire du speakage) le son, la
musique et la parole. Une littérature faite de digression, où
« le récit principal s'interrompt pour ouvrir une parenthèse
sur un récit annexe ».Une littérature où tout signe
sonore pour peu qu'il soit porteur de message a sa place. Enfin une
littérature qui s'inspire du vécu quotidien des contemporains
pour raconter et non pas écrire le « roman de l'immédiat
», une littérature que nous osons appeler `' littérature
sonore `'.
En outre la R.D.S. stimule un regain d'intérêt
pour la médecine traditionnelle. Ce faisant, elle stimule la recherche
dans ce domaine. Peut-être est-ce là son seul mérite
véritable, quand bien même l'exécution de ce programme
santé, pose, en son état actuel, un problème de
crédibilité?
S'il est un domaine dans lequel la R.D.S. a
échoué, c'est bien celui de l'information. Elle n'est pas
parvenue à créer un espace publique où les actes des
élus sont portés à la connaissance des électeurs.
Ainsi a-t-elle par ricochet échoué dans la formation d'une
opinion publique véritable.
Aujourd'hui, R.D.S. se trouve à la croisée des
chemins. Elle devra soit se maintenir dans sa politique actuelle de
communication, soit se spécialiser vraiment.
Dans le premier cas, si la R.D.S. tient à survivre aux
prochaines mutations dans le paysage médiatique togolais, elle devra
d'abord tracer le profil de ses auditeurs : qui sont-ils ? Pourquoi
écoutent-ils la R.D.S. ? Comment parfaire ce qu'ils aiment
déjà dans la grille des programmes ? Comment améliorer ce
qu'ils n'apprécient guère dans cette grille ?
Ensuite, améliorer son service de l'information de sorte
à servir à l'éducation politique et sanitaire de ses
auditeurs.
Libre à elle d'opérer ses choix. Soit, elle se fera
impartiale plutôt que faire de s'enfermer dans un mutisme coupable dans
le contexte actuel. Ce qui suppose
qu'elle fasse la promotion d'une approche des problèmes
sociaux et politiques « plus large que celle des groupes de pression
à vision unique ». Ce serait bien évidemment apporter aux
auditeurs l'information la plus complète et par conséquent la
meilleure. Soit elle sert de caisse de résonance à des groupes
d'intérêts.
Cependant, ne pas opérer de choix, si la R.D.S.
maintient sa politique de communication actuelle serait, pour elle, signer un
arrêt de mort. Car dixit Michaël SCHUDSON « se tenir à
l'écart » de la scène politique comme prétend le
faire la R.D.S. aujourd'hui, est « tout simplement impossible ».
Dans le second cas, elle serait tenue d'opérer une
sélection beaucoup plus rigoureuse des acteurs de son programme
santé. De plus, R.D.S devra jeter les bases d'une collaboration franche
et sincère avec les acteurs des domaines de la santé et de
l'environnement, apporter à ses auditeurs une information
complète en matière de santé et de protection de
l'environnement.
Dans tous les cas, R.D.S devra se faire violence en
commençant d'abord par instaurer une organisation interne solide et
créer un climat de concertation dans ce travail de communication qui
reste avant tout un travail d'équipe.
Reste qu'il appartient à la R.D.S, si elle veut
s'assurer une aura dans le paysage médiatique de demain, de s'investir
davantage dans l'évaluation positive ou négative de cette
société en pleine mutation. Car, disait Paul de MAESENEER
«la radio ne peut servir la société que dans la
mesure où, elle conserve la confiance de ses auditeurs, sa
crédibilité en tant que vecteur d'information et son pouvoir de
persuasion en qualité d'agent du changement et du développement
de la société(...) de façon à être un forum
d'intérêt public».
Cela suppose, pour la R.D.S, la nécessité de
transcender la communication unidirectionnelle qu'elle pratique pour instaurer
une communication bidirectionnelle sinon multidirectionnelle afin de prendre en
compte les aspirations des auditeurs et répondre à leurs
attentes.
Il appartient enfin à la R.D.S de se tracer une voie
qui soit la sienne. Ainsi, elle se sera donnée les moyens de conserver
cette parole, qu'elle a prise à la faveur de la « révolution
démocratique », aussi longtemps qu'elle le voudra, mais surtout,
elle aura le privilège d'être écoutée dans un
contexte où tout le monde aura droit à la parole. Un contexte
où tout le monde aura droit à la parole, certes, mais où
tout le monde ne sera pas écouté pour le seul fait d'avoir eu
droit à la parole. Car dans le paysage médiatique de demain, le
gladiateur sera la figure emblématique du modèle
de média dominant. Les plus forts, c'est- à -dire
les médias qui connaîtront les attentes de leurs auditeurs et y
répondront le mieux seront les mieux écoutés.
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i. o2i~,g#s g#3E?frUx
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20- Abdourahmane GNON- KONDE Géographie 3e,
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Ayité ADAMA
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