Introduction
I - Historique de la radio au Togo
I - 1 - La radio - mère et les attentes
des populations
I - 2 - Radio - Lomé et l'espace
public
I - 3 - La radio privée, un instrument de
lutte politique
I - 4 - Le paysage radiophonique actuel
II - Le cas Delta Santé
II - 1 - Genèse et évolution
II - 2 - Situation actuelle
II - 3 - Organisation interne
III - Delta santé vers une littérature
radiophonique
III - 1 - Les stéréotypes
III - 2 - Quelques indices de recherche
littéraire
IV - Delta Santé, la communication et la
communication de masse
IV - 1 - Principes généraux
IV - 2 - Les applications
IV - 3 - Communication ou communication de masse
?
IV - 4 - Les meneurs de la communication
V - Les impacts de la R.D.S. sur les populations
V - 1 - Les objectifs de la R.D.S.
V - 2 - Les moyens
V - 3 - Les impacts de la R.D.S
VI - Radio Delta Santé et demain
VI - 1 - Quel sera le visage de la R.D.S.
VI - 2 - Comment améliorer les
prestations de la R.D.S.
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
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L
a dernière décennie du vingtième
siècle a été marquée au Togo, comme dans de
nombreux pays francophones, par ce qu'on a appelé à raison ou
à tort «la révolution démocratique ». Le
régime en place depuis plusieurs décennies a
cédé le pas à une libéralisation
du système politique, on a, alors, assisté à
l'élargissement des espaces de liberté. Dès lors,
l'exercice des libertés individuelles et collectives a favorisé
la libéralisation de la presse écrite et audiovisuelle. Il en a
résulté un foisonnement de journaux privés puis de radios
de proximité. Aujourd'hui, le Togo compte plus de soixante radios
communautaires, associatives, et commerciales.
La radio d'Etat n'ayant su assumer son rôle social, qui
était de rendre compte de la gestion que les autorités faisaient
des affaires publiques, cette prolifération des radios privées a
été applaudie.
Disséminées un peu partout sur le territoire
national, ces radios de proximité influencent quelque peu la vie de ceux
de nos compatriotes qui les écoutent.
Aussi croyons-nous opportun, plus d'une décennie
après cette libéralisation de la presse, de nous interroger sur
les influences qu'elles exercent sur la vie des auditeurs.
Toutefois notre réflexion sera axée sur la Radio
Delta Santé (R.D.S) : Comment a-t-elle pu se positionner dans le paysage
médiatique actuel ? Quel usage fait-elle de la langue ? Quelle
communication instaure-t-elle avec ses auditeurs et pour en attendre quels
résultats ? Les résultats obtenus sont-ils en adéquation
avec ceux escomptés ? Si non comment orienter la communication pour
aboutir à des résultats meilleurs ?
Telle est la teneur des questions auxquelles nous apporterons
tout au long de nos analyses et réflexions des éléments de
réponse.
Pour y parvenir, nous procéderons d'abord à
l'élucidation du contexte dans lequel les Togolais ont fait leur
première expérience de la radio de proximité. Ensuite nous
poserons `' notre regard » sur la Radio Delta Santé, son approche
du texte radiophonique et de la communication. Enfin, nous esquisserons des
approches de solutions au regard desquelles Radio Delta Santé pourrait
se maintenir dans le paysage médiatique de demain.
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pparue en Afrique noire en 1924 avec l'usage des
émetteurs dans l'union sud africaine et en 1939 à Dakar au
Sénégal, ce n'est qu'en 1953 que les Togolais font pour la
première fois l'expérience de la radiodiffusion avec Radio
Lomé.
I - 1 La radio-mere et fes attentes des popufations
1-1-1 Radio Lomé, un instrument de
l'administration
A sa création en août 1953, Radio Lomé,
comme bien des radios en Afrique sous domination coloniale, a contribué
à l'émancipation progressive d'une élite politique
togolaise. L'essentiel des programmes étant diffusé dans la
langue du colonisateur, les premiers contacts avec la radio furent
établis par nos compatriotes fréquentant les écoles et
ceux ayant été en Europe en tant qu'étudiants ou
militaires.
Radio Lomé a servi d'outil au colonisateur, pour amener
les compatriotes d'alors à une ébauche de prise de conscience
politique. Témoins : le regain d'intérêt pour le fait
politique et les manifestations d'avant l'autonomie. Ce qui justement entrait
dans l'optique du colonisateur qui entendait en application de la loi cadre de
1956, mettre en place des équipes dirigeantes africaines dans les
colonies. Le journaliste burkinabé Jean-Pierre ILBOUDO
dira : « Dès 1959, la plupart des radios nationales sont mises en
place. Elles émettent essentiellement dans la langue de l'ancien
colonisateur, et parfois en une ou deux langues nationales pour affirmer le
rôle du nouvel état indépendant. La radio devient ainsi un
attribut de l'indépendance de ces pays ».
Parallèlement à la préparation de
l'élite politique du pays, Radio Lomé s'est lancée dans la
bataille du développement.
1-1-2 Radio Lomé, un instrument de
développement
La Radio d'Etat a servi aussi d'outil de soutien à la
politique de développement à la veille et surtout au lendemain
des indépendances. Il s'est agi de faire de la radio un instrument
d'éducation. Ainsi, Radio Lomé diffusait des émissions
destinées à donner des conseils d'hygiène, de
santé, et de pratiques
agricoles. Le souvenir des radio-clubs reste encore vivace
dans les mémoires : Le souvenir des années soixante-dix (1970)
où la radio d'Etat diffusait à l'intention des masses paysannes
des microprogrammes, dans le souci d'améliorer la production agricole.
La radio était alors utilisée comme une » radio
école».
Bref, Radio Lomé cernait et répondait aux
attentes des populations en faisant d'elle-même un instrument
d'éducation, mais surtout un instrument de l'administration. C'est le
second usage qu'on fit de la radio qui, a un certain moment, posera
problème.
1- 2 ~~~io Lor~ et l~espace pu6lic
Il est vrai que des années après sa
création, Radio Lomé a répondu dans la mesure du possible
aux attentes des populations. Cependant, il n'est pas moins vrai qu'au fil du
temps, elle donna naissance en ces populations à l'envie
d'écouter un autre `' son de cloche `'.
1-2-1 Radio Lomé, une alliée du pouvoir
?
Aux lendemains des indépendances, Radio Lomé a
failli à sa mission d'outil de formation d'une opinion publique
véritable. « La radio (...) était un service public
étroitement contrôlé par l'Etat, le plus souvent par le
biais du ministère de l'information (...) Les journalistes
radiophoniques étaient des fonctionnaires de l'Etat et
dépendaient souvent du parti unique »1. Pire encore, les
journalistes devinrent les «haut- parleurs» du gouvernement,
pervertissant ainsi la notion d'information qui s'identifie alors à la
propagande.
Les partis politiques une fois interdits en 1969, Radio
Lomé se transforma en un instrument de propagande politicienne où
des thèmes idéologiques sont associés à des
pulsions nationalistes.
En cela, Radio Lomé fit usage de certaines techniques
dont nous empruntons la terminologie à Jean-Marie DOMENACH, auteur de
La propagande politique (1959).
1-2-2 La regle de la simplification
Radio Lomé, dans sa propagande, s'appuyait sur la
règle d'or de l'art : »la règle de la simplification».
Radio Lomé concentrait sur la personne du chef de l'état les
aspirations de l'auditoire et donc du peuple. Ainsi, lors des manifestations,
le chef de l'état devenait tour à tour «le libérateur
national », «le premier marin », «le premier agriculteur
», ...selon que la manifestation soit en rapport avec sa prise de
pouvoir, la marine nationale ou, l'agriculture... bref, les
idées abstraites étaient personnalisées en un
représentant : le chef de l'Etat.
1-2-3 La règle de l'unanimité et de
contagion
Radio Lomé a aussi tiré profit de la propension
naturelle au conformisme des auditeurs. En plus des larges diffusions et
rediffusions des manifestations de soutien en faveur du pouvoir, Radio
Lomé a crée et entretenu pendant plusieurs années
l'illusion d'une unanimité autour du régime en place. Rappelons
au passage le top horaire :
«n'gavÕ o Ðukplola
Eyadema, Mawu do fiokuku nawo
N'gavÕ o dukplola
Eyadema ÐukÕa le megbe nawo
Yin'ko »2.
Que nous traduirons en ces termes :
« N'aies crainte président Eyadema, Dieu t'a
intronisé,
N'aies crainte président Eyadema, Le peuple te
soutient.
Avance ! »
L'auditeur, à l'écoute de la radio, est
convaincu contre son gré que l'opinion exprimée au travers de ce
message est commune à tous. Et même s'il est persuadé de la
véracité de sa propre opinion contraire à celle
exprimée, à force d'écouter ce top horaire, il
réagit selon ce que Gustave LEBON appelle la «contagion psychique
». Il commence d'abord à douter de sa propre opinion et finit
quelques fois par la (son opinion) croire erronée. Ainsi il s'approprie
le texte du top horaire qui modèle désormais son opinion en la
calquant sur celle à laquelle il s'opposait.
1 Journaux et radio en Afrique aux
19e et 20e siècles, Andréjean
TUDESQ, Serges NEDELEC, GRET, 1998, P.124
2 Ce texte n'est qu'une transcription approximative du
message éwé chanté.
1-2-4 La règle de la défiguration ou du
grossissement
Radio Lomé a enfin, avec ou contre son gré,
longtemps manipulé l'information pour n'en retenir que celle qui
était favorable à l'idéologie du pouvoir. Cette technique
de filtrage a permis d'entourer le chef de l'état d'un mythe. Qu'il nous
soit permis d'évoquer quelques exemples :
- l'accident, du 24 janvier 1974 dont le chef de l'état
a été victime, présenté comme un attentat donna
l'occasion à la «radio-mère» de diffuser une interview
de feu le Général Améyi. Ce dernier y laisse entendre
qu'arrivé sur les lieux de la catastrophe et ayant demandé au
président s'il fallait le conduire à l'hôpital, le
président répondit :
« Non, je vais à pya ».
L'information telle que présentée à
l'antenne a contribué à créer autour de la personne du
chef de l'état un mythe : le mythe de l'invulnérabilité.
Une semaine plus tard, son retour à Lomé fut appelé «
retour triomphal ».Nous sommes le 02 février 1974.
-Plus récent mais tout aussi révélateur
fut le traitement des informations relatives aux manifestations du 05 octobre
1990. Une manifestation de protestation initiée par des
étudiants, qui entendaient empêcher le jugement de leurs camarades
pour distribution de tracts, est présentée comme un mouvement
mené par des «vandales et des drogués venus du Ghana voisin
».
Bref, l'information était tronquée avant
d'être servie à l'auditeur. A ces règles, il faudra ajouter
celles de `'l'orchestration» et de la `'transfusion» avant d'insister
sur le fait que l'usage de ces techniques faisait de Radio Lomé une
alliée du pouvoir. Pouvait-il en être autrement ?
Toujours est-il que le mouvement d'octobre 90 qui a ouvert la
voie à des mouvements de tout genre, a été suivi d'une
période où Radio Lomé n'a guère cessé les
actions de persuasion en faveur du pouvoir. Radio Lomé se gardant de
rendre fidèlement compte des opinions en vogue à l'époque
(identiques ou contraires à celle du pouvoir), «une radio, tenue
par des opposants, Radio Liberté parvint à émettre
quelques mois avant de disparaître »3.
3 Journaux et radio en Afrique aux
19e et 20e siècles, Andréjean
TUDESQ, Serges NEDELEC, GRET, 1998, P.151-153
1- 3 La radio privée, un instrument de futte
pofitique
C'est à la faveur de la plus longue grève
(novembre 92 à juillet 93) qu'aient connue les Togolais que ces derniers
firent leur première expérience de la radio de
proximité.
1-3-1 Radio Liberté
La première radio privée, Radio Liberté a
émis sans autorisation en novembre 1992. Née en période de
crise politique aiguë, Radio Liberté qui émettait en
modulation de fréquence sur la 105 mégahertz est apparue pour
soutenir «la grève générale
illimitée».
Elle exposait les points de vue de l'opposition togolaise sur
la situation du pays. Cette radio pirate s'efforçait dans la mesure du
possible de restructurer un tissu social qui portait les séquelles des
querelles politiques, ethniques et tribales, d'unir et d'impliquer les Togolais
dans son combat pour une société démocratique plus juste.
On se rappelle l'émission «Soldat mon frère», qui se
présentait comme une tribune où l'on « expliquait » aux
«corps habillés» le bien fondé du changement politique
et l'impertinence de cette réaction qui veut que le corps habillé
réprime systématiquement les manifestations de l'opposition.
On se rappelle aussi la diffusion des comptes-rendus de
réunions de l'opposition. Bref, en lançant en novembre 1992 Radio
Liberté, l'opposition voulait se doter d'un outil de communication qui
puisse rendre compte au peuple du combat qu'elle menait, un outil de
communication qui puisse servir de contrepoids à Radio Lomé.
Radio Liberté n'émit que quelques mois avant de
disparaître. Le terrain était alors déblayé mais il
a fallut attendre septembre 93 pour voir émettre Kanal Plus.
1- 4 Le paysage radiophonique actue(
L'installation des radios privées au Togo s'est faite
en deux phases dans la période allant de septembre 1993 à octobre
2002.
La première phase qui dure de septembre 93 à
février 98 est antérieure à la codification de la presse
audiovisuelle. Elle a été marquée par la mise en onde des
premières radios privées dont la toute première, `'Kanal
plus», émit en septembre 93. Cinq ans après, on pouvait
compter sept radios privées dont une seule à l'intérieur
du pays : Radio Tchaoudjo à Sokodé.
La seconde phase qui dure de février 98 à
octobre 2002, débute avec la codification de la presse audiovisuelle.
Cette seconde période est surtout marquée par l'adoption des lois
portant code de la presse et de la communication, la création de
l'Observatoire Togolais des Médias (O.T.M.), l'adoption d'un code de
déontologie, et surtout par l'installation de la grande majorité
des radios émettant actuellement au Togo.
La codification de la presse audiovisuelle, a donc
accéléré le processus d'installation des radios
privées sur l'étendue du territoire national. De sept dans la
première moitié de la période définie, le nombre de
radios privées est passé à soixante. Cependant, les
inégalités apparues dès la première phase
d'installation des radios de proximité se sont quelque peu
réduites sans pour autant disparaître.
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