L'impact du partenariat Chine-Afrique sur la réalisation des droits économiques et sociaux au Tchad( Télécharger le fichier original )par Aime MBAINDIGUIM GUEMDJE Université Catholique d'Afrique Centrale, institut catholique de Yaounde - Master 2 2008 |
B- Vers un nouveau pillage des ressources énergétiques (manne pétrolière) du Tchad ?L'Afrique se présente comme un eldorado pétrolier pour la Chine en raison du fait que l'or noir extrait du sous-sol africain est de bonne qualité, et par conséquent très prisé par le géant asiatique. Même si certains pays comme le Cameroun n'ont plus réellement de perspectives de croissance, la production de l'Afrique subsaharienne, notamment celle du Nigeria, de l'Angola, du Tchad77(*), etc. augmentera dans les prochaines années. L'intensification des relations de coopération entre la Chine et les pays pétroliers subsahariens, tel que le Tchad est la conséquence de cette forte demande en consommation des ressources énergétiques de la part de la Chine. S'agira-t-il d'un assaut des ressources énergétiques des pays pétroliers ou d'une course au pillage desdites ressources lorsqu'on sait que depuis 2005, la Chine est devenue le deuxième consommateur mondial de pétrole avec plus de 5 millions de barils/jour, derrière les Etats-Unis? Le Tchad en tant que pays producteur et exportateur du pétrole et partenaire de la Chine profitera-t-il de cette position stratégique, afin d'engranger des avantages pour la réalisation des droits économiques et sociaux ? La réponse à ces différentes interrogations suscitées par la grande offensive africaine de la Chine, notamment en matière des ressources énergétiques nous sera fournie par l'explication d'un de nos enquêtés, Ahmed SOUNGUI et la mise en garde de Pierre-Antoine BRAUD. La montée en puissance chinoise, parfois qualifiée de percée spectaculaire ou « déferlante chinoise » en Afrique, et on pourrait dire au Tchad, est perçue par l'un comme par l'autre qu'elle n'est pas le fruit du hasard. Elle correspond à une volonté politique claire de Pékin de prendre position sur le continent noir et, surtout, dans les pays producteurs de l'or noir. Pour Ahmed SOUNGUI donc, « l'arrivée de la Chine provoque un nouveau dynamisme économique dans les pays africains et particulièrement dans notre pays le Tchad, explique-t-il. Elle est une véritable opportunité pour nous de relancer le développement (économique et social) »78(*). Sur le court terme, poursuit-il, la présence chinoise est plutôt positive pour l'Afrique : hausse des prix des matières premières, investissements en plein essor, renforcement de la concurrence et diversification des partenaires commerciaux. La manne pétrolière remplit également les caisses de certains Etats africains (Nigeria, Angola, Soudan, Guinée Equatoriale, Tchad...). Cependant, sur le moyen et long terme, les choses sont moins évidentes. Selon la plupart de nos enquêtés dont quelques-uns ont vivement réclamé l'anonymat, en effet, la stratégie chinoise contribue peu à orienter les pays africains vers le décollage socio-économique durable79(*). Un risque de pillage des ressources énergétiques ainsi qu'un risque de retour à une économie de rente autour du pétrole existent. « Si les dirigeants africains, (notamment ceux du Tchad), met en garde Pierre-Antoine BRAUD, n'utilisent pas l'argent du pétrole pour diversifier leur économie, investir dans la santé ou l'éducation, dans 15 à 20 ans, le risque d'une crise de cette économie de rente est bien réel »80(*). Dès lors, on est en droit de s'interroger sur la politique publique de santé adoptée par le gouvernement tchadien contribue, à travers ce partenariat avec la Chine, à la réalisation du droit à la santé au Tchad. * 77 Si la production de l'or noir tchadien estimée à 200 000 barils par jour depuis 2003 reste encore faible comparée à celle du Nigeria (2 millions de barils/jour), l'exploitation prévue sur vingt cinq ans devrait fournir un peu plus de 2 milliards de barils au total, soit 80 millions de barils attendus dans les prochaines années. A cet effet, voir A.-C. POIRSON, « Une manne financière qui fait cruellement défaut. Où est passé l'argent du pétrole tchadien ? », op. cit. * 78 Ahmed SOUNGUI est l'Ambassadeur du Tchad en chine que nous avons eu l'opportunité de rencontrer lors de son passage éclair à Ndjamena et qui nous a entretenu longuement sur la coopération Chine-Tchad, ce jour 19.07.2007. * 79 Ce point de vue est partagé par bon nombre des Tchadiens que nous avons rencontrés aussi bien au Ministère des infrastructures du Tchad, au Ministère de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat (Projet d'Appui au Développement Local, PROADEL), qu'au Ministère du Plan et de la Coopération du Tchad, le 20.07.2007. * 80 P.-A. BRAUD, « La Chine en Afrique. Anatomie d'une nouvelle stratégie chinoise », in http://www.iss-eu.org/new/analysis/analy124.pdf (consulté le 26.03.2008). |
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