II. SITUATION DES INVESTISSEMENTS EN COTE D'IVOIRE
II.1. REVUE DE LITTERATURE SUR LES RELATIONS ENTRE
L'INVESTISSEMENT PUBLIC ET L'INVESTISSEMENT PRIVE
II.1.1. FONDEMENTS THEORIQUES
Quels sont les fondements théoriques de l'impact de
l'investissement public sur l'investissement privé ? Un niveau
élevé de capital public entraine-t il- ou évince-t-il
l'investissement privé ?
Des arguments théoriques prédisent que l'impact
du capital public sur le capital privé dépendra du degré
de complémentarité ou de substitualité entre les deux
composantes du capital (Earsterly, Rodriguez et Schmidt-Hebbel, 1989, 1994,
Aschauer et Lächler, 1998) et des récents arguments empiriques
très rares pour les pays en développement confirment cette
affirmation (Blejer et khan,1984 ; Khan et Reinhar, 1990 , Earsterly,
Rodrigùez et Schmidt-Hebbel, 1989, 1994, Aschauer et Lächler
1998).
Si l'origine de ce débat sur l'impact de
l'investissement public sur l'investissement privé est relativement
ancienne (Meade 1952 ; Arrow et Kurz, 1970 ; Nurkse, 1952, Hirschman, 1958
Rosentein-Rodan, 1964), des théories nouvelles de la croissance
endogène ont contribués à son renouveau. Barro (1990) a
attribué aux dépenses publiques productives, comme les
dépenses publiques en capital d'infrastructure, un rôle moteur
dans le processus de croissance économique à long terme. La
compétitivité entre le capital public et privé implique
que le premier ait un impact positif sur la rentabilité du capital du
second (Barro et Sala-Martin, 1995 ; Barhtelemy, Herrera et Sen, 1995).
Toutefois s'il existe peu de problèmes en
matière de formalisation théorique des liens entre l'accumulation
du capital dans les secteurs public et privé, il est souvent très
difficile d'entreprendre des vérifications empiriques (Aschauer, 1989a,
1989b Munnel, 1990, Gupta et Al., 2002).
II.1.2. TRAVAUX EMPIRIQUES
Sur le plan empirique, très peu d'études ont
été consacrées à l'impact de l'investissement
public sur l'investissement privé, notamment dans les pays en
développement (Mensouri 2000, 2001 et 2003)
Qu'en est-il des études empiriques consacrées
à l'impact de l'investissement public sur l'investissement privé
dans les pays développés?
Dans les pays développés, les résultats
empiriques divergent beaucoup sur cette question. Des modèles
s'inspirant du cadre conceptuel keynésien estiment que l'investissement
public a un effet d'entraînement sur l'investissement privé
(Dalagams, 1987 ; Eisner, 1983, 1986, 1989 Eisner et Pieper, 1987). D'autres
études empiriques révèlent que l'effet dépendrait
du degré de complémentarité ou de substituabilité
entre l'investissement public et l'investissement privé (Aschauer, 1989
; Bernheim, 1989, Barro, 1990 ; Dessus et Herrera, 1996 ; Gupta et Al.,
2002).
Qu'en est-il du cas particulier des pays en développement
?
Comme le montrent Greene et Villaunueva (1991), les pays en
développement ont connu un ralentissement prononcé de la
croissance économique. L'une des raisons fondamentales de cette
situation réside dans le déclin du taux d'investissement comme le
montre le fonds Monétaire International (FMI, 1989), la formation brute
de capital dans les pays en développement a chuté de 25,5 points
de pourcentage du PIB en 1981 à moins de 23, 5 points de pourcentage du
PIB en 1985-1988 en moyenne annuelle.
Puisque l'investissement public est considéré
comme une variable exogène (lié à la politique
économique), les économistes se sont plutôt
concentrés sur l'investissement privé directement lié
à la croissance (Khan et Reinhart, 1990).
Parmi les rares études empiriques concernant l'impact
de l'investissement public sur l'investissement privé dans les pays en
développement, on peut citer entre autres Blejer et khan (1984), Greene
et Willaunueva (1991) et Hechler (1993).
Blejer et Khan (1984) ont ainsi démontré que
l'investissement privé est positivement lié à la variation
du PIB réel anticipé dans 24 pays en développement.
L'étude montre également que l'investissement privé est
positivement influencé par le trend du niveau de l'investissement public
représentant chez les deux auteurs l'investissement public en
infrastructure.
En revanche la déviation de l'investissement public
autour de sa tendance affecte négativement l'investissement
privé. Comme l'interprètent Greene et Willaunueva (1991) ces
résultats suggèrent qu'il existe une
complémentarité à long terme et une substituabilité
à court terme entre l'investissement public et l'investissement
privé en ce sens qu'une augmentation à court terme de
l'investissement public semble évincer l'investissement
privé.
A ce propos, Hechler (1993 : 16) estime que le résultat
empirique de Blejer et Khan (1984) montre que c'est le capital long
à mettre en place, donc trop coûteux en terme d'installation qui
agit positivement sur l'investissement privé.
Les travaux de Greene et Willaunueva (1991) ont
démontré que l'investissement public affecte positivent
l'investissement privé quelque soit la période dans 23 pays en
développement sur un échantillon total de 24.
Concernant l'Afrique subsaharienne, à la suite des
travaux d'Aschauer, des études empiriques ont tenté d'examiner
plus explicitement la relation entre l'investissement privé et
l'investissement public. Estimant une équation simple d'investissement
sur un panel de 15 pays africains au sud du Sahara, Faini (1994) trouve que
l'investissement public est complémentaire de l'investissement
privé plutôt qu'il ne lui est substituable. L'effet
d'entraînement est également montré par Ariyo et Raheem
(1991) pour le Nigeria, par Martin et Wasow (1992) pour le Kenya et par Asante
(2000) pour le Ghana.
Récemment, Ashipala et Haimbodi (2003) ont
établi sur la base de tests de causalité une
complémentarité entre investissement public et investissement
privé pour la Namibie, l'Afrique du sud et le Botswana. Ouattara (2004)
trouve une relation positive entre l'investissement public et l'investissement
privé pour le Sénégal.
L'étude de Faini (1994) utilise cependant le taux
d'investissement total comme variable dépendante et non le taux
d'investissement privé.
Un effet d'éviction a été mis en
évidence par Kamgnia et Touma (2002) pour le Burkina Faso et le
Cameroun.
Pour la Côte d'Ivoire, la même
étude de Faini (1994) démontre que contrairement au Burkina Faso
et au Cameroun, il existe un effet d'entraînement entre l'investissement
public et privé en Côte d'Ivoire.
Les résultats les travaux de Keho (2005) ne fournissent
aucune indication sur un possible effet d'éviction.
Au contraire, les résultats font apparaître un
coefficient positif et significatif de l'investissement public dans
l'équation d'investissement privé. Un tel résultat indique
qu'il existe bien une relation de complémentarité entre
l'accumulation du capital public et l'investissement privé en
capital.
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